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Alors qu’il vient à peine<br />
d’être assermenté premier<br />
ministre de la province de<br />
Québec, Paul Sauvé est<br />
déjà sur la sellette. Il doit<br />
composer avec l’héritage<br />
politique que lui a laissé<br />
son prédécesseur, Maurice<br />
Duplessis, perçu comme<br />
une véritable boîte de<br />
Pandore, vision partagée<br />
par les caricaturistes de<br />
l’époque, notamment<br />
Robert LaPalme.<br />
Source : Robert<br />
LaPalme, La Presse,<br />
12 septembre 1959, p. 4.<br />
Avec l’aimable<br />
autorisation de la<br />
Fondation Robert LaPalme.<br />
BULLETIN, 39, 2, AUTOMNE 2010<br />
21<br />
en rajoute, alors qu’il siège à l’Assemblée<br />
législative. À la séance du 3 avril 1962,<br />
il affirme : « L’Union nationale a répandu<br />
le gauchisme à l’époque où elle était au<br />
pouvoir et elle a conservé cette pratique dans<br />
l’opposition. Mais le gauchisme est mort. Il est<br />
mort quand Sauvé, debout en face de moi, a<br />
dit : Désormais. »<br />
Devant ces déclarations qui foisonnent,<br />
qu’elles proviennent des discours et<br />
témoignages de contemporains ou des<br />
productions historiennes les plus récentes,<br />
plusieurs questions toutefois persistent.<br />
Quand Paul Sauvé aurait-il lancé le fameux<br />
« Désormais… »? À quelle occasion? En<br />
quelles circonstances? Nul ne saurait y<br />
répondre, ce qui fait d’ailleurs dire à Gérard<br />
Filion, du Devoir, que Paul Sauvé, « un bon<br />
jour, je ne sais pas en quelles circonstances,<br />
[…] a dit “désormais”, le fameux 15 … » Seuls le<br />
journaliste Pierre Duchesne 16 et la politologue<br />
Denise Bombardier 17 soulignent que le terme<br />
est issu des milieux journalistiques, que<br />
ce « sont les journalistes qui lui ont collé<br />
l’étiquette ».<br />
À la recherche du « Désormais… »<br />
Nous avons dépouillé Le Devoir, La<br />
Presse, Le Soleil et L’Événement-Journal des<br />
mois de septembre et d’octobre 1959 pour<br />
tenter de trouver ce fameux « Désormais… ».<br />
Nous avons également vérifié les pages<br />
de L’Action catholique, du Montreal Star,<br />
du Toronto Star, du Montreal Gazette et du<br />
Globe and Mail, dans leurs éditions du 11 au<br />
14 septembre 1959 – soit les premiers jours<br />
du régime Sauvé.<br />
Nous y cherchions une déclaration<br />
de Paul Sauvé qui ne laisse aucune place à<br />
l’équivoque. En d’autres termes, nous voulions<br />
une déclaration citée entre guillemets,<br />
prouvant que le journaliste aurait reproduit le<br />
verbatim de ses propos. Jamais n’avons-nous<br />
pu trouver la moindre citation où Paul Sauvé<br />
aurait prononcé le vocable. Au contraire, le<br />
premier ministre cultive les déclarations où il<br />
rappelle son attachement à son prédécesseur.<br />
Paul Sauvé aurait-il pu prononcer le<br />
« Désormais… » dans l’un de ses discours,<br />
ou lors d’une conférence de presse, sans que<br />
cela soit rapporté tel quel par les journalistes?<br />
Nous en doutons fort. Dès le lendemain de<br />
l’assermentation de Paul Sauvé, Le Devoir,<br />
sous la plume de Pierre Laporte, titre à la une :<br />
« Québec : l’atmosphère est complètement<br />
changée 18 ! ». Et ce, moins de 24 heures<br />
après sa prestation de serment! Or, dans cet<br />
article, on trouve, écrit noir sur blanc : « Le<br />
nouveau premier ministre ne veut pas rompre<br />
avec le passé… » Si le premier ministre<br />
avait laissé échapper un « Désormais… »,<br />
un « dorénavant », un « maintenant », un<br />
« à l’avenir » ou une autre expression de cet<br />
acabit, il ne fait pas de doute à notre esprit que<br />
les journalistes auraient usé de ces termes<br />
également.<br />
De pair avec ces recherches dans les<br />
journaux, nous avons consulté les débats<br />
reconstitués de l’Assemblée législative<br />
de la 4 e session de la 25 e législature (du<br />
18 novembre 1959 au 18 mars 1960). Dans ses<br />
discours prononcés en Chambre, Paul Sauvé<br />
n’aurait laissé échapper ce vocable qu’à une<br />
seule reprise, en tant que premier ministre.<br />
Le 14 décembre 1959, en comité plénier<br />
sur l’étude du projet de loi de l’autoroute<br />
Montréal-Laurentides, le député libéral de<br />
Westmount–Saint-Georges, John Richard<br />
Hyde, suggère de modifier le projet de loi en<br />
ce qui concerne la nomination du personnel.<br />
À cette occasion, Paul Sauvé use certes dudit