ALIOS, 10 ANS La clé des champs urbains en Gironde / n°53 ... - Spirit
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30<br />
En garde <strong>Spirit</strong> #53<br />
Chroniques<br />
INDIE ROCK FRENCHy BUT CHIC<br />
The Fiery Furnaces<br />
I’m going away<br />
(Thril Jockey/PIAS)<br />
sur le papier, tout paraît si simple : une<br />
fille, un garçon, une guitare, un piano.<br />
Or, depuis Gallowsbird’s Bark, Eleanor<br />
et Matthew Friedberger s’ingéni<strong>en</strong>t à<br />
dévoyer le prévisible. Ce dont on ne<br />
saurait trop les remercier. sixième<br />
album studio, I’m going away dégage une<br />
incomparable fraîcheur tant dans son<br />
dépouillem<strong>en</strong>t orchestral que dans la<br />
savante complexité de ses mélodies tout<br />
<strong>en</strong> ruptures. Une espèce de cond<strong>en</strong>sé du<br />
style, certes, mais offrant paradoxalem<strong>en</strong>t<br />
de nouvelles perspectives. À tel point<br />
que l’on se demande qui est capable de<br />
trousser un morceau aussi efficace que<br />
le titre éponyme ? Il flotte un indéniable<br />
parfum 70 sur l’<strong>en</strong>semble, mais du<br />
g<strong>en</strong>re The Carp<strong>en</strong>ters (modèle musical<br />
avoué du duo frère-sœur ?) produit par<br />
Don Vliet. Comme un raccourci du<br />
principe pop, « perverti » non par le refus<br />
de l’évid<strong>en</strong>ce, mais bi<strong>en</strong> nourri d’un<br />
ambitieux besoin d’élargir sans cesse le<br />
cadre. Inutile par ailleurs de s’échiner <strong>en</strong><br />
vain, le tube de l’année se trouve sur cet<br />
album exceptionnel. Il s’appelle Lost at<br />
sea. Un chef-d’œuvre.<br />
[Marc Bertin]<br />
OUTER LIMITS<br />
Shannon Wright<br />
Honeybee Girls<br />
(Vicious Circle/Discograph)<br />
Valeur sûre mais trop confid<strong>en</strong>tielle de la<br />
scène indie pop, l’anci<strong>en</strong>ne Crowsdell n’a,<br />
apparemm<strong>en</strong>t, plus grand-chose à prouver<br />
aux yeux de son public - largem<strong>en</strong>t élargi<br />
à la suite de sa lumineuse collaboration<br />
avec Yann Tiers<strong>en</strong> sur Let in the Light <strong>en</strong><br />
2007. Or, le propre <strong>des</strong> artistes de choix<br />
est bi<strong>en</strong> de savoir se dépasser sur leur<br />
pré carré et surpr<strong>en</strong>dre sans cesse leur<br />
audi<strong>en</strong>ce. À cette <strong>en</strong>seigne, Honeybee<br />
Girls restera indéniablem<strong>en</strong>t un sommet<br />
dans la carrière de shannon Wright. En<br />
trio avec Andy Baker et Brant Rackley,<br />
la floridi<strong>en</strong>ne se r<strong>en</strong>ouvelle de belle<br />
manière, apprivoisant à la perfection ses<br />
élans électriques (Trumpets on New Year’s<br />
Eve est un modèle du g<strong>en</strong>re) et son savoirfaire<br />
folk (Black Rain). Autre preuve de<br />
cette félicité (re)trouvée, le soin apporté<br />
à la production sur une base pourtant<br />
très classique. Ouvrant de nouvelles<br />
perspectives avec Father, exercice data<br />
pop digne de <strong>La</strong>li Puna, Wright <strong>en</strong>tame<br />
sûrem<strong>en</strong>t un cycle plein de promesses.<br />
En un mot comme <strong>en</strong> c<strong>en</strong>t, vivem<strong>en</strong>t<br />
la suite.<br />
[Louis Pujol]<br />
Silvain Vanot<br />
Bethesda<br />
(Mégaphone/Coopérative Music)<br />
En hébreu, Bethesda signifie « la maison de<br />
la grâce ». Et s’il est un musici<strong>en</strong> français<br />
plein de grâce, c’est bi<strong>en</strong> silvain Vanot. Or,<br />
l’humeur de l’époque étant plutôt <strong>en</strong>cline<br />
au mignon qu’au gracieux, l’infortuné est<br />
loin d’être prophète <strong>en</strong> son pays. Au-delà<br />
de cette insultante incompréh<strong>en</strong>sion,<br />
l’homme s’est fait une raison - dans son<br />
relatif sil<strong>en</strong>ce discographique (Il fait<br />
soleil est sorti <strong>en</strong> 2002 !)-, collaborant<br />
pour le cinéma ou la ravissante Mareva<br />
Galanter. Aussi, ce retour inespéré sur<br />
un nouveau label a de quoi mettre du<br />
baume au cœur. Enregistrée au Pays de<br />
