Crumb Magazine 14

ancestrale de là-bas. C'est une tradition transmise
oralement, un véritable rite de passage, que chaque
femme apprend différemment. S'en dégage une
dimension très spirituelle. Elle m'a raconté des
histoires et le fantasme qu'il y a autour de cette danse,
ce qui m'a fasciné au point d'écrire cette chanson.
Les femmes qui travaillaient dans les champs de tabac
avaient des conditions de vie très difficiles, toute la
journée en plein soleil, quand elles ne se faisaient pas
taper dessus ou violer par leur patron. Mais une fois
par an, elles avaient le droit de danser, dans une sorte
de carnaval, ce qui constituait une véritable libération
pour elles. Lorsqu'elles dansaient ainsi, on les qualifiait
volontiers de folles, comme si elles avaient été piquées
par une araignée - taranta en italien, d'où la
Tarantelle. Les danses étaient justifiées pour faire
"sortir" le venin qu'elles avaient en elles, dans une
sorte de transe qui pouvait durer des heures, des nuits
entières jusqu'au petit jour, en rond. C'est cela dit une
danse très noble. C'est une belle image sur la création,
l'hystérie et les femmes. La chanson sera sur le
prochain album, qui ne s'appellera pas Taranta (rires)
Sur ton album, très construit, tu as pris ton temps,
pour créer des morceaux riches. Comment faire sur
scène pour recréer l'atmosphère de l'album et la
complexité des arrangements ?
On a essayé d'adapter les morceaux pour la scène, bien
sûr, car les morceaux sont très produits. J'ai une pédale
de loop, pour faire des boucles. L'année dernière je
faisais des concerts toute seule, j'ai appris à m'en servir
toute seule. Deux garçons m'accompagnent au chant,
c'est chouette les voix d'homme pour les choeurs. L'un
d'eux a même une voix extrêmement aigüe, qui lui
permet de chanter presque toutes les lignes que je
chante sur le disque. Olivier Margueri, des Syd
Matters, s'occupe de la session rythmique. Grace au
pads, il balance quelques séquences prises du disque,
pour donner un peu d'épaisseur. En étant peu sur scène
numériquement, difficile d'habiller les morceaux
autrement.
Quel est ton moment préféré pour écrire ?
La nuit. Je ne crois pas encore avoir de déclic ou
d'habitude. Mais la nuit, je peux me retrouver à bosser
sur des enregistrements ou des maquettes et être hyper
heureuse. J'enregistre beaucoup chez moi. Quand tu te
couches à 4h du mat avec ta nouvelle chanson dans la
tête, c'est super excitant. En ce qui concerne l'écriture,
je ne sais pas, en voyageant probablement.
La nuit, ça représente quoi pour toi ?
Je ne suis pas du tout fêtarde. Je sors peu, mais j'ai
souvent du mal à dormir, alors cela représente le
moment où je devrais me reposer et je ne le fais pas.
moment où je devrais me reposer et je ne le fais pas.
C'est le passage avant la folie. Je n'ai encore jamais
franchi la limite.
Tu n'écris donc jamais en rentrant, en ayant un peu
bu?
Non, j'écoute de la musique dans ces cas-là. J'ai déjà
enregistré en ayant un peu bu, cette ivresse-là est
agréable, mais si t'es complètement bourré, tu ne vas
pas réussir à écrire quoi que ce soit (rires). En général,
j'évite de boire quand je bosse seule, ça serait un peu
triste, non? Quand je bois, c'est que je suis avec des
gens, et que je n'ai donc pas envie de bosser. Parfois,
en tant que bonne geek des temps modernes, je vais me
retrouver sur Facebook, à écouter les morceaux que
certains amis musiciens postent, ou à cliquer sur une
vidéo de Nina Simone pour ensuite écouter tous les
liens associés. En étant un peu ivre, avec les images, tu
trouves presque que la musique est mieux que
d'ordinaire ! Dans la journée, je suis toujours un peu
speed, pas le temps de regarder quoi que ce soit.
J'ai un rapport bizarre avec les vidéos, internet, tu
cliques, tu likes, tu approuves sans vraiment regarder.
Mais tu ne prends pas le minutes nécessaires pour
regarder ce que tu viens de liker. Les gens font ça.
Internet est complètement chronophage, passer autant
d'heures devant un ordi, c'est un peu ridicule quand on
y pense. J'écoute de beaux vinyles quand je rentre,
parfois.
La tournée aux Etats-Unis, c'est pour quand ?
J'aimerais beaucoup y aller. Peut être à l'automne, qui
sait. J'y ai joué pas mal quand j'y habitais, dans un petit
bar super, en bas de chez moi, où j'ai dû faire quatre
concerts que je préparais vachement bien à chaque fois.
C'était un peu le bar où tous les artistes de la musique
indé de Brooklyn jouaient, c'était une très bonne
expérience. C'était le bar de deux frères français qui
s'étaient installés là-bas. Ils étaient les mecs connus du
quartier. J'espère beaucoup
Combien de temps pour entendre ton prochain
album? Autant de temps que pour le premier ?
Ah non, pas autant ! L'idée serait de le réaliser
différemment. Dans le procédé d'écriture, je peux
prendre mon temps, mais l'enregistrement, j'aimerais le
faire assez rapidement. Plutôt que de passer deux ans à
produire mon album, je préfèrerais arriver en studio
avec les chansons prêtes !
Interview : Bastien Internicola / Photographies :
Francois Berthier – www.francoisberthier.com
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