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Le Temps des Manifestes - L'espace de l'art concret

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Espace <strong>de</strong> l’Art Concretcentre d’art contemporain / Mouans-Sartouxexposition temporaire, galerie du Château <strong>de</strong> Mouans“<strong>Le</strong> <strong>Temps</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Manifestes</strong>”27 juin / 03 octobre 2010<strong>Le</strong> <strong>Temps</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Manifestes</strong> 1 porte un regard historique et contemporainsur cette forme littéraire si prisée par les avant-gar<strong><strong>de</strong>s</strong> artistiques.A travers la présentation <strong>de</strong> certains <strong><strong>de</strong>s</strong> manifestes les plusreprésentatifs, cette exposition explore les relations ambigüesqui lient l’art et la communication, notamment par le biais du<strong><strong>de</strong>s</strong>ign graphique, avec une question sous-jacente essentielle :comment les artistes se manifestent-ils aujourd’hui ?


Accès à l’expositionpar l’escalierApparue à la fin du XVIème siècle, l’origine du terme « manifeste » est un dérivé probable<strong>de</strong> l’italien « manifesto » qui signifiait « dénonciation publique » et par extension « affiche ».<strong>Le</strong>s avant-gar<strong><strong>de</strong>s</strong> du début du XXème siècle se sont saisies <strong>de</strong> cette forme littéraire pourdéfinir leur engagement, fon<strong>de</strong>r les bases <strong>de</strong> leur programme esthétique et donner leur visiondu mon<strong>de</strong>.Salle 1<strong>Le</strong> Futurisme, le Surréalisme et même Dada en publiant son « anti-manifeste » n’ont pasdérogé à la règle. L’Art Concret fondé en 1930, et qui fête cette année ses 80 ans, s’inscritdans cette lignée tout en affirmant avec radicalité sa singularité.Parmi les pionniers du genre, le Manifeste Futuriste rédigé par l’artiste et écrivain italienFilippo Tommaso Marinetti parait en 1909 dans les colonnes du quotidien français <strong>Le</strong> Figaro,révélant d’emblée les liens ténus entre l’art et la presse et la volonté <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes d’alorsd’ouvrir une tribune publique. Volontairement polémique, ce manifeste s’ancre dansune tradition qui fait <strong>de</strong> l’écrit un outil <strong>de</strong> provocation <strong><strong>de</strong>s</strong>tiné à susciter la réaction etla controverse.Univers littéraire et plastique finissent, à force <strong>de</strong> se côtoyer, par fusionner en empruntant àleur territoire respectif ce qui peut le mieux les enrichir tant au niveau <strong>de</strong> la forme que ducontenu.Salle 2Cette tendance est fortement induite par la personnalité <strong><strong>de</strong>s</strong> protagonistes <strong>de</strong> l’époquequi pour la plupart d’entre eux endossent une double activité d’artiste et <strong>de</strong> graphiste outypographe comme par exemple Théo van Doesburg, Max Bill, Josef Albers, Carlo Vivarelliou encore Gottfried Honegger.<strong>Le</strong>s manifestes prennent alors <strong>de</strong> multiples formes. Revues, tracts et affiches se font ainsi levéhicule <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong> leurs auteurs, et <strong>de</strong>viennent parfois <strong><strong>de</strong>s</strong> oeuvres à part entière :l’application formelle d’un programme esthétique qui souhaite justement dépasser le cadresouvent trop exigu <strong>de</strong> la définition traditionnelle d’une oeuvre d’art.1<strong>Le</strong> titre <strong>de</strong> l’exposition est une évocation <strong>de</strong> la célèbre chanson <strong>Le</strong> temps <strong><strong>de</strong>s</strong> cerises. Fortement associée à la Commune et à la Gauchefrançaise, cette chanson symbolise avant tout la liberté et l’engagement, une certaine idée <strong>de</strong> la fête teintée <strong>de</strong> nostalgie. Parmi les premiersmanifestes artistiques, celui du Futurisme a calqué, du moins dans sa forme, le Manifeste du Communisme. Par ailleurs, la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> avantgar<strong><strong>de</strong>s</strong>a marqué la fin <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> époque <strong><strong>de</strong>s</strong> manifestes.5Salle 3Cette prolifération d’écrits et <strong>de</strong> propositions