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fiche friedman visit.. - L'espace de l'art concret

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Espace <strong>de</strong> l’Art Concret<br />

centre d’art contemporain / Mouans-Sartoux<br />

exposition temporaire, galerie du château <strong>de</strong> mouans<br />

Yona Friedman,<br />

<strong>de</strong>s Utopies réalisées<br />

Dans le cadre <strong>de</strong> sa saison 2010, qui célèbre ses vingt ans d’activités, l’EAC<br />

s’associe avec le Cnap/Fnac pour présenter l’intégralité <strong>de</strong>s maquettes<br />

d’étu<strong>de</strong>s (une soixantaine) et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins (manuels, projets d’af<strong>fiche</strong>s et<br />

esquisses) <strong>de</strong> l’architecte Yona Friedman acquises en 2007 par l’Etat pour les<br />

collections publiques françaises. L’ensemble <strong>de</strong> ces maquettes a été publié<br />

en 2006 par la revue Domus en Italie, accompagné d’un texte <strong>de</strong> l’artiste qui<br />

explique la continuité qu’il voit entre ces maquettes et la “ville spatiale” qui<br />

l’a fait connaître internationalement dans les années 1950.<br />

exposition du 24 janvier au 06 juin 2010<br />

Commissariat : Caroline Cros, assistée d’Alexandra Deslys


Après avoir entamé <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s d’architecture à l’Université <strong>de</strong> Budapest, Yona Friedman<br />

(1923) quitte l’Europe et les conflits <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale, pour s’installer à Haïfa<br />

en Israël. Il termine ses étu<strong>de</strong>s avant <strong>de</strong> rejoindre un kibboutz pendant quelques mois, où<br />

il fait l’expérience <strong>de</strong> la vie communautaire. Tandis qu’il travaille dans une entreprise <strong>de</strong><br />

construction et achève ses étu<strong>de</strong>s d’architecture, il saisit les atouts <strong>de</strong> l’habitat précaire et<br />

mobile (Cylindral Shelters), qu’il tentera <strong>de</strong> mettre au point, une décennie plus tard , avec<br />

la complicité <strong>de</strong> Jean Prouvé.<br />

Le climat <strong>de</strong> terreur qui règne alors en Europe et l’expérience <strong>de</strong> la guerre (il manque d’être<br />

arrêté dans la rue par un membre <strong>de</strong> la Gestapo) sont déterminants pour lui : “la guerre a<br />

totalement invalidé ma vision <strong>de</strong> l’architecture, <strong>de</strong>s utopies et <strong>de</strong>s avant-gar<strong>de</strong>s”, dit-il. Il<br />

s’installe définitivement à Paris et fon<strong>de</strong> le Groupe d’étu<strong>de</strong> d’architecture mobile (GEAM)<br />

en 1958, auquel adhèrent Frei Otto, Paul Maymont et Werner Ruhnau. Ce <strong>de</strong>rnier travaille<br />

avec Yves Klein autour <strong>de</strong>s projets d’Architecture <strong>de</strong> l’Air.<br />

Les principes du groupe fondé par Friedman, et diffusés à travers les articles et les<br />

ouvrages comme l’Architecture mobile, s’opposent délibérément à ceux du mo<strong>de</strong>rnisme. Le<br />

groupe remet en cause l’angle droit, l’orthogonalité, la rationalité, la standardisation et la<br />

planification au profit <strong>de</strong> la mobilité, <strong>de</strong> l’improvisation, du recyclage <strong>de</strong>s matériaux, <strong>de</strong><br />

l’auto-planification et d’un langage architectural sans règles.<br />

Soucieux <strong>de</strong> l’évolution démographique <strong>de</strong> l’Europe, ses recherches débouchent très vite<br />

sur la conception d’une mégalopole du futur, la Ville Spatiale, une architecture<br />

tridimensionnelle fondée sur un système <strong>de</strong> sur-élévation par pilotis composée d’une<br />

ossature indéfiniment prolongeable au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> n’importe quel terrain, par le recours à<br />

