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2022-02

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Profff<br />

Cinéma<br />

Les passagers de la nuit<br />

Giedo Custers<br />

«Parfois, on met du temps à aimer un film, dit la troublante Talulah». Les passagers de la nuit, le<br />

nouveau film de Mikhaël Hers, plaira à tous ceux qui ont connu le Paris des années 80.<br />

Le synopsis<br />

L’histoire est située dans les<br />

Paris, années 80. Élisabeth<br />

années 1980-1990, les années<br />

vient d’être quittée par<br />

mitterrandiennes. L’ambiance de<br />

son mari et doit assurer<br />

le quotidien de ses deux<br />

cette époque a été parfaitement<br />

reconstituée. On vit deux élections<br />

adolescents, Matthias et<br />

présidentielles, celle de 1981 où<br />

Judith. Elle trouve un emploi<br />

comme standardiste associée<br />

à une émission de radio de<br />

nuit. D’abord au téléphone,<br />

puis dans le studio, elle fait<br />

la connaissance de Talulah,<br />

jeune fille désœuvrée qu’elle<br />

prend sous son aile. Talulah<br />

découvre la chaleur d’un foyer<br />

le socialiste François Mitterrand<br />

remporte la victoire face au<br />

président sortant, Valéry Giscard<br />

d’Estaing, et celle de 1988 où<br />

Mitterrand est réélu. Les affiches<br />

des candidats placardées dans<br />

la rue et les manifestations en<br />

témoignent. On entre dans un<br />

cinéma où l’on voit un fragment<br />

et Matthias la possibilité<br />

du film d’Éric Rohmer Les nuits<br />

d’un premier amour, tandis<br />

de la pleine lune (1984). La bande<br />

qu’Élisabeth invente son<br />

sonore, également, témoigne bien<br />

chemin, pour la première fois peut-être. Tous s’aiment, se<br />

débattent... leur vie recommencée?<br />

de l’époque avec, notamment, la célèbre chanson de Joe<br />

Dassin «Et si tu n’existais pas...».<br />

Paris, décor ou personnage?<br />

Le film se déroule dans 3 décors: l’intérieur d’un appartement<br />

parisien, un studio de radio et la ville de Paris, plus<br />

spécifiquement le quartier Beaugrenelle, dans l’ouest<br />

du XVe arrondissement (rive gauche). Beaugrenelle est<br />

le quartier parisien qui compte le plus d’immeubles de<br />

grandes hauteurs. L’appartement est situé dans un de ces<br />

immeubles. Et comme la célèbre Maison de la Radio, d’où<br />

Radio France assure l’émission «Les passagers de la nuit»,<br />

se trouve tout près de ce quartier, l’unité de lieu est bien<br />

assurée dans le film.<br />

Pour faire entrer la vie quotidienne dans le film, Mikhaël<br />

Hers se sert de nombreuses images d’archives –<br />

essentiellement des scènes anonymes – qui s’entremêlent<br />

aux images du film. Pour rester dans le style, certaines<br />

images du Paris quotidien sont filmées en 16mm, avec<br />

une vieille caméra Bolex. Dans le dossier de presse, Hers<br />

explique: «Quand on filme avec une Bolex, c’est fou comme<br />

on peut faire croire au passé dans l’arrière-plan, faire croire<br />

qu’une voiture d’aujourd’hui date des années 80. Parce que<br />

le grain déforme beaucoup, mais aussi parce que dans<br />

notre imaginaire, ce format d’images est associé à cette<br />

époque passée.»<br />

Tout au long du film, on voit comment Paris vit et évolue.<br />

La ville occupe une place importante et attire l’attention<br />

du spectateur. De plus en plus, on se rend compte qu’elle<br />

joue un rôle qui dépasse largement celui de simple décor,<br />

de toile de fond de l’action. L’interaction qui se développe<br />

progressivement entre les protagonistes et la ville apparait<br />

de plus en plus clairement. Et l’attention que le cinéaste<br />

accorde à la reconstitution de la ville et de la vie de ses<br />

habitants – sonorités de l’époque, l’architecture revêche<br />

des tours de Beaugrenelle et de la Maison de la Radio –<br />

fait que la ville et ses habitants font quasiment figure de<br />

personnages à part entière.<br />

Un film vraiment français<br />