trouvera son apothéose dans le MouvementFluxus et son désir sans cesse réaffirmé <strong>de</strong> lier l’art à la vie en une seule et même énergie.Certains manifestes « fusionnent » même avec leur objet <strong>de</strong>venant le corps <strong>de</strong> l’oeuvre. C’estle cas <strong>de</strong> la Déclaration Constitutive du Nouveau Réalisme signée en plusieurs exemplairessur du papier <strong>de</strong> trois couleurs différentes : bleu, rose et or, reprenant en cela les teintes <strong>de</strong>prédilection édictées par Yves Klein.Accompagnant la fin <strong>de</strong> ce que l’on peut considérer comme les <strong>de</strong>rnières avant-gar<strong><strong>de</strong>s</strong>, lesmanifestes d’alors prennent un tournant <strong>de</strong> plus en plus nihiliste comme par exemple le« Manifeste contre rien pour l’exposition internationale <strong>de</strong> rien » paru en 1960 et signé parPiero Manzoni.Sur un autre registre, Buren, Mosset, Parmentier et Toroni clament dans un tract servantd’invitation à la manifestation du 3 janvier 1967, dans le cadre du « Salon <strong>de</strong> la JeunePeinture » au musée d’art mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> Paris, « Nous ne sommes pas peintres »se définissant en cela par défaut tout en mettant à mal les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la peinture et plusglobalement celui du marché <strong>de</strong> l’art.<strong>Le</strong>s années 60 et 70 voient les <strong>de</strong>rniers feux <strong><strong>de</strong>s</strong> manifestes historiques et même si le genren’a jamais tout à fait disparu, le <strong>Temps</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Manifestes</strong> semblent à jamais révolu, le temps du«Nous» collectif ayant majoritairement laissé place à un « Je » individualisé.Salle 6<strong>Le</strong>s artistes continuent à se manifester en intégrant <strong>de</strong> plus en plus le texte à leur vocabulaireplastique.Figure emblématique d’un ego qui continue à se manifester inlassablement au-<strong>de</strong>là d’unehistoire collective, Ben est sans doute l’artiste qui fait le plus complètement corps avec sonverbe dans son contenu comme dans sa forme. Ben s’exprime sur tout et sa graphie parlepour lui sans qu’il n’ait même besoin <strong>de</strong> signer ses oeuvres.Loin d’aseptiser le discours, cette tendance prend <strong>de</strong> fait le relai <strong>de</strong> certains <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeuxsociopolitiques <strong>de</strong> l’époque comme le féminisme, la lutte contre les inégalités ou le rejet <strong>de</strong>la guerre.Des artistes comme Barbara Kruger et Jenny Holzer sont parmi les plus engagées dans cettequête. <strong>Le</strong> contenu <strong><strong>de</strong>s</strong> messages se veut fort et subversif mais l’aspect formel <strong>de</strong>meureprimordial. Souvent empruntée à l’univers du graphisme, <strong>de</strong> la communication et <strong>de</strong> lapublicité, l’esthétique assume son pouvoir <strong>de</strong> séduction et d’attraction. L’oeuvre <strong>de</strong> BarbaraKruger, « Untitled (A picture is worth more than a thousand words) », résume en elle-mêmetous le sens du combat qui se mène. Ce célèbre adage très usité dans la publicité <strong><strong>de</strong>s</strong> années20 semble retrouver une nouvelle jeunesse dans l’oeuvre <strong>de</strong> l’artiste et restaurer non sansmalice la dualité texte/image.C’est aussi l’image choc que recherchent les Guerilla Girls dans un <strong>de</strong> leurs travaux les plusconnus représentant l’Odalisque d’Ingres affublée d’une tête <strong>de</strong> gorille pour dénoncerl’inégalité du statut <strong>de</strong> la femme artiste dans l’histoire <strong>de</strong> l’art et <strong>de</strong> sa place au sein <strong><strong>de</strong>s</strong>institutions culturelles.<strong>Le</strong>s artistes s’emparent <strong><strong>de</strong>s</strong> icônes <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’art pour mieux les détrôner.Salle 5Sérigraphies « <strong>Le</strong> <strong>Temps</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Manifestes</strong> »Quatre <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes participant à l’exposition “<strong>Le</strong> <strong>Temps</strong> <strong>de</strong> <strong>Manifestes</strong>” ont été invités àconcevoir une affiche annonçant la manifestation. Choisis notamment en raison <strong>de</strong> la relation