Galles, avec une poignée de luxueux<br />
sidem<strong>en</strong> (John Greaves, BJ Cole, Iain<br />
Templeton), cette collection réussit le<br />
tour de force d’être d’aujourd’hui et<br />
profondém<strong>en</strong>t intemporelle, se glissant<br />
harmonieusem<strong>en</strong>t autour de motifs folk<br />
(Les Cloches de l’amour), country (Ô mon<br />
tour), jazz (Un Pied derrière) et électrique.<br />
Audacieux comme jamais, le Normand<br />
ose même une subtile adaptation<br />
de Nature Boy. Vanot <strong>en</strong> crooner<br />
(Bois flottant) ? <strong>La</strong> plus belle nouvelle<br />
de la r<strong>en</strong>trée<br />
[Marc Bertin]<br />
CLASSIQUE<br />
hugo Reyne<br />
Johann Sebasti<strong>en</strong> Bach :<br />
Sonates pour flûte<br />
(Mirare)<br />
On n’a pas oublié à Bordeaux Hugo<br />
Reyne, qui fut quelques années durant<br />
une <strong>des</strong> personnalités marquantes du<br />
Conservatoire ; mais l’inlassable industrie<br />
de <strong>La</strong> simphonie du Marais, l’<strong>en</strong>semble<br />
qu’il a fondé <strong>en</strong> 1987, désormais abrité<br />
au Logis de la Chabotterie <strong>en</strong> V<strong>en</strong>dée, a<br />
fini par pr<strong>en</strong>dre le pas sur ses activités<br />
pédagogiques. Les amoureux du Grand<br />
siècle français ne peuv<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>t<br />
que s’<strong>en</strong> réjouir. Après toute une série<br />
de parutions orchestrales consacrées<br />
notamm<strong>en</strong>t à Lully et une nouvelle<br />
collection vouée à Rameau, on est heureux<br />
de le voir repr<strong>en</strong>dre sa flûte le temps d’un<br />
subtil panorama consacré à Bach. <strong>La</strong><br />
compagnie n’est pas <strong>des</strong> moindres : Pierre<br />
Hantaï au clavecin, Emmanuelle Guigues<br />
à la viole de gambe. On imagine quelles<br />
qualités d’intellig<strong>en</strong>ce et de musicalité<br />
sont ici à l’œuvre, sans parler d’une<br />
délectable complicité : un <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t<br />
parfaitem<strong>en</strong>t lumineux et chaleureux<br />
à la fois.<br />
[Louis P. Berthelot]<br />
FRENCHy BUT CHIC<br />
Kim<br />
Mary Lee Doo<br />
(Vicious Circle/Discograph)<br />
Qu’importe la latitude, Kim ne dort<br />
jamais, <strong>en</strong>registrant <strong>des</strong> kilomètres de<br />
musique comme d’autres compt<strong>en</strong>t les<br />
fleurs sur les murs. Un an après Don Lee<br />
Doo, place donc au deuxième volet de<br />
la trilogie, Mary Lee Doo. surpr<strong>en</strong>ant<br />
disque que l’on pourrait presque taxer<br />
d’opportuniste tant il participe au<br />
vaste courant de réhabilitation du son<br />
début 80 ; inépuisable malle aux trésors<br />
de la génération 84/86. Cep<strong>en</strong>dant,<br />
cet éternel fan de Robert smith est<br />
familier de la chose. Qui plus est, né<br />
<strong>en</strong> 1977, son <strong>en</strong>fance a été bercée par le<br />
rock synthétique. Aussi, avec une belle<br />
assurance et une incroyable maturité,<br />
le voici livrant son meilleur album à ce<br />
jour. Ni plus, ni moins. Brassant discopop<br />
(My Family), electro funk façon<br />
Prince (Never come back 2 U), new<br />
wave à la New Order. Insol<strong>en</strong>t dans son<br />
appar<strong>en</strong>te facilité mélodique (Sol<strong>en</strong>n),<br />
on ose à peine songer au résultat si ces<br />
tubes <strong>en</strong> or massif avai<strong>en</strong>t été produits<br />
par Thomas Bangalter ou mixés par Tom<br />
Moulton. Justin Timberlake et Kanye<br />
West ont-ils son numéro de portable ?<br />
[Florida <strong>La</strong>france]<br />
INDIE ROCK<br />
Castanets<br />
Texas Rose, The Thaw & The Beasts<br />
(Asthmatic Kitty Records/Differ-Ant)<br />
Ça comm<strong>en</strong>ce comme du Dylan. Raymond<br />
Raposa murmurant pour lui-même on ne<br />
sait trop quoi, avec <strong>en</strong> fond un bel exemple<br />
de country languide, à la limite de la<br />
lassitude. Évidemm<strong>en</strong>t, c’est un leurre.<br />
De belle facture. Raposa serait plutôt<br />
adepte du palimpseste que de la vulgaire<br />
