Untitled - Opéra de Lyon

L’ORFEO

Pour la présente édition
© Opéra national de Lyon, 2004

CLAUDIO MONTEVERDI
L’ORFEO
Livret d’Alessandro Striggio
Favola in musica
en un prologue
&
cinq actes

Couverture.
Claude Lorrain (1600-1682), La Ronde des saisons, eau-forte

LIVRET
CAHIER de LECTURES
9 Fiche technique
14 L’argument
16 Les personnages
L’ORFEO
20 Prologo / Prologue
24 Atto primo / Acte I
34 Atto secondo / Acte II
48 Atto terzo/ Acte III
56 Atto quarto / Acte IV
66 Atto quinto / Acte V
77 Lettres autour de la la création de L ’ O r f e o
80 Roger Tellart
Au service des Gonzague
82 Maurice Roche
L’Orfeo, une synthèse de l’art
de son époque
88 Paul Dukas
Claudio Monteverde, un innovateur
de génie
91 Jean Boivin
L’Orfeo dans la classe de Messiaen
94 & 104 Rainer Maria Rilke
Sonnets à Orphée
96 Virgile
Orphée dans Les Géorgiques
99 Ovide
Orphée dans Les Métamorphoses
CARNET de NOTES
108 Claudio Monteverdi Repères biographiques
116 & Notice bibliographique
117 L’Orfeo Discographie sélective

LIVRET
Ecrit par Alessandro Striggio (1573-1630).
Dès la création de L ’ O r f e o, le texte est reconnu pour sa grande
qualité. Il est inspiré par Les Métamorphosesd’Ovide, par Les
Géorgiquesde Virgile et par La Fabula d’Orfeo d’Angelo Poliziano
(Le Politien) représentée à Mantoue en 1480.
On y relève également l’influence de Pétrarque et Dante, qui
avaient vécu trois siècles auparavant. Striggio cite d’ailleurs
L a Divine Comédie– « Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate »–
à l’acte III.
PARTITION
C’est vraisemblablement vers le milieu de l’année 1606 que
Monteverdi entreprend l’écriture de L’Orfeo, à la l’instigation
de Vincent Gonzague, duc de Mantoue, son « employeur ».
La partition est imprimée et éditée – ce qui est rare pour les
opéras du X V I I e siècle – à Venise en 1609. Et, fait unique,
elle est rééditée en 1615.
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PERSONNAGES
LA MUSICA Soprano LA MUSIQUE
ORFEO Ténor ORPHÉE
EURIDICE Soprano EURYDICE
CHORO DI NINFE E PASTORI
CHŒUR DE NYMPHES & DE BERGERS
Solisti / Solistes
NINFA Soprano UNE NYMPHE
PASTORE I Ténor PREMIER BERGER
PASTORE II Alto DEUXIÈME BERGER
PASTORE III Ténor TROISIÈME BERGER
PASTORE IV Basse QUATRIÈME BERGER
MESSAGIERA (SILVIA) Soprano LA MESSAGÈRE (SYLVIA)
SPERANZA Soprano L’ESPÉRANCE
CARONTE Basse CARON
CHORO DI SPIRITI INFERNALI
CHŒUR DES ESPRITS INFERNAUX
Solisti / Solistes
SPIRITO I Ténor PREMIER ESPRIT
SPIRITO II Ténor DEUXIÈME ESPRIT
SPIRITO III Basse TROISIÈME ESPRIT
PROSERPINA Soprano PROSERPINE
PLUTONE Basse PLUTON
ECO Ténor ECHO
APOLLO Ténor APOLLON
CHORO DI PASTORI
che fecera la Moresca nel fine
CHŒUR DE BERGERS
faisant la Mauresque à la fin
A l’époque de Monteverdi, les tessitures vocales n’étaient pas ce qu’elles
sont devenues au fil de l’histoire de la musique. On en répertoriait quatre –
ténor, basse, soprano, alto– qui correspondaient à l’étendue naturelle de la
voix humaine et ne dépassaient l’octave qu’exceptionnellement.

ORCHESTRE
Table des instruments*
2 gravicembali (clavecins)
2 contrabassi da viola (contrebasses de viole)
10 viole da brazzo (violons)
1 arpa doppia (harpe double)
2 violini piccoli alla Francese(petits violons à la française)
2 chitaroni (chitarrones ou grands luths)**
2 organi di legno (orgues positifs en bois)**
3 bassi di gamba (basses de viole)
4 tromboni (trombones ou sacqueboute)**
1 regale (orgue régale)**
2 cornetti (cornets à bouquin)**
1 flautino alla vigesima seconda
(petite flûte à bec à la vingt deuxième)
1 clarino (trompette aiguë naturelle)
3 trombe sordine(trompettes avec sourdine)**
* Figurant dans l’édition vénitienne de L’Orfeo, 1609. Les ensembles instrumentaux
du XVII e adaptaient la partition à leurs propres effectifs.
** Notes sur les instruments.
2 chitaroni (2 chitarrones ou grands luths). Le chitarrone est le plus
grave des archiluths. On l’a aussi appelé théorbe romain. Sa caisse peut être
percée de trois ouïes. Très allongé, l’instrument peut atteindre deux mètres.
Son manche est muni de deux à trois chevilliers. La profondeur de ses graves
et la puissance de sa sonorité lui permettent de remplacer le clavecin pour la
réalisation de la basse continue.
2 organi di legno (2 orgues en bois). Il s’agit d’orgues positifs. Doté
d’un nombre de jeux relativement réduit (de trois à huit), l’orgue positif pouvait
être transporté. Il existait par exemple des orgues de procession.
4 tromboni (4 trombones ou sacqueboutes selon l’ancienne terminologie
française). Sacqueboute est le nom français que l’on a donné au trombone à
son apparition au X V e siècle. La sacqueboute est de perce étroite et à pavillon
légèrement évasé, ce qui lui confère une sonorité d’une belle douceur.
1 regale (1 orgue régale). Instrument à vent et à clavier, muni de deux
soufflets. Le son est produit par des anches battantes en métal. De sonorité
rauque, l’orgue régale pouvait aussi servir d’orgue portatif. Il existait une
régale-bible, en forme de livre, qui pouvait être repliée après utilisation.
2 c o r n e t t i (2 cornets à bouquin). Instrument à vent de perce conique
(comme le hautbois) dont la sonorité ressemble à celle de la trompette, en plus
doux. Comme pour la trompette, le son est produit par la vibration des lèvres.
3 trombe sordine (3 trompettes avec sourdine). Il s’agit de trompettes
naturelles (dépourvue de trou et de pistons). La sourdine qui se glissait dans
le pavillon était utilisée pour changer de ton.
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DURÉE MOYENNE
1 heure 45
CRÉATION
24 février 1607, Palais ducal, Mantoue
Avec Francesco Rasi, ténor (Orphée), Giovanni Gualberto
Magli, castrat (La Musique, Proserpine et, peut-être,
L’Espérance), Girolamo Bacchini, castrat (Eurydice).
Le 10 août, représentation à Crémone.
Dans les années qui suivent, L’Orfeo est joué à Turin, Milan
et Florence.
CRÉATION en FRANCE
Après trois siècles d’oubli, c’est en France que l’œuvre est
reprise, en concert, à la Schola Cantorum de Paris à l’initiative
et sous la direction de Vincent d’Indy, le 25 février 1904.
L’ŒUVRE à LYON depuis 1969
1973
Direction musicale.Theodor Guschlbauer, Claire Gibault
Mise en scène. Gaston Benhaim
Décors et costumes.Christine Marest
AvecEric Tappy (Orphée), Colette Alliot-Lugaz
(Eurydice), Emmy Greger (La Messagère),
Evelyne Brunner (La Musique, Proserpine), Clara Wirz
(L’Espérance), Georg Pappas (Caron), François Loup
(Pluton), Schuyler Hamilton (Apollon)
1979/1980. Reprise de la production précédente
à l’Auditorium Maurice-Ravel.
Direction musicale.Claire Gibault
AvecLajos Kozma (Orphée), Danielle Borst (Eurydice),
Margarita Zimmermann (La Messagère), Colette Alliot-
Lugaz (La Musique), Anne-Marie Grain (L’Espérance),
Pali Marinov (Caron), Alexander Malta (Pluton), Michèle
Lagrange (Proserpine), Léonard Pezzino (Apollon)

1988
Direction musicale. Michel Corboz
Mise en scène.Claude Goretta réalisée par Yvon Gérault
Décors. Jacques Bufnoir
Costumes. Gabriella Pescucci
Chorégraphie. Maryse Delente
AvecFrançois Le Roux (Orphée), Colette Alliot-Lugaz
(Eurydice, L’Espérance), Nathalie Stutzmann
(La Messagère), Elisabeth Vidal (La Musique),
René Schirrer (Caron, Pluton), Consuelo Caroli
(Proserpine), Francis Dudziak (Apollon)
1998*
Direction musicale.Claire Gibault
Mise en scène. Louis Erlo
Décors, costumes. Gian Maurizio Fercioni
AvecLaurent Alvaro et Gérard Théruel (Orphée),
Elsa Vacquin et Tomoko Takeuchi (Eurydice),
Marie-Belle Sandis et Hjördis Thébault (La Messagère),
Marion Harousseau et Julie Mathevet (La Musique),
Alketa Cela, Marie-Belle Sandis et Hjördis Thébault
(L’Espérance), Jérôme Varnier (Caron), Frédéric Caton
(Pluton), Maryline Fallot et Stéphanie Révidat
(Proserpine), Bruno Ranc (Apollon).
* Dans cette production, les rôles-titres étaient doublés, pour la première
partie du spectacle, par leur double enfant, interprétés par des enfants de la
maîtrise de l’Opéra de Lyon
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PROLOGUE
LA MUSIQUE – personnage allégorique – se présente au public
et lui annonce l’histoire qui va être racontée sur la scène,
celle d’Orphée, qui « attira les bêtes féroces par son chant, et
soumit l’Enfer par ses prières. »
ACTE I
C’est un jour de joie. OR P H É E épouse EU R Y D I C E. OR P H É E a
enfin trouvé le bonheur auprès de celle qui autrefois le dédaignait.
BE R G E R S e t N Y M P H E S célèbrent leur bonheur par des
chants et des danses.
ACTE II
ORPHÉE rappelle ses peines d’amour, qu’il confiait aux forêts
et aux rochers. Ces tourments passés rendent plus précieux
encore son bonheur présent.
Mais la ME S S A GÈR E vient annoncer la mort d’Eurydice, piquée
par un serpent. ORPHÉE, terrassé, annonce qu’il descendra
aux Enfers pour reprendre son épouse en attendrissant le
cœur du roi des ombres ; et qu’en cas d’échec, il restera avec
elle. Le CHŒUR déplore le sort des deux amants.

ACTE III
L ’ ES P É R A N C E a conduit OR P H É E jusqu’aux régions marécageuses
et au fleuve qui marquent l’entrée des Enfers. Elle
cite Dante – « Laissez toute espérance ô vous qui entrez » –
avant de laisser OR P H É E seul. Il affronte CA R O N qui sur sa
barque fait passer les morts aux Enfers. A défaut de l’attendrir
par son chant, ORPHÉE parvient à l’endormir.
La voie est libre.
ACTE IV
Emue par le sort d’Orphée, PR O S E R P I N E intercède pour lui
auprès de PLUTON, son époux. Touché par « tant de beautés et
tant de prières », le roi des ombres accepte qu’Orphée retrouve
Eurydice. « Mais avant qu’il ne sorte de ces abîmes, que
jamais il ne tourne vers elle ses yeux avides, car un seul
regard serait la cause certaine d’une perte éternelle. »
Chantant la toute puissance de sa lyre, ORPHÉE, suivi d’EU-
RYDICE, se dirige hors des Enfers. Mais, ne pouvant résister
au doute et au désir, il se retourne vers EU R Y D I C E qui doit
rejoindre « l’ombre de la mort ».
« Il sera digne de gloire éternelle celui-là seul qui saura se
vaincre lui-même », conclut le CHŒUR DES ESPRITS.
ACTE V
En Thrace, ORPHÉE retrouve ses forêts, ses montagnes et ses
rochers, à qui il confie son désespoir, qu’ECHO essaye d’atténuer.
Il dit son dégoût de toute autre femme qu’Eurydice.
APOLLON son père vient le rappeler à la raison : « Ne sais-tu
pas encore que rien ici-bas ne nous réjouit et ne dure longtemps
? » Il l’invite à jouir de la vie éternelle avec lui. Tous
deux montent au ciel en chantant. Le CH ΠU R c o m m e n t e :
« C’est ainsi qu’obtient la grâce du ciel celui qui, ici-bas, a
éprouvé l’enfer. »
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16
Jeunes B E R G E R S et juvéniles NYMPHES respirent un
bonheur lumineux dans une Arcadie idyllique.
La MUSICA, incarnation de la musique, les enveloppe de
son chant apaisant telle une ombre favorable. Son pouvoir sur
les âmes et sur les cœurs est illimité et incontesté.
Ils fêtent les noces tant attendues de deux d’entre eux ;
une NY M P H E et trois BE R G E R S se font l’écho de la joie des
jeunes mariés. Leur individualité est peu marquée jusqu’au
moment où la tragédie vient s’abattre sur le jeune époux,
ORFEO.
Une autre NYMPHE, Silvia, l’amie de la jeune épouse EU-
R I D I C E, incarne cette M E S S A G È R E funeste dont la parole,
telle une ombre fatale, frappe BERGERS et NYMPHES. Mais surtout
son chant apporte la conscience du temps dans cet univers
jusque là immobile et projette l’irréversibilité humaine
sur un monde devenu réel.
BERGERS et NYMPHES s’uniront à la souffrance d’ORFEO :
EU R I D I C E est morte, piquée par un serpent. E U R I D I C E e s t
l’image jumelle d’OR F E O, son équivalent féminin, l’incarnation
de son humanité, de sa faiblesse et de ses doutes, de sa
force, de sa tendresse. Sa raison de vivre. Il ne peut que
tenter de l’arracher à la mort ou périr à son tour.
La SPERANZA, incarnation de l’espoir, l’escorte de son
chant telle une ombre réconfortante. Aux portes du sombre
royaume, elle l’abandonne, puisque désormais OR F E O d o i t
cheminer seul, telle est la loi : « Lasciate ogni speranza voi
ch’entrate. »

Dans les Enfers, CARONTE, le nocher hideux qui fait passer
le Styx aux âmes défuntes et repousse impitoyablement les
morts sans sépulture, arrête violemment les pas du téméraire.
O R F E O, le demi-dieu, l’aède archétypal, parvient à l’endormir
par l’harmonie et la beauté de son chant. Il obtient le
retour de sa tendre moitié. Mais demi-mortel, OR F E O s ’ e n o rgueillit
trop vite de la force de son talent et en chemin ne peut
s’empêcher de douter. Son amour n’est pas assez confiant et il
est vaincu par sa passion impatiente. Désormais solitaire, il
erre comme une ombre larmoyante au royaume des hommes,
n’ayant pas réussi à inverser le cours du temps et ne pouvant
accepter cet échec. Déchiré entre la colère et le désespoir,
OR F E O trop humain n’a plus qu’E C O pour compagne.
PLUTONE, dieu suprême de l’infra-monde, régnant sur la
Mort, a enlevé puis épousé par amour une jeune divinité terrestre,
fille de Jupiter et de Cérès, déesse de la fécondité.
Celle-ci, P R O S E R P I N A, dont l’existence symbolise le cycle de
la nature, de l’efflorescence du printemps à l’anéantissement
de l’hiver, est touchée par le sort d’EU R I D I C E et les complaintes
d’OR F E O. Elle intercède auprès de son mari PL U-
T O N E, qui accepte de remettre en jeu l’inéluctabilité de la
mort d’EURIDICE. Mais, par ironie macabre ou par défi malicieux,
il impose une condition qui conduira ORFEO à sa perte.
A la manière des BERGERS et des NYMPHES, les SPIRITI
ponctuent, répercutent les injonctions de PLUTONE et PROSER-
PINE et commentent les tribulations d’ORFEO.
Condamnant les excès passionnels de celui-ci, A P O L L O N,
apparaît enfin, deus ex machina, image paternelle qui descend
des cieux pour sauver son fils, et, mêlant symboles grecs,
romains et chrétiens, invite OR F E O immortalisé à contempler
dans l’éternité des étoiles et du soleil le visage d’EU R I D I C Eet la
paix de son âme. “Lieto fine” o u “Happy end” qui a éclipsé la
version tragique originale. Fin de convention qui témoigne de la
volonté du clergé d’appliquer un syncrétisme entre mythologie
antique et religion catholique.
Karine Van Hercke
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MONTEVERDI
L’ORFEO

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PROLOGO
Toccata
Ritornello
LA MUSICA
Dal mio Permesso amato a voi ne vegno,
Incliti eroi, sangue gentil de regi,
Di cui narra la Fama eccelsi pregi
Nè giunge al ver perch’ è tropp’alto il segno.
Ritornello
Io la Musica son, ch’ai dolci accenti
So far tranquillo ogni turbato core,
Et hor di nobil ira et hor d’ amore
Poss’ infiammar le più gelate menti.
Ritornello
Io su cetera d’or cantando soglio
Mortal orecchio lusingar tal’hora,
E in questa guisa a l’armonia sonora
De la lira del Ciel più l’alme invoglio.

