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Facteurs socioculturels du REX: sept études de terrain - Icsi
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Facteurs socioculturels du REX<br />
Les premiers travaux menés dans ce domaine [Heider 1958 ; Ross 1977 ; Weiner 1985],<br />
montrent que les biais d’attribution ont plusieurs origines. Ils sont d’origine :<br />
• motivationnelle : ils conduisent les individus à formuler des attributions erronées en<br />
raison du refus d’endosser la responsabilité de l’événement;<br />
• cognitive : ils amènent les analystes à traiter la situation de manière insatisfaisante<br />
parce qu’ils ne disposent pas de toutes les informations pertinentes;<br />
• affective : ils sont à l’origine de tension en raison des répercussions émotionnelles de<br />
l’accident [Kouabenan 1999].<br />
Ces biais traduisent généralement la nécessité d’autoprotection de l’individu : elle est guidée<br />
par le besoin de renvoyer une image positive de lui-même. Dans le cadre des analyses d’accidents,<br />
cette tendance est renforcée par la peur de subir les conséquences négatives de ses<br />
propres actes, ce qui nuit au processus d’apprentissage. Dans ce contexte, il apparaît que les<br />
explications fournies varient suivant les caractéristiques de celui qui fait l’attribution. Dejoy<br />
(1987, cité par [Kouabenan 1999]) montre, par exemple, que les supérieurs hiérarchiques attribuent<br />
systématiquement les causes des accidents à des facteurs internes aux opérateurs et<br />
cela même lorsque les circonstances des accidents sont confuses. D’autres variables comme la<br />
sévérité des conséquences de l’accident [Kouabenan et Guyot 2004], le lien entre la victime<br />
et l’attributeur [Kouabenan 1998b], les circonstances environnantes (climat social, culture de<br />
sécurité, climat de sécurité, etc.) [Gyekye et Salminen 2005] ou encore les caractéristiques de<br />
la victime (exemple : position hiérarchique) [Kouabenan et al. 2001] influencent également<br />
les explications causales.<br />
Dans une étude sur la perception des risques et les explications causales des accidents de<br />
la route, [Kouabenan 1998a] montre également le rôle des croyances sur le jugement naïf.<br />
L’étude porte sur un échantillon de 553 personnes, âgées de 18 à 55 ans, appartenant à différentes<br />
professions (gendarmes, policiers, chauffeurs professionnels et non professionnels, ingénieurs<br />
de travaux civils et étudiants) et de différentes origines. Les participants ont répondu<br />
à un questionnaire visant à connaître leurs définitions d’un accident, leurs caractéristiques<br />
personnelles, leurs perceptions des risques de la route ainsi que leurs explications des accidents<br />
liés à ces mêmes risques. Le questionnaire comporte une échelle de mesure du fatalisme et<br />
des superstitions des participants. Les résultats montrent que les personnes les plus fatalistes<br />
sont les chauffeurs professionnels, les gendarmes, les policiers et les chauffeurs non professionnels.<br />
Il apparaît que, ces mêmes personnes (fatalistes), ont davantage tendance que les autres<br />
à attribuer les causes des accidents à des facteurs externes aux conducteurs comme la vétusté<br />
des infrastructures ou les autres conducteurs, qu’à des facteurs internes aux conducteurs (imprudence,<br />
impatience, changement brusque de direction, etc.). Concernant la perception des<br />
risques, le groupe fataliste se divise en deux tendances : d’un côté il compte les personnes<br />
qui surestiment le plus le taux de mortalité des accidents de la route et de l’autre, celles qui<br />
sous-estiment le plus ce même taux de mortalité. En matière de prise de risque, les résultats<br />
montrent que les personnes qui considèrent que le destin constitue un facteur important dans<br />
les accidents de la route, sont celles qui prennent le plus de risques en conduisant. Là encore,<br />
les comportements à risques des individus sont influencés par deux types de croyances : alors<br />
que certains croient qu’aucune mesure de prévention ne peut permettre d’éviter les accidents,<br />
d’autres sont convaincus que le fait d’invoquer des forces divines leur permettra de les éviter.<br />
Dans la pratique du REX, l’absence de consensus autour des causes des accidents survenus<br />
pose deux questions fondamentales :<br />
• Dans quelle mesure le processus de REX est-il perçu comme pertinent par les acteurs?<br />
• Quelle est la motivation des acteurs à adapter leurs comportements de sécurité aux<br />
enseignements tirés des analyses?<br />
Ces questions sont d’autant plus prégnantes que l’adhésion des acteurs aux pratiques de REX de<br />
leur entreprise dépend de leur perception des bénéfices qu’ils peuvent en tirer. Nous pensons en<br />
effet que le fait de partager ou non les conclusions causales des experts influence la motivation<br />
à adopter les comportements de prévention prescrits à l’issue des analyses. Il est donc fort<br />
probable que les acteurs qui ne partagent pas le diagnostic des experts, jugent les actions<br />
correctives qui découlent des analyses inutiles pour prévenir les accidents. Nous pensons<br />
également que l’absence d’explication des causes profondes des accidents ainsi que la nonreprésentativité<br />
des opérateurs aux comités REX, tendent à renforcer la méfiance de ces<br />
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