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L'Hétérométrie “faible”, l'hétérométrie “forte” et l'isométrie “pure”: les ...

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L’Hétérométrie <strong>“faible”</strong>, l’hétérométrie <strong>“forte”</strong> <strong>et</strong> l’isométrie <strong>“pure”</strong>: <strong>les</strong><br />

trois types de strophes dans la ballade française à la fin du Moyen Âge<br />

Clotilde Dauphant (Université François Rabelais de Tours)<br />

Abstract<br />

All the French theor<strong>et</strong>ical texts of “seconde rh<strong>et</strong>orique” say that the gender of the rhyme has a m<strong>et</strong>ric<br />

consequence. When they heard octosyllabic lines with feminine rimes, medieval listeners heard nine<br />

syllab<strong>les</strong>. Eustache Deschamps, in his “Art de dictiers”, advises ballades to use both genders of rhyme<br />

alternately. We have noticed after a long investigation in the ballades at the end of the Middle Ages<br />

that this theor<strong>et</strong>ical remark corresponds to practice. We choose to call “hétérométrie faible” the mixing<br />

of the genders, which is present in the majority of ballades before the rule of a strict alternation is<br />

imposed by Ronsard. The “hétérométrie forte” opposes two types of lines: most frequently, one short<br />

line contrasts with a few longer lines in the verse. The “isométrie pure” uses just one type of line and<br />

one gender of rhyme. It is present in the minority of ballades, with masculine rhymes being more<br />

frequent. Ballades with only feminine lines are exceptional m<strong>et</strong>ric experiments. Christine de Pizan<br />

wrote most of these poems, which proves that the gender of the rhymes is able to contribute, in some<br />

cases, to the expression of a sexual identity.<br />

1. Introduction<br />

Les œuvres d’Eustache Deschamps 1 sont pour la plupart conservées dans un seul manuscrit, le Bnf<br />

fr. 840, qui contient 1500 pièces. Outre quelques dits <strong>et</strong> traités en prose, il s’agit essentiellement de<br />

poésies à formes fixes, dont un nombre écrasant de ballades 2 : 1153 pièces. L’intérêt de c<strong>et</strong>te œuvre, <strong>et</strong><br />

du manuscrit qui la présente, est l’alliance d’une pratique massive des formes poétiques complexes <strong>et</strong><br />

de la théorie qui en est proposée par Deschamps dans son Art de dictier. Ce premier art poétique<br />

français en langue d’oïl consacre la plus longue place de sa partie technique au genre de la ballade. Il<br />

nous semble possible d’établir des règ<strong>les</strong> de composition de la ballade en plaçant la production de<br />

Deschamps dans le contexte littéraire de son temps, en étudiant en particulier <strong>les</strong> œuvres de Guillaume<br />

de Machaut 3 , son maître, Jean Froissart 4 , son exact contemporain, <strong>et</strong> Christine de Pizan 5 , sa disciple.<br />

1 L’édition des Œuvres complètes (Queux de Saint-Hilaire <strong>et</strong> Raynaud 1878-1903)<br />

compte 1498 numéros, auxquels il faut ajouter <strong>les</strong> pièces 309bis, 753bis <strong>et</strong> 1397bis éditées mais non<br />

numérotées <strong>et</strong> enlever le n°523 qui forme avec la pièce 522 une seule chanson royale.<br />

2 Le manuscrit Bnf fr. 840 contient 1171 ballades au sens large dont 19 doub<strong>les</strong>.<br />

3 Guillaume de Machaut a écrit 246 ballades <strong>et</strong> 8 chansons roya<strong>les</strong>. La Louange des<br />

dames (Wilkins 1972) compte 207 ballades <strong>et</strong> 7 chansons roya<strong>les</strong>, auxquel<strong>les</strong> s’ajoutent <strong>les</strong> 26 pièces des<br />

Ballades notées (Chichmaref 1973), <strong>les</strong> 4 en tête du Prologue (Hoepffner 1908-1921, 1: 1-6), <strong>les</strong> 7 du<br />

Voir Dit (Imbs <strong>et</strong> Cerquiglini-Toul<strong>et</strong> 1999: 192, 462-464, 512, 542-544, 588, 590, 598), <strong>les</strong> 3 (vers 1985-<br />

2032, 2857-2892, 3013-3036) du Remède de Fortune (Hoepffner 1908-1921, 2: 1-157). Il ne faut pas<br />

compter deux fois, parmi <strong>les</strong> 44 Ballades notées, 13 pièces communes avec la Louange des dames,<br />

3 communes avec la Louange des dames <strong>et</strong> le Voir Dit <strong>et</strong> 2 communes avec le Voir Dit, ainsi que <strong>les</strong><br />

9 ballades communes au Voir Dit <strong>et</strong> à la Louange des dames. Pour une première approche statistique des<br />

ballades de Guillaume de Machaut, voir James Laidlaw (1999: 130, 134 <strong>et</strong> 137), qui analyse 234 ballades<br />

(sans compter la double ballade de la Louange des dames) <strong>et</strong> 7 chansons roya<strong>les</strong>, car il ne prend pas en<br />

compte <strong>les</strong> pièces incluses dans <strong>les</strong> dits.<br />

4 Jean Froissart a écrit 69 pièces du genre. La section des Ballades amoureuses en<br />

contient 40 dans le manuscrit Bnf fr. 831, 38 seulement dans le manuscrit Bnf fr. 830 (Baudouin 1978);<br />

13 pièces sont communes à la section des Ballades amoureuses <strong>et</strong> aux dits à insertion lyrique. Il faut y<br />

ajouter 3 ballades présentes uniquement dans <strong>les</strong> dits, dans Le Joli Mois de mai (Fourrier 1979: 129-146)<br />

<strong>et</strong> L’Espin<strong>et</strong>te amoureuse (Fourrier 1972). Les 20 pastourel<strong>les</strong> <strong>et</strong> 6 chansons roya<strong>les</strong> ont été éditées par<br />

Scheler (1870-1872, 2: 306-352 <strong>et</strong> 353-365).<br />

5 Christine de Pizan a écrit 290 ballades, réparties dans toute son œuvre poétique (Roy<br />

1886-1896). Les Cent Ballades comptent 100 pièces, <strong>les</strong> Cent Ballades d’amant <strong>et</strong> de dame en ont 101,<br />

1


Nous accordons une large place aux arts de seconde rhétorique jusqu’à Gratien du Pont. Les exemp<strong>les</strong><br />

de ces traités donnent d’ailleurs davantage de renseignements sur l’ensemble des formes attendues ou<br />

autorisées que <strong>les</strong> simp<strong>les</strong> indications théoriques.<br />

Selon Deschamps, la ballade est une forme fixe libre définie par la répétition d’un même schéma<br />

strophique reconnaissable conclu par un refrain. Deux variations sont attendues, c’est-à-dire<br />

couramment pratiquées: el<strong>les</strong> concernent la longueur <strong>et</strong> le nombre des strophes. Le nombre de syllabes<br />

<strong>et</strong> de vers peut varier en restant dans des proportions perçues comme harmonieuses: chez Deschamps<br />

le vers compte de sept à dix syllabes <strong>et</strong> la strophe de sept à douze vers. Le nombre de strophes n’est<br />

pas réduit à trois. Chez Deschamps, la ballade <strong>et</strong> la chanson royale sont clairement des genres<br />

confondus l’un avec l’autre, <strong>et</strong> la ballade peut comporter trois ou cinq strophes, mais aussi, à titre<br />

exceptionnel, deux, quatre, six ou neuf 6 ; à quoi s’ajoute ou non un envoi. D’autres variations ne sont<br />

pas attendues, mais el<strong>les</strong> sont pourtant pratiquées par Deschamps, en particulier l’irrégularité dans la<br />

reprise du schéma strophique 7 .<br />

Mes recherches statistiques <strong>les</strong> ballades en français du XIV e <strong>et</strong> du XV e siècle m’ont conduite à<br />

dégager trois types de pratique de versification, qui peuvent d’ailleurs se cumuler à différents niveaux.<br />