PROLOGUE
Toccata
Ritournelle
LA MUSIQUE
Quittant les rives aimables du Permesse, je viens à vous,
Célèbres héros, race noble des princes,
Dont la renommée conte les mérites éclatants,
Sans atteindre à la vérité car ils sont trop grands.
Ritournelle
C’est moi la Musique, et par mes doux accents
Je sais calmer tous les cœurs troublés,
Et je peux enflammer ou d’amour ou de noble courroux
Les esprits les plus glacés.
Ritournelle
Avec ma cithare d’or, j’ai coutume en chantant
De flatter l’oreille des mortels,
Et j’inspire aussi aux âmes un plus vif désir
D’entendre la sonore harmonie de la lyre céleste.
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22
CLAUDIO MONTEVERDI
Ritornello
Quinci a dirvi d’Orfeo desio mi sprona,
D’Orfeo che trasse al suo cantar le fere,
Servo fe’ l’Inferno a sue preghiere,
Gloria immortal di Pindo e d’Elicona.
Ritornello
Hor mentre i canti alterno or lieti, or mesti,
Non si mova augellin fra queste piante,
Né s’oda in queste rive onda sonante,
Et ogni auretta in suo cammin s’arresti.
Ritornello

L’ORFEO PROLOGUE
Ritournelle
Je viens poussée par le désir de vous parler d’Orphée,
D’Orphée qui attira par son chant les bêtes féroces,
Et qui soumit l’Enfer par ses prières,
Gloire immortelle du Pinde et de l’Hélicon.
Ritournelle
Pendant que je fais alterner des chants gais ou tristes,
Qu’aucun oiselet ne bouge dans ces branches,
Que sur ces rives nulle eau bruissante ne se fasse entendre,
Et que toute brise en sa course s’arrête.
Ritournelle
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ATTO PRIMO
PASTORE I
In questo lieto e fortunato giorno
Ch’ha posto fine a gl’amorosi affanni
Del nostro Semideo,
Cantiam, Pastori, in sì soavi accenti
Che sian degni d’Orfeo nostri concenti.
Oggi fatta è pietosa
L’alma già sì sdegnosa
De la bella Euridice.
Oggi fatto è felice
Orfeo nel sen di lei, per cui già tanto
Per queste selve ha sospirato e pianto.
Dunque in sì lieto e fortunato giorno
Ch’ha posto fine a gl’amorosi affanni
Del nostro Semideo,
Cantiam, Pastori, in sì soavi accenti
Che sian degni d’Orfeo nostri concenti.
CHORO DI NINFE ET DI PASTORI
Vieni Imeneo, deh, vieni
E la tua face ardente
Sia quasi un sol nascente
Ch’apporti a questi amanti i dì sereni,
E lunge omai disgombre
De gl’ affann e del duol gl’orrori e l’ombre.

ACTE I
PREMIER BERGER
En ce jour heureux et fortuné
Qui a mis fin aux tourments amoureux
De notre demi-dieu,
Chantons, bergers, avec de si doux accents
Que nos chœurs soient dignes d’Orphée.
Aujourd’hui s’est attendrie
L’âme autrefois si fière
De la belle Eurydice.
Aujourd’hui Orphée a trouvé le bonheur
Sur ce cœur pour lequel il a tellement
Soupiré et pleuré dans ces bois.
Donc en ce jour si heureux et fortuné
Qui a mis fin aux tourments amoureux
De notre demi-dieu,
Chantons, bergers, avec de si doux accents
Que nos chœurs soient dignes d’Orphée.
CHŒUR DES NYMPHES & DES BERGERS
Viens Hyménée, de grâce viens,
Et que ta face ardente
Soit comme un soleil naissant
Qui apporte à ces amants des jours sereins,
Et qu’au loin désormais se dissipent
L’horreur et l’ombre des tourments et de la douleur.
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NINFA
Muse, honor di Parnaso, amor del cielo,
Gentil conforto a sconsolato core,
Vostre cetre sonore
Squarcino d’ogni nube il fosco velo ;
E mentre oggi propizio al nostro Orfeo
Invochiamo Imeneo
Su ben temprate corde
Sia il vostro canto al nostro suon concorde.
CHORO DI NINFE ET DI PASTORI
Lasciate i monti,
Lasciate i fonti,
Ninfe vezzos’ e liete,
E in questi prati
Ai balli usati
Vago il bel pié rendete.
Qui miri il sole
Vostre carole
Più vaghe assai di quelle
Ond’a la Luna,
La notte bruna,
Danzano in Ciel le stelle.
Lasciate i monti,
Lasciate i fonti,
Ninfe vezzos’ e liete,
E in questi prati
Ai balli usati
Vago il bel pié rendete.
Poi di bei fiori,
Per voi s’honori,
Di questi amanti il crine,
C’hor dei martiri
Dei lor desiri
Godon beati al fine.
CLAUDIO MONTEVERDI
Ritornello
Ritornello

L’ORFEO ACTE I
NYMPHE
Muses, gloire du parnasse, amour du ciel,
Aimable réconfort des cœurs désolés,
Que vos cistres sonores
Déchirent le voile sombre des nuées ;
Et pendant que nous invoquons aujourd’hui
Hyménée pour qu’il soit propice à notre cher Orphée,
Sur ces instruments bien accordés
Que votre chant s’unisse au nôtre.
CHŒUR DES NYMPHES & DES BERGERS
Quittez les monts,
Quittez les sources,
Nymphes gracieuses et joyeuses,
Et sur ces prés
Habitués aux danses
Faites courir votre pied charmant.
Qu’ici le soleil
Contemple vos rondes
Bien plus gracieuses
Que celles que les étoiles,
En la nuit noire,
Dansent au ciel pour la lune.
Ritournelle
Quittez les monts,
Quittez les sources,
Nymphes gracieuses et joyeuses,
Et sur ces prés
Habitués aux danses
Faites courir votre pied charmant.
Puis de belles fleurs
Ornez les cheveux de ces amants,
Puisque enfin au bout de leurs tourments
Ils jouissent avec bonheur
De l’accomplissement
De leurs désirs.
Ritournelle
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PASTORE II
Ma tu, gentil cantor, s’a’ tuoi lamenti
Già festi lagrimar queste campagne,
Perch’hora al suon de la famosa cetra
Non fai teco gioir le valli e i poggi ?
Sia testimon del core
Qualche lieta canzon che detti Amore.
ORFEO
Rosa del ciel, vita del mondo, e degna
Prole di lui che l’Universo affrena,
Sol ch’il tutto circondi e’l tutto miri,
Da gli stellati giri,
Dimmi, vedesti mai
Di me più lieto e fortunato amante ?
Fu ben felice il giorno,
Mio ben, che pria ti vidi,
E più felice l’ora
Che per te sospirai,
Poich’al mio sospirar tu sospirasti ;
Felicissimo il punto
Che la candida mano
Pegno di pura fede a me porgesti.
Se tanti cori avessi
Quant’occh’il Ciel eterno e quante chiome
Han questi colli ameni il verde maggio,
Tutti colmi sarieno e traboccanti
Di quel piacer ch’oggi mi fa contento.
EURIDICE
Io non dirò qual sia
Nel tuo gioir, Orfeo, la gioia mia,
Ché non ho meco il core
Ma teco stassi in compagnia d’Amore.
Chiedilo dunque a lui s’intender brami
Quanto lieta gioisca e quanto t’ami.
CHORO DI NINFE E DI PASTORI
Lasciate i monti,
Lasciate i fonti,
Ninfe vezzos’ e liete,
CLAUDIO MONTEVERDI

L’ORFEO ACTE I
DEUXIÈME BERGER
Mais toi, aimable chanteur, si tes plaintes
Ont déjà fait pleurer ces campagnes,
Pourquoi maintenant au son de ta fameuse lyre
Ne fais-tu se réjouir avec toi les vallées et les collines ?
Que de joyeux chants inspirés par l’Amour
Témoignent de ton bonheur.
ORPHÉE
Rose du ciel, vie du monde,
Et digne descendant de celui qui régit l’univers,
Soleil, toi qui englobes tout et qui vois tout,
Et qui décris des cercles étincelants,
Dis-moi, as-tu jamais vu
Amant plus heureux et plus fortuné que moi ?
Il fut bien heureux le jour,
Mon amour, où je te vis pour la première fois,
Et plus heureuse encore l’heure
Où je soupirai pour toi,
Puisque à mes soupirs les tiens ont répondu ;
Qu’il fut heureux le moment
Où tu me tendis ta main blanche
En pur gage de ta foi.
Si j’avais autant de cœurs
Que le ciel éternel compte d’astres
Et que ces collines ont de frondaisons au vert mois de mai,
Ils seraient tous comblés et déborderaient
Du plaisir qui aujourd’hui me rend heureux.
EURYDICE
Je ne dirai pas, Orphée,
Quelle est ma joie à ton plaisir,
Car mon cœur n’est pas avec moi
Mais il se tient avec toi en compagnie d’Amour.
Demande lui donc, si tu désires entendre,
Combien je suis heureuse et combien je t’aime.
CHŒUR DES NYMPHES & DES BERGERS
Quittez les monts,
Quittez les sources,
Nymphes gracieuses et joyeuses,
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E in questi prati
Ai balli usati
Vago il bel pié rendete.
Qui miri il sole
Vostre carole
Più vaghe assai di quelle
Ond’a la luna,
La notte bruna,
Danzano in Ciel le stelle.
CLAUDIO MONTEVERDI
Ritornello
Vieni Imeneo, deh, vieni
E la tua face ardente
Sia quasi un sol nascente
Ch’apporti a questi amanti i dì sereni,
E lunge omai disgombre
De gli affanni e del duol gli orrori e l’ombre.
PASTORE I
Ma s’il nostro gioir dal Ciel deriva,
Com’è dal ciel ciò che qua giu n’incontra,
Giust’ è ben che devoti
Gl’ offriam incensi e voti.
Dunque al Tempio ciascun rivolga i passi
A pregar Lui ne la cui destra è il Mondo,
Che lungamente il nostro ben conservi.
Ritornello
PASTORI I E III
Alcun non sia che disperato in preda
Si doni al duol, benché talor n’assaglia
Possente sì che nostra vita inforsa.
Ritornello
NINFA, PASTORI II E IV
Ché, poiché nembo rio gravido il seno
D’atra tempesta inorridito ha il Mondo,
Dispiega il Sol più chiaro i rai lucenti.

L’ORFEO ACTE I
Et sur ces prés
Habitués aux danses
Faite courir votre pied charmant.
Qu’ici le soleil
Contemple vos rondes
Bien plus gracieuses
Que celles que les étoiles,
En la nuit noire,
Dansent au ciel pour la lune.
Ritournelle
Viens Hyménée, de grâce viens,
Et que ta face ardente
Soit comme un soleil naissant
Qui apporte à ces amants des jours sereins,
Et qu’au loin désormais se dissipent
L’horreur et l’ombre des tourments et de la douleur.
PREMIER BERGER
Mais si notre plaisir nous vient du ciel,
Comme vient du ciel tout ce qui nous arrive ici-bas,
Il est bien juste qu’avec dévotion
Nous lui offrions notre encens et nos vœux.
Aussi que chacun dirige ses pas vers le Temple
Pour aller prier celui qui tient le monde dans sa main droite,
Afin qu’il nous conserve longtemps notre bonheur.
Ritournelle
PREMIER & TROISIÈME BERGERS
Que nul ne s’abandonne, désespéré,
A la tristesse, même si parfois elle nous assaille avec force
Et rend notre vie amère.
Ritournelle
NYMPHE, DEUXIÈME & QUATRIÈME BERGERS
Car, après que les nuées hostiles toutes chargées
D’une funeste tempête ont rempli d’horreur l’univers,
Le soleil, plus clair, dispense ses brillants rayons.
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CLAUDIO MONTEVERDI
Ritornello
PASTORI II E III
E dopo l’aspro gel del Verno ignudo
Veste di fior la Primavera i campi.
NINFA, PASTORI I, II, III, IV
Ecco Orfeo cui pur dianzi
Furon cibo i sospir, bevanda il pianto,
Oggi felice è tanto
Che nulla è più che da bramar gli avanzi.