<strong>de</strong>s éléments modulables et adaptables selon les besoins <strong>de</strong>s habitants.<br />

On lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’étudier la possibilité <strong>de</strong> recouvrir un arrondissement <strong>de</strong> Paris avec ce<br />

système spatial. Il décline ensuite ce projet <strong>de</strong> Ville Spatiale pour Monaco, Tunis, pour<br />

ensuite proposer <strong>de</strong>s Ville-pont, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la Manche ou, plus récemment, au cœur <strong>de</strong><br />

Shanghaï (2008) et Bor<strong>de</strong>aux (2009).<br />

Le parcours <strong>de</strong> l’exposition débute par <strong>de</strong>s projets historiques pour la Ville Spatiale,<br />

présentés dans la salle 1 avec les premiers photomontages et coloriages pour Paris, et<br />

Monaco. Les onze <strong>de</strong>ssins pour le Paris spatial ren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong>s différents atouts <strong>de</strong><br />

l’architecture spatiale : la cohabitation paisible <strong>de</strong>s époques historiques, la présence <strong>de</strong><br />

l’agriculture au cœur <strong>de</strong> la ville puis le gain d’espaces libres et constructibles grâce à<br />

l’installation <strong>de</strong> structures spatiales au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s voies ferrées.<br />

Dès les années 1960, la plupart <strong>de</strong>s propositions <strong>de</strong> Friedman rencontrent <strong>de</strong>s échos<br />

favorables en Europe et au Japon : auprès <strong>de</strong>s groupes d’architectes radicaux comme<br />

Archizoom et Superstudio en Italie, Archigram en Angleterre, le Bauhaus imaginiste <strong>de</strong> Jorn<br />

et Constant, qui propose une New Babylon, le groupe Memphis avec Sottsass, mais aussi<br />

les architectes métabolistes au Japon, qui imaginent <strong>de</strong>s villes flottantes sur la mer. Pour<br />

l’ensemble <strong>de</strong> ces groupes radicaux, il s’agit <strong>de</strong> remettre en cause les préceptes du<br />

mo<strong>de</strong>rnisme et d’avoir recours à <strong>de</strong>s protocoles et <strong>de</strong>s procédures qui mettent davantage<br />

l’accent sur la flexibilité, l’hybridation, l’instabilité, l’ornement, le mauvais goût, et une<br />

nouvelle forme <strong>de</strong> facticité. Pour cette nouvelle génération d’architectes, le processus a<br />

plus d’importance que la réalisation. L’architecture se place davantage sur le plan <strong>de</strong> la<br />

communication que sur celui <strong>de</strong> la construction figée et définitive. L’architecture <strong>de</strong>vient<br />

une machinerie spatiale, croissante, indéterminée, aléatoire, flexible, transitoire et<br />

éphémère. La vision <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong>s Situationnistes théorisée et expérimentée par Guy<br />

Debord est aussi en accord avec les idées <strong>de</strong> Friedman et <strong>de</strong>s groupes radicaux <strong>de</strong><br />

l’époque.


En France, c’est surtout le milieu artistique, qui s’intéresse à la dimension utopique et<br />

expérimentale <strong>de</strong> ses travaux : d’abord le critique d’art Pierre Restany, théoricien du<br />

Nouveau Réalisme, qui l’invite en 1963 à exposer à la galerie J à Saint-Germain-<strong>de</strong>s-près,<br />

fief <strong>de</strong>s Nouveaux Réalistes. La maquette <strong>de</strong> la Ville Spatiale présentée dans la salle 1 a<br />

figuré dans l’exposition à la Galerie J.<br />

Restany le classe parmi les “idéaires” dans le célèbre “manifeste” rouge publié à Milan en<br />