copie. En outre, son monde intérieur est<br />
bi<strong>en</strong> trop riche pour s’épanouir sur un<br />
seul territoire, qu’il soit géographique ou<br />
musical. Cinquième livraison depuis 2004,<br />
pour le compte de l’écurie Asthmatic Kitty,<br />
Texas Rose, The Thaw, and The Beasts revêt<br />
l’allure vaporeuse d’un rêve éveillé. Un<br />
voyage somnambule dans lequel l’intimité<br />
le dispute aux grands espaces, balayant<br />
rock gothique et folk décharné, faussant<br />
route aux délicatesses pop pour mieux<br />
embrasser l’étrangeté expérim<strong>en</strong>tale.<br />
David Lynch, reclus dans une cabane à El<br />
Paso n’aurait pas fait mieux. On doute fort<br />
de l’accueil d’un tel monstre à Nashville,<br />
mais cela a-t-il <strong>en</strong>core la moindre<br />
importance ? Que les Castanets tutoi<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>core ainsi leur désir épique, la poussière<br />
sur leurs bottes est <strong>en</strong> or.<br />
[Marc Bertin]<br />
Cd<br />
OUTER LIMITS<br />
Le Loup<br />
Family<br />
(Talitres/Differ-Ant)<br />
Deux ans après The Throne of The Third<br />
Heav<strong>en</strong> of The Nations’ Mill<strong>en</strong>ium G<strong>en</strong>eral<br />
Assembly (quel titre !), Le Loup ressort<br />
du bois, plus affûté que jamais. Forts<br />
de tournées d’ampleur, sam simkoff et<br />
ses musici<strong>en</strong>s ont, semble-t-il, gagné <strong>en</strong><br />
cohésion. Impression confirmée par leurs<br />
réc<strong>en</strong>tes déclarations : « Être confrontés à<br />
un public permet de démultiplier notre<br />
énergie, c’est cette énergie, ce plaisir que<br />
nous avons eu à jouer <strong>en</strong>semble, que nous<br />
avons voulu retransmettre sur ce nouvel<br />
album. » Et le bi<strong>en</strong> nommé Family de<br />
s’imposer sereinem<strong>en</strong>t parmi les plus<br />
belles livraisons nord-américaines de<br />
l’année, aux côtés de Grizzly Bear et The<br />
Akron Family. Réinv<strong>en</strong>tant une espèce<br />
de primitivisme <strong>en</strong> pleine suprématie<br />
digitale, le groupe, à l’instar de Angels of<br />
Light ou We Are Him, tisse <strong>des</strong> mélopées<br />
pour cérémonies chamaniques avec une<br />
foi digne d’un culte panthéiste. Quelque<br />
chose comme le meilleur de Constellation<br />
célébré sans ret<strong>en</strong>u au fond <strong>des</strong> bois.<br />
spirituel et harmonieux, luxuriant et<br />
rugueux, nocturne et solaire. Un très<br />
grand disque.<br />
[sol <strong>La</strong> Bonté]<br />
INDIE ROCK<br />
Why ?<br />
Eskimo Snow<br />
(Anticon/Tomlab/Differ-Ant)<br />
Le temps n’est pas si loin, quoique, où<br />
prononcer le mot « abstract hip hop »<br />
ouvrait les portes d’une modernité<br />
radicale, du g<strong>en</strong>re société secrète pour<br />
g<strong>en</strong>s de bon goût - tout du moins sûrs<br />
de leur bon goût. Autant dire que citer<br />
Anticon au détour de la conversation<br />
valait le plus grand respect possible. <strong>La</strong>s !<br />
Les mo<strong>des</strong> sont versatiles et 2009 n’est<br />
pas 1999… Yoni Wolf avait-il s<strong>en</strong>ti le<br />
v<strong>en</strong>t tourner avant tout le monde ? son<br />
humeur, <strong>en</strong> tout cas, n’est plus à trousser<br />
<strong>des</strong> disques avec Odd Nosdam. Alopecia<br />
annonçait la couleur : Why? ne ferait<br />
pas ad lib Elephant Eyelash. s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />
confirmé par Eskimo snow, recueil de<br />
dix « chansons » <strong>en</strong>registrées lors <strong>des</strong><br />
sessions d’Alopecia <strong>en</strong> 2007. Par quel<br />
mystère trouv<strong>en</strong>t-elles leur chemin cet<br />
automne, nul ne le sait ? En tout cas, le<br />
trio semble avoir mis à profit l’intervalle<br />
pour écouter <strong>en</strong> boucle The National, The<br />
Walkm<strong>en</strong> et consorts plutôt que Weezer<br />
ou Black Eyed Peas. <strong>La</strong> mue est achevée.<br />
Plus ri<strong>en</strong> ne sera comme avant. Dommage<br />
pour le rap et bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>u dans l’âge adulte.<br />
[Patrick Pulsinger]