Le Mythe du Monochrome - L'espace de l'art concret
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Espace <strong>de</strong> l’Art Concret<br />
centre d’art contemporain / Mouans-Sartoux<br />
exposition temporaire, galerie <strong>du</strong> château <strong>de</strong> mouans<br />
<strong>Le</strong> <strong>Mythe</strong> <strong>du</strong><br />
<strong>Monochrome</strong><br />
John M. Armle<strong>de</strong>r, Bernard Aubertin, Cécile Bart, Alberto Berliat, Harmut Böhm, Matti Braun,<br />
Antonio Cal<strong>de</strong>rara, Alan Charlton, Andreas Christen, Ad Dekkers, Mikael Fagerlund, Dominique<br />
Figarella, Stephan Gritsch, Marcia Hafif, Gottfried Honegger, Raphaël Julliard, Yves Klein ,<br />
Nikolaus Koliusis, Renée <strong>Le</strong>vi, John McCracken, Piero Manzoni, Olivier Mosset, Aurelie<br />
Nemours, François Perrodin, Gerwald Rockenschaub, Clau<strong>de</strong> Rutault, Adrian Schiess, Jan<br />
Schoonhoven, Cédric Teisseire, Günter Umberg, Thomas Vinson, <strong>Le</strong>o Zogmayer.<br />
exposition <strong>du</strong> 17 octobre 2009 au 03 janvier 2010<br />
Commissariat : Gottfried Honegger, assisté d’Alexandra Deslys
<strong>Le</strong> monochrome représente-il le terme ultime et mortifère <strong>de</strong> la peinture, ou l’acte fondateur<br />
d’une renaissance ? Deux monochromes, i<strong>de</strong>ntiques en apparence, peuvent-ils avoir un<br />
sens différent ?<br />
Cette exposition, loin d’être la rétrospective exhaustive d’un genre, propose <strong>de</strong>s clés pour<br />
réfléchir à ces questions. Elle témoigne <strong>de</strong>s différentes voies qu’ont empruntées les artistes<br />
<strong>de</strong>puis le début <strong>du</strong> XXème siècle, élevant le monochrome au rang <strong>de</strong> véritable mythe.<br />
Ce genre pictural, entre icône, sublimation et subversion, abor<strong>de</strong> toutes les problématiques<br />
formelles <strong>de</strong> l’art mo<strong>de</strong>rne et contemporain : espace, sculpture, installation, performance.<br />
L’exposition, réalisée à partir d’une sélection d’œuvres <strong>de</strong> la donation Albers-Honegger,<br />
donne à voir la multiplicité <strong>de</strong> ces pratiques.<br />
Salle 1 : Sur les traces <strong>du</strong> mythe<br />
À la fin <strong>de</strong>s années 1910, Kazimir Malévitch (1878-1935) fait franchir à la peinture un<br />
pas décisif : « Quand disparaîtra l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la conscience <strong>de</strong> voir dans les tableaux la<br />
représentation <strong>de</strong> petits coins <strong>de</strong> la nature, <strong>de</strong> madones ou <strong>de</strong> Vénus impudiques, alors<br />
seulement nous verrons l’œuvre picturale ». En peignant le Carré noir et Carré blanc sur<br />
fond blanc, il fait entrer l’art dans la mystique, inscrit son <strong>de</strong>stin ultime et inexorable dans le<br />
blanc sur blanc.<br />
Alexandre Rodtchenko (1891-1956), en réponse, proclame le noir sur noir. En exposant<br />
trois toiles monochromes en 1921, il déclare : « J’ai con<strong>du</strong>it la peinture à sa conclusion<br />
logique et exposé trois toiles : rouge, bleue et jaune. J’avais affirmé que tout était terminé.<br />
<strong>Le</strong>s couleurs fondamentales. Chaque toile est une toile, et il ne doit plus y avoir aucune<br />
représentation. »<br />
Rodtchenko mène la peinture au seuil <strong>de</strong> sa propre disparition. À l’idéalisme mystique <strong>de</strong>s<br />
quasi-monochromes <strong>de</strong> Malévitch, il oppose une monochromie mortifère qui annonce la fin<br />