L’ORFEO ACTE I
Ritournelle
DEUXIÈME & TROISIÈME BERGERS
Et après la rude froidure de l’hiver dénudé
Le printemps revêt les campagnes de fleurs.
NY M P H E, PR E M I E R, DE U X IÈM E, TR O I S IÈM E & QU A T R IÈM E BE R G E R S
Voici Orphée qui autrefois
Se nourrissait de soupirs et se désaltérait de larmes ;
Aujourd’hui il est si heureux
Qu’il n’a plus rien à désirer.
33

34
ATTO SECONDO
Sinfonia
ORFEO
Ecco pur ch’à voi ritorno,
Care selve e piaggie amate,
Da quel Sol fatte beate
Per cui sol mie notti han giorno.
Ritornello
PASTORE I
Mira, ch’a sè n’alletta
L’ombra, Orfeo, de que’ faggi
Hor che infocati raggi
Febo dal Ciel saetta.
Sù quell’herbosa sponda
Posiamci, e in varii modi
Ciascun sua voce snodi
Al mormorio de l’onde.
Ritornello

ACTE II
Symphonie
ORPHÉE
Voici que je reviens à vous,
Chères forêts et plages aimées
Que le soleil rend heureuses,
Lui qui seul sait changer mes nuits en jours.
Ritournelle
PREMIER BERGER
Regarde, Orphée, combien est attirante
L’ombre de ces hêtres
Alors que Phoebus darde ses rayons enflammés
Du haut du ciel.
Ritournelle
Sur cette verte rive,
Reposons-nous, et de diverses manières
Que chacun accorde sa voix
Au murmure des eaux.
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36
PASTORI I E III
In questo prato adorno
Ogni selvaggio Nume
Sovente ha per costume
Di far lieto soggiorno.
Qui Pan Dio de’ Pastori,
S’udì talor dolente
Rimembrar dolcemente
Suoi sventurati amori.
Qui le Napee vezzose,
Schiera sempre fiorita,
Con le candide dita
Fur viste à coglier rose.
CLAUDIO MONTEVERDI
Ritornello
Ritornello
Ritornello
Ritornello
CHORO (NINFA E PASTORI I, II, III, IV)
Dunque fa’ degn’ Orfeo,
Del suon de la tua lira.
Questi campi ove spira
Aura d’ odor Sabeo.
Ritornello
ORFEO
Vi ricorda, o boschi ombrosi,
De’miei lunghi aspri tormenti,
Quando i sassi ai miei lamenti
Rispondean fatti pietosi ?
Vi ricorda, o boschi ombrosi ?
Ritornello

L’ORFEO ACTE II
Ritournelle
PREMIER & TROISIÈME BERGERS
Sur ce pré fleuri
Les divinités agrestes
Ont coutume
De passer d’heureux moments.
Ritournelle
Ici on a entendu Pan, le dieu des bergers,
Qui avec tristesse
Rappelait doucement
Ses amours malheureuses.
Ritournelle
Ici on a vu les nymphes gracieuses,
Troupe toujours fleurie,
Qui de leurs blanches mains
Cueillaient des roses.
Ritournelle
CHŒUR
( NY M P H E, PR E M I E R, DE U X IÈM E, TR O I S IÈM E & QU A T R IÈM E BE R G E R S)
Donc, Orphée, rends dignes
Du son de ta lyre
Ces champs où souffle
Une brise aux senteurs parfumées.
Ritournelle
ORPHÉE
Vous souvenez-vous, ô forêts ombreuses,
De mes longs et amers tourments,
Lorsque les rochers pleins de compassion
Répondaient à mes lamentations ?
Vous souvenez-vous, ô forêts ombreuses ?
Ritournelle
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38
Dite, allor non vi sembrai
Più d’ogn’altro sconsolato ?
Hor fortuna ha stil cangiato
Ed ha volto in festa i guai.
Dite, allor non vi sembrai
Dite, allor non vi sembrai ?
Ritornello
Vissi già mesto e dolente,
Hor gioisco, e quegli affanni
Che sofferti ho per tant’anni
Fan più caro il ben presente.
Ritornello
Sol per te, bella Euridice,
Benedico il mio tormento,
Dopo il duol vi è più contento,
Dopo il mal vi è più felice.
PASTORE I
Mira, deh mira Orfeo, che d’ogni intorno
Ride il bosco e ride il prato,
Segui pur col plettr’aurato
D’addolcir l’aria in sì beato giorno.
MESSAGGIERA
Ahi caso acerbo, ahi fat’empio e crudele,
Ahi Stelle ingiuriose, ahi Cielo avaro !
PASTORE I
Qual suon dolente il lieto dì perturba ?
MESSAGGIERA
Lassa, dunque debb’io,
Mentre Orfeo con sue note il Ciel consola,
Con le parole mie passargli il cuore ?
PASTORE II
Questa è Silvia gentile,
CLAUDIO MONTEVERDI

L’ORFEO ACTE II
Dites, ne vous semblais-je pas alors
Le plus malheureux des êtres ?
Maintenant le sort a changé de visage
Et a transformé mes tourments en fête.
Dites, ne vous semblais-je pas alors
Dites, ne vous semblais-je pas alors… ?
Ritournelle
J’ai vécu triste et malheureux,
Et maintenant je me réjouis, et ce que j’ai souffert
Pendant tant d’années
Rend plus précieux mon bonheur présent.
Ritournelle
C’est pour toi seulement, belle Eurydice,
Que je bénis mon tourment
Après la douleur on est plus content,
Après le malheur on est plus heureux.
PREMIER BERGER
Regarde, de grâce, Orphée, regarde tout autour de nous,
Bois et prés se réjouissent,
Continue donc avec ta lyre dorée
A rendre l’air plus doux en ce jour si heureux.
LA MESSAGÈRE
Hélas, amer destin ! hélas, sort funeste et cruel !
Hélas, étoiles inhumaines, ah, ciel barbare !
PREMIER BERGER
Quelle lamentation trouble ce jour heureux ?
LA MESSAGÈRE
Malheureuse, il m’appartient donc
De transpercer le cœur d’Orphée par mes paroles
Alors qu’il est en train de réjouir le ciel par son chant ?
DEUXIÈME BERGER
C’est la charmante Sylvia,
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Dolcissima compagna
De la bell’Euridice : oh quanto è in vista
Dolorosa : or che fia ? deh, sommi Dei,
Non torcete da noi benigno il guardo.
MESSAGGIERA
Pastor lasciate il canto,
Ch’ogni nostra allegrezza in doglia è volta.
ORFEO
Donde vieni ? Ove vai ?
Ninfa, che porti ?
MESSAGGIERA
A te ne vengo Orfeo,
Messagiera infelice
Di caso più infelice e più funesto !
La tua bella Euridice...
ORFEO
Ohimè che odo ?
MESSAGGIERA
La tua diletta sposa è morta !
ORFEO
Ohimè !
CLAUDIO MONTEVERDI
MESSAGGIERA
In un fiorito prato
Con l’altre sue compagne
Giva cogliendo fiori
Per farne una ghirlanda a le sue chiome,
Quand’angue insidioso,
Ch’era fra l’erbe ascoso,
Le punse un piè con velenoso dente.
Ed ecco immantinente
Scolorirsi il bel viso e nei suoi lumi
Sparir quei lampi, ond’ella al Sol fea scorno.
Allor noi tutte sbigottite e meste

L’ORFEO ACTE II
La très douce compagne de la belle Eurydice ;
Oh, combien son expression est douloureuse !
Qu’y a-t-il donc ? De grâce, dieux très puissants,
Ne détournez-pas de nous votre regard bienveillant.
LA MESSAGÈRE
Bergers, cessez vos chants,
Car à notre allégresse fait place l’affliction.
ORPHÉE
D’où viens-tu ? où vas-tu ?
Nymphe, quelle nouvelle ?
LA MESSAGÈRE
Je viens à toi, Orphée,
Messagère infortunée
D’un destin malheureux et funeste !
Ta belle Eurydice…
ORPHÉE
Hélas, qu’entends-je ?
LA MESSAGÈRE
Ton épouse bien-aimée est morte !
ORPHÉE
Hélas !
LA MESSAGÈRE
Dans un pré fleuri
Avec quelques amies elle allait
Cueillant des fleurs
Pour en faire une guirlande à ses cheveux,
Lorsqu’un serpent perfide
Caché dans l’herbe,
Lui mordit le pied de sa dent venimeuse.
Et voilà qu’immédiatement
Son beau visage a pâli et ses yeux
Ont perdu l’éclat qui les faisait rivaliser avec le soleil.
Alors, toutes troublées et tristes
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42
CLAUDIO MONTEVERDI
Le fummo intorno, richiamar tentando
Gli spirti in lei smarriti
Con l’onda fresca e con possenti carmi ;
Ma nulla valse, ahi lassa !
Ch’ella i languidi lumi alquanto aprendo,
E te chiamando, Orfeo,
Dopo un grave sospiro,
Spirò fra queste braccia, ed io rimasi
Piena il cor di pietade e di spavento.
PASTORE I
Ahi caso acerbo, ahi fat’ empio e crudele !
Ahi stelle ingiuriose, ahi Cielo avaro !
PASTORE III
A l’amara novella
Rassembra l’infelice un muto sasso
Che per troppo dolor non può dolersi.
PASTORE I
Ahi ben havrebbe un cor di Tigre o d’Orsa
Chi non sentisse del tuo mal pietade,
Privo d’ogni tuo ben, misero amante.
ORFEO
Tu se’ morta, se’ morta mia vita, ed io respiro ?
Tu se’ da me partita, se’ da ma partita
Per mai più non tornare, ed io rimango ?
No, che se i versi alcuna cosa ponno
N’andrò sicuro a’ più profondi abissi,
E intenerito il cor del Re de l’Ombre
Meco trarrotti a riveder le stelle :
O se ciò negherammi empio destino
Rimarrò teco in compagnia di morte.
A dio terra, a dio cielo, e Sole a dio.
CHORO (NINFA E PASTORI I, II, III, IV)
Ahi caso acerbo, ahi fato empio e crudele !
Ahi stelle ingiuriose, ahi Cielo avaro !
Non si fidi uom mortale

L’ORFEO ACTE II
Nous l’entourâmes pour tenter
De rappeler ses esprits égarés
Avec de l’eau fraîche et des charmes puissants ;
Mais rien n’y parvint, hélas, malheureuse !
Car, entrouvrant des yeux languissants,
Et t’appelant, Orphée,
Après un profond soupir
Elle expira entre mes bras, et moi je demeurai
Le cœur plein de pitié et d’épouvante.
PREMIER BERGER
Hélas, amer destin ! hélas, sort funeste et cruel !
Hélas, étoiles inhumaines, ah, ciel barbare !
TROISIÈME BERGER
A l’ouïe de cette amère nouvelle
Le malheureux ressemble à une pierre muette,
Sa douleur est trop grande pour qu’il puisse se plaindre.
PREMIER BERGER
Hélas, il faudrait avoir un cœur de tigre ou d’ours
Pour ne pas ressentir de la pitié à ta douleur,
Malheureux amant privé de ton bien !
ORPHÉE
Tu es morte, tu es morte ma vie, et moi je respire ?
Tu m’as quitté, tu m’as quitté
Pour ne plus jamais revenir, et moi je reste ?
Non, car si mes rêves ont quelque pouvoir,
Je descendrai sans crainte aux plus profonds abîmes,
Et après avoir attendri le cœur du roi des ombres,
Je t’entraînerai revoir les étoiles :
Et si un destin impie me refuse cela
Je resterai avec toi en compagnie de la mort.
Adieu terre, adieu ciel et soleil, adieu.
CHŒUR
( NY M P H E, PR E M I E R, DE U X IÈM E, TR O I S IÈM E & QU A T R IÈM E BE R G E R S)
Hélas, amer destin ! hélas, sort funeste et cruel !
Hélas, étoiles inhumaines, ah, ciel barbare !
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44
Di ben caduco e frale
Che tosto fugge, e spesso
A gran salita il precipizio è presso.
MESSAGGIERA
Ma io ch’in questa lingua
Ho portato il coltello
Ch’ha svenata d’Orfeo l’anima amante,
Odiosa ai pastori et a le Ninfe,
Odiosa a me stessa, ove m’ascondo ?
Nottola infausta, il Sole
Fuggirò sempre e in solitario speco
Menerò vita al mio dolor conforme
Sinfonia
PASTORI I E III
Chi ne consola, ahi lassi ?
O pur chi ne concede
Ne gl’occhi un vivo fonte
Da poter lagrimar come conviensi
In questo mesto giorno,
Quanto più lieto già tant’or più mesto ?
Oggi turbo crudele
I due lumi maggiori
Di queste nostre selve,
Euridice e Orfeo,
L’una punta da l’angue,
L’altro dal duol trafitto, ahi lassi ha spenti.
CHORO (NINFA E PASTORI I, II, III, IV)
Ahi caso acerbo, ahi fato empio e crudele !
Ahi stelle ingiuriose, ahi Cielo avaro !
PASTORI I E III
Ma dove, ah dove or sono
De la misera Ninfa
Le belle e fredde membra,
Dove suo degno albergo
Quella bell’alma elesse
CLAUDIO MONTEVERDI

L’ORFEO ACTE II
Qu’aucun mortel ne se fie au bonheur fugace et fragile,
Car très vite il fuit et très souvent
Le précipice est proche du sommet.
LA MESSAGÈRE
Mais moi, dont la bouche
A porté le coup fatal
Qui a déchiré le cœur aimant d’Orphée,
Odieuse aux bergers et aux nymphes.
Odieuse à moi-même, où vais-je me cacher ?
Chouette funeste, je fuirai le soleil pour toujours
Et dans un antre solitaire
Je mènerai une existence conforme à ma douleur.
Symphonie
PREMIER & TROISIÈME BERGERS
Qui nous consolera, ah malheureux ?
Ou du moins qui permettra
A nos yeux de se fondre en eau
Pour pleurer comme il convient
En ce triste jour,
D’autant plus triste qu’il était plus joyeux ?
Aujourd’hui un accident cruel
A éteint les deux astres les plus éclatants
De nos forêts,
Eurydice et Orphée,
L’une mordue par le serpent,
Et l’autre, hélas, transpercé de douleur.
CHŒUR
( NY M P H E, PR E M I E R, DE U X IÈM E, TR O I S IÈM E & QU A T R IÈM E BE R G E R S)
Hélas, amer destin ! hélas, sort funeste et cruel !
Hélas, étoiles inhumaines, ah, ciel barbare !
PREMIER & TROISIÈME BERGERS
Mais où est maintenant
Le beau corps glacé
De la malheureuse nymphe ?
Cette âme exquise
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46
CLAUDIO MONTEVERDI
Ch’oggi è partita in su ’l fiorir de’ giorni ?
Andiam, pastori, andiamo
Pietosi à ritrovarle,
E di lagrime amare
Il dovuto tributo
Per noi si paghi almeno al corpo esangue.
CHORO (NINFA E PASTORI I, II, III, IV)
Ahi caso acerbo, ahi fato empio e crudele,
Ahi stelle ingiuriose, ahi Cielo avaro !
Ritornello

L’ORFEO ACTE II
Y avait trouvé une digne demeure,
Elle est partie en la fleur de ses jours.
Allons, bergers,
Allons le rechercher, remplis de compassion,
Et portons au moins
Notre offrande de larmes amères
A ce corps inanimé.
CHŒUR
( NY M P H E, PR E M I E R, DE U X IÈM E, TR O I S IÈM E & QU A T R IÈM E BE R G E R S)
Hélas, amer destin ! hélas, sort funeste et cruel,
Hélas, étoiles inhumaines, ah, ciel barbare !
Ritournelle
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48
ATTO TERZO
Sinfonia
ORFEO
Scorto da te, mio Nume,
Speranza, unico bene
De gli afflitti mortali, homai son giunto
A questi mesti e tenebrosi regni
Ove raggio di Sol giammai non giunse.
Tu, mia compagna e duce,
In così strane e sconosciute vie
Reggesti il passo debole e tremante,
Ond’oggi ancora spero
Di riveder quelle beate luci
Che sol’a gl’occhi miei portan il giorno.
SPERANZA
Ecco l’atra palude, ecco il nocchiero
Che trae l’ignudi spirti a l’altra riva,
Dove ha Pluton de l’ombre il vasto impero.
Oltre quel nero stagno oltre quel fiume,
In quei campi di pianto e di dolore,
Destin crudele ogni tuo ben t’asconde.
Hor d’uopo è d’un gran cuor e d’un bel canto :

ACTE III
Symphonie
ORPHÉE
Sous ton escorte, ô déesse,
Espérance,
Unique bien des mortels affligés,
Je suis enfin arrivé en ce règne triste et ténébreux
Où jamais nul rayon de soleil ne parvint.
Toi, ma compagne et mon guide,
En ces chemins étranges et inconnus,
Tu as soutenu mon pas faible et tremblant,
Et c’est pourquoi aujourd’hui encore,
J’espère revoir ces yeux bien-aimés
Qui seuls me font voir la lumière.
L’ESPÉRANCE
Voici le sombre marais, voici le nautonier
Qui mène les âmes désincarnées sur l’autre rive,
Là où Pluton règne sur le vaste empire des ombres.
Au-delà de ce noir marécage, au-delà de ce fleuve,
En ces lieux de pleurs et de douleur,
Le destin cruel te cache celle qui est tout ton bien.
Il te faut maintenant un cœur courageux et un beau chant :
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50
CLAUDIO MONTEVERDI
Io fin qui t’ho condotto, hor più non lice
Teco venir, ch’amara legge il vieta.
Legge scritta col ferro in crudo sasso
De l’ima reggia in su l’orribil soglia,
Che in queste note il fiero senso esprime :
« Lasciate ogni speranza o voi ch’entrate. »
Dunque, se stabilito hai pur nel core
Di porre il piè ne la Città dolente,
Da te me’ n fuggo e torno
A l’usato soggiorno.
ORFEO
Dove, ah dove te’ n vai,
Unico del mio cor dolce conforto ?
Poiché non lunge omai
Del mio lungo cammin si scopre il porto,
Perché ti parti e m’abbandoni, ahi lasso,
Sul periglioso passo ?
Qual bene or più m’avanza
Se fuggi tu, dolcissima Speranza ?
CARONTE
O tu ch’innanzi morte a queste rive
Temerario te’ n vieni, arresta i passi ;
Solcar quest’onde ad huom mortal non dassi,
Ne può co’ morti albergo aver chi vive.
Che ? Vuoi forse, nemico al mio Signore,
Cerbero trar de le Tartaree porte ?
O rapir brami sua cara consorte,
D’impudico desire acceso il core ?
Pon freno al foll’ardir, ch’entr’al mio legno
Non accorrò più mai corporea salma,
Se de gli antichi oltaggi ancor ne l’alma
Serbo acerba memoria e giusto sdegno.
Sinfonia
ORFEO
Possente Spirto e formidabil Nume,
Senza cui far passaggio a l’altra riva
Alma da corpo sciolta in van presume.