étroite que leur démarche artistique entretient avec le graphisme, Ben, Angela Detanico &Rafael Lain, Gottfried Honegger et Ultralab TM ont accepté <strong>de</strong> répondre à cette proposition,l’enjeu étant <strong>de</strong> mettre en lumière le statut complexe <strong>de</strong> cet « objet » à la fois outil <strong>de</strong>communication et oeuvre produite dans le cadre d’une exposition.<strong>Le</strong> même protocole et cahier <strong><strong>de</strong>s</strong> charges définissant le cadre <strong>de</strong> ce projet (donnéestechniques : format, couleur, mentions...) ont été proposés aux artistes, libres à eux <strong>de</strong> jouerensuite avec ces éléments communs <strong>de</strong> départ pour affirmer leur singularité. Chacundélimitant par ses choix le territoire dans lequel il souhaite s’inscrire aux frontières <strong>de</strong> l’art et<strong>de</strong> la communication, dans une tension perpétuelle entre le texte et la forme, la lisibilitéinformative et le rendu plastique.Questionnant <strong>de</strong> façon récurrente dans son travail la question <strong>de</strong> l’ego, Ben conçoit uneaffiche qui place au premier plan l’affirmation <strong>de</strong> soi. <strong>Le</strong> texte « Manifester c’est exister »prend toutefois un caractère plus universel qu’à l’habitu<strong>de</strong>. Nul emploi d’un pronom danscette phrase mais une omniprésence du verbe qui situe l’ensemble sur un mo<strong>de</strong> nonpersonnel et non temporel. La graphie si reconnaissable <strong>de</strong> l’artiste vient cependant remettrela question du style et <strong>de</strong> l’auteur au coeur du projet faisant <strong>de</strong> cette affiche une proposition« manifestement » singulière.Plasticiens mais aussi graphistes <strong>de</strong> formation, ces <strong>de</strong>ux artistes brésiliens interrogent <strong>de</strong>puisplusieurs années les liens entre le langage et la forme à travers différents médiums. <strong>Le</strong>uraffiche reprend le texte mentionné dans le protocole (titre <strong>de</strong> l’exposition, nom <strong>de</strong> l’Espace<strong>de</strong> l’Art Concret, informations pratiques…) mais traduit dans un langage typographique inéditl’Helvetica Concentrated (élaboré avec la collaboration <strong>de</strong> l’artiste Jiri Skala). Dérivé <strong>de</strong> lafameuse police Helvetica, chaque caractère apparaît sous la forme d’un disque dont la<strong>de</strong>nsité et la dimension varient en fonction <strong>de</strong> la quantité d’encre nécessaire pour réaliser lalettre ou le signe original.Fidèle à son engagement, Gottfried Honegger produit une affiche « manifeste » qui réaffirmele fon<strong>de</strong>ment idéologique <strong>de</strong> l’Art <strong>concret</strong> à travers la parole <strong>de</strong> Jean Arp. La compositionreprend l’image <strong>de</strong> la bulle qui accueille comme au sein d’une ban<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sinée le texte etouvre le dialogue. Gottfried Honegger place ainsi le regar<strong>de</strong>ur dans une position <strong>de</strong> témoind’un avant et d’un après, d’une position du « Nous » à l’affirmation d’un « Moi ». Il prend ainsià partie le regar<strong>de</strong>ur l’invitant à adopter une réflexion critique et active.Se définissant comme une « entité hybri<strong>de</strong> qui a choisi <strong>de</strong> travailler aux frontières <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong>la science et <strong>de</strong> la communication », Ultralab TM conçoit une affiche qui résulte d’unsavoureux mélange entre présupposés hérités <strong>de</strong> l’Art conceptuel et esthétique trash. <strong>Le</strong>protocole proposé aux artistes est placardé tel quel sur l’affiche, servant d’assise textuelle etconceptuelle au projet. <strong>Le</strong> motif <strong>de</strong> l’île « prise d’assaut » pas un personnage tenant unemasse, sorte <strong>de</strong> gimmick formel dans le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes, resitue le propos dans le champplastique et critique : un espace entre création et <strong><strong>de</strong>s</strong>truction, ou peut être l’invention d’untrésor indiqué par une croix sur une carte ou le total anéantissement d’une utopie