<strong>de</strong> la peinture et la mort <strong>de</strong> l’art, mort qu’il prophétise dans <strong>Le</strong> <strong>de</strong>rnier tableau (1921).<br />
Ces tableaux très peu montrés au public et extrêmement protégés entretiennent le mystère.<br />
Si d’autres, avant lui, avaient revêtu leur toile d’une couleur unique uniformément répartie,<br />
Yves Klein (1928-1962) fut le premier à avoir voulu et pensé comme tel le monochrome. Il<br />
en est, en ce sens, l’inventeur, en dépit <strong>de</strong> l’antériorité chronologique <strong>du</strong> Carré blanc <strong>de</strong><br />
Malévitch et <strong>de</strong>s monochromes américains <strong>de</strong>s années cinquante.<br />
<strong>Le</strong>s propositions monochromes <strong>de</strong> Klein nous entraînent dans au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la perception, vers<br />
l’espace infini. Au fil <strong>de</strong> son œuvre, il ré<strong>du</strong>it progressivement à une seule couleur son activité<br />
monochromatique. Tout <strong>de</strong>viendra bleu, même l’or et le rose, les <strong>de</strong>ux autres éléments <strong>de</strong><br />
sa trilogie symbolique.<br />
Mais Klein ne se contente pas <strong>de</strong> peindre <strong>de</strong>s monochromes. Il va jusqu’à les incarner en<br />
<strong>de</strong>venant Yves le <strong>Monochrome</strong>. Il transforme alors sa quête en véritable mythe, faisant <strong>de</strong><br />
sa démarche un <strong>de</strong>stin, à la fois esthétique et mystique, vers une monochromie « spirituelle<br />
». Son décès prématuré en 1962 à l’apogée <strong>de</strong>s sa carrière contribue à la création <strong>de</strong> cette<br />
figure mythique.<br />
Salle 2 : spirituel et contemplation<br />
Pour certains artistes <strong>de</strong> l’abstraction géométrique le monochrome va <strong>de</strong>venir un exercice<br />
incontournable. L’approchant <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin, ils s’approprient le genre pour le nourrir <strong>de</strong>
leur univers et vocabulaire plastique.<br />
La quête d’un absolu trouve sa filiation chez Aurelie Nemours, pour qui la pratique picturale<br />
s’apparente à une gestuelle empreinte <strong>de</strong> religiosité. Son oeuvre se fon<strong>de</strong> davantage sur<br />
l’intuition, un certain rythme intérieur. Dans sa Série <strong>de</strong>s Quatuor elle joue <strong>de</strong> l’imperceptible<br />
mo<strong>du</strong>lation <strong>de</strong> la couleur et <strong>de</strong> la multiplication <strong>de</strong>s châssis<br />
Un« espace mental » qu’Antonio Cal<strong>de</strong>rara cherche à présenter, espace où dominent les<br />
idées d’ordre et <strong>de</strong> silence.<br />
Iconique, mystique, le monochrome manifeste une expérience pure <strong>de</strong> la beauté et doit<br />
donc être avant tout ressenti et non analysé. C’est cette vision que soutient Gottfried<br />
Honegger, qui prône une approche révélatrice. <strong>Le</strong> monochrome est une quête, quête <strong>de</strong><br />
pureté, <strong>de</strong> silence intérieur et pictural, un acte <strong>de</strong> rébellion contre la pollution visuelle.<br />
<strong>Le</strong>s volumes peints <strong>de</strong> <strong>Le</strong>o Zogmayer accrochés <strong>de</strong> part et d’autres <strong>du</strong> mur posent la<br />
question <strong>du</strong> regard et <strong>de</strong> ses limites.<br />
Salles 3 et 4 : Affirmation et négation <strong>de</strong> la couleur<br />
Bernard Aubertin, membre <strong>du</strong> groupe Zéro, cherche lui aussi un dépassement <strong>de</strong> la<br />
