LAND un - Culture et Bilinguisme
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LUS_175:LUS_175 28/07/10 14:33 Page 19<br />
Jean de Pange<br />
fesseur strasbourgeois François-Georges<br />
Dreyfus, alors membre du Comité central<br />
de l’UDR (Parti Gaulliste issu des événements<br />
de mai 1968), Directeur de l’IEP <strong>et</strong><br />
adjoint au Maire de Strasbourg pour la <strong>Culture</strong><br />
(sous Pierre Pflimlin), fit <strong>un</strong>e part belle<br />
<strong>et</strong> justifiée à c<strong>et</strong> homme de L<strong>et</strong>tres,<br />
Français de l’Intérieur, appartenant à <strong>un</strong>e<br />
vieille famille lorraine <strong>et</strong> partisan de longue<br />
date de la décentralisation, attaché au Service<br />
d’Alsace <strong>et</strong> de Lorraine en 1919.<br />
Le 7 mai 1928, appelé comme témoin au<br />
Procès de Colmar, le Comte de Pange déclara<br />
que, dès 1918, la France aurait dû<br />
reconnaître le statut particulier de l’Alsace-Lorraine<br />
<strong>et</strong> que les promesses faites solennellement<br />
par les chefs de l’armée<br />
française (Foch, Gouraud, Pétain) auraient<br />
dû être garantis par la Constitution. Il précisa<br />
aussi que, selon lui, le Dr Eugène Ricklin,<br />
né sous Napoléon III alors que l’Alsace<br />
était française (1865), avait revendiqué la<br />
nationalité française en 1918, ce qui rendait<br />
injustifié le bannissement, dont on le<br />
menaçait à l’époque.<br />
En raison de ces propos courageux, le Comte<br />
Jean de Pange dut démissionner du bureau<br />
de la Société des Amis de l’Université<br />
de Strasbourg, sous la pression des « Revenants<br />
». Il le fit avec beaucoup de dignité,<br />
précisant « qu’il appartenait à notre p<strong>et</strong>it<br />
pays par toutes ‘ses’ racines <strong>et</strong> qu’il a peutêtre<br />
partagé les aspirations de la population<br />
autochtone de manière plus intime que<br />
ceux de ‘ses’ concitoyens revenus seulement<br />
en 1919 ».<br />
La réaction du Mal Lyautey<br />
(1854-1934)<br />
Né à Nancy <strong>et</strong> enterré à Thorey, en Meurthe<strong>et</strong>-Moselle,<br />
il a été le premier Résident Général<br />
au Maroc (1912). A ce titre, il sut<br />
conquérir l’estime des Marocains par son<br />
respect des croyances <strong>et</strong> des coutumes de<br />
l’Islam. Ministre de la Guerre dans le Cabin<strong>et</strong><br />
d’Aristide Briand (décembre 1916/<br />
mars 1917), il fut fait Maréchal de France<br />
en 1921.<br />
Le 25 mai 1928, à l’issue du Procès de<br />
Colmar, le Comte Jean de Pange alla voir<br />
le Maréchal Lyautey <strong>et</strong> lui demanda s’il n’accepterait<br />
pas les fonctions de Commissaire<br />
Général de la République en Alsace. Il<br />
répondit qu’en 1919, on avait déjà pensé<br />
à lui, mais que Clémenceau <strong>et</strong> Poincaré<br />
s’étaient opposés à sa nomination à ce<br />
poste. Pierre Zind explique que Poincaré<br />
était l’ennemi intime de Lyautey en Lorraine.<br />
Par ailleurs, Lyautey était catholique<br />
pratiquant, proche de la famille des Habsbourg<br />
<strong>et</strong> favorable au concept d’<strong>un</strong>e nouvelle<br />
« Lotharingie ». Le Maréchal Lyautey en<br />
personne était conscient de l’incompatibilité<br />
de sa personnalité avec celle de Poincaré<br />
<strong>et</strong> de Clémenceau : « Tous ces p<strong>et</strong>its<br />
bourgeois ont, à mon égard, <strong>un</strong>e méfiance<br />
invincible. Ils me sentent d’<strong>un</strong>e autre espèce.<br />
Je ne peux pas entrer dans leurs<br />
cadres. Si l’on m’envoyait en Alsace, j’essaierais<br />
de représenter dignement la France<br />
; j’irais le dimanche à la messe avec<br />
mon Etat-Major… On parlerait allemand autour<br />
de moi. » C’est précisément ce que<br />
Poincaré <strong>et</strong> Clémenceau voulaient éviter.<br />
Très attaché à<br />
la Lorraine <strong>et</strong><br />
aux Habsbourg,<br />
le Maréchal Ly -<br />
au tey avait désiré,<br />
en 1919,<br />
c<strong>et</strong>te mission de<br />
Commissaire Général<br />
de la République…<br />
Il<br />
était <strong>un</strong> adversaire<br />
résolu de<br />
Maréchal Lyautey l’assimilation jacobine<br />