Chaque auteur utilise des modè<strong>les</strong> majoritaires, par exemple le décasyllabe 8 . Des modè<strong>les</strong><br />

minoritaires, moins fréquents, sont reconnaissab<strong>les</strong> dans un certain nombre de pièces, comme la<br />

strophe dite hétérométrique 9 . Enfin la ballade présente parfois un modèle exceptionnel, par exemple la<br />

strophe de quatorze vers 10 . Des pièces peuvent être radicalement exceptionnel<strong>les</strong> par la longueur des<br />

vers <strong>et</strong> des strophes <strong>et</strong> par la disposition des rimes. D’autres sont bien bana<strong>les</strong>, comme <strong>les</strong> ballades en<br />

huitains décasyllabiques avec une disposition de rimes ababbcbc 11 .<br />

La ballade est toujours menacée d’une certaine monotonie, parce qu’elle utilise pleinement la<br />

fonction répétitive de la forme fixe <strong>et</strong> parce qu’elle est rarement isolée. La ballade peut être insérée au<br />

sein d’une p<strong>et</strong>ite série de pièces lyriques dans des dits. Le plus souvent, elle fait partie d’un recueil<br />

lyrique: dans certains manuscrits de Machaut, Froissart ou Deschamps, <strong>les</strong> sections de ballades font<br />

partie d’un plus vaste ensemble, recueil de recueils qui constitue de véritab<strong>les</strong> œuvres poétiques<br />

complètes. Les ballades ont une autonomie sémantique <strong>et</strong> formelle: chaque pièce est individualisée par<br />

son modèle strophique, le timbre de ses rimes <strong>et</strong> l’invention du refrain. Cependant el<strong>les</strong> fonctionnent<br />

aussi <strong>les</strong> unes en rapport avec <strong>les</strong> autres. Il me semble donc que lorsqu’un poète choisissait une forme<br />

de versification pour un poème, il le faisait non seulement en fonction des circonstances particulières<br />

de l’écriture mais aussi en fonction des autres pièces déjà composées. La ballade se montre ainsi apte à<br />

un grand nombre de variations formel<strong>les</strong> toutes destinées à éviter la monotonie dans la lecture du livre<br />

entier.<br />

Il nous semble que le choix du genre des rimes dans <strong>les</strong> ballades, chez Deschamps <strong>et</strong> ses<br />

contemporains, s’inscrit dans c<strong>et</strong>te pratique beaucoup plus large des variations de versification au sein<br />

de la forme fixe.<br />

2. Pour <strong>les</strong> théoriciens médiévaux en langue d’oïl, le genre de la rime a une implication<br />

métrique<br />

<strong>les</strong> Autres Ballades en ont 53, auxquel<strong>les</strong> s’ajoutent <strong>les</strong> Ballades d’estrange façon (4 pièces) <strong>et</strong> Encor<br />

aultres Balades (5 pièces), le Dit de la Rose (3 pièces), le Dit de la Pastoure (1 pièce unique <strong>et</strong> 3 doub<strong>les</strong>)<br />

<strong>et</strong> le Livre du Duc des vrais amants (14 pièces insérées dans le dit <strong>et</strong> 10 pièces réunies dans le recueil<br />

final des Balades de pluseurs façons, soit 23 pièces uniques <strong>et</strong> 1 double).<br />

6 Nous incluons donc dans le même groupe statistique toutes ces pièces.<br />

7 Susanna Bliggenstorfer (2005: 192-193) est la première à noter le problème posé par<br />

<strong>les</strong> pièces dont <strong>les</strong> strophes n’ont pas toutes le même nombre de vers, ce qui n’est pas toujours imputable<br />

à une faute de copie, mais elle n’en fait pas la liste. Si leur étude est fondamentale pour la compréhension<br />

globale du genre de la ballade, nous <strong>les</strong> incluons ici au corpus d’étude sans <strong>les</strong> distinguer, car<br />

l’irrégularité strophique ne joue pas sur <strong>les</strong> genres des rimes utilisés.<br />

8 Le décasyllabe concerne 740 ballades sur 1153 chez Deschamps.<br />

9 L’hétérométrie au sens courant du terme concerne 114 ballades sur 1153 chez<br />

Deschamps.<br />

10 Voir la ballade 1114 de Deschamps (Queux de Saint-Hilaire <strong>et</strong> Raynaud 1878-1903,<br />

6: 24-25).<br />

11 Ce type de huitain concerne 376 ballades sur 1153 chez Deschamps.<br />

2


C’est une évidence pour <strong>les</strong> poètes français de la fin du Moyen Âge: la rime féminine 12 ajoute une<br />

syllabe au nombre de vers. Baud<strong>et</strong> Herenc l’explique très clairement à propos des lais 13 : “que la plus<br />

longue ligne ne passe point .IX. sillabes, qui est feminine, <strong>et</strong> la masculine de .VIIJ. sillabes, <strong>et</strong> <strong>les</strong> aultres<br />

en dessoulz. La feminine toudis a une sillabe plus longue que la masculine”. Il est certain que jusqu’au<br />

français classique, l’oreille percevait immédiatement la différence sonore entre <strong>les</strong> vers masculins <strong>et</strong><br />

<strong>les</strong> vers féminins. Tous <strong>les</strong> traités appellent <strong>les</strong> octosyllabes ou <strong>les</strong> décasyllabes à rimes féminines des<br />

vers de neuf ou onze syllabes. Il existe d’autres preuves de l’implication métrique du genre de la rime<br />

jusqu’à la Renaissance. Il arrive que le poète utilise une forme tonique comme dernière syllabe<br />

féminine du vers: il est alors impossible de parler de e mu<strong>et</strong>. La musique 14 souligne l’existence de c<strong>et</strong>te<br />

syllabe surnuméraire; elle peut donner une valeur longue à c<strong>et</strong>te dernière syllabe. Le musicologue<br />

Francis Mour<strong>et</strong> 15 fait remarquer que la musique syllabique, qui attribue une note par syllabe du vers,<br />

ne peut être reprise à l’identique entre deux strophes qui n’ont pas la même disposition des genres de<br />

rimes. L’isogonie en revanche n’est qu’une commodité pour la musique mélismatique 16 , qui compte<br />

plus de notes que de syllabes: il est techniquement possible d’articuler sur le mélisme une syllabe de<br />

plus ou de moins.<br />

Toutes <strong>les</strong> ballades françaises de la fin du Moyen Âge sont isogoniques, c’est-à-dire qu’el<strong>les</strong><br />

respectent la répartition des rimes masculines <strong>et</strong> féminines au sein de la strophe. Cela paraît une<br />

évidence, puisque <strong>les</strong> rimes doivent être reprises à l’identique de strophes en strophes. Nous citerons<br />

pour seule exception dans notre large corpus d’étude le cas de John Gower. En eff<strong>et</strong>, ce poète<br />

considère que <strong>les</strong> rimes en -é ou en -ée sont équivalentes 17 ! Par exemple <strong>les</strong> mots “Médée” <strong>et</strong> “pité”<br />

peuvent rimer entre eux 18 . Les différents manuscrits du Traitié pour essampler <strong>les</strong> Amantz mari<strong>et</strong>z<br />

n’aident pas à corriger le texte, semble-t-il fautif à l’origine selon nos critères. Ce principe, spécifique<br />

à la versification française, n’intéresse pas le poète anglais pourtant attaché à respecter <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> de<br />

notre poésie.<br />

Si le genre de la rime change le décompte métrique, cependant <strong>les</strong> poètes médiévaux ne<br />

confondaient pas le type “primitif” du vers (heptasyllabe, octosyllabe) <strong>et</strong> le décompte “effectif” du<br />

nombre de syllabes dans le vers (vers de sept ou huit, huit ou neuf syllabes). Le Traité de rhétorique,<br />

qui accorde explicitement un “pied” de plus aux vers à rimes féminines, décrit ainsi <strong>les</strong> différents<br />

types de vers utilisés pour la ballade 19 :<br />

On treuve balade souvant<br />

De .V. piés, de .VJ. <strong>et</strong> de sept;<br />

De .VIIJ., de dix communement.<br />

De .IX. ne .XIJ. nul n’en sc<strong>et</strong>.<br />

12 C<strong>et</strong>te terminologie manque à Deschamps dans L’Art de dictier, mais l’implication<br />

rythmique de la rime féminine pour le vers entier est évidente. Voir l’explication donnée par Kooijman<br />

(1985: 118) du premier exemple de ballade cité par Deschamps qui accorde trois syllabes au mot dolente<br />

à la rime.<br />

13 On peut comparer c<strong>et</strong>te explication (Langlois 1902: 166) à celle du Traité de<br />

rhétorique anonyme (Langlois 1902: 254): “Le femenin est le plus ample / D’ung pied que l’autre en la<br />

rimée”.<br />

14<br />

le e en fin de vers.<br />

Voir <strong>les</strong> partitions 1 <strong>et</strong> 5 données par Mour<strong>et</strong> (1998: 114-115), avec la note longue sur<br />

15 Mour<strong>et</strong> (1998: 105) parle à juste titre de “rime féminine: cantilation du e <strong>et</strong><br />

hétérométrie”. Voir <strong>les</strong> partitions 4 <strong>et</strong> 9: la musique est modifiée pour convenir à des décasyllabes à rime<br />

masculine puis féminine (Mour<strong>et</strong> 1998: 115-116).<br />

16 Mour<strong>et</strong> (1998: 109-110).<br />

17 Voir, dans <strong>les</strong> Cinkante balades, <strong>les</strong> pièces numérotées 17, 29 <strong>et</strong> 42-44 (Macaulay<br />