L’ORFEO ACTE III
Je t’ai conduit jusqu’ici, il ne convient pas
Que je t’accompagne plus avant car une loi sévère le défend,
Une loi gravée avec le fer dans une pierre dure,
Sur le seuil affreux de l’empire des abîmes,
Dont le sens farouche s’exprime en ces mots :
« Laissez toute espérance ô vous qui entrez. »
Donc, si tu as décidé en ton cœur
De pénétrer dans la cité douloureuse,
Je m’enfuis loin de toi et je retourne
En mon habituel séjour.
ORPHÉE
Où donc, ah, où t’en vas-tu,
Unique et doux réconfort de mon âme ?
Puisque non loin
Je découvre le port après une longue route,
Pourquoi t’éloigner et m’abandonner, ah malheureux,
En cet endroit plein de dangers ?
Quel bien me reste-t-il si tu fuis,
Très douce Espérance ?
CARON
O toi, qui bravant la mort, sur ces rives
T’avances, téméraire, arrête tes pas ;
Voguer sur ces eaux n’est pas permis aux mortels,
Et les vivants ne peuvent demeurer avec les morts.
Quoi ? Peut-être veux-tu, ennemi de mon maître,
Eloigner Cerbère des portes du Tartare ?
Ou bien, le cœur enflammé d’un désir impudique,
Tu désires enlever sa chère épouse ?
Mets un frein à ta folle audace, dans ma barque
Aucun être humain ne remonta jamais,
Car des anciens outrages mon cœur conserve
Un souvenir amer et une juste colère.
Symphonie
ORPHÉE
Esprit puissant et divinité redoutable,
Sans qui toute âme délivrée de son corps
Ne peut passer sur l’autre rive.
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52
CLAUDIO MONTEVERDI
Ritornello
Non viv’io no, che poi di vita è priva
Mia cara sposa, il cor non è più meco,
E senza cor com’esser può ch’io viva ?
Ritornello
A lei volt’ho il cammin per l’aer cieco,
A l’Inferno non già, ch’ovunque stassi
Tanta bellezza, il Paradiso ha seco.
Ritornello
Orfeo son io, che d’Euridice i passi
Seguo per queste tenebrose arene,
Ove già mai per uom mortal non vassi.
O de le luci mie luci serene,
S’un vostro sguardo può tornarmi in vita,
Ahi chi niega il conforto a le mie pene ?
Sol tu nobile Dio puoi darmi aita,
Né temer dei, che sopra un’ aurea Cetra
Sol di corde soavi armo le dita
Contra cui rigida alma invan s’impetra.
CARONTE
Ben mi lusinga alquanto
Dilettandomi il core,
Sconsolato Cantore,
Il tuo pianto e ’l tuo canto.
Ma lunge, ah, lunge sia da questo petto
Pietà, di mio valor non degno affetto.
ORFEO
Ahi, sventurato amante,
Sperar dunque non lice
Ch’odan miei prieghi i Cittadin d’Averno ?
Onde qual ombra errante
D’insepolto cadavere infelice
Privo sarò del Cielo e de l’Inferno?
Così vuol empia sorte

L’ORFEO ACTE III
Ritournelle
Je ne vis pas, non, depuis que la vie a été ravie
A ma chère épouse, mon cœur n’est plus avec moi,
Et sans cœur, comment puis-je être en vie ?
Ritournelle
C’est vers elle que, dans l’obscurité, j’ai dirigé mes pas,
Et non vers l’Enfer, car là où se trouve une pareille beauté,
Là se trouve le Paradis.
Ritournelle
C’est moi Orphée, suivant les pas d’Eurydice
A travers ces déserts ténébreux
Où jamais nul mortel n’est venu.
O doux yeux de mes yeux,
Si un seul de vos regards peut me redonner la vie,
Ah, qui refusera cette consolation à mes peines ?
Toi seul, noble dieu, peux me prêter secours.
Il ne te faut rien craindre, car sur une lyre dorée
Je n’arme mes doigts que de cordes suaves
Contre qui les âmes sévères s’endurcissent en vain.
CARON
Vraiment tu me flattes
En me charmant le cœur,
Malheureux chanteur,
Par tes pleurs et par ton chant.
Mais que loin, ah que loin de mon cœur reste toute pitié,
Sentiment indigne de ma valeur.
ORPHÉE
Hélas, malheureux amant,
Il n’est donc pas permis d’espérer
Que les habitants d’Averne écoutent mes prières ?
Donc, telle l’ombre errante
D’un malheureux corps sans sépulture,
Je serai privé du ciel et de l’enfer ?
Un destin cruel veut-il donc
53

54
CLAUDIO MONTEVERDI
Ch’ in questi orror di morte
Da te, mio cor lontano
Chiami tuo nome invano,
E pregando e piangendo io mi consumi ?
Rendetemi il mio ben, Tartarei numi.
Sinfonia
Ei dorme, e la mia cetra,
Se pietà non impetra
Ne l’indurato core, almen il sonno
Fuggir al mio cantar gli occhi non ponno.
Su dunque, a che più tardo ?
Tempo è ben d’approdar su l’altra sponda
S’alcun non è ch’il nieghi :
Vaglia l’ardir, se foran vani i prieghi.
E’ vago fior del Tempo
L’occasion, ch’esser dee colta a tempo.
Mentre versan quest’occhi amari fiumi,
Rendetemi il mio ben Tartarei Numi.
Sinfonia
CHORO DI SPIRITI INFERNALI
Nulla impresa per huom si tenta invano,
Né contro a lui più sa natura armarse,
Ei del instabil piano
Arò gli ondosi campi, e ’l seme sparse
Di sue fatiche, ond’aurea messe accolse.
Quinci, perché memoria
Vivesse di sua gloria,
La Fama a dir di lui sua lingua sciolse,
Ch’ei pose freno al mar col fragil legno,
Che sprezzò d’Austro e d’Aquilon lo sdegno.
Sinfonia

L’ORFEO ACTE III
Que dans les horreurs de la mort,
Loin de toi, mon amour,
Je crie ton nom en vain et que, priant et pleurant,
Je me consume ?
Rendez-moi mon bien, dieux du Tartare.
Symphonie
Il dort, et ma lyre,
Si elle n’obtient nulle pitié
De ce cœur endurci,
Fait du moins que le sommeil ne fuit pas ses paupières.
Allons donc, pourquoi m’attarder davantage ?
Il est grand temps d’aborder à l’autre rive
Si personne ne m’en empêche :
Que l’audace réussisse, là où mes prières furent vaines.
La chance est une fleur charmante
Qui doit être cueillie à temps.
Pendant que mes yeux versent des torrents de larmes amères,
Rendez-moi mon bien, dieux du Tartare.
Symphonie
CHŒUR DES ESPRITS INFERNAUX
Rien n’est tenté en vain par l’homme
Et contre lui la nature ne sait comment s’armer.
Sur la surface mouvante
Il a labouré les champs ondoyants et a semé
Ses peines, et c’est une blonde moisson qu’il a recueillie.
Aussi, pour que vive
Le souvenir de sa gloire,
La Renommée a délié sa langue pour parler de celui
Qui a affronté la mer sur une barque fragile,
Qui a méprisé la colère d’Auster et d’Aquilon.
Symphonie
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56
ATTO QUARTO
PROSERPINA
Signor, quell’infelice,
Che per queste di morte ampie campagne
Va chiamand’Euridice,
Ch’udit’hai pur tu dianzi
Così soavemente lamentarsi,
Moss’ho tanta pietà dentr’al mio core
Ch’un’altra volta io torno a porger prieghi
Perché il tuo Nume al suo pregar si pieghi.
Deh, se da queste luci
Amorosa dolcezza unqua traesti,
Se ti piacqu’il seren di questa fronte
Che tu chiami tuo Cielo, onde mi giuri
Di non invidiar sua sorte à Giove,
Pregoti per quel foco,
Con cui già la grand’alma Amor t’accese,
Fa ch’Euridice torni
A goder di quei giorni
Che trar solea vivendo in feste e in canto,
E del misero Orfeo consola ’l pianto.

ACTE IV
PROSERPINE
Seigneur, ce malheureux
Qui parcourt les vastes champs de la mort
En appelant Eurydice,
Et que tu as entendu tout à l’heure
Se lamenter avec une si grande douceur,
M’a rempli le cœur de tant de compassion
Qu’une fois encore je t’implore
Pour que tu accèdes à sa prière.
De grâce, si jamais mes yeux
T’ont prodigué quelque douceur amoureuse,
Si tu as aimé ce front serein
Que tu nommes ton ciel, et par qui tu me jures
De ne pas envier le sort de Jupiter,
Je te prie par cette ardeur
Dont Amour a déjà enflammé ton âme :
Fais qu’Eurydice retourne profiter des jours
Qu’elle avait l’habitude de passer
En fêtes et en chants,
Et console les pleurs du malheureux Orphée.
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58
CLAUDIO MONTEVERDI
PLUTONE
Benché severo ed immutabil fato
Contrasti amata sposa i tuoi desiri,
Pur null’homai si nieghi
A tal beltà congiunta a tanti preghi.
La sua cara Euridice
Contra l’ordin fatale Orfeo ricovri.
Ma pria che tragga il piè da questi abissi
Non mai volga ver lei gli avidi lumi,
Che di perdita eterna
Gli sia certa cagion un solo sguardo.
Io così stabilisco. Hor nel mio Regno
Fate o Ministri, il mio voler palese
Sì che l’intenda Orfeo
E l’intenda Euridice,
Né di cangiarlo altrui sperar più lice.
CHORO DI SPIRITI INFERNALI
SPIRITO I
O de gli habitator de l’ombre eterne
Possente Re legge ne sia tuo cenno,
Che ricercar altre cagioni interne
Di tuo voler nostri pensier non denno.
SPIRITO II
Trarrà da quest’orribili caverne
Sua sposa Orfeo, s’adoprerà suo ingegno,
Sì che nol vinca giovenil desio.
Nè i gravi imperi tuoi sparga d’oblio.
PROSERPINA
Quali grazie ti rendo
Hor che sì nobil dono
Concedi a’ prieghi miei, Signor cortese ?
Sia benedetto il dì che pria ti piacqui,
Benedetta la preda e’l dolce inganno,
Poiché per mia ventura
Feci acquisto di te perdendo il Sole.

L’ORFEO ACTE IV
PLUTON
Bien qu’un arrêt du sort sévère et immuable
S’oppose, épouse aimée, à tes désirs,
Que rien pourtant ne soit refusé
A tant de beauté et à tant de prières.
Qu’Orphée, malgré l’arrêt fatal,
Retrouve sa chère Eurydice.
Mais avant qu’il ne sorte de ces abîmes,
Que jamais il ne tourne vers elle ses yeux avides,
Car un seul regard
Serait la cause certaine d’une perte éternelle.
C’est ainsi que j’en décide. Dans tout mon royaume,
O ministres, faites connaître ma volonté
Afin qu’Orphée l’entende
Et que l’entende Eurydice,
Et que personne n’espère plus la modifier.
CHŒUR DES ESPRITS INFERNAUX
PREMIER ESPRIT
O puissant roi des habitants de l’ombre éternelle,
Que ta parole soit notre loi,
Car rechercher d’autres motifs à ta décision
N’est pas digne de nos pensées.
DEUXIÈME ESPRIT
Orphée tirera de ce gouffre horrible son épouse
S’il met en œuvre tout son esprit
Pour ne pas être vaincu par sa juvénile ardeur,
Et pour ne pas oublier les sévères commandements.
PROSERPINE
Que de grâces te rendre
Maintenant que tu exauces si noblement mes prières,
Aimable seigneur ?
Que béni soit le jour où je te plus pour la première fois,
Que bénis soient le rapt et la douce tromperie,
Puisque pour mon bonheur,
Je t’ai gagné en perdant le soleil.
59

60
PLUTONE
Tue soavi parole
D’Amor l’antica piaga
Rinfrescan nel mio core,
Così l’anima tua non sia più vaga
Di celeste diletto,
Si ch’abbandoni il marital tuo letto.
CHORO DI SPIRITI INFERNALI
Pietade, oggi e Amore
Trionfan ne l’Inferno.
CLAUDIO MONTEVERDI
SPIRITO I
Ecco il gentil cantore
Che sua sposa conduce al ciel superno.
Ritornello
ORFEO
Qual honor di te fia degno,
Mia cetra omnipotente,
S’hai nel Tartareo Regno
Piegar potuto ogn’indurata mente ?
Ritornello
Luogo havrai fra le più belle
Imagini celesti
Ond’al tuo suon le stelle
Danzeranno in giri hor tardi hor presti.
Ritornello
Io per te felice a pieno
Vedrò l’amato volto,
E nel candido seno
De la mia Donna oggi sarò raccolto.
Ma mentre io canto, ohimè chi m’assicura
Ch’ella mi segua ? Ohimè chi mi nasconde
De l’amate pupille il dolce lume ?
Forse d’invidia punte