marquéeet saccagée à la bombe.Autre forme <strong>de</strong> récupération moins irrévérencieuse, celle <strong>de</strong> Philippe Cazal qui dans unesérie intitulée « RETOUR EN AVANT» se saisit <strong>de</strong> la parole publique en jouant à déconstruirequelques-uns <strong><strong>de</strong>s</strong> slogans <strong>de</strong> mai 68. L’artiste pousse la démonstration à son paroxysmeen transformant son nom en logo, en <strong>de</strong>venant sujet communiquant mais aussi objet <strong>de</strong>communication.De la critique d’un art surmédiatisé qui <strong>de</strong>vient un objet <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> masse à lamise en scène <strong>de</strong> l’artiste en homme-sandwich, il n’y a qu’un pas que franchit allègrement legroupe Untel dont Cazal est aussi l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> initiateurs. Revêtus <strong>de</strong> l’habit <strong>de</strong> travail du peintreen bâtiment sur lequel le mot « Touriste » est partout tamponné, les créateurs du groupeUntel nous offrent le tout-en-un : l’artiste travailleur, le médiateur, le visiteur, lors <strong>de</strong>performances durant lesquelles ils se mêlent au public.Salle 7Egalement sur le registre <strong>de</strong> la communication et d’une critique acerbe <strong>de</strong> ses co<strong><strong>de</strong>s</strong>, legroupe Ultralab TM révèle les dysfonctionnements du système en effectuant <strong>de</strong> l’intérieur untravail <strong>de</strong> sape savamment orchestré comme dans l’affaire <strong><strong>de</strong>s</strong> cartons piégés qui a vu laproduction en 1999 <strong>de</strong> plusieurs cartons d’invitation annonçant <strong>de</strong> fausses expositions.Salle 8Moins péremptoire mais pas moins critique, le travail <strong>de</strong> Detanico & Lain, graphistes aussi <strong>de</strong>formation, explore les relations entre le langage et la forme. Dans « The World Justified »(Un mon<strong>de</strong> justifié), le couple d’artistes brésiliens nous offre une vision du mon<strong>de</strong> revue etcorrigée par le biais d’un logiciel <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> texte <strong>de</strong>venu grand organisateur d’un nouveléquilibre mondial. Nul besoin <strong>de</strong> commentaire dans cette oeuvre qui tout en étant étroitementliée au texte parvient à en faire la parfaite économie.Cette approche sensible trouve également un écho dans la démarche <strong>de</strong> Rémy Zaugg quiintègre le langage dans son travail plastique en suscitant une véritable interaction avec lespectateur. L’interpellation se fait plus subtile, elle provoque l’interrogation tout autant qu’ellemobilise les sens.Salle 9<strong>Le</strong> parcours <strong>de</strong> l’exposition s’achève avec une disparition progressive du langage, le constatd’un trop plein d’informations et <strong>de</strong> déclarations qui finissent, peut-être, par brouiller et occulterle discours toujours essentiel cependant.<strong>Le</strong>s mots découpés dans les journaux d’Ignasi Aballi apparaissent, sortis <strong>de</strong> leur contexte,comme <strong><strong>de</strong>s</strong> listes dérisoires, reflets fragmentaires, partiels et partiaux <strong>de</strong> notre quotidien.Jean-François Dubreuil dont la démarche s’inscrit <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses années dansune relation à la fois critique et esthétique avec la presse propose une oeuvre qui met enlumière, suite à l’élaboration d’un protocole <strong>de</strong> travail très précis, les rapports entre texte etpublicité traduits par <strong><strong>de</strong>s</strong> aplats blancs et rouges. L’envahissement <strong>de</strong> la couleur rouge et saprédominance parlent encore une fois d’eux-mêmes.Après un siècle <strong>de</strong> manifestes, <strong>de</strong> proclamations et <strong>de</strong> batailles artistiques et théoriques, quereste-t-il entre nos mains ? <strong>Le</strong> temps <strong><strong>de</strong>s</strong> manifestes a pris fin mais celui <strong>de</strong> se manifester seratoujours d’actualité. L’art n’apporte pas toujours <strong>de</strong> réponse mais pose souvent les bonnesquestions.Fabienne FulchériDirectrice <strong>de</strong> l’Espace <strong>de</strong> l’Art Concretet commissaire <strong>de</strong> l’exposition

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