1899: 352, 361-362, 371-373) <strong>et</strong>, dans le Traitié pour essampler <strong>les</strong> Amants mari<strong>et</strong>z, <strong>les</strong> pièces 6, 8 <strong>et</strong> 12<br />

(Macaulay 1899: 383, 384 <strong>et</strong> 387).<br />

18 Ces exemp<strong>les</strong> sont pris à la ballade 8 du Traitié pour essampler <strong>les</strong> Amants mari<strong>et</strong>z<br />

(Macaulay 1899: 384). L’apparat critique n’indique aucune correction pour <strong>les</strong> rimes de c<strong>et</strong>te pièce, où <strong>les</strong><br />

termes Medée, renomée, amenée <strong>et</strong> forsenée s’opposent à porté, obligé, refusé, pité <strong>et</strong> tué.<br />

19 Traité anonyme édité par Langlois (1902: 264).<br />

3


L’auteur ne compte ici que <strong>les</strong> syllabes des vers masculins. Et de fait, il n’existe pas à c<strong>et</strong>te époque de<br />

vers de neuf syllabes à rimes masculines 20 . L’Infortuné, dans son Instructif de la seconde rhétorique,<br />

insiste pour faire correspondre le type de vers au type de rime, c’est-à-dire qu’il réserve à la rime<br />

masculine <strong>les</strong> vers pairs, avec une n<strong>et</strong>te préférence pour l’octosyllabe 21 :<br />

Masculines terminaisons<br />

Sont de huit coustumierement<br />

Comment j’ay alegué raisons,<br />

Mais pourtant singulierement<br />

Excepter doiz des laiz la forme<br />

Qui ont <strong>les</strong> masculins de sept<br />

Et feminins de huit con forme.<br />

L’on peult congnoistre comme c’est,<br />

Mais aucuns ne tiennent la norme.<br />

Des vers masculins soient per,<br />

Brief que sept sillabes passent,<br />

Et feminins soient non per<br />

Du riens ou bien p<strong>et</strong>it sollassent.<br />

De même, dans son Livre des eschez amoureux moralisés, Évrart de Conty interdit <strong>les</strong> vers de neuf <strong>et</strong><br />

onze syllabes, en ajoutant immédiatement c<strong>et</strong>te remarque 22 (nous soulignons):<br />

Par <strong>les</strong> choses dessusdictes semble il que <strong>les</strong> nombres de .XI. sillebes ne de .IX. ne sont pas convenable a faire<br />

plaisant rime [...] Sanz faille, il y a bien aucunesfoiz en une bonne rime .XJ. sillebes qui ne valent que .X.<br />

neantmoins au pronuncier <strong>et</strong> quant a la mesure, en telle maniere que .IJ. sillebes ne feront sanz plus que une.<br />

Et ce peut pour deux causes avenir. Premierement, en la fin de la rime, quant la rime se fine sur la lectre<br />

de .e., qui ne sonne pas bien son son entierement [...] en ce cas, le voyeul dessusdit ainzy feblement<br />

pronuncié ne fait point varier le nombre des sillebes de devant ne la mesure. [...] Secondement, il peut bien<br />

avenir dedans la rime que deux sillebes ne valent que une seule au pronuncier.<br />

Certains vers qui comptent a priori onze syllabes peuvent donc convenir, soit que la onzième syllabe<br />

ne soit pas prise en compte, soit que c<strong>et</strong>te onzième syllabe n’existe pas. Au sein du vers, la<br />

terminaison féminine entraîne une apocope: la dernière syllabe du mot n’est pas prononcée. Évrart<br />

prend ensuite l’exemple de la conjonction se 23 , qui apparaît précisément sous la forme contractée dans<br />

“S’amours n’estoit plus poissans que nature”. En fin de vers en revanche, le e est prononcé, mais<br />

“feblement”, ce qui fait qu’Évrart de Conty hésite à dénombrer dix ou onze syllabes dans un<br />

décasyllabe à rime féminine. En eff<strong>et</strong>, lorsqu’il commente le vers “No foiz seroit legiere a<br />

condampner”, décasyllabe à rime masculine, Évrart semble le supposer équivalent à “No foiz seroit a<br />

condempner legiere”, décasyllabe à rime féminine, alors qu’il exclut la formule “No foiz a<br />

condampner legiere seroit”, endécasyllabe à rime masculine 24 :<br />

La chose dessusdite aussi semblablement se moustre ou second ver en ce mot cy “legiere”, car, pour ce qu’il<br />

est mis devant le voyel .a. qui aprés s’enssuit <strong>et</strong> qui aussi come ly emble <strong>et</strong> muce la tierce sillebe, pour ce ne<br />

tient il lieu que de deux seulement, <strong>et</strong> s’il estoit aussi en la fin de la rime ne vaulroit il que deux pour la cause<br />

dessudite, sy come se on disoit “no foiz seroit a condempner legiere”. Et par ainsy, ceste tierce sillebe ne oste<br />

point la mesure de la rime ne ne fait point de prejudice au nombre des sillebes, quant a ces deux manieres.<br />

20 Selon Pierre Fabri “l’en ne treuue point ligne de neuf sillaibes masculine, ne de dix<br />

feminine, ne de XI. masculine, sans licence po<strong>et</strong>ique”. Il est cependant le seul à citer un rondeau “de huyt<br />

sillaibes au masculin <strong>et</strong> de dix au feminin”, peut-être pour faire réagir ses lecteurs (Heron 1899-1890, 2: 6<br />

<strong>et</strong> 9).<br />

21 Droz <strong>et</strong> Piag<strong>et</strong> (1910-1925, 1: 11) donnent seulement une reproduction en fac-similé<br />

de l’édition du Jardin de Plaisance <strong>et</strong> fleur de rhétorique publiée par Antoine Vérard vers 1501, <strong>et</strong><br />

l’introduction <strong>et</strong> <strong>les</strong> notes ne pallient pas à l’absence d’édition scientifique.<br />

22 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 171-172).<br />

23 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 172). Le serventois de Jehan le Court dit Brisebarre<br />

qui sert d’illustration à Évrart de Conty est aussi cité dans <strong>les</strong> Règ<strong>les</strong> de la seconde rhétorique (Langlois<br />

1902: 12); il a fait coulé beaucoup d’encre (Roy 1999: 26 <strong>et</strong> 28).<br />

24 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 172-173).<br />

4


Maiz se ce mot “legiere” estoit ailleurs assis ou aucuns consonans aprés ly s’enssuiviste, lors tendroit il le<br />

lieu de troiz sillebes <strong>et</strong> osteroit simplement la mesure de la rime, sy come se on disoit “no foiz a condampner<br />

legiere seroit”.<br />

Le théoricien cherche ici à différencier <strong>les</strong> vers de onze syllabes à rimes masculines des vers de dix<br />

syllabes à rimes féminines qui, comptant tous <strong>les</strong> deux le même nombre de syllabes pour une oreille<br />

du Moyen Âge, ne sont pas pour autant égaux. La rime féminine ajoute une syllabe – cela est évident<br />

d’après la terminologie de tous <strong>les</strong> arts poétiques, qu’il s’agisse d’Évrart de Conty ou des autres. Mais<br />

elle ne rem<strong>et</strong> pas en cause le rapport harmonieux entre <strong>les</strong> deux parties du vers selon la théorie<br />

d’Évrart de Conty: “ceste tierce sillebe ne oste point la mesure de la rime”.<br />

La différence du genre des rimes a une implication métrique dans la poésie médiévale strophique<br />

française. Les deux concepts opposés d’hétérométrie <strong>et</strong> d’isométrie sont donc anachroniques. Nous<br />

proposons de parler plutôt d’hétérométrie <strong>“forte”</strong>, lorsque coexistent plusieurs types des vers, <strong>et</strong><br />

d’hétérométrie <strong>“faible”</strong>, lorsque seuls changent <strong>les</strong> genres des rimes. S’y ajoutent <strong>les</strong> pièces en<br />

isométrie <strong>“pure”</strong>, où <strong>les</strong> strophes sont construites sur un seul type de vers <strong>et</strong> un seul genre de rimes. Or<br />

selon Eustache Deschamps, ces trois types de strophes ne sont pas tous recommandés pour la ballade.<br />

3. L’hétérométrie est indispensable à la ballade pour apporter une variation harmonieuse<br />

entre différents groupes rythmiques<br />

3.1. La ballade<br />

Eustache Deschamps évoque en ces termes le genre des rimes de la ballade dans l’Art de dictier 25 :<br />

13. a Exemple de balade de dix vers de X <strong>et</strong> XI sillabes<br />

b Et se doit on tousjours garder en faisant balade, qui pu<strong>et</strong>, que <strong>les</strong> vers ne soient pas de mesmes piez, c mais<br />

doivent estre de IX ou de X, de VII ou de VIII ou de IX, selon ce qu’il plaist au faiseur, d sanz <strong>les</strong> faire touz egaulx,<br />