1968. Jean Tinguely et Niki <strong>de</strong> Saint-Phalle font aussi partie <strong>de</strong> ses amis. Il réalise un film<br />

ensemble. Jean Dubuffet est également attentif à ses idées et lui rend <strong>visit</strong>e, tandis que<br />

Gottfried Honegger, principal défenseur <strong>de</strong> l’Art <strong>concret</strong>, lui apporte tout son soutien au<br />

moment du projet <strong>de</strong> construction du siège <strong>de</strong> la société Dubonnet à Ivry. A partir <strong>de</strong>s<br />

années 2000, c’est la nouvelle génération artistique, qui se tourne à nouveau vers lui :<br />

Olafur Eliasson et Pierre Huyghe le sollicitent pour <strong>de</strong>s collaborations, sans oublier <strong>de</strong>s plus<br />

jeunes figures comme Camille Henrot, qui réalise le Film spatial en 2007 (salle 2).<br />

Dès le départ, Friedman a cherché à élargir les champs d’application <strong>de</strong> l’architecture,<br />

considérant, à juste titre, cette pratique comme une discipline non spécialisée, à la croisée<br />

<strong>de</strong> la philosophie, <strong>de</strong> l’écologie, <strong>de</strong> la spiritualité, <strong>de</strong>s mathématiques, et <strong>de</strong>s sciences, en<br />

relation avec tous les domaines <strong>de</strong> la société. Dès lors, il considère que son rôle, en tant<br />

qu’architecte, est davantage celui d’observer les individus, leurs émotions et leurs actions,<br />

que <strong>de</strong> construire et d’imposer un modèle. “Je pense comme un sociologue”, dit-il.<br />

Etre en priorité un incitateur plutôt qu’un bâtisseur. Fondamentalement convaincu que<br />

l’univers, et, par conséquent, la nature humaine, sont imprévisibles et incontrôlables, il<br />

démontre, dans ses écrits et ses maquettes d’étu<strong>de</strong>s, que la forme idéale en architecture<br />

est l’absence même <strong>de</strong> planification, d’angle droit, <strong>de</strong> standardisation, et <strong>de</strong> logique… A<br />

cette nature intrinsèquement capricieuse doivent répondre <strong>de</strong>s formes libres, erratiques,<br />

embrouillées et recyclées. C’est alors l’élaboration, durant une vingtaine d’années, d’une<br />

série <strong>de</strong> maquettes d’étu<strong>de</strong>s regroupées sous le titre générique, Structures irrégulières,<br />

réalisées entre 1986 et 2006.<br />

Si la Ville spatiale est pensée comme une construction collective, les Structures irrégulières,<br />

présentées dans les salles 5 à 9, selon un dispositif spatial imaginé par l’auteur, sont<br />

<strong>de</strong>stinées à <strong>de</strong>s “espaces individuels”. Ce sont <strong>de</strong>s gestes architecturaux réalisables par<br />

chacun avec <strong>de</strong>s moyens (pliages manuels) et <strong>de</strong>s matériaux mo<strong>de</strong>stes (carton, grillage,<br />

tôle, papier), accessibles à tous et réversibles. L’ensemble <strong>de</strong> ces prototypes a été publié<br />

par la revue Domus et figure désormais dans les collections du Fonds national d’art<br />

contemporain, la plus importante collection d’art vivant en France.<br />

En effet, la Ville Spatiale présente déjà <strong>de</strong>s signes avant-coureurs <strong>de</strong> ces structures<br />

imaginées sur une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> vingt ans. La grille tridimensionnelle <strong>de</strong> la Ville Spatiale n’est<br />

pas “complètement régulière géométriquement parlant car la disposition <strong>de</strong>s volumes<br />

habités à l’intérieur <strong>de</strong> la grille, est présumée <strong>de</strong> changer continuellement et aléatoirement<br />

sans exiger pour cela un effort dépassant les capacités <strong>de</strong> l’usager non professionnel. Une<br />

représentation visuelle <strong>de</strong> la Ville spatiale montre un paysage urbain irrégulier, qui préfigure<br />

ces ensembles sans règles. En réalité, la première structure fondamentalement sans règle<br />

que j’ai étudiée est celle <strong>de</strong>s “space chains” commencée en 1945”. Ces 60 maquettes sont<br />