L’ORFEO ACTE IV
PLUTON
Tes douces paroles
Ravivent en mon cœur
L’ancienne blessure d’Amour.
Aussi, que ton âme ne soit plus désireuse
Des plaisirs célestes
Qui te font abandonner le lit matrimonial
CHŒUR DES ESPRITS
Aujourd’hui, la pitié et l’amour
Triomphent des Enfers.
PREMIER ESPRIT
Voici l’aimable chanteur
Qui conduit son épouse vers les hauteurs célestes.
Ritournelle
ORPHÉE
Quel honneur peut être digne de toi,
Ma lyre toute puissante,
Si dans le royaume du Tartare
Tu as pu fléchir tous les esprits endurcis ?
Ritournelle
Tu auras une place
Parmi les plus belles images célestes,
Si bien qu’à ton chant les étoiles
Danseront des rondes tantôt lentes, tantôt rapides.
Ritournelle
Et moi, pleinement heureux grâce à toi,
Je verrai le visage aimé,
Et sur le sein candide de mon épouse
Je reposerai dès aujourd’hui.
Mais, pendant que je chante, qui m’assure hélas,
Qu’elle me suit ? Hélas, qui me cache
La douce lumière de ses yeux adorés ?
Peut-être, poussées par l’envie,
61

62
CLAUDIO MONTEVERDI
Le Deità d’Averno.
Perch’io non sia qua giù felice a pieno
Mi tolgono il mirarvi,
Luci beate e liete,
Che sol col guardo altrui bear potete ?
Ma che temi, mio core ?
Ciò che vieta Pluton, comanda Amore.
A Nume più possente,
Che vince uomini e Dei,
Ben ubbidir dovrei.
(Qui si fa strepito dietro la tela)
Ma che odo ? Ohimè lasso ?
S’arman forse a’ miei danni
Con tal furor le Furie innamorate
Per rapirmi il mio ben, ed io ’l consento ?
(Qui si volta Orfeo)
O dolcissimi lumi, io pur vi veggio,
Io pur : ma qual Eclissi, ohimè, v’oscura ?
SPIRITO III
Rott’ hai la legge, e se’ di grazia indegno.
EURIDICE
Ahi, vista troppo dolce e troppo amara !
Così per troppo amor dunque mi perdi ?
Et io, misera perdo
Il Poter più godere
E di luce e di vita, e perdo insieme
Te, d’ogni ben più caro, o mio Consorte.
SPIRITO I
Torna a l’ombre di morte
Infelice Euridice,
Né più sperar di riveder le stelle,
Ch’ homai fia sordo a’ prieghi tuoi l’Inferno.
ORFEO
Dove t ’n vai, mia vita ? Ecco io ti seguo.
Ma chi me’l nieg’ohimè :
Sogno o vaneggio ?
Qual occulto poter di questi orrori,

L’ORFEO ACTE IV
Les divinités d’Averne,
Pour que je ne sois pleinement heureux ici-bas,
Me privent-elles de votre vue,
Etoiles heureuses et riantes,
Qui par un seul regard peuvent combler chacun ?
Mais que crains-tu mon cœur ?
Ce qu’interdit Pluton, Amour le commande.
C’est à une divinité plus puissante
Qui vainc les hommes et les dieux,
Que je devrais obéir.
(On entend du bruit derrière le décor)
Mais qu’entends-je, hélas, malheureux ?
C’est peut-être pour mon malheur
Qu’avec une telle rage, les Furies amoureuses
S’arment pour me ravir mon bien, et moi j’y consens ?
(Là, Orphée se retourne)
O très doux regards, je vous vois pourtant,
Pourtant je… mais quelle éclipse, hélas, vous obscurcit ?
TROISIÈME ESPRIT
Tu as enfreint la loi et tu es indigne de grâce.
EURYDICE
Hélas, vision trop douce et trop amère !
Ainsi donc, par trop d’amour, tu me perds ?
Et moi, malheureuse, je perds toute possibilité
De jouir de la lumière et de la vue,
Et du même coup je te perds,
Toi, le plus cher des biens, ô mon époux.
PREMIER ESPRIT
Retourne à l’ombre de la mort,
Malheureuse Eurydice,
Et n’espère plus revoir les étoiles,
Car désormais l’Enfer sera sourd à toute prière.
ORPHÉE
Où t’en vas-tu, ma vie ? Voici que je te suis.
Mais qui m’en empêche, hélas : est-ce que je rêve
Ou est ce que je divague ?
Quelle mystérieuse puissance propre à ces lieux horribles,
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64
CLAUDIO MONTEVERDI
Da questi amati orrori
Mal mio grado mi tragge, e mi conduce,
A l’odiosa luce ?
Sinfonia
CHORO DI SPIRITI
E’ la virtute un raggio
Di celeste bellezza,
Pregio del’alma ond’ella sol s’apprezza.
Questa di Temp’oltraggio
Non teme anzi maggiore
Ne l’huom rendono gl’anni il suo splendore.
Orfeo vinse l’Inferno e vinto poi
Fu da gli affetti suoi.
Degno d’eterna gloria
Fia sol colui ch’havrà di sé vittoria.
Sinfonia

L’ORFEO ACTE IV
M’éloigne de ces horreurs aimées
Et malgré moi m’entraîne et me conduit
Vers la lumière odieuse ?
Symphonie
CHŒUR DES ESPRITS
La vertu est un rayon
De céleste beauté,
Parure de l’âme, elle seule a du prix.
Elle ne craint pas l’injure du temps,
Bien au contraire,
Chez l’homme les années augmentent sa splendeur.
Orphée a vaincu l’Enfer, puis il a été vaincu
Par sa passion.
Il sera digne de gloire éternelle
Celui-là seul qui saura se vaincre lui-même.
Symphonie
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66
ATTO QUINTO
Ritornello
ORFEO
Questi i campi di Tracia e quest’è il loco
Sove passomm’il core
Per l’amara novella il mio dolore.
Poi che non ho più speme
Di ricovrar pregando,
Piangendo e sospirando
Il perduto mio bene,
Che posso io più ? Se non volgermi à voi,
Selve soavi, un tempo
Conforto a’ miei martir mentr’al Ciel piacque,
Per farvi per pietà meco languire
Al mio languire ?
Voi vi doleste, o Monti, e lagrimaste
Voi, sassi, al dispartir del nostro sole,
Ed io con voi lagrimerò mai sempre.
E mai sempre dorrommi, ahi doglia, ahi pianto.
ECO
Ahi pianto.

ACTE V
Ritournelle
ORPHÉE
Voici les champs de Thrace, et voici l’endroit
Où j’eus le cœur transpercé de douleur
A cause de l’amère nouvelle.
Puisque je n’ai plus d’espoir
De retrouver en priant
En pleurant et en soupirant
L’amour que j’ai perdu,
Que puis-je faire si ce n’est m’adresser à vous,
O douces forêts, ancien réconfort de mes tourments,
Alors qu’il plût au ciel
De vous faire souffrir avec moi
Par compassion de mes souffrances ?
Vous avez gémi, ô montagnes, et vous avez pleuré,
Vous rochers, au départ de notre soleil.
Et moi, avec vous, je vais pleurer toujours.
Et toujours je pleurerai, oh douleurs, oh larmes !
ECHO
… oh, larmes !
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68
ORFEO
Cortese Eco amorosa,
Che sconsolata sei
E consolar mi vuoi ne’ dolor miei,
Benché queste mie luci
Sien già per lagrimar fatte due fonti
In così grave mia fiera sventura
Non ho pianto però tanto che basti.
ECO
Basti.
ORFEO
Se gli occhi d’Argo havessi
E spandessero tutti un Mar di pianto,
Non fora il duol conforme a tanti guai.
ECO
Ahi.
CLAUDIO MONTEVERDI
ORFEO
S’hai del mio mal pietade io ti ringrazio
Di tua benignitade.
Ma, mentr’ io mi querelo,
Deh, perché mi rispondi
Sol con gl’ultimi accenti ?
Rendimi tutti interi i miei lamenti.
Ma tu, anima mia, se mai ritorna
La tua fredd’ombra a quest’amiche piagge,
Prendi da me queste tue lodi estreme,
Ch’hor a te sacro la mia cetra e ’l canto
Come a te già sopra l’altar del core
Lo spirto acceso in sacrifizio offersi.
Tu bella fusti e saggia, e in te ripose
Tutte le grazie sue cortese il Cielo
Mentre ad ogn’altra de’ suoi don fu scarso,
D’ogni lingua ogni lode a te conviensi
Ch’albergasti in bel corpo alma più bella,
Fastosa men quanto d’honor più degna.
Hor l’altre Donne son superbe e perfide,
Ver’ chi le adora dispietate instabili,

L’ORFEO ACTE V
ORPHÉE
Charmante Echo amoureuse,
Tu es inconsolable
Et tu veux consoler mes peines,
Bien que mes yeux
A force de pleurer soient devenus deux fontaines.
Dans un malheur aussi grave et cruel
Je n’ai pas assez de larmes.
ECHO
… larmes.
ORPHÉE
Si j’avais les yeux d’Argus
Et qu’ils répandissent tous un océan de larmes
Ils ne suffiraient pas à tant de malheurs.
ECHO
… heurs.
ORPHÉE
Si tu as pitié de mon mal,
Je te remercie pour ta bienveillance.
Mais, pendant que je me tourmente,
Hélas, pourquoi ne me réponds-tu
Qu’avec mes derniers accents ?
Rends-moi tout entières mes lamentations.
Mais toi, mon âme, si jamais
Ton ombre froide revient sur ces plages aimées,
Accepte de moi cet ultime hommage
Car je te consacre ma lyre et mon chant
Comme déjà, sur l’autel de l’amour,
Je t’ai offert en sacrifice mon esprit enflammé.
Tu fus belle et sage,
Et le ciel te fit présent de ses grâces les plus charmantes
Alors que pour toute autre il fut si avare de ses dons ;
Il convient que toutes les bouches disent ta louange
Car tu abritais dans un beau corps une âme plus belle encore
D’autant plus modeste qu’elle était digne d’honneur.
Or, les autres femmes sont orgueilleuses et perfides
Envers ceux qui les adorent, elles sont sans pitié, changeantes,
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70
CLAUDIO MONTEVERDI
Prive di senno e d’ogni pensier nobile.
Ond’a ragione opra di lor non lodansi ;
Quinci non fia giammai che per vil femina
Amor con aureo stral il cor trafiggami.
Sinfonia
APOLLO
Perch’a lo sdegno e al dolor in preda
Così ti doni, o figlio ?
Non è, non è consiglio
Di generoso petto
Servir al proprio affetto
Quinci biasmo e periglio
Già sovrastar ti veggio
Onde movo dal ciel per darti aita.
Hor tu m’ascolta e n’havrai lode e vita.
ORFEO
Padre cortese, al maggior uopo arrivi,
Ch’a disperato fine
Con estremo dolore
M’havean condotto già sdegno ed Amore
Eccomi dunque attento a tue ragioni
Celeste padre hor ciò che vuoi m’imponi.
APOLLO
Troppo, troppo gioisti
Di tua lieta ventura,
Hor troppo piagni
Tua sorte acerba e dura.
Ancor non sai
Come nulla quaggiù diletta e dura ?
Dunque se goder brami immortal vita,
Vientene meco al ciel ch’a sé t’invita.
ORFEO
Si non vedrò più mai
De l’amata Euridice i dolci rai ?

L’ORFEO ACTE V
Dépourvues de jugement et de toute noble pensée.
C’est à raison qu’on ne loue pas leurs œuvres ;
Ce n’est donc pas pour une de ces méprisables femmes
Qu’Amour me perça le cœur de sa flèche dorée.
Symphonie
APOLLON
Pourquoi, ô mon fils,
T’abandonnes-tu ainsi à la colère et au désespoir ?
Ce n’est pas la marque, non,
D’un cœur généreux
Que d’être esclave de ses affections.
Honte et danger te menacent,
Je le vois.
C’est pourquoi je descends du ciel pour te porter secours.
Ecoute-moi et tu y gagneras la gloire et la vie.
ORPHÉE
Père bienveillant, tu viens à moi dans un besoin extrême
Car le chagrin et l’amour
Au plus profond de la douleur
M’avaient conduit à un acte de désespoir.
Me voici donc attentif à tes conseils, père céleste ;
Maintenant, impose-moi ta volonté.
APOLLON
Tu t’es réjoui avec trop d’exubérance
De ton heureuse aventure.
Maintenant, tu pleures trop
Ton destin dur et cruel.
Ne sais-tu pas encore que rien ici-bas
Ne nous réjouit et ne dure longtemps ?
Donc, si tu veux jouir de la vie immortelle,
Viens avec moi au ciel qui t’y invite.
ORPHÉE
Ainsi je ne verrai plus jamais
Les doux regards de ma chère Eurydice ?
71

72
APOLLO
Nel sole e nelle stelle
Vagheggerai le sue sembianze belle.
ORFEO
Ben si cotanto padre,
Sarei non degno figlio,
Se non seguissi
Il tuo fedel consiglio.
APOLLO E ORFEO
Saliam cantando al cielo,
Dove ha virtù verace
Degno premio di sé, diletto e pace.
CHORO DI PASTORI
CLAUDIO MONTEVERDI
Ritornello
Vanne Orfeo, felice a pieno
A goder celeste honore,
La ’ve ben non mai vien meno,
La ’ve mai non fu dolore,
Mentr’altari, incensi e voti
Noi t’offriam lieti e devoti.
Ritornello
Così va chi non s’arretra
Al chiamar di Nume eterno,
Così grazia in ciel impetra
Chi qua giù provò l’Inferno
E chi semina fra doglie
D’ogni grazia il frutto coglie.
Moresca

L’ORFEO ACTE V
APOLLON
C’est dans le soleil et dans les étoiles
Que tu retrouveras ses plus beaux traits.
ORPHÉE
D’un tel père
Je serais fils indigne,
Si je ne suivais pas
Tes bienveillants conseils.
APOLLON & ORPHÉE
Montons en chantant au ciel,
Où la vertu véritable trouve sa digne récompense,
Le plaisir et la paix.
CHŒUR DE BERGERS
Ritournelle
Va, Orphée, pleinement heureux,
Jouir des honneurs célestes
Là où le bien ne fait jamais défaut
Là où jamais n’exista la douleur,
Alors que sur nos autels, nous t’offrons
Avec dévotion notre encens et nos vœux.
Ritournelle
Ainsi va celui qui ne recule pas
A l’appel des dieux éternels.
C’est ainsi qu’obtient la grâce du ciel
Celui qui, ici-bas, a éprouvé l’enfer
Et celui qui sème dans les larmes
Recueille le fruit de toute grâce.
Mauresque
73

CAHIER de LECTURES
Lettres
autour de la la création de L’Orfeo
Roger Tellart
Au service des Gonzague
—
Maurice Roche
L’Orfeo, une synthèse
de l’art de son époque
Paul Dukas
Claudio Monteverde,
un innovateur de génie
Jean Boivin
L’Orfeo dans la classe de Messiaen
—
Rainer Maria Rilke
Sonnets à Orphée
Virgile
Orphée dans Les Géorgiques
Ovide
Orphée dans Les Métamorphoses

LETTRES
autour de la la création de L’Orfeo
Lettre de Carlo Magni à Mantoue,
77
à Giovanni Magni à Rome
23 février 1607
Hier, une comédie a été jouée sur la scène de notre
théâtre avec la magnificence habituelle, et demain, dans la
salle de l’appartement de Madame de Ferrare, son Altesse
sérénissime, le Prince, en fera représenter une qui sera singulière,
car tous les protagonistes parleront en musique. On
dit que ce sera une très belle réussite. J’y serai par curiosité,
à moins que l’étroitesse de la salle ne me laisse à la porte.
[Carlo Magni était un gentilhomme de Mantoue ; son frère Giovanni était
l’ambassadeur de la famille ducale à Rome.]