[397a] car la balade n’en est pas si plaisant ne de si bonne façon.<br />

e Autre balade<br />

Ex4 26 . Pourquoy fina par venin Alixandre, 1<br />

Qui si puissans fut <strong>et</strong> si fortunez<br />

Que le monde soubmist en aage tendre,<br />

Et commença XV ans puis qu’il fut nez 4<br />

A conquerir ? Comment fut destinez<br />

Cilz qui conquist Yude 27 , ce fut Pompee ?<br />

Aprés Thessale ot la teste couppee,<br />

En Egipte le fist ly roys fenir 8<br />

Tholomee 28 , par traïson dampnee:<br />

Toudis avient ce qu’il doit avenir 29 .<br />

f Autre balade<br />

Ex5 30 . Depuis que le diluge fu 1<br />

Et que <strong>les</strong> cinq citez fondirent<br />

Par leur pechié, par ardent fu,<br />

Que Loth <strong>et</strong> sa femme en yssirent, 4<br />

Ne puis que <strong>les</strong> proph<strong>et</strong>es dirent<br />

25 Nous n’utilisons pas l’édition récente (Sinnreich-Levi 1994), qui n’apporte rien à la<br />

précédente (Queux de Saint-Hilaire <strong>et</strong> Raynaud 1878-1903, 7: 266-292). Nous éditons le traité d’après le<br />

manuscrit Bnf fr. 840 (folios 394-400v); le manuscrit Bnf nafr. 6221 (folios 28v-32v) propose la seule<br />

autre version conservée du traité.<br />

26 Ballade 1155 (Queux de Saint-Hilaire <strong>et</strong> Raynaud 1878-1903, 6: 88-89).<br />

27 Gaston Raynaud lit « Ynde ». Dans le texte de la ballade 1155 donné dans le ms Bnf<br />

fr. 840 (folios 306v) on lit « Jude ».<br />

28<br />

« Tholomeus ».<br />

On lit dans le texte de la ballade 1155 <strong>et</strong> l’autre version de L’Art de dictier<br />

29 Le manuscrit Bnf nafr. 6221 donne ici le texte compl<strong>et</strong> de la ballade.<br />

30 Ballade 981 (Queux de Saint-Hilaire <strong>et</strong> Raynaud 1878-1903, 5: 224-225).<br />

5


Les maulx dont ly mons seroit plains<br />

Pres de la fin, li noms Dieu vains<br />

Et sa loy escandalisee, 8<br />

Ne fut li termes si prochains<br />

D’estre monarchie muee.<br />

Les deux ballades sont données en exemple d’hétérométrie faible. L’une est en décasyllabes,<br />

l’autre en octosyllabes, sur des rimes 31 FMFM <strong>et</strong> MFMF. Prises isolément, el<strong>les</strong> peuvent nous induire<br />

en erreur, car ce n’est pas la stricte alternance qui intéresse <strong>les</strong> poètes jusqu’à Ronsard, mais le<br />

mélange des différents genres de rimes qui entraîne la variation des rythmes. Si l’on suit Eustache<br />

Deschamps, dans la ballade, il vaut mieux pratiquer l’hétérométrie faible que l’isométrie pure.<br />

Deschamps n’exige pas l’hétérométrie forte dans <strong>les</strong> ballades, mais il la conseille. Elle concerne un<br />

dixième de ses ballades seulement, mais un tiers de cel<strong>les</strong> citées dans L’Art de dictier, ce qui prouve<br />

son intérêt théorique. L’hétérométrie forte est conçue comme une forme supérieure parce qu’elle<br />

apporte à la poésie des rapports proportionnels harmonieux similaires aux interval<strong>les</strong> de la musique<br />

“artificiele” selon Deschamps. Il conseille ainsi 32 : “se il y a aucun ver coppé qui soit de cinq piez,<br />

cellui qui vient aprés doit estre de dix”. C<strong>et</strong>te règle montre la préférence du théoricien pour un rapport<br />

de division par deux 33 proportionnel (5/10). Or le poète ne la pratique jamais lui-même, puisqu’il<br />

utilise habituellement un rapport 7/10, en mêlant un heptasyllabe à une dizaine de décasyllabes.<br />

C’est après avoir fait le célèbre récit des marteaux de Pythagore qu’Évrart de Conty définit le vers,<br />

qu’il soit quantitatif ou qualitatif, par <strong>les</strong> rapports rythmiques. Pour <strong>les</strong> vers français, Évrart de Conty<br />

accorde la plus large place de son exposé à la question de la césure, qui perm<strong>et</strong> d’opposer deux<br />

groupes de vers proportionnés (6/6, ou 4/6, ou 2/3 par exemple), “justifi[ant] implicitement la présence<br />

dans <strong>les</strong> strophes de vers courts par le rapport qu’ils entr<strong>et</strong>iennent avec <strong>les</strong> vers plus longs” 34 . Il<br />

distingue trois types de vers, de cinq ou six, sept ou huit <strong>et</strong> dix ou douze syllabes, en ajoutant 35 : “Sanz<br />

faille, il peut bien avoir avec <strong>les</strong> vers parfais aucuns copons p<strong>et</strong>is qui sont de .IIJ. sillebes, ou de .IIIJ.<br />

ou de .V., ou de tant qu’il plaist au maistre de la rime”. Ensuite il n’évoque plus que <strong>les</strong> vers<br />

suffisamment longs pour que l’on puisse y établir une césure 36 , mais <strong>les</strong> vers courts peuvent entr<strong>et</strong>enir<br />

avec <strong>les</strong> vers “normaux” <strong>les</strong> mêmes rapports de proportions harmonieuses que l’on trouve au sein de<br />

chaque vers.<br />

L’expression de “vers copé” ou “brisé” dans <strong>les</strong> arts de seconde rhétorique montre la tendance des<br />

poètes médiévaux à construire des strophes sur l’opposition 37 entre un vers long dominant <strong>et</strong> un vers<br />

31 Désormais <strong>les</strong> rimes masculines sont notées M <strong>et</strong> <strong>les</strong> rimes féminines F. Dans <strong>les</strong><br />

tableaux, M indique des rimes exclusivement masculines, F des rimes exclusivement féminines, <strong>et</strong> le<br />

rapport M/F des rimes masculines <strong>et</strong> féminines en alternance quel<strong>les</strong> que soit leurs proportions<br />

respectives dans la strophe.<br />

32 Bnf fr. 840 (folio 396v).<br />

33 On r<strong>et</strong>rouve le même rapport de proportion dans le Traité de l’art de rhétorique:<br />

“chascun baston doit estre parelle en quantitey de silabes, se il n’y ait des vers coppez, qui doient estre<br />

de la moitié dez bastons, come, se lez bastons estoient de .VIIJ. silabes, <strong>les</strong> vers coppez doient estre de .IIIJ.,<br />

<strong>et</strong> ainsi de tous nombre” (Langlois 1902: 202). Les vers de quatre <strong>et</strong> de cinq syllabes ne sont pas<br />

systématiquement associés à des vers de huit ou de dix syllabes dans la poésie de la fin du Moyen Âge.<br />

34 Hüe (2000: 35).<br />

35 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 169).<br />

36 Selon Évrart de Conty, “se nous sutillement considerons bien <strong>et</strong> voulons bien<br />

pronuncier a leur droit [...] <strong>les</strong> rimes”, c’est-à-dire <strong>les</strong> vers rimés, “nous trouverons qu’i <strong>les</strong> convient<br />

partir <strong>et</strong> comparer ensamble <strong>les</strong> parties par <strong>les</strong> proporcions musicaulx dessusdites, <strong>et</strong> la, faire sa pause <strong>et</strong><br />

son arrest aucun, aussi come pour m<strong>et</strong>re difference entre <strong>les</strong> deux parties, come l’oye fait entre deux sons<br />

qui s’acordent ensemble [...] Et se <strong>les</strong> deux parties ou pluseurs dessusdites sont au tout comparab<strong>les</strong><br />

musicaument, tant vauldra mielx la chose, car lors sera la rime plaisant a prununcier <strong>et</strong> de bonne<br />

mesure, <strong>et</strong> se raportera celle dessusdite comparison des parties ensamble <strong>et</strong> a leur tout aussi come ce qui<br />

est dit par devant de la division du monocorde.” (Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy 1993: 169). Évrart évoque ici<br />

<strong>les</strong> relations entre chaque partie du vers <strong>et</strong> entre <strong>les</strong> parties <strong>et</strong> le vers entier; il prend ensuite l’exemple de<br />

l’alexandrin construit sur <strong>les</strong> rapports d’égalité entre deux hémistiches (6/6 syllabes) <strong>et</strong> de division par<br />

deux entre l’hémistiche <strong>et</strong> le vers (6/12 syllabes).<br />

37 Selon Paul Zumthor: “si la strophe se construit sur deux longueurs de vers, l’un des<br />

mètres, fonctionnant comme ‘thème’, sur lequel se brodent <strong>les</strong> motifs sonores du second, est de<br />