<strong>de</strong>s maquettes d’étu<strong>de</strong>s comme <strong>de</strong>s croquis et doivent rester ensemble. Elles sont toutes<br />

porteuses d’une idée. L’ensemble est une sorte <strong>de</strong> livre à plusieurs chapitres, un livre<br />

d’histoire d’une architecture particulière et expérimentale.<br />

Depuis 1945, Friedman a été en désaccord avec la sur-géométrisation et la sur-planification<br />

<strong>de</strong> l’architecture mo<strong>de</strong>rniste, disant que les “fonctions n’ont pas <strong>de</strong> coin”. Pour lui, “il n’y a<br />

aucune nécessité à rester dans l’orthogonal”.<br />

Ces maquettes s’adressent prioritairement à l’initiative <strong>de</strong> l’habitant et lui permettent<br />

l’improvisation et la correction. Elles changent sa relation à l’habitat : “c’est pourquoi, j’ai


parlé “d’architecture mobile. C’est comme s’il s’agissait d’éléments <strong>de</strong> mobilier que l’on<br />

déplace à l’intérieur d’une maison. Une chaise on la pousse ici et là sans avoir <strong>de</strong> plan<br />

préalable”, rappelle Yona Friedman.<br />

Parmi les Structures irrégulières, on trouve les Space Chains (Chaîne d’espace), qui sont<br />

<strong>de</strong>s configurations géométriquement irrégulières réalisées à partir d’anneaux. Ce sont aussi<br />

<strong>de</strong>s structures protéiniques dont la trame peut changer n’importe où et n’importe comment.<br />

Puis, les Feuilles froissées, qui sont <strong>de</strong>s structures qui s’inspirent d’une feuille <strong>de</strong> papier<br />

irrégulièrement froissée. La forme effective d’une “feuille froissée” ne peut être déterminée<br />

d’avance car elle émerge durant le processus <strong>de</strong> froisage. L’avantage <strong>de</strong> cette forme est<br />

qu’elle peut être corrigée et transformée n’importe quand, suivant les caprices <strong>de</strong> l’habitant.<br />

Viennent ensuite les Griboullis, réalisés avec du fil <strong>de</strong> métal, entortillé irrégulièrement.<br />

Les fils sont reliés à <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> croisements et s’enchevêtrent entre eux. Ces structures<br />

sont, en réalité, <strong>de</strong>s structures tridimensionnelles (Space-Frames), qui ne suivent aucune<br />

grille géométrique. Ces structures, faciles à réaliser, sont totalement improvisées. Il s’agit<br />

d’un enchevêtrement capricieux <strong>de</strong> fils <strong>de</strong> fer idéal pour une toiture ou un plafond. Les<br />

Structures moebiennes créées à partir <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>s (plastique, carton, métal), qui subissent<br />

<strong>de</strong>s torsions à la manière <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s Moebiennes. Elles sont faites à la manière <strong>de</strong>s autres<br />

structures avec la différence que les torsions sont imposées aux boucles, qui se déploient<br />

selon <strong>de</strong>s axes différents et multiples. Elles peuvent servir <strong>de</strong> supports pour les toits.<br />

Ce sont les structures les plus baroques jamais faites en architecture. Les Tensegrity<br />

irrégulières, qui consistent en <strong>de</strong>s trames régulières popularisées par Richard Buckminster<br />

Fuller et reprises par <strong>de</strong> nombreux architectes. Les systèmes <strong>de</strong> “ tensegrity ” sont basés<br />

sur la séparation <strong>de</strong>s croisements qui travaillent uniquement par tension, et d’autres,<br />

uniquement par compression. Les systèmes suivent une géométrie rigoureuse et répétitive.<br />