peinture, dépassement qui se veut recommencement. Admettant sa <strong>de</strong>tte envers Klein,<br />
Bernard Aubertin choisit dans un premier temps le rouge pour ses significations<br />
symboliques, son pouvoir émotionnel et l’intensité <strong>de</strong> sa présence. Il exalte la matière, fixe,<br />
ou imprime une structure répétitive. Depuis quelques années c’est la couleur-matière or<br />
qu’il explore. La surface <strong>de</strong> la toile n'est pas totalement recouverte. Des couches d'or<br />
gonflent même en bas <strong>de</strong> la toile, comme une légère vague naissante ou une déchirure<br />
créant un relief inatten<strong>du</strong> et étrange.<br />
<strong>Le</strong> monochrome est un moyen d’affirmation <strong>de</strong> la couleur en elle-même, dans sa valeur<br />
picturale pure. Mais au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la couleur perçue, c’est le matériau en lui-même qui affirme<br />
sa présence et son autonomie. La coulure <strong>de</strong> peinture vinylique <strong>du</strong> tableau <strong>de</strong> Teisseire<br />
s’impose comme un élément quasi-vivant, mouvant, imposant son propre mouvement.<br />
Par le rayonnement et la préciosité <strong>du</strong> pigment pur utilisé par Günther Umberg le regard<br />
est absorbé dans une étrange fascination. Dés 1977 le noir <strong>de</strong>vient pour lui une sorte <strong>de</strong><br />
signature.<br />
<strong>Le</strong> monochrome dans la démarche radicale <strong>de</strong> Piero Manzoni, affirme l’absence <strong>de</strong><br />
couleur. <strong>Le</strong> tableau est « vidé <strong>de</strong> sa matière » dans la série <strong>de</strong>s Achromes, réalisé à partir<br />
<strong>de</strong> kaolin ou <strong>de</strong> tissu ou coton. La couleur n’est plus un attribut fondamental. <strong>Le</strong>s Achromes<br />
refusent la couleur. Ils « portent le <strong>de</strong>uil » <strong>du</strong> monochrome, comme l’écrit Denys Riout.<br />
<strong>Le</strong> gris d’Alan Charlton est lui placée sous le signe <strong>de</strong> la neutralité. Son œuvre, dès la fin<br />
<strong>de</strong>s années 60, se présente comme une infinie déclinaison <strong>du</strong> gris. Peindre en gris permet,<br />
selon lui, <strong>de</strong> « créer à partir <strong>du</strong> néant ».<br />
<strong>Le</strong>s sculptures <strong>de</strong> Sol <strong>Le</strong>Witt, sont <strong>de</strong>s constructions, <strong>de</strong>s progressions autour <strong>du</strong> cube. La<br />
couleur blanche qu’il leurs associe élimine toute qualité <strong>de</strong> représentation ou d’expression.
Salles 6, 7 et 8 : Un champ d’expérimentations plastiques<br />
<strong>Le</strong> monochrome s’est voulu une démarche radicale, <strong>de</strong>struction précédant le recommencement<br />
: libération à l’égard <strong>de</strong> la figuration mais pour certains c’est un moyen <strong>de</strong> se libérer <strong>du</strong><br />
tableau traditionnel, cherchant <strong>de</strong>s hybridations ente peinture, sculpture et dispositif.<br />
Stefan Gritsch, en quête d’une unité entre la couleur et son support, compose <strong>de</strong>s objets<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong> peinture à partir <strong>de</strong> la couleur séchée ramassée sur le bord <strong>de</strong>s pots. Il joue avec le<br />
medium peinture et la détourne <strong>de</strong> sa fonction couvrante pour nous proposer une matière<br />
sculpturale. La couleur seule peut se libérer sur <strong>de</strong> nouveaux espaces, à l’image <strong>du</strong> film bleu<br />