6


plus court. C’est surtout le cas dans la strophe layée 38 , dont on peut donner c<strong>et</strong>te définition moderne 39 :<br />

“la strophe layée représente une forme particulière de l’hétérométrie où celle-ci est réduite au<br />

minimum. Un vers court marque la transition du clos à l’oultrepasse; il introduit toujours une rime<br />

nouvelle”. Toutes <strong>les</strong> ballades en hétérométrie forte de Deschamps sont en strophes layées 40 . Le vers<br />

court y apparaît toujours à la troisième rime, au cinquième ou au sixième vers selon <strong>les</strong> pièces 41 . Chez<br />

Guillaume de Machaut <strong>et</strong> Christine de Pizan, la strophe layée est plus variée. Elle se définit 42 par un<br />

unique vers court, à l’apparition de la troisième rime, en alternance avec un seul autre type de vers<br />

plus long. Le vers court compte 4 à 8 syllabes, <strong>et</strong> le vers long 7 à 10 syllabes: l’important, c’est la<br />

différence entre <strong>les</strong> deux vers, qu’elle corresponde à deux ou six syllabes. Les formes irrégulières sont<br />

très rares 43 . Il semble bien que dans <strong>les</strong> ballades à strophe layée, s’instaure habituellement, au<br />

changement de rythme <strong>et</strong> de rime, une coupure médiane – qui s’ajoute à celle du refrain entre <strong>les</strong><br />

strophes – dont le fonctionnement au sein de l’argumentation reste à étudier 44 .<br />

La strophe layée n’est pas le seul modèle hétérostrophique utilisé par Guillaume de Machaut <strong>et</strong><br />

Christine de Pizan, contrairement à leurs contemporains. Les autres ballades en hétérométrie forte ne<br />

font jamais alterner un seul vers court avec d’autres plus longs. Les formes sont presque toujours<br />

uniques 45 <strong>et</strong> leur variété suscite l’admiration. Pour classer ces pièces, on peut tout au plus distinguer le<br />

nombre de types de vers utilisés <strong>et</strong> une certaine tendance soit à alterner <strong>les</strong> longueurs, soit au contraire<br />

à <strong>les</strong> faire se succéder. La structure métrique de la strophe peut être rigoureusement symétrique,<br />

opposant quatre décasyllabes à quatre octosyllabes par exemple, ou enchaînant quatre fois un<br />

heptasyllabe <strong>et</strong> un vers de cinq syllabes; mais elle peut aussi bien faire apparaître ça <strong>et</strong> là deux ou trois<br />

vers plus courts, sans ordre apparent.<br />

Or la pratique de l’hétérométrie faible correspond plutôt à ce deuxième type d’hétérométrie forte.<br />

En eff<strong>et</strong> jamais un vers n’est isolé par une rime orpheline dans une strophe: plusieurs vers à rimes<br />

masculines alternent avec plusieurs vers à rimes féminines, en se mêlant de différentes manières. Les<br />

rapports rythmiques ne peuvent plus être proportionnels (7/8, 8/9, 10/11). Les possibilités sont<br />

particulièrement riches, puisque le poète combine le choix du genre de la rime (M ou F) avec celui du<br />

nombre de rimes <strong>et</strong> de leurs dispositions dans la strophe. Les schémas rythmiques strophiques sont<br />

donc nombreux, <strong>et</strong> il serait fastidieux de <strong>les</strong> énumérer ici.<br />

Isométrie pure H. faible Hétérométrie forte<br />

Auteur (total) M F Soit M/F Soit M F M/F Soit<br />

Machaut (254) 30 2 13% 119 47% 18 0 85 40%<br />

préférence le décasyllabe, l’octosyllabe ou le septenaire; la durée de l’autre sera rarement inférieur à la<br />

moitié du vers-thème” (1978: 226-227). D’autres arts poétiques que L’Art de dictier citent des strophes<br />

hétérométriques associant des vers de 7 <strong>et</strong> 5, 8 <strong>et</strong> 3 ou 10 <strong>et</strong> 4 syllabes en dehors du modèle de la strophe<br />

layée.<br />

38 Dans <strong>les</strong> arts poétiques, l’adjectif lai renvoie soit au mélange de vers courts <strong>et</strong> longs,<br />

sans règle particulière de disposition, soit à la présence d’une rime intérieure, qui construit une sorte de<br />

p<strong>et</strong>it vers dans le grand. Voir la table des termes techniques d’Ernest Langlois (1902: 449).<br />

39 Bliggenstorfer (2005: 198).<br />

40 Sur <strong>les</strong> 114 pièces, seule la pièce 1114 (Queux de Saint-Hilaire <strong>et</strong> Raynaud 1878-<br />

1903, 6: 24-25) fait exception, puisqu’elle est construite sur des vers de trois <strong>et</strong> sept syllabes en<br />

alternance.<br />

41 Seule la ballade 852 (Queux de Saint-Hilaire <strong>et</strong> Raynaud 1878-1903, 5: 26-27)<br />

n’introduit pas de nouvelle rime lorsque l’unique heptasyllabe apparaît dans la strophe, parce que la<br />

rime C est équivalente à la rime A, d’où une disposition de rimes en ababaacac.<br />

42 On compte 66 ballades de Guillaume de Machaut répondant à c<strong>et</strong>te définition, <strong>et</strong><br />

44 ballades de Christine de Pizan, soit <strong>les</strong> deux tiers de l’ensemble de leurs ballades en hétérométrie forte.<br />

43 Une fois chez Guillaume, deux fois chez Christine, le vers plus court ne correspond<br />

pas à l’apparition de la troisième rime.<br />

44 Une étude de la perception de la strophe de la ballade en dehors des compositions<br />

musica<strong>les</strong> fondées sur l’ouvert <strong>et</strong> sur le clos pourrait être réalisée sur le modèle de l’article de Jean-Louis<br />

Aroui (2005) à propos du sonn<strong>et</strong>.<br />

45 On compte dans l’œuvre de Guillaume de Machaut 37 ballades en hétérométrie forte<br />

qui ne répondent pas à la définition de la strophe layée, développant en tout 30 modè<strong>les</strong> différentes; chez<br />

Christine de Pizan on compte 19 ballades de ce type, toutes différentes.<br />

7


Froissart (69) 6 1 / 48 / 2 0 12 /<br />

Deschamps (1153) 161 15 15% 863 75% 13 0 101 10%<br />

C. de Pizan (290) 24 37 21% 166 57% 7 7 49 22%<br />

Tresor am. (128) 37 3 / 88 / 0 0 0 /<br />

Villon (31) 5 6 / 25 / 0 0 0 /<br />

Figure 1. Nombre de ballades écrites selon <strong>les</strong> différents types de strophes.<br />

Si l’on regarde <strong>les</strong> résultats statistiques globaux 46 , on constate que l’isométrie pure est<br />

effectivement la solution la moins choisie par <strong>les</strong> poètes; elle apparaît pourtant avec une fréquence<br />

suffisante pour qu’on ne puisse pas dire que l’hétérométrie est la seule norme autorisée. Les quatre<br />

cinquièmes des ballades chez tous <strong>les</strong> auteurs sont hétérométriques. En revanche il existe des<br />

préférences remarquab<strong>les</strong>: Guillaume de Machaut choisit bien plus souvent qu’Eustache Deschamps,<br />

<strong>et</strong> même que Christine de Pizan, l’hétérométrie forte. Deschamps pose le principe d’un changement de<br />

type de rimes au sein de la strophe dans le seul but d’éviter l’isométrie pure, qui reste pourtant<br />

acceptable:<br />

Et se doit on tousjours garder en faisant balade [...] que <strong>les</strong> vers ne soient pas de mesmes piez [...] sanz <strong>les</strong><br />

faire touz egaulx, car la balade n’en est pas si plaisant ne de si bonne façon.<br />

3.2. Les dits strophiques<br />

Isométrie pure H. faible H. forte<br />

Œuvres M F M/F M/F Total<br />

Ballades de Chartier 0 3 45 6 54 (18B)<br />

Dits strophiques de C. 45 27 183 0 255<br />

Ballades de Taillevent 3 15 129 6 153 (51B)<br />

Dits strophiques de T. 74 25 286 0 385<br />

Figure 2. Les types de strophes selon <strong>les</strong> œuvres d’Alain Chartier <strong>et</strong> de Michault Taillevent.<br />