Malgré le systématisme <strong>de</strong> ce vocabulaire architectural, Friedman a voulu montrer que la<br />

grille peut être modifiée pour <strong>de</strong>venir irrégulière. Les Merzstructure sont <strong>de</strong>s prototypes en<br />

hommage au Merzbau <strong>de</strong> Kurt Schwitters, une <strong>de</strong>s architectures préférées <strong>de</strong> Friedman. Ils<br />

sont composés avec <strong>de</strong>s matériaux pauvres et <strong>de</strong> déchets recyclés et sont assemblables<br />

<strong>de</strong> manière aléatoire à condition que la structure tienne <strong>de</strong>bout. Naturellement, une telle<br />

configuration évoque les architectures précaires <strong>de</strong>s bidonvilles, pour lesquelles les usagers<br />

utilisent ce qu’ils trouvent sur place. Les matériaux recyclés sont parmi les plus riches et les<br />

plus nobles <strong>de</strong> notre époque. Avec les merzstructures, on peut construire <strong>de</strong>s monuments,<br />

<strong>de</strong>s abris ou encore embellir <strong>de</strong>s bâtiments existants.<br />

Les Cardboard Boxes réalisés à partir d’emballages pharmaceutiques. Une fois que vous<br />

avez ouvert vos paquets, vous pouvez empiler vos emballages et élever une structure, <strong>de</strong>s<br />

éléments <strong>de</strong> toitures ou encore une œuvre d’art. Les boîtes d’emballage en carton sont les<br />

briques <strong>de</strong> notre époque.<br />

Toutes ces maquettes d’étu<strong>de</strong>s se veulent immédiates et éphémères. Elles sont<br />

confectionnées à partir d’emballages, d’enveloppes et <strong>de</strong> cartons recyclés, <strong>de</strong> câbles<br />

électriques, <strong>de</strong> bouchons <strong>de</strong> liège tenus par <strong>de</strong>s aiguilles, d’assemblages <strong>de</strong> bracelets<br />

indiens suspendus au plafond ou en équilibre, <strong>de</strong> rouleaux <strong>de</strong> caisse enregistreuse ou <strong>de</strong><br />

bobines <strong>de</strong> papier fax, et ainsi <strong>de</strong> suite. Ces prototypes architecturaux sont en phase avec<br />

le développement <strong>de</strong> la société, qui n’est pas un mécanisme prévisible et régulier, mais un<br />

processus sans fin. Elles sont adaptées à l’improvisation et sont ouvertes à une architecture<br />

souple, qui convient mieux à la société actuelle. Les Structures irrégulières peuvent<br />

complètement transformer les espaces dans <strong>de</strong>s bâtiments existants. En effet, une structure<br />

sans règle peut être changée avec peu d’effort et lorsque cela est nécessaire. Les formes<br />

ne sont pas préconçues. Les propriétés <strong>de</strong> ces structures en font <strong>de</strong>s éléments techniques<br />

idéaux pour l’architecture mobile. Enfin, les Structures irrégulières pourraient être un


tournant pour que l’architecture <strong>de</strong>vienne une forme artistique, pas <strong>de</strong> la sculpture ni <strong>de</strong> la<br />

peinture, mais un langage pragmatique et plaisant comme l’est l’art culinaire, explique<br />

Friedman.<br />

Autour <strong>de</strong> ces hypothèses <strong>de</strong> construction, sont présentés d’autres aspects du travail <strong>de</strong><br />