mouvant <strong>de</strong> Nikolaus Koliusis envahissant l’escalier.<br />
Chez Marcia Hafif, membre <strong>de</strong> la Radical painting le tableau se caractérise en fonction <strong>du</strong><br />
choix <strong>de</strong>s brosses, <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s supports choisis (bois, toiles ou papiers), <strong>de</strong>s en<strong>du</strong>its à<br />
prise plus ou moins rapi<strong>de</strong> qui, dans certaines séries, peuvent jouer un rôle déterminant pour<br />
la nature d’une surface. L’œuvre interroge également le fonctionnement « interrelationnel »<br />
<strong>de</strong> chaque pièce dans la série, le rapport mur-peinture et la question primordiale <strong>du</strong> format<br />
(rectangle, carré ou faux carré).<br />
Ni tout à fait tableau, ni tout à fait sculpture, le relief blanc d’Andreas Christen se présente<br />
comme un objet à part entière et non comme une surface peinte. Objectivement, l’œuvre est<br />
monochrome, mais le volume crée <strong>de</strong>s creux et <strong>de</strong>s pleins, <strong>de</strong>s zones d’ombres et <strong>de</strong> clarté,<br />
et c’est la lumière qui nuance les tons.<br />
François Perrodin joue avec les éléments traditionnels <strong>de</strong> la peinture en fondant son travail<br />
sur l’articulation <strong>de</strong>s différents paramètres <strong>de</strong> la peinture : le cadre, la couleur, la lumière et<br />
l’espace.<br />
La couleur seule se libère <strong>de</strong> sa cimaise, comme la « peau » verte et rugueuse, <strong>de</strong> Renée<br />
<strong>Le</strong>vi ou à l’image <strong>du</strong> bleu mouvant <strong>de</strong> Nikolaus Koliusis envahissant l’escalier.<br />
La contrainte <strong>de</strong> la couleur unique permet d’abor<strong>de</strong>r diverses problématiques formelles,<br />
notamment le rapport <strong>de</strong> l’œuvre à son espace d’exposition. La place <strong>du</strong> spectateur <strong>de</strong>vient<br />
essentielle. Selon la position <strong>du</strong> regar<strong>de</strong>ur dans la salle, les éléments monochromes jouent<br />
et déjouent l’architecture.<br />
La poutre blanche d’Adrian Schiess <strong>de</strong>vient un miroir pour son environnement. Par <strong>de</strong>s<br />
jeux <strong>de</strong> reflets, <strong>de</strong> nouveaux angles <strong>de</strong> vue apparaissent, <strong>de</strong> nouvelles perspectives<br />
nous sont offertes. <strong>Le</strong> tableau noir <strong>de</strong> Cécile Bart recueille la lumière et évolue au fil <strong>du</strong><br />
déplacement <strong>du</strong> spectateur, se présentant en plein ou en creux. Plus que <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r la<br />
couleur <strong>de</strong>s œuvres, il s’agit ici <strong>de</strong> l’éprouver.<br />
En 1994, Mikaël Fagerlund rend hommage à une œuvre mythique <strong>de</strong> Kasimir Malévitch, le<br />
Carré Noir. Il <strong>de</strong>vient dans cette version une sculpture en creux signifiant le vi<strong>de</strong>.<br />
La grille formée d’alvéoles chez Heinz Mack, membre <strong>du</strong> groupe zéro, est une composition<br />
presque égalitaire et jouant <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> lumière. Thomas Vinson dans un relief également<br />
blanc oppose l’aspect fortuit <strong>du</strong> matériau-support, le OSB, à la rigueur <strong>de</strong> ses incisions.<br />
<strong>Le</strong>s sculptures <strong>de</strong> John Mc Cracken sont <strong>de</strong>s couleurs <strong>de</strong>venues objet, ses stèles laquées<br />
affirment leur présence.
