L'Hétérométrie “faible”, l'hétérométrie “forte” et l'isométrie “pure”: les ...
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L’auteur ne compte ici que <strong>les</strong> syllabes des vers masculins. Et de fait, il n’existe pas à c<strong>et</strong>te époque de<br />
vers de neuf syllabes à rimes masculines 20 . L’Infortuné, dans son Instructif de la seconde rhétorique,<br />
insiste pour faire correspondre le type de vers au type de rime, c’est-à-dire qu’il réserve à la rime<br />
masculine <strong>les</strong> vers pairs, avec une n<strong>et</strong>te préférence pour l’octosyllabe 21 :<br />
Masculines terminaisons<br />
Sont de huit coustumierement<br />
Comment j’ay alegué raisons,<br />
Mais pourtant singulierement<br />
Excepter doiz des laiz la forme<br />
Qui ont <strong>les</strong> masculins de sept<br />
Et feminins de huit con forme.<br />
L’on peult congnoistre comme c’est,<br />
Mais aucuns ne tiennent la norme.<br />
Des vers masculins soient per,<br />
Brief que sept sillabes passent,<br />
Et feminins soient non per<br />
Du riens ou bien p<strong>et</strong>it sollassent.<br />
De même, dans son Livre des eschez amoureux moralisés, Évrart de Conty interdit <strong>les</strong> vers de neuf <strong>et</strong><br />
onze syllabes, en ajoutant immédiatement c<strong>et</strong>te remarque 22 (nous soulignons):<br />
Par <strong>les</strong> choses dessusdictes semble il que <strong>les</strong> nombres de .XI. sillebes ne de .IX. ne sont pas convenable a faire<br />
plaisant rime [...] Sanz faille, il y a bien aucunesfoiz en une bonne rime .XJ. sillebes qui ne valent que .X.<br />
neantmoins au pronuncier <strong>et</strong> quant a la mesure, en telle maniere que .IJ. sillebes ne feront sanz plus que une.<br />
Et ce peut pour deux causes avenir. Premierement, en la fin de la rime, quant la rime se fine sur la lectre<br />
de .e., qui ne sonne pas bien son son entierement [...] en ce cas, le voyeul dessusdit ainzy feblement<br />
pronuncié ne fait point varier le nombre des sillebes de devant ne la mesure. [...] Secondement, il peut bien<br />
avenir dedans la rime que deux sillebes ne valent que une seule au pronuncier.<br />
Certains vers qui comptent a priori onze syllabes peuvent donc convenir, soit que la onzième syllabe<br />
ne soit pas prise en compte, soit que c<strong>et</strong>te onzième syllabe n’existe pas. Au sein du vers, la<br />
terminaison féminine entraîne une apocope: la dernière syllabe du mot n’est pas prononcée. Évrart<br />
prend ensuite l’exemple de la conjonction se 23 , qui apparaît précisément sous la forme contractée dans<br />
“S’amours n’estoit plus poissans que nature”. En fin de vers en revanche, le e est prononcé, mais<br />
“feblement”, ce qui fait qu’Évrart de Conty hésite à dénombrer dix ou onze syllabes dans un<br />
décasyllabe à rime féminine. En eff<strong>et</strong>, lorsqu’il commente le vers “No foiz seroit legiere a<br />
condampner”, décasyllabe à rime masculine, Évrart semble le supposer équivalent à “No foiz seroit a<br />
condempner legiere”, décasyllabe à rime féminine, alors qu’il exclut la formule “No foiz a<br />
condampner legiere seroit”, endécasyllabe à rime masculine 24 :<br />
La chose dessusdite aussi semblablement se moustre ou second ver en ce mot cy “legiere”, car, pour ce qu’il<br />
est mis devant le voyel .a. qui aprés s’enssuit <strong>et</strong> qui aussi come ly emble <strong>et</strong> muce la tierce sillebe, pour ce ne<br />
tient il lieu que de deux seulement, <strong>et</strong> s’il estoit aussi en la fin de la rime ne vaulroit il que deux pour la cause<br />
dessudite, sy come se on disoit “no foiz seroit a condempner legiere”. Et par ainsy, ceste tierce sillebe ne oste<br />
point la mesure de la rime ne ne fait point de prejudice au nombre des sillebes, quant a ces deux manieres.<br />
20 Selon Pierre Fabri “l’en ne treuue point ligne de neuf sillaibes masculine, ne de dix<br />
feminine, ne de XI. masculine, sans licence po<strong>et</strong>ique”. Il est cependant le seul à citer un rondeau “de huyt<br />
sillaibes au masculin <strong>et</strong> de dix au feminin”, peut-être pour faire réagir ses lecteurs (Heron 1899-1890, 2: 6<br />
<strong>et</strong> 9).<br />
21 Droz <strong>et</strong> Piag<strong>et</strong> (1910-1925, 1: 11) donnent seulement une reproduction en fac-similé<br />
de l’édition du Jardin de Plaisance <strong>et</strong> fleur de rhétorique publiée par Antoine Vérard vers 1501, <strong>et</strong><br />
l’introduction <strong>et</strong> <strong>les</strong> notes ne pallient pas à l’absence d’édition scientifique.<br />
22 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 171-172).<br />
23 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 172). Le serventois de Jehan le Court dit Brisebarre<br />
qui sert d’illustration à Évrart de Conty est aussi cité dans <strong>les</strong> Règ<strong>les</strong> de la seconde rhétorique (Langlois<br />
1902: 12); il a fait coulé beaucoup d’encre (Roy 1999: 26 <strong>et</strong> 28).<br />
24 Guichard-Tesson <strong>et</strong> Roy (1993: 172-173).<br />
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