LETTRES
De François de Gonzague à Mantoue,
à Ferdinand de Gonzague à Pise
78
23 février 1607
Demain, on donnera en notre Académie la fable chantée ;
Giovanni Gualberto a travaillé si bien depuis le peu de temps
qu’il est ici, que non seulement il a appris par cœur toute sa
partie, mais encore il la dit avec beaucoup de délicatesse et
d’effet, ce qui me satisfait beaucoup, tout comme le fait que
la fable ait été imprimée, afin que chacun des spectateurs
puisse lire le texte pendant qu’il est chanté. J’en envoie une
copie à votre Excellence, tout comme je lui enverrai par un
autre courrier, des nouvelles du tournoi qui devrait avoir lieu
le jour du Carnaval.
De François de Gonzague à Mantoue,
à Ferdinand de Gonzague à Pise
1 er mars 1607
La fable a été représentée avec tant de succès que le Duc
qui y assistait, après avoir été présent à plusieurs répétitions,
a donné l’ordre qu’elle soit reprise. Cette nouvelle représentation
aura lieu aujourd’hui en présence de toutes les dames
de la cité. C’est pourquoi Giovanni Gualberto se trouve encore
ici. Il a été très bien et, par son chant, a donné grand plaisir à
tous, et particulièrement à Madame.
[François de Gonzague était le duc héritier de Mantoue. Monteverdi lui
dédiera L’Orfeo.
Ferdinand de Gonzague était son frère cadet. Futur cardinal, il étudiait alors
à l’Université de Pise.]

AUTOUR DE LA CRÉATION DE L’ORFEO
De Cherubino Ferrari à Milan,
au duc Vincent de Gonzague à Mantoue
22 août 1607
Monteverdi est ici, à Milan, et loge chez moi ; chaque
jour, nous évoquons votre Altesse et l’un et l’autre, nous célébrons
votre vertu, votre courage et votre conduite royale.
Ainsi il m’a fait voir les vers et écouter la musique de la
pièce que votre Altesse a fait faire et il est certain que le
poète et le musicien ont représenté comme personne les passions
de l’âme. La poésie, dans son invention, est belle, dans
son organisation meilleure encore, et parfaite dans son énonciation
; en somme, on ne pouvait attendre autre chose d’un
bel esprit comme le Signor Striggio. [...]
[Cherubino Ferrari, ecclésiastique, théologien et poète était milanais. Il faisait
partie des plus proches amis de Monteverdi.]

ROGER TELLART
AU SERVICE DES GONZAGUE
La famille ducale des Gonzague préside aux destinées de
Mantoue de 1328 à 1708, soit près de quatre siècles de règne.
En 1591, Monteverdi entre au service du duc Vincent, forte
personnalité – mécène éclairé mais patron exigeant voire
égoïste : « Toujours le duc m’a parlé à seule fin de me faire
travailler et jamais pour me causer quelque joie joignant l’utile
à l’agréable », note le compositeur. Mais il restera maître de
chapelle à la cour jusqu’en 1612, date de la mort du duc.
Monteverdi a pour maître, avec le duc Vincent, un personnage
haut en couleur, déconcertant, fantasque, fastueux
envers ses voisins et ses pairs mais qui, à l’égard de Monteverdi,
se révélera au fil du temps un patron exigeant, tracassier
et très regardant quant aux dépenses. Rendons pourtant
cette justice aux Gonzague que c’est sous leur autorité de
mécène que Mantoue a joui d’une prospérité qui ne s’est pas
démentie tout au long du XVI e siècle.
En fait, le principal artisan de cette richesse fut le duc
Guillaume qui, pour mener grand train de vie, ne s’en intéressait
pas moins au travail de ses sujets, stimulant en particulier
l’activité des tisserands. Déjà, l’un de ses ancêtres,
tout en étant l’ami des arts et le protecteur de l’architecte
80

AU SERVICE DES GONZAGUE
Alberti, du philosophe Politien et du peintre Mantegna – le
génial auteur des fresques de la Chambre des époux au palais
ducal – avait promu une véritable réforme agraire en faisant
procéder à une redistribution des terres en faveur des paysans
pauvres. Sous le règne de Guillaume, Mantoue devint un
foyer majeur d’humanisme et d’art, l’équivalent ou à peu près
de ce qu’avaient su réussir les Este à Ferrare. Au reste, allié
avec les plus grandes familles italiennes comme les Médicis
à Florence et marié à Eleonora de Habsbourg, la fille de l’empereur
Ferdinand, le duc ne devait pas cesser, jusqu’à sa
mort, de jouer un rôle politique important, non seulement
dans la péninsule mais aussi sur l’échiquier européen.
De ce goût du luxe et des arts où la musique n’était pas
oubliée [...], son fils Vincent a hérité. Portant beau, le nouveau
duc règne depuis 1587 [...], mais chez lui, les travers
(doux euphémisme) l’emportent sur les vertus. Homme à
femmes avant tout, il laisse aller à son gré sa nature amoureuse
sans frein ni loi, ses excès étant, dans ce domaine, à la
mesure de sa vitalité. [...]
L’homme, pourtant, n’a pas que de mauvais côtés et,
séduisant quand il le faut, il sait fort bien susciter le dévouement.
Son acte sans doute le plus louable est d’avoir arraché
le Tasse à sa prison psychiatrique de Ferrare et, malgré ses
sautes d’humeur incessantes, la sympathie des artistes qu’il
fait travailler à Mantoue lui est acquise : Rubens, entre
autres, qui fut plusieurs années durant le peintre officiel des
Gonzague.
81
Extraits de Claudio Monteverdi,
© Editions Fayard, 1997

MAURICE ROCHE
L’ O R F E O
une synthèse de l’art de son époque
Interprétant à tort et à travers les textes anciens, les
Florentins avaient été frappés par ce qu’on y disait du pouvoir
surhumain de la musique. En empruntant à la mythologie
grecque les thèmes de leurs spectacles, ils se persuadèrent
sans difficulté d’avoir retrouvé le secret perdu de la
magie de cet art. Orphée les séduisait particulièrement, ce
musicien dont le chant émouvait même les pierres. « Car il
n’est d’être si brut dont la musique ne change un instant la
nature. » (Shakespeare)
[...]
Depuis qu’il avait assisté à la représentation de l’Euridice
de Peri, une conception personnelle de l’art nouveau avait
pris forme dans l’esprit du compositeur. Il avait beaucoup
réfléchi, beaucoup lu. Le manifeste de Galilei ne l’avait pas
laissé indifférent, avait éveillé sa curiosité, mais les
méthodes de chiffrage des Anciens qui y étaient exposées lui
avaient paru obscures, et pis encore puisque le système de
notation des Anciens est tout à fait perdu. Il avait donc orienté
ses études dans une autre voie et trouvé des choses utiles au
bon art dans l’enseignement des philosophes bien plus que
dans les leçons de la première Pratique, qui ne s’occupe que de
l’harmonie.
82

UNE SYNTHÈSE DE L’ART DE SON ÉPOQUE
Ayant ainsi mis au point son art, peu lui importait le
thème qui lui était proposé – et il aurait tout aussi bien mis en
musique un Narcisse ou une Daphné, autres « m o n s t r e s
s a c r é s » de l’époque – pourvu que le livret, par sa structure et
par son ton général, fût apte à servir des fins. Or, si Striggio a
simplifié l’action à l’extrême, s’il a réduit les personnages à
l’essentiel, du moins l’ensemble est-il assez bien organisé.
Aussi, Monteverdi se conforma-t-il docilement aux désirs
du duc. Celui-ci ayant vu E u r i d i c e de Peri et voulant faire
« la même chose en mieux », avait eu l’idée d’un Orfeo !
Or, Monteverdi ne devait pas faire « la même chose en
mieux » ; il devait faire autre chose. Ce qui ne signifie pas
qu’il opéra une révolution. Et même, il devait déployer moins
de hardiesse dans Orfeo que dans ses derniers madrigaux. Il
allait se montrer respectueux de la tradition, mais en mettant
à profit ses expériences. S’il conserve les habitudes modales,
il utilise les modes majeurs et mineurs ; s’il fait usage des
notes altérées avec beaucoup plus de lucidité que ses devanciers,
il s’en sert pour passer franchement d’un ton à un
autre ; s’il s’éclaire au contact de l’Antiquité, il prend soin de
ne pas appliquer les recettes au pied de la lettre. A une
époque où il est de rigueur d’opter pour l’ancienne manière
ou pour l’arte nuovo, il utilise indifféremment les ressources
de l’une et de l’autre. Ce n’est point dans un esprit de synthèse
; Monteverdi n’est pas en quête d’unité. C’est dans sa
totalité qu’il embrasse le problème. Le dramma per musica
était un produit factice ; un spectacle de banquiers et de
princes – un spectacle trop raffiné, apanage de l’élite – « non
point un besoin mais un calcul intelligent de l’esprit » (Romain
Rolland). Certes, le genre était déterminé par le goût du
public – car la musique n’est pas qu’un assemblage de sons
d’après certaines règles sujettes au bon plaisir du compositeur
; elle est aussi « un phénomène social auquel le goût et
les opinions du milieu ambiant imposent des patrons et des
conventions d’expression. La différence entre le stile a cappella
et le stile rappresentativorésidait primitivement moins dans
l’emploi du matériau sonore que dans les fonctions qui leur
étaient assignées : d’un côté, à Rome, dans un état ecclésiastique
fortement hiérarchisé, et opposé aux réformes, de
l’autre, à Florence, dans une république de marchands, politiquement
plus libre et plus ouverte aux idées nouvelles. »
83

MAURICE ROCHE
(Louis Saguer) ; et, à la suite des Peri et Caccini, nombre de
dramma per musica (la fonction crée l’organe !) virent le jour.
Mais l’élite se lasse vite, et le genre eût sans nul doute été
voué, du fait de son inconsistance, à une existence éphémère,
si quelques musiciens en avaient conservé l’exclusivité.
Monteverdi allait en élargir la portée. Son art ne s’adresse
plus à des spectateurs privilégiés, choisis, mais à tous les
hommes.
[...] Monteverdi, en même temps qu’il crée le style baroque
musical, met au point les formes musicales logiques de
son art : le madrigal concertant d’abord, puis l’opéra. Le
compositeur qu’il est va « se servir de toutes les acquisitions
structurales de la musique antérieure et les transformer en
moyens d’expression dramatique ».
[...]
Le 23 février [1607], veille du carnaval de Mantoue,
Carlo Magni écrit à son frère Giovanni, représentant ducal à
Rome : « Demain le S.S. Prince fait réciter une comédie qui
sera curieuse en ce sens que les interlocuteurs doivent parler
en musique. »
Une toccata écrite en do [...] se joue trois fois avec tous les
instruments avant le lever du rideau. Suit un prologue où une
allégorie de la musique présente le spectacle et s’excuse
auprès des illustres spectateurs qu’il ne sera pas fait allusion
à leurs exploits. Puis c’est le premier acte, une scène pastorale
dans le goût du temps. La campagne. Des nymphes et
des bergers ; au milieu d’eux, Orfeo ; « il chante assis au
bord du ciel splendide » son amour pour son pays natal
(charmante chanson qui n’est pas sans nous faire songer à
certaines pages pastorales de Pergolèse). Il chante aussi son
amour pour Euridice. (Pendant qu’il chante, son épouse
s’amuse un peu à faire courir certain Aristée, un petit apiculteur,
bâtard d’Apollon. Mais Striggio et Monteverdi ne font
pas allusion à ce personnage ni à cet épisode : pour eux elle
cueille des fleurs à quelques pas de là.)
Striggio a sacrifié à la coutume : ce premier acte est une
pastorale conventionnelle, ni plus ni moins, mais que
Monteverdi revêt de toutes les couleurs d’une musique de
bonheur ; c’est le monde terrestre, un univers de fleurs et de
bois, de nymphes et de bergers, de chansons, de soleil, décrit
par les flûtes, les cordes, le cembalo et l’orgue.
84

UNE SYNTHÈSE DE L’ART DE SON ÉPOQUE
Second acte. Alors que le musicien thrace chante toujours,
la nymphe Sylvia apparaît : elle vient lui apprendre que sa
femme est morte... en cueillant des fleurs, mordue par un serpent.
Le compositeur justifie par cette dramatique apparition
la pastorale qui précède. L’extraordinaire dialogue entre Orfeo
et la messagère de la Mort est le sommet de l’œuvre. C’est la
première scène dramatique de tout le théâtre lyrique.
Troisième acte. Orfeo a décidé de descendre aux Enfers
réclamer son épouse chérie. Aux bords du Styx, Charon le
nocher lui barre le passage. Orfeo a confiance : il est amoureux
et ses pouvoirs sont grands. Il chante...
S’il n’émeut pas Charon, du moins il l’endort.
Notre poète-musicien arrive aux Enfers. Là, Orfeo va
mettre tout en œuvre, tout son savoir et tout son art pour
sauver Euridice. Son chant – soutenu par l’orgue fixe, le
théorbe et deux violons concertants, remplacés ensuite par
deux cornets à bouquin et deux doubles harpes – est constellé
de vocalises. Ce passage est signalé par Henri Prunières
comme le plus ancien exemple, d’air en style concertant.
Quatrième acte. Proserpine, charmée, intercède auprès de
Pluton qui se laisse fléchir et autorise Euridice à suivre Orfeo
à la condition toutefois que celui-ci ne cherchera pas à voir
sa femme avant de quitter les Enfers.
Pourquoi cette défense ? Striggio le librettiste, ne s’en
soucie pas. Pour lui, qui ne fait pas de métaphysique, Orfeo
est, nous l’avons dit, le prétexte à une pastorale, rien de plus.
Cependant, il s’étendra un peu plus sur la signification du
second « p o u r q u o i » (pourquoi Orfeo a-t-il regardé
Euridice ?). Il faut dire que c’est infiniment plus facile : « Ce
que Pluton défend, Amour le commande », etc. Oui, Orfeo se
retourne, Euridice se dissout et sa voix s’estompe, s’efface
peu à peu pour s’enfoncer dans le silence ; Orfeo s’inquiète :
« Où t’en vas-tu ma vie ? » Cette ligne mélodique aux intervalles
distendus dépeint parfaitement l’angoisse d’Orfeo.
Quant à Monteverdi, il se préoccupe avant tout de souligner
le caractère des personnages et les changements de
situation ; pour ce faire, les moyens qu’il emploie, bien que
sommaires, sont révolutionnaires et prophétiques. Ainsi,
chaque intervention est marquée par un changement de la
tonalité et de l’apparat orchestral ; chaque personnage est
revêtu de sa propre couleur instrumentale.
85

