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L'Hétérométrie “faible”, l'hétérométrie “forte” et l'isométrie “pure”: les ...

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Les maulx dont ly mons seroit plains<br />

Pres de la fin, li noms Dieu vains<br />

Et sa loy escandalisee, 8<br />

Ne fut li termes si prochains<br />

D’estre monarchie muee.<br />

Les deux ballades sont données en exemple d’hétérométrie faible. L’une est en décasyllabes,<br />

l’autre en octosyllabes, sur des rimes 31 FMFM <strong>et</strong> MFMF. Prises isolément, el<strong>les</strong> peuvent nous induire<br />

en erreur, car ce n’est pas la stricte alternance qui intéresse <strong>les</strong> poètes jusqu’à Ronsard, mais le<br />

mélange des différents genres de rimes qui entraîne la variation des rythmes. Si l’on suit Eustache<br />

Deschamps, dans la ballade, il vaut mieux pratiquer l’hétérométrie faible que l’isométrie pure.<br />

Deschamps n’exige pas l’hétérométrie forte dans <strong>les</strong> ballades, mais il la conseille. Elle concerne un<br />

dixième de ses ballades seulement, mais un tiers de cel<strong>les</strong> citées dans L’Art de dictier, ce qui prouve<br />

son intérêt théorique. L’hétérométrie forte est conçue comme une forme supérieure parce qu’elle<br />

apporte à la poésie des rapports proportionnels harmonieux similaires aux interval<strong>les</strong> de la musique<br />

“artificiele” selon Deschamps. Il conseille ainsi 32 : “se il y a aucun ver coppé qui soit de cinq piez,<br />

cellui qui vient aprés doit estre de dix”. C<strong>et</strong>te règle montre la préférence du théoricien pour un rapport<br />

de division par deux 33 proportionnel (5/10). Or le poète ne la pratique jamais lui-même, puisqu’il<br />

utilise habituellement un rapport 7/10, en mêlant un heptasyllabe à une dizaine de décasyllabes.<br />

C’est après avoir fait le célèbre récit des marteaux de Pythagore qu’Évrart de Conty définit le vers,<br />

qu’il soit quantitatif ou qualitatif, par <strong>les</strong> rapports rythmiques. Pour <strong>les</strong> vers français, Évrart de Conty<br />

accorde la plus large place de son exposé à la question de la césure, qui perm<strong>et</strong> d’opposer deux<br />

groupes de vers proportionnés (6/6, ou 4/6, ou 2/3 par exemple), “justifi[ant] implicitement la présence<br />

dans <strong>les</strong> strophes de vers courts par le rapport qu’ils entr<strong>et</strong>iennent avec <strong>les</strong> vers plus longs” 34 . Il<br />

distingue trois types de vers, de cinq ou six, sept ou huit <strong>et</strong> dix ou douze syllabes, en ajoutant 35 : “Sanz<br />

faille, il peut bien avoir avec <strong>les</strong> vers parfais aucuns copons p<strong>et</strong>is qui sont de .IIJ. sillebes, ou de .IIIJ.<br />

ou de .V., ou de tant qu’il plaist au maistre de la rime”. Ensuite il n’évoque plus que <strong>les</strong> vers<br />

suffisamment longs pour que l’on puisse y établir une césure 36 , mais <strong>les</strong> vers courts peuvent entr<strong>et</strong>enir<br />

avec <strong>les</strong> vers “normaux” <strong>les</strong> mêmes rapports de proportions harmonieuses que l’on trouve au sein de<br />

chaque vers.<br />

L’expression de “vers copé” ou “brisé” dans <strong>les</strong> arts de seconde rhétorique montre la tendance des<br />

poètes médiévaux à construire des strophes sur l’opposition 37 entre un vers long dominant <strong>et</strong> un vers<br />

31 Désormais <strong>les</strong> rimes masculines sont notées M <strong>et</strong> <strong>les</strong> rimes féminines F. Dans <strong>les</strong><br />

tableaux, M indique des rimes exclusivement masculines, F des rimes exclusivement féminines, <strong>et</strong> le<br />

rapport M/F des rimes masculines <strong>et</strong> féminines en alternance quel<strong>les</strong> que soit leurs proportions<br />

respectives dans la strophe.<br />

32 Bnf fr. 840 (folio 396v).<br />

33 On r<strong>et</strong>rouve le même rapport de proportion dans le Traité de l’art de rhétorique:<br />

“chascun baston doit estre parelle en quantitey de silabes, se il n’y ait des vers coppez, qui doient estre<br />

de la moitié dez bastons, come, se lez bastons estoient de .VIIJ. silabes, <strong>les</strong> vers coppez doient estre de .IIIJ.,<br />

<strong>et</strong> ainsi de tous nombre” (Langlois 1902: 202). Les vers de quatre <strong>et</strong> de cinq syllabes ne sont pas<br />

systématiquement associés à des vers de huit ou de dix syllabes dans la poésie de la fin du Moyen Âge.<br />

34 Hüe (2000: 35).<br />

35 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 169).<br />

36 Selon Évrart de Conty, “se nous sutillement considerons bien <strong>et</strong> voulons bien<br />

pronuncier a leur droit [...] <strong>les</strong> rimes”, c’est-à-dire <strong>les</strong> vers rimés, “nous trouverons qu’i <strong>les</strong> convient<br />

partir <strong>et</strong> comparer ensamble <strong>les</strong> parties par <strong>les</strong> proporcions musicaulx dessusdites, <strong>et</strong> la, faire sa pause <strong>et</strong><br />

son arrest aucun, aussi come pour m<strong>et</strong>re difference entre <strong>les</strong> deux parties, come l’oye fait entre deux sons<br />

qui s’acordent ensemble [...] Et se <strong>les</strong> deux parties ou pluseurs dessusdites sont au tout comparab<strong>les</strong><br />

musicaument, tant vauldra mielx la chose, car lors sera la rime plaisant a prununcier <strong>et</strong> de bonne<br />

mesure, <strong>et</strong> se raportera celle dessusdite comparison des parties ensamble <strong>et</strong> a leur tout aussi come ce qui<br />

est dit par devant de la division du monocorde.” (Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy 1993: 169). Évrart évoque ici<br />

<strong>les</strong> relations entre chaque partie du vers <strong>et</strong> entre <strong>les</strong> parties <strong>et</strong> le vers entier; il prend ensuite l’exemple de<br />

l’alexandrin construit sur <strong>les</strong> rapports d’égalité entre deux hémistiches (6/6 syllabes) <strong>et</strong> de division par<br />

deux entre l’hémistiche <strong>et</strong> le vers (6/12 syllabes).<br />

37 Selon Paul Zumthor: “si la strophe se construit sur deux longueurs de vers, l’un des<br />

mètres, fonctionnant comme ‘thème’, sur lequel se brodent <strong>les</strong> motifs sonores du second, est de<br />

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