Le conseil de Deschamps ne concerne que la ballade, <strong>et</strong> il serait utile de prospecter largement dans <strong>les</strong><br />

poésies strophiques françaises de l’époque pour voir si la préférence donnée à l’hétérométrie est<br />

spécifique ou non à ce genre. Il semble que <strong>les</strong> œuvres d’Alain Chartier 47 <strong>et</strong> de Michault Taillevent 48 ,<br />

qui ont écrit à la fois des ballades <strong>et</strong> des dits strophiques, donnent une première réponse. Les deux<br />

poètes utilisent bien davantage l’isométrie dans leurs dits strophiques. Tous <strong>les</strong> dits strophiques de<br />

Michault Taillevent sont en octosyllabes réunis en septains ou huitains construits sur trois rimes. Ceux<br />

d’Alain Chartier sont plus variés, comptant de deux à quatre rimes, sur huit à seize vers. Le mélange<br />

des genres de rimes dépend beaucoup des pièces, <strong>et</strong> ne dérive pas de la forme de la strophe.<br />

Globalement, chez <strong>les</strong> deux auteurs, l’isométrie pure concerne un bon quart des dits strophiques, avec<br />

une n<strong>et</strong>te préférence pour <strong>les</strong> rimes exclusivement masculines. Le même constat peut être fait sur <strong>les</strong><br />

46 Nous ajoutons à notre corpus principal <strong>les</strong> 31 ballades de François Villon sans<br />

compter <strong>les</strong> ballades en jargon (Mühl<strong>et</strong>haler <strong>et</strong> Hicks 2004) <strong>et</strong> <strong>les</strong> 128 ballades du Trésor amoureux,<br />

contemporaines de l’œuvre de Deschamps. Ce texte, longtemps attribué à Jean Froissart, a été édité par<br />

Auguste Scheler (1870-1872, 3: 52-281).<br />

47 Les dits strophiques sont Le Livre des Quatre Dames (l’introduction), Le Debat de<br />

Reveille Matin, La Complainte, La Belle Dame sans mercy (avec L’Excusacion) <strong>et</strong> Le Debat du Herault,<br />

du Vassault <strong>et</strong> du Villain. On compte 5 ballades dans la section Rondeaulx <strong>et</strong> Balades, <strong>et</strong> le Breviaire des<br />

nob<strong>les</strong> est constitué de 13 ballades <strong>et</strong> un rondeau. Voir l’édition de Laidlaw (1974).<br />

48 Les dits strophiques sont La Destrousse Michault Taillevent, Le Dialogue fait par<br />

Michault de son voiage de Saint Glaude, Le Songe de la Thoison d’or (avec 2 ballades), Le Passe Temps<br />

de Michault Taillevent, Le Débat du Cuer <strong>et</strong> de l’Ueil. Les Poèmes sur la prise de Luxembourg<br />

contiennent 3 dits strophiques <strong>et</strong> 2 ballades. La plupart des 51 ballades se trouvent dans des recueils: Le<br />

Psautier des vilains (13), Le Régime de Fortune (7), Le Congé d’Amour (6), La Bien Allee (7), L’Edifice<br />

de l’hôtel douloureux d’Amour (6) <strong>et</strong> La Ressource <strong>et</strong> relèvement du douloureux hôtel (6); la Moralité<br />

d’Arras en contient 2. Voir l’édition de Deschaux (1975). Nous comptons dans le tableau 3 strophes pour<br />

chaque ballade.<br />

8


jeux partis, qui ne semblent pas craindre l’isométrie masculine 49 . L’isométrie pure semble donc être<br />

évitée spécifiquement pour la ballade.<br />

3.3. La règle de l’alternance<br />

La réflexion théorique <strong>et</strong> la pratique des différents poètes ont engendré à long terme la règle de<br />

l’alternance dans la poésie française, qui repose sur une esthétique différente. Deschamps recherche la<br />

variation plutôt que la régularité, <strong>et</strong> insiste sur l’importance du nombre impair dans le décompte des<br />

syllabes. Les arts poétiques français <strong>les</strong> plus tardifs théorisent la régularité dans l’alternance des rimes.<br />

L’Art de rhétorique vulgaire la préconise dans le cas spécifique de la riqueraque 50 . L’Art <strong>et</strong> science de<br />

rhétorique vulgaire recommande l’alternance, “ceste digne <strong>et</strong> nouvelle maniere”, pour tous <strong>les</strong> genres<br />

<strong>et</strong> en particulier à propos de la rime plate; selon Ernest Langlois, Molin<strong>et</strong> “assuj<strong>et</strong>tit à la nouvelle règle<br />

tous <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> de son traité” 51 . Or l’exemple de ballade en vers alexandrins 52 , composée sans doute<br />

par l’auteur, utilise trois rimes masculines pour une seule féminine. On voit bien que jusqu’à la fin du<br />

Moyen Âge, le mélange des rimes ne se comprend pas comme une alternance rigoureuse. Mieux<br />

encore, le genre des rimes perm<strong>et</strong> une irrégularité métrique volontaire, tandis que depuis la<br />

Renaissance nous percevons l’alternance comme un élément de régularité sonore 53 .<br />

La règle de l’alternance au sens strict sera lente à se systématiser. On attribue souvent à Octave de<br />

Saint-Gelais c<strong>et</strong>te nouvelle règle de versification dans sa traduction des Épîtres d’Ovide <strong>et</strong> de l’Énéide<br />

de Virgile 54 , mais elle n’y est pas suivie avec rigueur 55 . Jean Bouch<strong>et</strong> signale dans ses Triumphes de la<br />

noble <strong>et</strong> amoureuse dame (édité en 1532) son intérêt pour c<strong>et</strong>te nouvelle technique 56 :<br />

Et tous mes vers de epistres leonyns<br />

Ie entremeslay depuis de feminins<br />

Et masculins, deux a deux, dont la taille<br />

Résonne fort s’il advient qu’on n’y faille<br />

Mais peu de gens gardent celle rigueur<br />

Car a la faire y a peine <strong>et</strong> longueur.<br />

49 Voir le recueil établi par Långfors, Jeanroy <strong>et</strong> Brandin (1926). La pièce une est même<br />

“des plus singulières” par la disposition des rimes <strong>et</strong> des mètres, puisque <strong>les</strong> strophes, qui ne riment pas<br />

entre el<strong>les</strong>, sont écrites en vers de sept <strong>et</strong> huit syllabes avec des rimes masculines ou féminines sans<br />

régularité rythmique (Långfors, Jeanroy <strong>et</strong> Brandin 1926, 1: 1-5).<br />

50 “Et chascun couppl<strong>et</strong> a deux diverses croisies: la premiere ligne <strong>et</strong> la tierce de<br />

sillabes imparfaittes, la seconde <strong>et</strong> la quatrieme de parfaittes; <strong>et</strong> pareillement la seconde croisie, mais<br />

distinctes <strong>et</strong> differentes en termination; <strong>et</strong> doit tenir ceste mode de sillabes en tous ses couplès, affin<br />

qu’elle soit convenable. Au chant de ceste taille couloura messire George Chastellain ses Croniques<br />

abregies.” (Langlois 1902: 247).<br />

51 Voir l’introduction de Langlois (1902: LXXXI-LXXXII).<br />

52 Langlois (1902: 297-298).<br />

53 Selon Paul Zumthor (1978: 252), la nouvelle règle de l’alternance sacrifie “la<br />

possibilité harmonique qui pouvait résulter de l’homotonie”. Mais c’est plutôt l’hétérométrie, faible ou<br />

forte, qui est recommandée dans <strong>les</strong> traités, en particulier par Eustache Deschamps, <strong>et</strong> qui est pratiquée<br />

par <strong>les</strong> poètes.<br />

54 Théodor Elwert (1965: 30 <strong>et</strong> 83), l’un des nombreux critiques à considérer qu’au<br />

Moyen Âge “à la fin du vers, -e final est prononcé, mais non compté”, attribue à Octavien de Saint-Gelais<br />

la première alternance régulière des rimes masculines <strong>et</strong> féminines en français, dans sa traduction en<br />

rimes plates des épîtres d’Ovide (1500). Voir à ce propos l’argumentation d’Ernest Langlois (1902:<br />

LXXVII-LXXXII).<br />

55 Voir <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> cités par Léon Émile Kastner (1904b: 336).<br />

56 Kastner (1904b: 340).<br />

9


En 1550, <strong>les</strong> Modernes se méfient de l’alternance, qu’ils perçoivent peut-être comme une complication<br />

rétrograde digne des grands rhétoriqueurs 57 . Le conseil de Ronsard dans son Abrégé de l’art poétique<br />

reste prudent 58 :<br />

Après, à l’imitation de quelqu’un de ce temps, tu feras tes vers masculins <strong>et</strong> féminins tant qu’il te sera<br />

possible, pour estre plus propres à la Musique <strong>et</strong> accord des intruments, en faveur desquels il semble que la<br />

Poésie soit née [...] afin que <strong>les</strong> Musiciens <strong>les</strong> puissent plus facilement accorder.<br />