MAURICE ROCHE
Orfeo, ayant contemplé Euridice, la perd à jamais. Au
cinquième acte, il chante sa tristesse. Mais (c’est toujours la
version Striggio), il ne présente pas de signes de fatigue
suffisants pour mourir d’amour, et ses lamentations ne sont
pas très convaincantes. Tout à l’heure, il acceptera l’invitation
d’Apollon : un éternel séjour en Olympe.
Dénouement édulcoré, certes, mais auquel on a donné
cette interprétation : c’est ce que représente Orphée, c’est-àdire
la musique elle-même, qu’Apollon invite à s’élever audessus
des passions, dans un duo avec Orfeo, qui est enfin un
véritable duo d’opéra.
[...]
Dès Orfeo, Monteverdi comprit qu’il ne devait pas se cantonner
dans le débit monotone de cet altro modo di cantare
che l’ordinario, le recitativo seccotel que le pratiquaient
Jacopo Peri et ses émules. S’il se sert de la déclamation
chantée des Florentins, c’est dans un but musical et partant
dramatique, mais sa connaissance lui permet d’aller plus loin
dès son premier essai. Orfeo est en effet une synthèse de l’art
de son époque : c’est le point d’impact de quantité de modes
nouveaux du chant – et qui sont, pour la plupart, déjà portés
à la perfection : l’air de cour, l’air de ballet, le madrigal, la
canzone, le récitatif, et surtout (à mi-chemin entre le parlato
et l’air chanté) l’arioso, plus souple. Rien de juxtaposé, bien
au contraire, tout cela est subordonné à l’expression des sent
i m e n t s : le problème que pose l’opéra est résolu par les
règles de l’architecture musicale et non par celles de la dramaturgie.
Montervedi le premier sut « articuler la musique de
telle façon qu’elle fût consciente à chaque instant de sa fonction
au service du drame » (Alban Berg).
Une autre innovation de Monteverdi – et qui est d’importance
car c’est une loi essentielle désormais de la musique
dramatique : l’emploi fonctionnel de la couleur instrumentale
pour caractériser les personnages – voire pour éclairer une
situation. Son orchestre ne se contente pas d’accompagner le
chant – toujours en liaison étroite avec lui – et l’on voit
poindre la technique du leitmotiv orchestral avec « l’emploi
de morceaux symphoniques avec de véritables motifs conducteurs
pour assurer l’unité du drame et exprimer des sentiments
déterminés » (Henri Prunières). Ainsi l’interlude qui
précède le troisième acte « reparaît au cinquième, après le
86

UNE SYNTHÈSE DE L’ART DE SON ÉPOQUE
désespoir d’Orfeo comme l’obsession des lieux où demeure
E u r i d i c e », ou encore l’accompagnement instrumental d’un
air changera avec chaque strophe, l’orchestre se substituant
parfois aux instruments de soutien (plus exactement les instruments
de base, orgue et gravicembalo).
[...]
Si Monteverdi ne peut se contenter des procédés momentanément
en vogue et employer seulement les acquisitions
techniques les plus récentes, s’il lui faut même inventer pour
les besoins du drame une partie de sa technique, il se préoccupe
surtout (de même qu’après lui Lully, Gluck, Wagner,
Moussorgsky, Debussy et Alban Berg), de composer, comme
l’a dit ce dernier « une musique si belle qu’elle devienne,
malgré tout ce qui s’y oppose, du bon théâtre ».
Extraits de Monteverdi,
© Editions du Seuil, 1960

PAUL DUKAS
CLAUDIO MONTEVERDE
un innovateur de génie
En 1904, L’Orfeo renaît à la Schola Cantorum de Paris, sous
la direction et dans l’édition de Vincent d’Indy. L’œuvre était
donnée en concert, avec d’importantes coupures, notamment le
premier et le cinquième acte. Néanmoins, ce fut une importante
redécouverte. En témoigne cet article de Paul Dukas, écrit
pour la Chronique des arts et de la curiosité, en mars 1905.
La Schola Cantorum, après avoir glorifié Palestrina, Jean-
Sébastien Bach, Rameau et Gluck par des exécutions de
grands fragments de leurs œuvres, pour la plupart inconnues
du public, vient d’entreprendre la résurrection d’un des
maîtres les plus illustres et les plus oubliés de l’Italie du X V I I e
siècle. Claude Monteverde, dont les étudiants d’harmonie
savent tout juste qu’il fut des premiers à pratiquer certaines
dissonances d’une manière plus libre que ses prédécesseurs,
fut, en réalité, un puissant génie dramatique et lyrique dont
la cendre du temps n’a pas terni la splendeur. Il suffisait de
l’évoquer pour le voir ressusciter dans tout son éclat.
Cet honneur revient à la Schola et à son directeur M.
Vincent d’Indy qui n’épargne ni son temps ni ses peines
quand il s’agit de rendre hommages aux vrais grands maîtres
d’autrefois, et en particulier à ceux qu’un « sort injurieux »
vouait à un injuste oubli, comme Rameau et Monteverde. Je
n’ai pu malheureusement assister à l’exécution des fragments
de L ’ O r f e o qui fut donnée récemment rue Saint-Jacques.
Mais la publication de la partition qui fixe le souvenir de
88

UN INNOVATEUR DE GÉNIE
cette solennité et permet à chacun de se rendre compte de
l’extrême importance de Monteverde, par un texte qu’elle
renouvelle et met au point, me permet de ne pas passer sous
silence cette véritable résurrection. [...]
Quand on pénètre dans l’œuvre de Monteverde et qu’on
étudie sa vie, on comprend sans effort l’enthousiasme que
cette grande figure est susceptible d’inspirer à un artiste professant
un culte éclairé du passé. Car ce n’est pas avec les
yeux de l’archéologue qu’il considère ces monuments primitifs
de la musique religieuse ou dramatique. A travers le
dédale des siècles, la flamme qui le guide est celle-là même
qui s’est transmise à lui, vivante, par d’innombrables rayons
tissés par la même lumière. Et, c’est de la sentir tressaillir
pareille à celle qu’il porte en lui qu’il se réjouit, non d’une
vaine curiosité satisfaite, ni d’une trouvaille de conservateur
d’antiquités. M. d’Indy, dans sa courte préface à son édition
d’Orfeo, n’avait guère besoin d’avertir le public qu’il n’a pas
eu l’intention de faire œuvre d’archéologue mais d’artiste. On
le croit sans peine. [...]
L ’ O r f e o est une de ces œuvres qui résument le génie d’un
auteur et d’une race et la tendance la plus noble d’une
époque. Au début du X V I I e siècle, la langue musicale était en
pleine formation. Le style du contrepoint avait achevé le cycle
de son évolution et produit ses chefs-d’œuvre définitifs.
L’expression des passions humaines, que les fondateurs de
l’opéra, les Caccini, les Peri, les Monteverde étudiaient et
prétendaient rendre d’après les doctrines des Grecs, semblait
un terrain aussi neuf que la musique même. Monteverde et ses
contemporains avaient tout à créer : leur art et la langue de
leur art. On demeure émerveillé, après trois siècles, de l’énergie
de leurs efforts et de la hauteur où ils les avaient portés.
Les innovations de Monteverde dans le fond et dans la
forme sont en rapport direct avec celles de Lulli, de Rameau,
de Gluck et de Wagner. Le musicien de Crémone fut le premier
d’une grande lignée et l’égal de ses frères en génie. Sa
conception du drame est grandiose, presque austère. Le
chœur final de l’Orfeo résume le sens élevé que le poète et le
musicien donnent au mythe antique : Orphée vainquit l’enfer
mais fut dompté par l’amour. Seul l’homme qui triomphe de
lui-même remporte l’éternelle victoire. Et, malgré quelques
intermèdes, de caractère pastoral, l’œuvre entière garde un
89

PAUL DUKAS
caractère sévère, passionnément concentré, une tenue harmonieuse,
des proportions parfaites qui lui assignent, à travers
les temps, une physionomie à part. Elle reflète la vie douloureuse
de Monteverdi, qui perdit sa jeune femme dans
l’automne de l’année où il achevait son ouvrage et semble
avoir proféré sa propre plainte par celle de son héros.
Assurément, les formes employées dans cette partition et
le langage musical qui s’y trouve employé nous séduisent par
le rapport que nous établissons entre leur archaïsme et la
profondeur du sentiment qu’elles revêtent. Mais, dès que
nous faisons abstraction, par un effort de pensée, de l’unisson
musical qui a surgi entre Monteverde et nous, la hardiesse et
la nouveauté de son style nous réapparaissent dans tout leur
éclat et forcent notre admiration. Les sentiments naïfs des
bergers, la peinture du bonheur d’Orphée avant la catastrophe
valent autant par l’appropriation de la mélodie et la
recherche du coloris instrumental que les étonnantes descriptions
de l’Enfer et la déchirante expression des airs où
s’exhale la douleur de l’amour perdu, qui remplissent la plus
grande partie de l’ouvrage.
On aurait tort, d’ailleurs, de penser que l’impression produite
par cette musique si lointaine soit pauvre et vieillotte.
Comparée à l’instrumentation des compositeurs qui ont suivi
Monteverde, la sienne étonne encore par sa somptuosité. Par
son amour du coloris, qui se traduit ici en recherches
constantes de timbres, Monteverde est un vrai Vénitien,
comme l’a justement remarqué M. Romain Rolland dans son
beau livre sur l’histoire de l’opéra. Sans compter les violons,
les violes di braccio et di gamba, les harpes, les luths et les
clavicordes, l’orchestre de l’Orfeo comprend trois orgues, des
petites flûtes, des hautbois, quatre trompettes, deux cornets
et cinq trombones !
Cette prodigalité d’agents sonores n’a été dépassée que par
les plus modernes des compositeurs dramatiques. Elle ajoute
un élément de curiosité plutôt que d’intérêt à une œuvre dont
la beauté ne réside pas, somme toute, dans son effet matériel.
Mais elle fait, à un autre point de vue, de Monteverde un innovateur
de génie dans toutes les parties de son art.

JEAN BOIVIN
L’ORFEO DANS LA CLASSE DE MESSIAEN
Le premier ouvrage qu’abordait Messiaen lorsqu’il entreprenait
un cycle de cours consacrés à l’opéra était généralement
l’ Orfeo de Monteverdi, que l’on s’accorde à considérer
comme le premier chef-d’œuvre du genre*. L’analyste retenait
d’abord le sens de la couleur instrumentale qu’avait ce
compositeur, à une époque où l’on ne s’y intéressait pas
beaucoup. Dans son O r f e o, dira-t-il, Monteverdi associe le
timbre au climat et au texte, associe les changements de tons
et de timbres aux changements de décors. En cela, il paraît
être un précurseur de Wagner. Par exemple, les trombones,
correspondent au Royaume des Ombres et interviennent pour
la première fois dans l’œuvre lorsque Orphée y pénètre à
l’acte III (et Messiaen de remarquer que, dans le Don Juan
de Mozart, les trombones auront également un rôle précis à
jouer, puisqu’ils seront associés au Commandeur). Charon,
gardien de ce Royaume des Ombres, est accompagné par le
régale, petit orgue portatif à jeu d’anches, tandis que la flûte
est mise en valeur au cours des scènes pastorales.
* Messiaen parcourait également à l’occasion quelques madrigaux ou L e
Couronnement de Poppéedu même compositeur.
91

JEAN BOIVIN
Lorsqu’il reprit cette analyse de l’O r f e o au début des
années soixante, Messiaen fit part à ses élèves des ressemblances
qu’il voyait entre l’époque contemporaine et celle où
avait vécu et œuvré Monteverdi. On se trouvait alors,
explique-t-il, à un point de confluences de diverses conceptions
de l’art ; les esthétiques les plus opposées coexistaient.
Les fondements même du langage étaient remis en question.
Les modes grégoriens étaient-ils dépassés ? Fallait-il tout
résumer en deux modes, majeur et mineur, et perdre le plaisir
des couleurs modales ? Allait-on utiliser ces claviers grossiers
mais plus précis que la voix, inégale en expressivité ? Il
en va de même à notre époque, dit-il. En des jours qui voient
naître des œuvres comme Poésie pour pouvoir de Boulez ou
K o n t a k t e de Stockhausen, le système tonal paraît épuisé et
les compositeurs se demandent s’ils doivent se tourner vers
les instruments électroniques.
Non satisfait de ce premier pont jeté entre des rives éloignées
de l’histoire de la musique, Messiaen observe que le
déroulement dramatique de l’opéra de Monteverdi n’est pas
sans rappeler certaines conceptions orientales. Il songe par
exemple au théâtre nô japonais, également très hiératique et
réglé par une longue tradition relevant du sacré. Commentant
l ’O r f e o dans son ensemble avant de procéder à l’examen
minutieux de la partition, l’analyste note que le second air
d’Orphée, au deuxième acte, constitue la première scène
véritablement dramatique de l’histoire de l’opéra. Au regard
de la structure, la reprise des ritournelles donne de l’unité au
drame. Par exemple, la reprise, à la fin de l’acte II, de la
ritournelle du prologue, prend un caractère de leitmotiv.
Quant aux chœurs, ils sont parfois écrits dans le plus pur
style du madrigal. Le moment est bien choisi pour préciser
que Monteverdi, dans son génie de l’accentuation juste du
mot, a été aidé par la musicalité de la langue italienne, tout
comme Moussorgsky, Wagner et Debussy seront portés par
les qualités intrinsèques de leurs langues respectives.
Comme toujours, Messiaen s’intéresse aux notes ornementales
inhabituelles, curieuses ou particulièrement dissonantes,
ainsi qu’à l’emploi des anciens modes grégoriens. Ceux-ci se
succèdent rapidement dans l’O r f e o, ce qui contribue grandement
selon lui à ménager des contrastes entre les sections
d’une même scène. Par exemple, à l’acte IV, la réaction
92

L’ORFEO DANS LA CLASSE DE MESSIAEN
d’Orphée à la brève apparition d’Eurydice évolue dans une
combinaison de modes contrastants difficiles à cerner. De
même, dans la s i n f o n i a entendue vers la fin du cinquième
acte, Monteverdi joue avec l’équivoque des altérations : le s i
est tantôt bémol, tantôt naturel, le f a tour à tour dièse ou naturel.
L’entrée de la Messagère, au deuxième acte, constitue
pour Messiaen le sommet dramatique et musical de l’opéra. A
l’annonce de la mort d’Eurydice, le silence d’Orphée, qui
demeure prostré de douleur, est une trouvaille géniale au
point de vue théâtral. Lorsque Orphée parlera enfin, son air
sera extraordinaire de douleur contenue. Selon Messiaen, la
réussite de cette scène est assurée notamment par le judicieux
contraste de ton et de timbre entre les interventions des deux
protagonistes, la Messagère chantant en m i majeur, Orphée en
s o l m i n e u r .
D’autres traits inusités d’écriture sont signalés, telle la
ligne vocale de la Messagère entièrement en avance d’un
temps sur l’accompagnement, plus loin dans cette même
scène. Ce curieux décalage, Messiaen le retrouvera plus tard
chez Chopin. A l’acte I, la ritournelle instrumentale précédant
le chœur final lui paraît particulièrement intéressante sur le
plan de la polyphonie. Il s’agit d’un double canon à l’octave
entre, d’une part, le soprano et le ténor, et, d’autre part, l’alto
et la basse. Ce passage d’une facture très stricte est à son avis
tout à fait moderne ; le compositeur adopte un principe et le
conserve, dictant en quelque sorte sa volonté à la musique,
sans trop se soucier des dissonances entraînées par cette
audacieuse conduite des voix. Du fait justement de ces frottements
de septièmes et de secondes mais aussi sans doute en
vertu de la coloration modale et de la séquence descendante,
cette ritournelle, jouée lentement au piano par Messiaen,
sonne comme un présage direct de l’art de Ravel. [...]
Messiaen [...] s’attache plutôt à la modernité du langage
de Monteverdi, considéré dans son ensemble, et montre par
là même que la recherche et l’invention ne sont aucunement
le fait d’une époque ou d’un style, mais bien un état d’esprit.
Extrait de La Classe de Messiaen,
© Christian Bourgois Editeur, 1995

’ ’
Da stieg ein Baum. O reine Übersteigung !
O Orpheus singt ! O hoher Baum im Ohr !
Und alles schwieg. Doch selbst in der Verschweigung
ging neuer Anfang, Wink und Wandlung vor.
Tiere aus Stille drangen aus dem klaren
gelösten Wald von Lager und Genist ;
und da ergab sich, daß sie nicht aus List
und nicht aus Angst in sich so leise waren,
sondern aus Hören. Brüllen, Schrei, Geröhr
schien klein in ihren Herzen. Und wo eben
kaum eine Hütte war, dies zu empfangen,
ein Unterschlupf aus dunkelstem Verlangen
mit einem Zugang, dessen Pfosten beben, –
da schufst du ihnen Tempel im Gehör.
Rainer Maria Rilke
Die Sonette an OrpheusI, 1
Février 1922