Pour Gerwalt Rockenschaub, il n’y a plus <strong>de</strong> surface peinte mais une zone <strong>de</strong><br />
transparence et <strong>de</strong> réflexion. Il fait tomber le monochrome <strong>de</strong> son pié<strong>de</strong>stal par le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
présentation et le choix in<strong>du</strong>striel <strong>du</strong> matériau, le plexiglas.<br />
Salles 9 et 10 : L’ironie <strong>du</strong> monochrome<br />
La nécessaire gravité <strong>du</strong> Carré blanc sur fond blanc, indissociable <strong>du</strong> contexte social et<br />
politique qui avait con<strong>du</strong>it les artistes à œuvrer pour la naissance d’un mon<strong>de</strong> nouveau, ne<br />
doit cependant pas nous faire oublier combien la pratique <strong>du</strong> monochrome fut, à ses débuts,<br />
une arme comique.<br />
Avec les expositions comiques <strong>du</strong> XIXe siècle, les plaisanteries sur la peinture usent <strong>du</strong><br />
même système symbolique que leur cible, utilisent son langage et ses formes pour la<br />
tourner en dérision. Parmi ces peintures pour rire, les monochromes figurent en bonne<br />
place. On se souvient <strong>de</strong> ceux d’Alphonse Allais, explorant sur un mo<strong>de</strong> burlesque les<br />
différentes valeurs <strong>du</strong> spectre chromatique.<br />
<strong>Le</strong> monochrome fictif est alors l’un <strong>de</strong>s symptômes <strong>de</strong> la crise <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’art. De cette<br />
origine comique, qui utilise la parodie comme stratégie critique, les œuvres <strong>de</strong> nombreux<br />
artistes contemporains conservent l’empreinte.<br />
Dans la toile <strong>de</strong> John Armle<strong>de</strong>r on peut voir une citation <strong>du</strong> Carré Blanc <strong>de</strong> Malevitch. On<br />
retrouve sur la toile les mêmes nuances <strong>de</strong> gris et les traces <strong>de</strong> crayon autour <strong>du</strong> motif.<br />
Cependant, tout en s’inscrivant dans cette aventure mythique, il lui fait par la même<br />
occasion un audacieux pied-<strong>de</strong>-nez en déclinant le monochrome mythique avec un motif<br />
pop : le pois. Intégration et subversion <strong>du</strong> mythe, le monochrome originel se trouve<br />
démythifié. L’icône se trouve parée d’un motif trivial.<br />
C’est aussi la trivialité qui domine le monochrome <strong>de</strong> Figarella. Son rose passé n’est autre<br />
qu’un entassement <strong>de</strong> fils <strong>de</strong> chewing-gum, qui, au même titre que le tissu à pois, est un<br />
objet « pop », populaire, symbole d’une société consommatrice.<br />
L’œuvre d’Olivier Mosset apparaît, au premier abord, comme un monochrome traditionnel.<br />
Or, après avoir pris connaissance <strong>du</strong> titre <strong>de</strong> l’œuvre, on comprend son second <strong>de</strong>gré : la<br />
banalité quotidienne s’affirme jusque dans le choix <strong>de</strong> la couleur, couleur emblématique <strong>du</strong><br />
métro <strong>de</strong> l’époque.<br />
C’est également l’intégration <strong>du</strong> mythe <strong>du</strong> monochrome dans la société in<strong>du</strong>strielle<br />
qu’évoquent les <strong>de</strong>ux exemplaires <strong>de</strong>s 1000 tableaux chinois <strong>de</strong> Raphaël Julliard. Loin<br />
d’être <strong>de</strong>s icônes issues <strong>du</strong> geste d’un génie créateur, ces monochromes sont <strong>de</strong>s surfaces<br />
peintes en série par <strong>de</strong>s ouvriers chinois et portant le label « ma<strong>de</strong> in China ». A « l’ère <strong>de</strong><br />
sa repro<strong>du</strong>ctibilité technique » (Walter Benjamin) le monochrome perd son « aura ». <strong>Le</strong><br />
monochrome n’est plus une trace <strong>du</strong> sacré : il <strong>de</strong>vient un objet quotidien et s’affiche sans<br />
complexe dans le <strong>de</strong>sign, à l’instar <strong>de</strong> ces poufs inspirés <strong>de</strong>s années 70 <strong>de</strong> Matti Braun.<br />
L’œuvre <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Rutault commence en 1973. C’est à cette date qu’il il peint chez lui une<br />
toile <strong>de</strong> la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. Chaque œuvre est différente<br />
selon le protocole incarné par la défintion/métho<strong>de</strong>. Ici il s’agit d’un hommage à Matisse, il<br />
semble que la couleur <strong>du</strong> tableau a débordé sur le mur. La couleur reprend le même bleu que<br />
celui <strong>de</strong> Matisse dans « poissons rouges et sculpture », avec beaucoup d’humour, il va jusqu'à<br />
reprendre l’aquarium et ses poissons qu’il place sur le même mur, tel un cartel.
Henri Matisse, poissons rouges et sculpture, 1912
L'Espace <strong>de</strong> l'Art Concret bénéficie <strong>du</strong> soutien <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Mouans-Sartoux, <strong>du</strong><br />
ministère <strong>de</strong> la Culture et <strong>de</strong> la Communication, Délégation aux arts plastiques / DRAC<br />
PACA, <strong>du</strong> conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur et <strong>du</strong> conseil général<br />
<strong>de</strong>s Alpes Maritimes.