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LES CAHIERS

Facteurs socioculturels du REX: sept études de terrain - Icsi

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1.1. Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du REX<br />

Les comités REX producteurs de boucles courtes<br />

Les réunions de chantiers constituent des instances de production de boucles courtes de REX. Elles<br />

sont réalisées dans le cadre des chantiers de maintenance générale des installations. Sur le site<br />

chimique, il s’agit de réunions quotidiennes de coordination et de suivi de l’avancée des travaux<br />

au cours desquelles les questions de sécurité sont abordées. Au niveau du site nucléaire, ce sont<br />

des réunions hebdomadaires entièrement consacrées à la sécurité. Dans les deux entreprises, ces<br />

instances réunissent les responsables de chantier (ingénieurs, agents de maîtrise, représentants des<br />

entreprises intervenantes). Elles consistent à :<br />

• analyser les incidents détectés ;<br />

• souligner les bonnes pratiques observées;<br />

• décider des actions correctives à mettre en œuvre à la sortie des réunions (port des EPI,<br />

respect des procédures, correction des écarts).<br />

Ce deuxième exemple de pratique de REX en comité montre que les opérateurs ne sont pas représentés.<br />

Nous remarquons par ailleurs que ces derniers sont rarement associés aux réflexions<br />

(réunions de chantier, réunions sécurité, réunions d’analyse des accidents, etc.) qui concernent<br />

pourtant leurs propres comportements de sécurité. Cette absence de représentation pose le<br />

problème de la qualité des informations qui leur parviennent, mais aussi celui de leur compréhension<br />

des actions correctives qui leur sont prescrites. À ce propos, nous observons sur nos<br />

terrains de recherche que les opérateurs de première ligne ne sont pas toujours informés des<br />

causes profondes des accidents, identifiées par les analystes. Le retour effectif de l’expérience<br />

est le plus souvent réalisé sous forme d’injonctions de la part des supérieurs hiérarchiques<br />

et des agents des services de prévention des risques lors des visites de sécurité. Ce manque<br />

d’explications n’incite pas les opérateurs à s’engager dans les nouveaux modes opératoires<br />

prescrits. Bien au contraire, il tend à renforcer leur méfiance à l’égard de leur hiérarchie.<br />

opérateurs peu<br />

convoqués<br />

1.1.3 Le poids des réactions défensives sur les processus de REX<br />

Les analyses d’accidents sont intrinsèquement sources de crise parce qu’elles sont toujours<br />

susceptibles de révéler des défaillances en matière de prévention, des déficits de cohérence<br />

dans l’organisation, des échecs de pilotage ou encore des transgressions de règles [Lagadec<br />

et Guilhou 2002 ; Sarnin 2000]. Dans ce contexte, c’est le caractère contre-nature des démarches<br />

d’analyses d’accidents qu’il convient de souligner, car même si elles œuvrent pour<br />

l’amélioration continue des pratiques de sécurité, elles sont déstabilisantes pour l’organisation<br />

[Gilbert 1999]. Ce problème est d’autant plus prégnant dans les enquêtes sur les accidents majeurs<br />

que ces derniers associent pression sociétale et contraintes judiciaires en plus des autres<br />

enjeux cités ci-dessus. En effet, les accidents très graves provoquent de nombreuses réactions<br />

négatives qui se traduisent notamment par la recherche de boucs émissaires et des demandes<br />

de réparations financières et morales [MacDonald 1999]. Compte-tenu de l’ampleur des dommages<br />

(matériels et/ou humains) et des conséquences éventuelles des analyses (poursuites<br />

judicaires, exposition médiatique, etc.), la question souvent posée en matière de REX sur les<br />

accidents majeurs est : à quel point les acteurs sont-ils prêts ou peuvent-ils remettre en cause<br />

le pilotage de l’organisation, leurs décisions et leurs comportements [Bourdeaux et Gilbert<br />

1999] ? Cependant, les freins au REX sur accidents majeurs sont très proches de ceux observés<br />

lors des analyses des incidents mineurs. Il semble que l’ampleur des dommages ne constitue<br />

pas le seul facteur explicatif des conflits liés au REX.<br />

Longtemps considérés comme un outil de gestion des dysfonctionnements techniques, une<br />

étape dans les processus de gestion de projet ou encore comme une méthode de partage<br />

d’expérience des accidents majeurs réservée aux experts, les systèmes de REX sont de plus en<br />

plus ouverts à la prise en compte des incidents mineurs et des presqu’accidents. Ces pratiques<br />

de REX s’inscrivent dans une démarche d’amélioration continue rendue possible par le haut<br />

niveau de sécurité atteint dans certaines industries comme le nucléaire, la chimie, ou l’aviation.<br />

Comparés au REX des accidents majeurs, ils ne mobilisent pas les mêmes moyens, n’exigent pas<br />

le même niveau de formalisation et ne soulèvent pas les mêmes enjeux. Pourtant, les démarches<br />

de REX sur des événements mineurs sont également source de conflits parce qu’elles « attaquent<br />

le domaine intime du travail, celui des erreurs, des conflits, et des aménagements sauvages de<br />

procédures, des petits problèmes techniques habituellement résolus que l’on a longtemps caché<br />

à sa direction générale » [Amalberti et Barriquault 1999, p.68]. La principale difficulté<br />

réside dans le fait que la recherche de la causalité des incidents « peut conduire à la remise en<br />

cause de tous :<br />

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