Friedman : l’écriture sous forme <strong>de</strong> manuels (salles 6 et 8) et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins animés (salle 4)<br />

et le décor (salle 10). Dès les années 1970, Yona Friedman est sollicité par l’Unesco pour<br />

rédiger <strong>de</strong>s manuels sur <strong>de</strong>s questions ayant un impact social. Entre 1975 et 1992, ces<br />

manuels ont été diffusés dans plus <strong>de</strong> trente pays et dans plusieurs langues. Ces textes<br />

traitent <strong>de</strong> sujets aussi actuels que le réchauffement climatique, les objectifs culturels <strong>de</strong><br />

l’Europe, l’usage <strong>de</strong>s ressources naturelles, la santé, les catastrophes naturelles et le<br />

terrorisme... Dans chacun d’entre eux, Friedman évite toute critique, préférant décrypter la<br />

nature et l’origine <strong>de</strong> ces processus contemporains pour proposer <strong>de</strong>s solutions poétiques,<br />

positives et créatives, à l’attention <strong>de</strong> chacun.<br />

En 1980, le Conseil <strong>de</strong> l’Europe, dans le cadre d’une campagne pour le renouveau <strong>de</strong>s<br />

villes, lui passe une comman<strong>de</strong>. Le titre choisi par Friedman, A better life in towns, est<br />

particulièrement optimiste. Il présage que l’urbanisme peut s’améliorer. Ce serait le cas,<br />

selon l’auteur, si les usagers prenaient conscience que cette responsabilité leur revient car<br />

ils en ont la compétence et la ressource. Eux seuls peuvent améliorer leur environnement<br />

en <strong>de</strong>venant actifs, non résignés et solidaires. Ce manuel leur est donc <strong>de</strong>stiné.<br />

Les films d’animation, présentés dans la salle 4, participent <strong>de</strong> la même intention, tout<br />

en faisant appel à <strong>de</strong>s thématiques et <strong>de</strong>s techniques différentes. Yona Friedman est<br />

particulièrement intéressé par les contes et les légen<strong>de</strong>s issues <strong>de</strong>s cultures non<br />

occi<strong>de</strong>ntales. En 1960, il réalise avec Denise Charvein, son épouse et monteuse <strong>de</strong><br />

profession, un premier film d’animation à partir d’un conte africain. Par la suite, Pierre<br />

Schaeffer lui passe comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> dix autres films pour une diffusion sur les on<strong>de</strong>s<br />

hertziennes <strong>de</strong> la télévision française. L’un d’entre eux remporte un Lion d’Or à la 13eme<br />

Mostra internationale du film documentaire à Venise en 1962. Jean Rouch les diffuse ensuite<br />

en Afrique, où ils rencontrent un énorme succès avant <strong>de</strong> disparaître pendant plusieurs<br />

années, jusqu’à cette restauration effectuée par le Cneai. Techniquement, Charvein et<br />

Friedman ont recours à un procédé rapi<strong>de</strong>, qui permet la réalisation d’un film en une journée.<br />

Ils utilisent <strong>de</strong>s cubes en bois, sur lesquels sont <strong>de</strong>ssinés <strong>de</strong>s fragments <strong>de</strong>s personnages,<br />

qui sont ensuite activés manuellement tandis que Friedman tient la caméra. Symboliquement,<br />

les dialogues <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ssins animés évoquent <strong>de</strong>s thématiques, qui rejoignent<br />

l’urbanisme et la vie en communauté comme cet extrait <strong>de</strong> Koulou makalia, le lion, le lièvre<br />

et l’araignée, qui fait allusion à la chaîne alimentaire, condition indispensable au bon<br />

équilibre biologique et écologique <strong>de</strong> notre planète et <strong>de</strong> ses habitants, qu’ils soient<br />

humains, végétaux ou animaux.<br />

Vient ensuite, la question du décor, qui est fondamentale pour Friedman. Alors que le<br />

mo<strong>de</strong>rnisme avait banni le décor et ses ornements, il revient à une prolifération <strong>de</strong> motifs,<br />

qui frôle “l’horreur du vi<strong>de</strong>”. En effet, il ne conçoit pas l’architecture sans sa décoration, qui<br />

fait partie intégrante du bâtiment. C’est une fonction essentielle <strong>de</strong> la vie du lieu. C’est ce<br />

qu’il a expérimenté au moment <strong>de</strong> la construction du lycée Bergson à Angers en parlant <strong>de</strong><br />