Comme le fait remarquer Léon Kastner 59 , il suffit que la succession des rimes dans chaque strophe<br />

reproduise le même ordre dans le sexe des rimes pour qu’on puisse répéter la même mélodie. Ronsard<br />

s’impose finalement l’alternance rigoureuse, mais pas pour <strong>les</strong> raisons musica<strong>les</strong> 60 qu’il évoque dans<br />

son Abrégé <strong>et</strong> dans le Supplément musical à l’édition des Amours. Ronsard a peut-être tranché par<br />

choix idéologique: <strong>les</strong> vers des odes qui suivent l’alternance rigoureuse sont “mesurées à la lyre” 61 , ils<br />

semblent ainsi reprendre le modèle des Anciens <strong>et</strong> ordonner le discours par opposition au “fatras” des<br />

médiévaux: on passe du mélange à l’alternance, de la variation à la mesure. Ronsard y a peut-être vu<br />

aussi le moyen de signer ses œuvres, prenant à son compte <strong>les</strong> innovations de quelques-uns qui<br />

n’avaient pas fait école. Dans une rédaction ultérieure de son Abrégé, Ronsard corrige 62 d’ailleurs la<br />

référence à son aîné Bouch<strong>et</strong> par l’expression moins véridique (nous soulignons): “à mon imitation”.<br />

De fait, c’est bien sur l’imitation de Ronsard 63 que s’est construite la règle de l’alternance rigoureuse<br />

dans l’ensemble de la production lyrique française jusqu’au XIX e siècle.<br />

4. L’isométrie pure est une pratique acceptée comme variation qui peut devenir une forme<br />

d’exception<br />

4.1L’isométrie masculine<br />

Si le principe de mélange posé par Deschamps était rigoureusement suivi par nos auteurs, l’isométrie<br />

pourrait apparaître comme une faib<strong>les</strong>se, ou une marque d’originalité sans doute liée à un eff<strong>et</strong><br />

sémantique particulier. Cependant, dans tous <strong>les</strong> corpus, l’isométrie masculine reste relativement<br />

fréquente, <strong>et</strong> donc peu propice au commentaire. Dans le Trésor amoureux, par exemple, où aucune<br />

ballade n’est en hétérométrie forte, un tiers des pièces est en isométrie pure 64 , dont seulement trois sur<br />

des rimes exclusivement féminines 65 . Les mêmes proportions se r<strong>et</strong>rouvent dans des poésies plus<br />

tardives. Les traités poétiques donnent assez peu d’exemp<strong>les</strong> en isométrie masculine 66 <strong>et</strong> aucun en<br />

isométrie féminine, à l’exception de la “balades estranges en soties selon <strong>les</strong> .V. voieulx” 67 , dont le titre<br />

suffit à souligner l’originalité. L’isométrie pure à rimes masculines paraît donc être l’un des nombreux<br />

moyens donnés au poète de faire varier le rythme entre <strong>les</strong> pièces – ici en supprimant justement l’une<br />

57<br />

(1990: 7).<br />

Voir l’analyse de Francis Goy<strong>et</strong> en introduction de son édition des traités poétiques<br />

58 Abrégé de l’Art poétique français (Goy<strong>et</strong> 1990: 470).<br />

59 Kastner (1904b: 345).<br />

60 Ces raisons sont expliquées par Francis Mour<strong>et</strong> (1998: 103-104).<br />

61 L’expression est chez Jacques Pel<strong>et</strong>ier (Goy<strong>et</strong> 1990: 297), qui souligne la modification<br />

ainsi apportée à ses premières odes. On trouve la métaphore du “luth bien accordé au son de la Lyre<br />

Greque <strong>et</strong> Romaine” chez Joachim Du Bellay dans La Deffence <strong>et</strong> illustration de la langue françoyse<br />

(Monferran 2001: 133). Voir l’explication de Francis Goy<strong>et</strong> (1990: 337) dans sa note 162.<br />

62 Voir la note 10 de Goy<strong>et</strong> (1990: 489).<br />

63 Voir Alain Chevrier (1996: 39-74) sur le “second XVI e siècle”.<br />

64 Soit 40 ballades sur 128.<br />

65 Les trois pièces à quatre rimes exclusivement féminines sont <strong>les</strong> ballades 9 <strong>et</strong> 34 de la<br />

deuxième série <strong>et</strong> la ballade 9 de la troisième série (Scheler 1870-1872, 3: 52-281).<br />

66 Sur <strong>les</strong> 74 pièces données en exemple de ballades dans <strong>les</strong> arts poétiques, on compte<br />

6 cas de rimes exclusivement masculines, dont 5 en isométrie pure.<br />

67 Voir <strong>les</strong> Règ<strong>les</strong> de la seconde rhétorique (Langlois 1902: 65).<br />

1


des variations au sein de la ballade. Le rythme uniforme de ces pièces pouvant lasser à la longue, il ne<br />

doit pas excéder une certaine proportion au sein d’un recueil par exemple.<br />

À notre connaissance, une seule pièce en isométrie masculine mérite un commentaire pour le genre<br />

de ses rimes, mais elle est beaucoup plus tardive. Il s’agit d’un sonn<strong>et</strong> de Marc Papillon de Lasphrise 68<br />

introduit par ce commentaire: “Ces vers sont masculins: car la Dame aime le masle”. Ce n’est<br />

d’ailleurs pas le seul sonn<strong>et</strong> à isométrie masculine de c<strong>et</strong> auteur 69 . À la Renaissance, Alain Chevrier<br />

(1996) trouve bien moins de pièces en “rimes isosexuel<strong>les</strong> masculines” que féminines (selon sa<br />

terminaison); à la fin du Moyen Âge, <strong>les</strong> pièces sont au contraire plus nombreuses, <strong>et</strong> ne méritent pas<br />

d’être commentées.<br />

4.2L’isométrie féminine<br />

Plus intéressante est l’isométrie pure construite sur des rimes exclusivement féminines, car son<br />

caractère exceptionnel chez la plupart des auteurs <strong>et</strong> au sein de l’ensemble de la production des<br />

ballades de l’époque, constaté statistiquement, devait forcément être perceptible à un lecteur de<br />

l’époque. C<strong>et</strong>te rar<strong>et</strong>é de l’isométrie féminine prouve que <strong>les</strong> distinctions que nous avons établi tout à<br />

l’heure entre le type “primitif” du vers <strong>et</strong> le décompte “effectif” des syllabes, qui perm<strong>et</strong> d’accepter<br />

l’octosyllabe à rime féminine <strong>et</strong> d’interdire le vers de neuf syllabes à rime masculine, est bien<br />

pertinente. Il était préférable, pour tous nos auteurs, d’écrire une ballade en octosyllabes à rimes<br />

masculines plutôt qu’en octosyllabes à rimes féminines – <strong>et</strong> même qu’en heptasyllabes à rimes<br />

féminines.<br />

Les rares ballades à rimes exclusivement féminines méritent donc d’être commentées. Mais selon<br />

nous, il s’agit plutôt d’une variation métrique par rapport à l’ensemble d’un recueil que d’une pratique<br />

signifiante sémantiquement. Il semble ainsi difficile de justifier le seul emploi de l’isométrie féminine<br />

par Jean Froissart 70 par rapport au suj<strong>et</strong> de la ballade, description fort commune de la beauté idéale.<br />

D’autres pièces se prêtent davantage à l’interprétation. Ainsi, parmi trente <strong>et</strong> une ballades de François<br />

Villon, aucune en hétérométrie forte, on compte cinq pièces en isométrie pure, dont une seule sur des<br />

rimes exclusivement féminines, la Ballade de la belle hëaumière dont voici l’envoi 71 :<br />

Fil<strong>les</strong>, veuillez vous entrem<strong>et</strong>tre<br />

D’écouter pourquoi pleure <strong>et</strong> crie:<br />

Pour ce que je ne me puis m<strong>et</strong>tre<br />

Ne que monnoie qu’on décrie.<br />

L’envoi change le Prince attendu par la mention explicite d’un métier déshonorant. Il me semble<br />

qu’ici le genre des rimes peut servir de signal aussi fort pour exhorter <strong>les</strong> prostituées à profiter de leur<br />

sexualité avant qu’il ne soit trop tard.<br />

Le nom même de la rime féminine n’est pas dû au hasard, ni à un simple rapprochement<br />

grammatical entre la terminaison en -e <strong>et</strong> la marque du genre qui a tendance à s’imposer pour l’accord<br />

des adjectifs <strong>et</strong> des participes entre l’ancien français <strong>et</strong> le français du XVI e siècle. La plupart des arts<br />

poétiques médiévaux français utilisent c<strong>et</strong>te terminologie depuis Jacques Legrand 72 sans la commenter.<br />

