Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
dressé en honneur de la Jérusalem (il contient sept<br />
strophes du Chant XVI qui forment, suivant Carol<br />
McClintock dans son livre sur Wert, "une séquence que<br />
l’on peut considérer comme une seule action dramatique"<br />
aux côtés du III e Livre de Monteverdi publié<br />
quelques années plus tard (avec ses deux tercets<br />
Vattene pur crudel et Vivrò fra i miei tormenti,<br />
Monteverdi rend hommage à l’œuvre du Tasse tout<br />
autant qu’au style musical de Wert). On peut déduire<br />
de la correspondance entre le duc Vincent et Giaches<br />
de Wert, qu’une partie de ce VIII e Livre a été composée<br />
deux ans avant sa publication : Giaches de Wert. Mon<br />
magnifique et très cher ami, faites-moi la faveur si<br />
agréable de m’envoyer le plus tôt possible une copie<br />
de la musique écrite par vous sur les strophes du Tasse<br />
qui commencent par les vers ‘Qual musico gentil ch’al<br />
canto snodi’, et j’aimerais aussi tout autre madrigal<br />
nouveau de votre main, si vous en avez composé, et<br />
plus le nombre de vos compositions que vous m’enverrez<br />
sera élevé, plus je vous serai obligé et vous démontrerai<br />
ma gratitude en toute occasion. En attendant,<br />
prenez bien soin de vous. À Poggio, le 6 novembre<br />
1584. Pour vous faire plaisir. Le Prince de Mantoue.<br />
Une dizaine de jours plus tard, Wert envoie sa réponse:<br />
J’envoie à Votre Altesse les strophes du Tasse avec<br />
quelques autres de mes compositions, suivant ce que<br />
Votre Altesse a eu la bonté de me commander et<br />
puisqu’Elle me favorise tant en voulant se servir de mes<br />
œuvres, les envoyer à Votre Altesse sera mon premier<br />
souci (15 novembre 1584).<br />
Le VII e Livre révèle déjà l’influence évidente que les<br />
Dames de Ferrare, plus ou moins volontairement,<br />
exercent sur les compositions de Wert : il n’est pas<br />
difficile de remarquer que ces madrigaux contiennent<br />
un duo –ou trio– aigü bien plus important que les<br />
parties <strong>des</strong>tinées aux voix masculines, et que <strong>des</strong><br />
ornements et autres fioritures caractéristiques du style<br />
de Ferrare commencent à apparaître aux côtés du style<br />
déclamé si cher à Wert. Giunto alla tomba est un<br />
exemple typique qui se différencie <strong>des</strong> autres<br />
madrigaux de cette collection (quelques années après<br />
l’édition de Wert, Luca Marenzio compose un madrigal<br />
sur le même texte dans son IV e Livre de 1584).<br />
Le IX e Livre, comme sa dédicace l’indique clairement,<br />
s’inscrit entièrement dans le style de Ferrare et épouse<br />
exactement celui <strong>des</strong> Dames : ici aussi, le duo-trio aigu<br />
tranche sur les autres parties harmoniques. Usciva omai<br />
et Vezzosi augelli sont <strong>des</strong> œuvres <strong>des</strong>criptives et<br />
pastorales, écrites avec <strong>des</strong> fioritures et variations<br />
typiques de l’écriture <strong>des</strong> Trois Dames. Sovente allor<br />
annonce le Piagne e sospira du IV e Livre de Monteverdi<br />
avec ses traits déclamés sur les paroles E in rileggendo<br />
poi le proprie note et les chromatismes sur les paroles<br />
qui, tout au long du poème, se réfèrent aux pleurs (au<br />
contraire de Wert, Monteverdi utilisera dans sa composition<br />
le texte de la Jérusalem conquise). Les cinq<br />
strophes qui forment Qual musico gentil (Jérusalem<br />
XVI, 43-47) précèdent de quelques années le tercet de<br />
Monteverdi Vattene pur crudel (Jérusalem XVI, 59-63) :<br />
les deux poèmes relatent les vicissitu<strong>des</strong> de Armida<br />
abandonnée par Rinaldo et pour "qu’on comprenne<br />
mieux le texte", utilisent la déclamation homophonique.<br />
Le madrigal Forsennata gridava, bref et intense,<br />
traduit en musique le cri de Armida, et complète la<br />
série consacrée au Tasse. Misera non credea exprime la<br />
plainte de Erminia face au cadavre de Tancredi et se<br />
présente comme un drame, de par l’évidence de son<br />
parfum théâtral.<br />
7 |