Crumb Magazine 14
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En revenant en France, tu as choisi la Bretagne,<br />
pourquoi ?<br />
Ma mère est Bretonne, et on a une maison de famille<br />
dans le nord de la Bretagne, une vieille bâtisse toute<br />
déglinguée. J’y ai réuni beaucoup d’objets qui me<br />
tiennent à cœur mais qui n’ont de grande valeur<br />
pécuniaire. J’y ai construit un petit studio. C’est là où<br />
j’ai composé les titres de l’album. La solitude est<br />
jouissive, surtout lorsque l’on écrit des chansons,<br />
surtout en Bretagne, surtout en hiver (rires).<br />
Cet album, tu l’as écrit dans un été de colère, de<br />
haine, de frustration, car c’était tout juste après ton<br />
expulsion ?<br />
Un peu de tout ça. La musique m’a servie de thérapie.<br />
Evidemment j’en voulais au Liban, j’étais triste,<br />
rancunier, presque haineux. C’est un pays que j’ai<br />
aimé, où j’ai vécu des moments extrêmement forts. J’y<br />
ai connu la guerre, rencontré beaucoup de gens (il se<br />
racle la gorge et en riant me dit qu’il a la voix de<br />
Garou ce matin). Mais avec le projet Rover, j’ai appris<br />
à être heureux de musique, à défier mes sentiments, un<br />
peu comme quelqu’un qui coule au fond de l’eau et<br />
s’appuie sur le sol pour repartir plus haut. On dit bien<br />
« ce qui ne te tue pas te rends plus fort ». Je crois que<br />
c’est ça ! Il y a des adages que l’on entend depuis<br />
toujours et un jour tu te rends compte qu’il<br />
s’appliquant à ta vie. Enfin (avec un sourire<br />
malicieux), il y en a un que je n’ai jamais compris c’est<br />
« vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué », je ne<br />
sais pas trop comment il faut procéder (rires). En tout<br />
cas, voilà, Rover m’a sauvé la vie.<br />
Au Liban, tu formais un groupe avec ton frère, lui au<br />
chant, toi à la guitare. Quel regard porte- t-il<br />
aujourd’hui sur ton travail personnel ?<br />
Il est très fier et très content pour moi. Il y a une<br />
pudeur entre nous qui est évidente mais il y a un vrai<br />
respect mutuel, une concurrence que l’on a su garder<br />
saine.<br />
N’a-t-il pas un brin de jalousie pour ton succès ?<br />
Peut-être (rires). Mais la jalousie n’est pas forcément<br />
un vilain défaut. Cette jalousie-là, en tout cas, ne me<br />
fait pas peur.<br />
Tu as tout réalisé sur cet album. Tu voulais quelque<br />
chose d’authentique. C’est important pour toi<br />
l’authenticité ?<br />
Oui c’est crucial ! J’ai une sensibilité musicale aussi<br />
bien qu’artistique. Rover surplombe tout. J’avais<br />
besoin d’exprimer des émotions. Après, il est<br />
évidemment difficile de tout faire soi-même. Je n’étais<br />
pas dans un vrai studio, je n’avais pas d’ordinateur.<br />
Tout devait être bon dès la première prise. I faut que<br />
chaque prise soit magique, dans prétention. Et puis je<br />
suis un grand fan de McCartney et notamment de ces<br />
disques que j’écoutais quand j’étais petit et sur lesquels<br />
il avait tout enregistré tout seul. Ca s’inscrit sûrement<br />
dans cette lignée…<br />
Tu parlais de sensibilité artistique, on peut continuer<br />
la conversation sur la peinture ?<br />
Ahah. Je ne suis pas un historien de l’art mais la<br />
peinture me fascine. J’ai en fond d’écran « La Nuit<br />
Etoilée » de Van Gogh. Cette sensibilité-là, je la<br />
retrouve dans la musique classique que je consomme<br />
énormément. Il y a des dissonances qui me plaisent, de<br />
façon peut-être très naïve. Je n’ai jamais appris le<br />
solfège, je fais tout à l’oreille. La théorie m’a toujours<br />
emmerdé, je veux dire aussi bien dans les études que<br />
dans la vie. Pour apprécier une œuvre, on n’a pas<br />
besoin de connaître la technique à partir de laquelle<br />
elle a été faite, seulement de ressentir sa lumière et<br />
qu’elle transperce le cerveau. J’aime l’art à l’état<br />
d’instinct.<br />
Et cette sensibilité on l’a retrouve également dans<br />
l’amour, qui fait partie de tes thèmes de<br />
prédilection…<br />
Oui. L’amour est une de mes sources principales<br />
d’inspiration. J’aime les choses que l’on ne peut pas<br />
maîtriser. L’amour est un des rares domaines, avec<br />
l’art où les choses ne s’expliquent pas. Dans Aqulast,<br />
je parle « d’écrire ton nom sur mon cœur ». Il y a<br />
quelque chose d’extrêmement romantique là-dedans.<br />
On ne sait jamais quand les choses arrivent, quand<br />
elles disparaissent.<br />
Tu l’as trouvé l’amour toi ?<br />
(Il sourit) : Oui, je l’espère. On pense l’avoir trouvé à<br />
chaque fois mais les nuages finissent toujours par<br />
arriver.<br />
On te souhaite qu’ils ne reviennent pas. Qu’as-tu fait<br />
de plus fou dans ta vie par amour ?<br />
Ecrire Aqualast, qui m’est venu en une demi-heure !<br />
Ton groupe au Liban s’appelait The New<br />
Government. En période de guerre, c’est assez<br />
révélateur. Essaies-tu inconsciemment de faire passer<br />
des messages quand tu écris, composes, interprète… ?<br />
Surement. Il y a toujours quelque chose que l’on veut<br />
faire entendre. De ce nom de groupe que l’on avait<br />
choisi, dans un pays où il n’y avait plus de<br />
gouvernement émanait une provocation saine. Ce<br />
n’était pas non plus acte profondément politique. Dans<br />
Rover, cela se ressent moins à part peut-être sur le titre<br />
Silver, que j’ai écrit spécifiquement sur ça.<br />
Tu as également repris une chanson de Depeche<br />
Mode Enjoy The Silence…