Pierre Fabri essaie de diminuer le décompte de la rime féminine pour faire accepter la dénomination<br />

commune d’octosyllabe ou de décasyllabe quel que soit le genre de la rime. Gratien du Pont 73 refuse<br />

c<strong>et</strong> aménagement <strong>et</strong> prouve ainsi que l’enjeu rythmique de la rime n’a pas disparu au XVI e siècle: “je ne<br />

68 Cité par Alain Chevrier (1996: 57).<br />

69<br />

anthologie.<br />

Voir <strong>les</strong> sonn<strong>et</strong>s 319 <strong>et</strong> 326 donnés par Roubaud (1990: 256 <strong>et</strong> 269-260) dans son<br />

70 Ballade 8 (Baudouin 1978: 13-15).<br />

71 Vers 557-560 du Testament (Mühl<strong>et</strong>haler <strong>et</strong> Hicks: 134).<br />

72 Selon Léon Kastner (1904a: 10-11), c’est Jacques Legrand qui est le premier à parler<br />

de rime féminine: “quant ce voyeul e se prononce imparfaictement <strong>et</strong> faintement, lors la sillabe qui est<br />

terminée en tel voyeul est appellée femenine” (Langlois 1902: 3).<br />

73 Art <strong>et</strong> science de rh<strong>et</strong>orique m<strong>et</strong>rifiee (Gratien du Pont [1539] 1972: folio 8 rectoverso).<br />

En l’absence d’édition moderne, nous reproduisons le texte de 1539, en corrigeant simplement <strong>les</strong><br />

consonnes notées i par j.<br />

1


sceuz jamais compter demye syllabe <strong>et</strong> croy que luy ny aultre, ne le scauroit bien compter ny m<strong>et</strong>tre à<br />

deue execution”. La domination des rimes masculines dans le vocabulaire est la conséquence d’une<br />

supériorité sociale: “le masculin est plus parfaict <strong>et</strong> noble que le femenin”. Selon lui, <strong>les</strong> traités<br />

préfèrent parler de vers de dix syllabes, qu’ils en comptent dix ou onze selon le genre de la rime,<br />

“pour ce qu’au plus noble se doibt faire la domination”. La syllabe surnuméraire du vers à rime<br />

féminine lui sert en fait d’“ayde <strong>et</strong> contrepoix” pour être digne d’“estre joinct <strong>et</strong> receu [...] à la<br />

compaignie [du vers] masculin”. Le genre des rimes sert ici de façon anecdotique la tradition<br />

misogyne des l<strong>et</strong>trés, mais prouve aussi la possibilité d’un lien entre la terminaison du vers <strong>et</strong><br />

l’expression d’une identité sexuée.<br />

4.3L’originalité de Christine de Pizan<br />

Œuvre Isométrie M Isométrie F Total des pièces<br />

Cent Balades 14 9 100<br />

Cent Balades d’amant <strong>et</strong> de dame 8 8 101<br />

Locuteur: Auteur 0 0 1<br />

Locuteur: Amour 0 0 1<br />

Locuteur: Amant 6 4 47<br />

Locuteur: Dame 2 4 47<br />

Locuteur: Amant <strong>et</strong> dame 0 0 5<br />

Autres Balades 2 11 53<br />

Balades d’estrange façon 0 0 4<br />

Encor aultres Balades 0 0 5<br />

Ballades du Dit de la Rose 0 1 3<br />

Ballades du Dit de la Pastoure 0 0 4 (3 doub<strong>les</strong>)<br />

Livre du Duc des vrais amans 0 8 24 (1 double)<br />

Ballades insérées 0 8 15 (1 double)<br />

Balades de pluseurs façons 0 0 9<br />

Total des ballades 24 37 290<br />

Figure 3. Nombre de ballades en isométrie pure selon <strong>les</strong> œuvres de Christine de Pizan.<br />

Le cas de Christine de Pizan est une bonne illustration de l’utilisation signifiante des rimes féminines<br />

comme signal sonore d’une étrang<strong>et</strong>é poétique. La poétesse utilise l’isométrie féminine avec une<br />

fréquence exceptionnelle relativement aux autres auteurs. C’est la seule, avec Michault Taillevent,<br />

chez qui <strong>les</strong> ballades en isométrie pure sont davantage construites sur des rimes féminines que sur des<br />

rimes masculines. Elle en a écrit un nombre considérable: 37 de ses ballades sont en rimes<br />

exclusivement féminines, soit deux fois plus que Deschamps sur un corpus quatre fois plus réduit !<br />

C<strong>et</strong>te spécificité se r<strong>et</strong>rouve à propos des pièces en hétérométrie forte. Christine de Pizan est presque<br />

la seule 74 à varier <strong>les</strong> mètres d’une strophe sur des rimes exclusivement féminines.<br />

Cependant, l’interprétation du genre de la rime comme signal sexuel ne peut être appliqué<br />

systématiquement à chacune des pièces en question. On a beaucoup cherché <strong>les</strong> marques d’une<br />

écriture féminine chez Christine de Pizan – encore ne faudrait-il pas confondre l’<strong>et</strong>hos de l’écrivain<br />

avec <strong>les</strong> différentes voix qu’elle emprunte au cours des différents poèmes. Les Cent Ballades d’amant<br />

<strong>et</strong> de dame suffisent à le prouver: <strong>les</strong> ballades isométriques sont tantôt à rimes masculines, tantôt à<br />

rimes féminines, quel que soit le locuteur <strong>et</strong> l’interlocuteur. La juxtaposition de trois pièces<br />

isométriques au début des Cent ballades 75 mérite un commentaire. Ces pièces extrêmement célèbres<br />

font référence au veuvage de Christine, sans que leur portée ne se réduise à ces circonstances<br />

autobiographiques. D’autres pièces consacrées à la même déploration sont en hétérométrie faible ou en<br />

isométrie masculine. La rime féminine perm<strong>et</strong> de soutenir d’autres eff<strong>et</strong>s stylistiques: la syllabe<br />

74 Nous ne connaissons qu’un seul autre exemple de ballade en hétérométrie forte<br />

construite sur des rimes exclusivement féminines: la pièce 69 des Cent Ballades de Jean le Sénéchal<br />

(Raynaud 1905).<br />

75 Roy (1886-1896, 1: 10-12).<br />

1


surnuméraire allonge la plainte <strong>et</strong> peut contribuer à la désarticulation du langage causée par la douleur.<br />

Ainsi dans l’expression 76 “Ou soye si maleürée” la multiplicité des [e] mime l’incommunicabilité du<br />

sentiment de deuil. L’anaphore remarquable de “Seul<strong>et</strong>e suy” dans la ballade XI est sans doute<br />

appuyée par l’uniformité inattendue des rimes <strong>et</strong> des rythmes du vers. Il est probable que la rime<br />

féminine, remarquablement concentrée ici, fait partie du portrait de l’auteur en amante délaissée,<br />

figure de la lyrique courtoise qui sert de point de départ à l’écriture tout en étant apte à se transformer<br />

en portrait de l’auteur en majesté:<br />

Seul<strong>et</strong>e suy, dolente ou apaisiée,<br />

Seul<strong>et</strong>e suy, riens n’est qui tant me siée,<br />

Seul<strong>et</strong>e suy en ma chambre enserrée.<br />

Christine est enserrée comme un livre dans une chambre devenue scriptorium. Comme l’écrit<br />

Jacqueline Cerquiglini-Toul<strong>et</strong> 77 , “Christine de Pizan est femme, voilà son irréductible étrang<strong>et</strong>é”. Son<br />

<strong>et</strong>hos d’auteur m<strong>et</strong> en avant son sexe à la fois comme faib<strong>les</strong>se <strong>et</strong> comme originalité au service de la<br />

vérité de son discours, au même titre que la déformation physique d’autres poètes. Il n’est pas étonnant<br />

qu’elle utilise ce qui pourrait paraître comme une faib<strong>les</strong>se de versification, une monotonie<br />

insoutenable 78 , pour suggérer le regard féminin indépendamment de l’identité des divers interlocuteurs<br />

de ses ballades courtoises. La forte pratique de c<strong>et</strong>te isométrie peut être donc être selon nous<br />

considérée chez Christine de Pizan comme une sorte de marque d’identité poétique <strong>et</strong> générique, une<br />

signature de la poétesse.<br />

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76 Pièce X, vers 3.<br />

77 Cerquiglini-Toul<strong>et</strong> (2004: 56).<br />

78 Il nous semble plus pertinent d’étudier l’utilisation exclusive de rimes féminines dans<br />

une ballade, choix stylistique en opposition avec l’hétérométrie faible conseillée par Deschamps <strong>et</strong><br />

massivement pratiquée par <strong>les</strong> poètes, plutôt que le nombre global de rimes féminines, qui sont<br />

conditionnées par le suj<strong>et</strong> des pièces <strong>et</strong> le sexe des interlocuteurs.<br />

1


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1

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