“décor éphémère”. Selon son souhait, les futurs usagers disposaient d’aplats géométriques<br />

colorés <strong>de</strong>stinés à recouvrir les murs et les sols comme ils le voulaient. Yona Friedman a<br />

ensuite décliné ces motifs sur différents supports : sérigraphies, manuels, af<strong>fiche</strong>s, murs<br />

<strong>de</strong> bâtiments publics et sols <strong>de</strong> rue. La décoration intérieure <strong>de</strong> son <strong>de</strong>uxième appartement<br />

parisien, situé en face d’un métro aérien, est exceptionnelle. Il y rési<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis 1968. Jean<br />

Dubuffet qui l’a <strong>visit</strong>é dans les années 1960 est resté stupéfait. De nombreux étudiants,<br />

chercheurs, conservateurs et journalistes s’y succè<strong>de</strong>nt presque quotidiennement. Pour


Yona Friedman, ce qui compte c’est <strong>de</strong> personnaliser son espace vital : “j’ai créé mon propre<br />

mon<strong>de</strong>, pour m’approprier mon cadre <strong>de</strong> vie. Je suis convaincu que chacun peut en faire<br />

autant”, dit-il. En outre, Yona Friedman insiste sur le fait que les préceptes philosophiques<br />

(simple truth) collés sur les frises sont <strong>de</strong>s messages <strong>de</strong> sagesse qu’il a besoin <strong>de</strong> relire tous<br />

les jours.<br />

Un <strong>de</strong>s motifs qui revient fréquemment dans l’univers <strong>de</strong> Friedman, c’est la licorne. Cet<br />

“animal qui n’existe pas” danse sur les murs <strong>de</strong> son appartement, part en voyage à Venise<br />

(salle 9), à Vassivière en mai <strong>de</strong>rnier, à New York dans les années 1960 et termine l’année<br />

à Paris dans l’atelier du boulevard Garibaldi en buvant du champagne (salle 5) ! Elle est ivre<br />

<strong>de</strong> joie ! La licorne vient aussi décorer quelques maquettes merziennes, comme celles<br />

présentées dans la salle 5.<br />

Les manuels, fresques et les <strong>de</strong>ssins d’animations et frises sont en vente à la librairie.<br />

Avec Friedman, la notion d’auteur <strong>de</strong>vient obsolète et illusoire. Il préfère impulser une<br />

architecture organique, croissante, et improvisée, à l’image <strong>de</strong> l’usager, à qui il accor<strong>de</strong><br />

beaucoup d’importance. Cette conception <strong>de</strong> la création est aussi en phase avec certains<br />

essais théoriques <strong>de</strong> Roland Barthes (La mort <strong>de</strong> l’auteur, 1957) et <strong>de</strong> Umberto Eco<br />

(L’œuvre ouverte, 1968), qui sont, eux aussi, annonciateurs <strong>de</strong>s révolutions technologiques<br />

et <strong>de</strong> la dématérialisation <strong>de</strong> l’information.<br />

Que ce soit les maquettes, les manuels, les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> licornes, les frises ou encore les<br />

films d’animations sans oublier les projets <strong>de</strong> villes-pont, Friedman tente toujours et encore<br />

<strong>de</strong> favoriser, en douceur et avec mo<strong>de</strong>stie, <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong> conscience et l’émergence <strong>de</strong>s<br />

quinze utopies fondamentales : le respect <strong>de</strong> la nature, la fraternité, l’égalité, la liberté,<br />

la parole libre, les droits <strong>de</strong> l’enfant, l’éducation, la santé pour tous, la liberté sexuelle, la<br />

laïcité, l’art libre, le revenu garanti, la justice, le droit au logement, et l’autogestion.<br />