Si on cherche un exemple pour illustrer les différences entre<br />

un film hollywoodien et un film français, Les passagers<br />

de la nuit est un candidat de premier ordre. Bien qu'il<br />

y ait beaucoup d'évènements dramatiques dans cette<br />

histoire – une séparation, le début d'une histoire d'amour,<br />

le passage d'enfant à l'âge adulte – à aucun moment ces<br />

bouleversements ne débouchent sur un grand conflit. Tout<br />

changement trouve sa solution, de façon naturelle. Les<br />

personnages s’aident, se regardent, s’aiment, assument<br />

leur part. Bien sûr, il y a conflit. Bien sûr, de temps en temps,<br />

on claque une porte. Mais l’ensemble reste serein. À aucun<br />

moment on n’oublie de se parler. La conversation est le<br />

mot magique pour faire face aux problèmes. Cela se voit<br />

déjà dans l’émission radio qui prête son titre au film, Les<br />

passagers de la nuit, où Vanda Dorval invite ses écouteurs<br />

à lui téléphoner pour parler de leur vécu. Cela se voit dans<br />

la rencontre entre Élisabeth et Talulah. Cela se voit dans<br />

les conversations entre<br />

Élisabeth et ses enfants,<br />

entre Mathias et Judith,<br />

entre Élisabeth et son père.<br />

Le cinéma français mis sur<br />

son 31.<br />

Trois portraits<br />

Essentiellement, le film nous<br />

brosse de beaux portraits. Il y a d’abord celui d’Élisabeth,<br />

une femme et mère, fragile et «lionne» à la fois, protégeant<br />

et accompagnant ceux qu’elle aime. Elle n’est pas<br />

représentée comme femme forte, mais plutôt comme un<br />

être en reconstruction, dont la séparation d’avec son mari la<br />

force à se réinventer.<br />

Puis, il y a le portrait de Mathias. Un ado un peu flottant, qui<br />

se sent déchiré entre son père qui vient de quitter la famille<br />

et sa mère qui cherche à lui donner toute la liberté qu’il peut<br />

assumer, tout en le protégeant le plus possible. Mathias est<br />

en plein éveil sensuel et amoureux. Il cherche une sortie à<br />

travers ses poèmes et en même temps, il veut sortir de ses<br />

feuilles de papier et vivre le réel.<br />

Le troisième portrait est celui de Talulah, une jeune femme<br />

toxicomane qui vit dans la rue. Elle a ses côtés forts et en<br />

même temps elle est très fragilisée par son histoire et la vie<br />

désœuvrée qu’elle mène. Au moment de sa rencontre avec<br />

Élisabeth, elle cherche à se libérer des paradis artificiels<br />

dans lesquels elle s’est perdue et cherche en même temps<br />

à justifier sa façon de vivre.<br />

Charlotte Gainsbourg<br />

Le rôle d’Élisabeth est incarné par Charlotte Gainsbourg.<br />

Les critiques sont unanimes. Voici quelques exemples:<br />

«Mikhaël Hers offre à Charlotte Gainsbourg l’un de<br />

ses films les plus clairs et doux» (Dernières Nouvelles<br />

d’Alsace), «Dans le rôle principal, Charlotte Gainsbourg<br />

est d’une sensibilité bouleversante» (Le Parisien), «Pour<br />

son quatrième long métrage, Mikhaël Hers reconstitue le<br />

Paris des années 80 et offre un rôle magnifique à Charlotte<br />

Gainsbourg» (Paris Match). Ou encore: «Portée par une<br />

magnifique Charlotte Gainsbourg, une œuvre remarquable<br />

et surtout très émouvante» (Télé Loisirs), «La voix de<br />

Charlotte Gainsbourg, avec sa douceur soufflée, passe bien<br />

sur les ondes des Passagers de<br />

la nuit. Charlotte Gainsbourg<br />

entretient avec sa propre<br />

voix un rapport paradoxal,<br />

allant de la détestation à<br />

l’appréciation, en passant par<br />

l’indulgence» (Le Dauphiné<br />

Libéré). © Christine Tamalet<br />

Charlotte Gainsbourg, de<br />

son côté, révéla dans un<br />

entretien avec Claire Vassé:<br />

«Je lis les scénarios comme une débutante, j’accroche ou<br />

je n’accroche pas. Et là, j’ai accroché! Rétrospectivement,<br />

j’imagine que j’ai été touchée par sa tendresse, le rapport<br />

de cette mère à ses enfants, le temps qui passe, une<br />

24 Profff<br />

Revue des professeurs de français en Flandre<br />

25

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