; il était<br />
opposé à l’Administration directe de Paris<br />
qui avait échoué dans toutes nos colonies,<br />
sans exception, pauvres, phtisiques, cataleptisées<br />
<strong>et</strong> spoliées (Zind, page 143). Le<br />
système de l’administration indirecte <strong>et</strong> de<br />
l’autonomie lui apparaissait d’autant<br />
meilleur qu’il déplaisait aux fonctionnaires<br />
<strong>et</strong> aux militaires. Selon Pierre Zind, Lyautey<br />
aurait certainement bien rempli sa mis-<br />
Le point de vue du Professeur<br />
François-Georges Dreyfus<br />
Il distingua parmi les accusés de Colmar<br />
deux groupes totalement différents :<br />
- d’<strong>un</strong>e part des autonomistes qui désiraient,<br />
dans le cadre de la République française,<br />
faire triompher les idées fédérales;<br />
- d’autre part, des hommes décidés de<br />
rendre l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne, ce<br />
qui aux yeux du Code Pénal français constituait<br />
<strong>un</strong> crime p<strong>un</strong>issable (mais la Cour<br />
d’Assises de Colmar statua non pas en<br />
fonction de l’article 77, mais en fonction<br />
d’articles invoqués à tort).<br />
Parmi ces séparatistes, le professeur Dreyfus<br />
rangeait Hauss, Schall, Roos, Reisacher<br />
ainsi que plusieurs accusés qui ne se sont<br />
pas présentés : Ernst, Ley, Schmidlin <strong>et</strong><br />
Hirtzel. Il note que Hirtzel, Ernst <strong>et</strong> Schmidtlin<br />
ont gardé la nationalité allemande entre<br />
1918 <strong>et</strong> 1939, mais oublie de préciser que<br />
deux d’entres eux résidaient en Allemagne<br />
bien avant le Procès de Colmar. Selon le<br />
professeur Dreyfus, ce qui a d’abord frappé<br />
les observateurs, c’est la faiblesse des<br />
dossiers dont disposait l’administration.<br />
Pour <strong>un</strong> certain nombre d’accusés, le reproche<br />
le plus clair <strong>et</strong> le plus visible était<br />
d’avoir favorisé l’autonomisme en signant<br />
le manifeste du Heimatb<strong>un</strong>d ou en contribuant<br />
à sa rédaction ou en collaborant aux<br />
journaux autonomistes. Ce qui intéressait<br />
l’administration française, c’est le fait que<br />
l’Allemagne a pu financer <strong>un</strong>e partie du<br />
mouvement autonomiste. Mais nous savons<br />
aujourd’hui que les journaux alsaciens<br />
francophiles ou « neutres » étaient eux aussi<br />
financés par Paris, selon le témoignage<br />
du Préf<strong>et</strong> René Paira dans son autobiographie<br />
Affaires d’Alsace pour contrecarrer la<br />
presse autonomiste. Ainsi le journaliste<br />
Paul Fischer (1911 à 2006) qui avait commencé<br />
sa carrière dans le Journal d’Alsace-<br />
Lorraine, tirant à 6.000 exemplaires <strong>et</strong> peu<br />
lu, devait se rendre régulièrement à Paris<br />
pour recevoir des sommes d’argent du Cabin<strong>et</strong><br />
de Georges Mandel (1885-1944), Ministre<br />
délégué aux Affaires d’Alsace-Lorraine<br />
puis Ministre des Colonies (1938-40) (1)<br />
Jean Hurstel<br />
(1) Georges Mandel, de son vrai nom Louis<br />
Georges Rothschild (sans parenté avec la famille<br />
de banquiers du même nom) est né en<br />
1885 à Chatou (Seine-<strong>et</strong>-Oise, actuel département<br />
des Yvelines). Son père était <strong>un</strong> modeste<br />
tailleur. Des rumeurs l’accusent d’être <strong>un</strong> Rothschild.<br />
Mandel est originaire d’<strong>un</strong>e famille juive<br />
alsacienne, peu pratiquante, qui avait opté en<br />
1871. Il a d’abord été journaliste au journal de<br />
Clémenceau « L’Aurore ». De tendance conservatrice<br />
<strong>et</strong> nationaliste, il a été élu à plusieurs<br />
postes en Gironde, il entra dans le cabin<strong>et</strong> de Clémenceau<br />
durant la Première Guerre mondiale. Il<br />
fut plusieurs fois ministre après 1918 <strong>et</strong> Ministre<br />
de l’Intérieur de Paul Reynaud jusqu’en<br />
juin 1940. Il est opposé à l’armistice <strong>et</strong> au régime<br />
de Philippe Pétain. Il est déporté plus tard<br />
à Buchenwald, puis assassiné en Forêt de Fontainebleau<br />
en juill<strong>et</strong> 1944 par la Milice.<br />
Land <strong>un</strong> Sproch 175 19