Caroline Cros


YONA FRIEDMAN<br />

Les “meubles-plus”<br />

Le sujet <strong>de</strong> ce projet ce n’est pas vraiment la ‘’maison –mobile’’, mais plutôt la<br />

transformation <strong>de</strong> la maison en mobilier.<br />

J’essaie <strong>de</strong> m’expliquer. Ce qu’on utilise dans ‘’l’habitat’’, c’est le mobilier, et<br />

l’équipement comme une table, un canapé, un lit, <strong>de</strong>s placards, une baignoire, un<br />

lavabo, une cuisinière, un frigo, etc.


Chacun <strong>de</strong> ces ‘’meubles’’ et ‘’équipements’’ implique, autour <strong>de</strong> lui, un ‘’espace<br />

d’utilisation’’ : autour <strong>de</strong> la table la place <strong>de</strong>s chaises, autour du lit l’espace d’accès,<br />

et ainsi <strong>de</strong> suite pour tous les objets utilisés.<br />

Ce que j’essaie <strong>de</strong> faire c’est <strong>de</strong> contenir équipement et espace <strong>de</strong> service en une<br />

‘’quasi-cabine’’. (Nous en avons beaucoup d’exemples dans le passé = par<br />

exemple, le ‘’lit à baldaquins’’ est un ‘’édicule’’, une cabine.). Ces ‘’quasi-cabines’’<br />

sont en réalité <strong>de</strong>s meubles avec leur extension <strong>de</strong> service. Ce que je propose,<br />

c’est d’inclure meuble et extension <strong>de</strong> service en une boite, mobile et déplaçable.


Cette conception permettra à chaque habitant <strong>de</strong> réorganiser, s’il faut, d’heure en<br />

heure, le plan <strong>de</strong> sa rési<strong>de</strong>nce simplement en poussant ces ‘’meubles-plus’’ où il<br />

le veut. Il peut créer, le matin, un logement avec beaucoup d’espaces indépendants<br />

(<strong>de</strong>s ‘’chambres’’) et le soir, par exemple, une seule gran<strong>de</strong> salle, en poussant tous<br />

les ‘’meubles-plus’’ dans les coins, transformant ainsi sa rési<strong>de</strong>nce en une salle <strong>de</strong><br />

bal.<br />

A part la mobilité, cette solution apporte une économie d’énergie qui peut aller<br />

jusqu’à 90%. En effet, on ne chaufferait (ou climatiserait) que les volumes <strong>de</strong>s<br />

‘’meubles-plus’’, uniquement pour le temps où quelqu’un se trouve dans la cabine.<br />

Le temps <strong>de</strong> réchauffer la cabine d’un ‘’meuble-plus’’ est moindre que celui <strong>de</strong><br />

chauffer (ou refroidir) une voiture. Ainsi une cuisine, une salle <strong>de</strong> bain, une salle à<br />

manger, un lit etc ne sera climatisé que pour le temps où nous y sommes…


Les boites <strong>de</strong> cartons, donnent l’idée du volume <strong>de</strong>s ‘’meubles-plus’’. Vous pouvez<br />

jouer avec elles et composer votre appartement imaginaire qui changera <strong>de</strong><br />

forme pour toute occasion, et quand vous le voulez.<br />

© Yona Friedman, janvier 2010<br />

Production Espace <strong>de</strong> l’Art Concret - centre d’art contemporain, Mouans-Sartoux,<br />

avec le mécénat <strong>de</strong> la galerie Kamel Mennour, Paris


L'Espace <strong>de</strong> l'Art Concret bénéficie du soutien <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Mouans-Sartoux, du<br />

ministère <strong>de</strong> la Culture et <strong>de</strong> la Communication, Délégation aux arts plastiques / DRAC<br />

PACA, du conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur et du conseil général<br />

<strong>de</strong>s Alpes Maritimes.

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