’ ’
Lors s’éleva un arbre. Ô pure élévation !
Ô c’est Orphée qui chante ! Ô grand arbre en l’oreille !
Et tout se tut. Mais cependant ce tu lui-même
fut commencement neuf, signe et métamorphose.
De la claire forêt comme dissoute advinrent
hors du gîte et du nid des bêtes de silence ;
et lors il s’avéra que c’était non la ruse
et non la peur qui les rendaient si silencieuses,
mais l’écoute. En leurs cœurs, rugir, hurler, bramer
parut petit. Et là où n’existait qu’à peine
une cabane afin d’accueillir cette chose,
un pauvre abri dû au désir le plus obscur,
avec une entrée aux chambranles tout branlants,
tu leur fis naître alors des temples dans l’ouïe.
Rainer Maria Rilke
Les Sonnets à OrphéeI, 1
Traduction de Maurice Regnaut,
© Gallimard, 1994

VIRGILE
ORPHÉE DANS LES GÉORGIQUES
Discours de Protée à Aristée,
fils d’Apollon et de la nymphe Cyrène,
responsable de la mort d’Eurydice
C’est une divinité qui te poursuit de sa colère : tu expies
un grand forfait ; ce châtiment, c’est Orphée qu’il faut
plaindre pour son sort immérité, qui le suscite contre toi, à
moins que les Destins ne s’y opposent, et, qui exerce des
sévices cruels pour l’épouse qu’on lui a ravie. Tandis qu’elle
te fuyait en se précipitant le long du fleuve, la jeune femme –
et elle allait en mourir, – ne vit pas devant ses pieds une
hydre monstrueuse qui hantait les rives dans l’herbe haute.
Le chœur des Dryades de son âge emplit alors de sa clameur
le sommet des montagnes ; on entendit pleurer les contreforts
du Rhodope, et les hauteurs du Pangée, et la terre martiale
de Rhésus et les Gètes, et l’Hèbre, et Orithye l’Actiade. Lui,
consolant son douloureux amour sur la creuse écaille de sa
lyre, c’est toi qu’il chantait, douce épouse, seul avec luimême
sur le rivage solitaire, toi qu’il chantait à la venue du
jour, toi qu’il chantait quand le jour s’éloignait. Il entra
même aux gorges du Ténare, portes profondes de Dis, et dans
le bois obscur à la noire épouvante, et il aborda les Mânes,
leur roi redoutable, et ces cœurs qui ne savaient pas s’attendrir
aux prières humaines. Alors, émues par ses chants, du
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ORPHÉE DANS LES GÉORGIQUES
fond des séjours de l’Erèbe, on put voir s’avancer les ombres
minces et les fantômes des êtres qui ne voient plus la lumière,
aussi nombreux que les milliers d’oiseaux qui se
cachent dans les feuilles, quand le soir ou une pluie d’orage
les chasse des montagnes : des mères, des maris, des corps
de héros magnanimes qui se sont acquittés de la vie, des
enfants, des jeunes filles qui ne connurent point les noces,
des jeunes gens mis sur les bûchers devant les yeux de leurs
parents, autour de qui s’étendent le limon noir et le hideux
roseau du Cocyte, et le marais détesté avec son onde paresseuse
qui les enserre, et le Styx qui neuf fois les enferme
dans ses plis. Bien plus, la stupeur saisit les demeures ellesmêmes
et les profondeurs Tartaréennes de la Mort, et les
Euménides aux cheveux entrelacés de serpents d’azur ;
Cerbère retint, béant, ses trois gueules et la roue d’Ixion
s’arrêta avec le vent qui la faisait tourner.
Déjà, revenant sur ses pas, il avait échappé à tous les
périls, et Eurydice lui étant rendue, s’en venait aux souffles
d’en haut en marchant derrière son mari (car telle était la loi
fixée par Proserpine), quand un accès de démence subite
s’empara de l’imprudent amant – démence bien pardonnable,
si les Mânes savaient pardonner ! Il s’arrêta, et juste au moment
où son Eurydice arrivait à la lumière, oubliant tout,
hélas ! et vaincu dans son âme, il se tourna pour la regarder.
Sur-le-champ, tout son effort s’écroula, et son pacte avec le
cruel tyran fut rompu, et trois fois un bruit éclatant se fit
entendre aux étangs de l’Averne. Elle dit alors : « Quel est
donc cet accès de folie, qui m’a perdue, malheureuse que je
suis, et qui t’a perdu, toi, Orphée ? Quel est ce grand accès
de folie ? Voici que pour la seconde fois les destins cruels me
rappellent en arrière et que le sommeil ferme mes yeux flottants.
Adieu à présent ; je suis emportée dans la nuit immense
qui m’entoure et je te tends des paumes sans force, moi,
hélas ! qui ne suis plus tienne. » Elle dit, et loin de ses yeux
tout à coup, comme une fumée mêlée aux brises ténues, elle
s’enfuit dans la direction opposée ; et elle eut beau tenter de
saisir les ombres, beau vouloir lui parler encore, il ne la vit
plus, et le nocher de l’Orcus ne le laissa plus franchir le
marais qui la séparait d’elle. Que faire ? où porter ses pas,
après s’être vu deux fois ravir son épouse ? Par quels pleurs
émouvoir les Mânes, par quelles paroles les Divinités ? Elle,
97

VIRGILE
déjà froide, voguait dans la barque Stygienne. On conte qu’il
pleura durant sept mois entiers sous une roche aérienne, aux
bords du Strymon désert, charmant les tigres et entraînant les
chênes avec son chant. Telle, sous l’ombre d’un peuplier, la
plaintive Philomèle gémit sur la perte de ses petits qu’un dur
laboureur aux aguets a arrachés de leur nid, alors qu’ils
n’avaient point encore de plumes : elle passe la nuit à pleurer,
et posée sur une branche, elle recommence son chant lamentable,
et des ses plaintes douloureuses emplit au loin
l’espace. Ni Vénus ni aucun hymen ne fléchirent son cœur ;
seul, errant à travers les glaces hyperboréennes et le Tanaïs
neigeux et les guérets du Riphée que les frimas ne désertent
jamais, il pleurait Eurydice perdue et les dons inutiles de
Dis. Les mères des Cicones, voyant dans cet hommage une
marque de mépris, déchirèrent le jeune homme au milieu des
sacrifices offerts aux dieux et des orgies du Bacchus nocturne,
et dispersèrent au loin dans les champs ses membres
en lambeaux. Même alors, comme sa tête, arrachée de son col
de marbre, roulait au milieu du gouffre, emportée par l’Hèbre
Œagrien, « E u r y d i c e » criaient encore sa voix et sa langue
glacée, « A h ! malheureuse Eurydice ! » tandis que sa vie
fuyait, et, tout le long du fleuve, les rives répétaient en écho :
« Eurydice ! ».
Livre Quatrième des Géorgiques
Traduction de Maurice Rat,
© Garnier-Flammarion, 1967

OVIDE
ORPHÉE DANS LES MÉTAMORPHOSES
Mort d’Eurydice, Orphée aux Enfers
Livre X
De là, enveloppé dans son manteau jaune safran, Hyménée
s’éloigne et, traversant les plaines immenses de l’air,
se dirige vers les bords des Cicones. La voix d’Orphée vainement
le convie à ses noces. Il y assista, à la vérité, mais n’y
apporta ni paroles consacrées, ni visage joyeux, ni présage de
bon augure. La torche même qu’il y tint brûla jusqu’au bout
en sifflant avec une fumée qui faisait couler les larmes ;
même en la secouant, il n’en put tirer aucune flamme. La
suite fut encore plus affligeante que le présage. Car, tandis
que la nouvelle épousée, en compagnie de la troupe des
naïades, erre à l’aventure dans l’herbe, elle tombe, le talon
percé par la dent d’un serpent. Quand le chantre du Rhodope
l’eut assez pleurée sur la terre, ne renonçant pas à la chercher
même chez les ombres, il osa descendre jusqu’au Styx
par la porte du Ténare ; et, fendant la foule légère des fantômes
des morts pieusement mis au tombeau, il aborda
Perséphone et le maître qui règne sur le peuple maussade
des ombres. Et, frappant les cordes de sa lyre pour accompagner
son chant, il dit :
99

OVIDE
« O divinités de ce monde souterrain où nous retombons,
tous, nous créatures soumises à la mort, si je le peux, si vous
me permettez de dire sans ambages et franchement la vérité,
ce n’est pas le désir de voir le sombre Tartare qui est cause
de ma descente ici, ni celui d’enchaîner la triple gorge, au
poil fait de serpents, du monstre de la race de Méduse. La
raison de mon voyage c’est mon épouse ; une vipère, sur
laquelle elle mit le pied, a répandu dans ses veines un venin
qui interrompit le cours de ses années. J’ai voulu trouver la
force de supporter cette perte, et je ne nierai pas de l’avoir
t e n t é ; l’Amour l’a emporté. C’est un dieu bien connu audessus
d’ici, sur la terre. L’est-il aussi chez vous ? Je l’ignore,
mais je suppose cependant qu’il l’y est aussi ; et, si la rumeur
qui rapporte le rapt de jadis n’est pas mensongère, vousmêmes,
c’est l’Amour qui vous unit. Par ces lieux que remplit
la crainte, par cet immense Chaos, par ce vaste royaume du
silence, je vous en prie, renouez le fil trop tôt coupé du destin
d’Eurydice. Tout est soumis à vos lois, et nous ne nous attardons
guère avant de prendre, un peu plus tôt ou un peu plus
tard, la route de ce commun séjour. Nous aboutissons tous
ici. Cette demeure est pour nous la dernière, et c’est vous
dont le règne sur le genre humain a la plus longue durée.
Elle aussi, lorsqu’elle aura vécu son juste compte d’années,
le moment venu, elle sera justiciable de vous ; pour toute
faveur, je demande la jouissance de mon bien. Et, si le destin
refuse cette grâce pour mon épouse, j’y suis bien résolu, je
renonce à revenir en arrière ; réjouissez-vous alors de notre
double trépas. »
Tandis qu’il parlait ainsi, faisant résonner les cordes de
sa lyre au rythme de ses paroles les âmes exsangues pleuraient
: Tantale renonça à atteindre l’eau qui le fuit, la roue
d’Ixion s’arrêta, les oiseaux cessèrent de ronger le foie de
leur victime, les petites-filles de Bélus d’emplir leurs urnes,
et tu t’assis, Sisyphe, sur ton rocher. Pour la première fois
alors, dit-on, les larmes mouillèrent les joues des Euménides,
vaincues par ce chant. Ni la royale épouse ni le dieu qui
règne aux Enfers n’ont le cœur d’opposer un refus à sa
p r i è r e ; ils appellent Eurydice. Elle se trouvait parmi les
ombres nouvelles et s’avança d’un pas que retardait sa blessure.
Orphée, le chantre du Rhodope, la reçoit sous cette
condition qu’il ne tournera pas ses regards en arrière jusqu’à
100

ORPHÉE DANS LES MÉTAMORPHOSES
ce qu’il soit sorti des vallées de l’Averne ; sinon, cette faveur
sera rendue vaine. Ils s’acheminent, à travers un silence que
ne trouble nulle voix, par les pentes d’un sentier abrupt, obscur,
noyé dans un épais brouillard. Ils n’étaient plus éloignés,
la limite franchie, de fouler la surface de la terre ;
Orphée, tremblant qu’Eurydice ne disparût et avide de la
contempler, tourna, entraîné par l’amour, les yeux vers elle ;
aussitôt elle recula, et la malheureuse, tendant les bras,
s’efforçant d’être retenue par lui, de le retenir, ne saisit que
l’air inconsistant. Mais, mourant pour la seconde fois, elle ne
proféra aucune plainte contre son époux : de quoi se plaindrait-elle,
en effet, sinon de ce qu’il l’aimât ? Elle lui dit un
suprême adieu, que devaient avec peine recueillir ses
oreilles, et, revenant sur ses pas, retourna d’où elle venait.
Frappé une seconde fois par la mort de son épouse, Orphée
resta figé de stupeur, comme celui qui fut pris de peur en
voyant les trois cous du chien infernal, dont celui du milieu
était enchaîné : la terreur ne l’abandonna pas qu’il n’eût
auparavant changé de nature, son corps s’étant pétrifié. [...]
Malgré ses prières, ses vains efforts pour obtenir de passer
une seconde fois, le nocher l’avait écarté. Il resta cependant
sept jours entiers assis sur la rive, sans prendre aucun soin
de sa personne, sans toucher aux dons de Cérès ; sa peine, sa
douleur, ses larmes furent ses aliments. Quand il eut épuisé
ses plaintes contre la cruauté des dieux de l’Erèbe, il se retira
sur le sommet du Rhodope et sur l’Hémus, battu par les
Aquilons. [...] Orphée s’était dérobé à toutes les séductions
des femmes, soit parce que leur amour lui avait été funeste,
soit parce qu’il avait engagé sa foi. Beaucoup pourtant brûlaient
de s’unir au poète, beaucoup souffrirent d’être repoussées.
Et ce fut aussi lui dont les chants apprirent aux peuples
de Thraces à reporter leur amour sur de jeunes garçons et à
cueillir, avant l’épanouissement de la jeunesse, le court printemps
et la première fleur de l’âge tendre.
101

OVIDE
Mort d’Orphée
Livre XI
Tandis que par de tels récits inspirés le chantre de
Thrace entraîne à sa suite les forêts, les animaux sauvages,
les rochers, voici que les femmes des Cicones, la poitrine
couverte, dans leur délire, de peaux de bêtes, du haut d’un
tertre aperçoivent Orphée accompagnant son chant sur la lyre
dont il frappe les cordes. L’une d’elles, agitant sa chevelure
dans l’air léger : « Le voilà, dit-elle, le voilà : c’est l’homme
qui nous méprise », et elle lança sa lance contre la bouche
aux doux sons du chantre aimé d’Apollon ; mais la pointe
garnie de feuilles n’y laissa que sa marque, sans faire de blessure.
Une autre, pour projectile, prend une pierre qui, une
fois lancée, fut, dans l’air même, arrêtée par l’harmonieux
concert de la voix et de la lyre et vint, comme suppliant, qu’il
lui pardonnât sa folle tentative, tomber aux pieds d’Orphée.
Cependant, les attaques se multiplient avec une audace qui
ne connut bientôt plus de bornes [...] Tous les projectiles
auraient pourtant été rendus inoffensifs par le chant d’Orp
h é e ; mais l’immense clameur, la flûte de Bérécynthe au
pavillon coudé, les tambourins, les battements de mains, les
hurlements des Bacchantes, couvrirent le son de la cithare.
Alors enfin les rochers se rougirent du sang du chantre qu’ils
n’entendaient plus.
Tout d’abord ce fut sur les oiseaux innombrables, les serpents,
le troupeau des bêtes sauvages, que retenait jusqu’à ce
moment encore, frappés d’admiration, la voix du chanteur,
que les Ménades s’acharnèrent, car ils attestaient le triomphe
remporté par Orphée. Puis, les mains ensanglantées, elles se
tournent contre Orphée lui-même et se rassemblent, comme
les oiseaux s’ils voient s’aventurer en plein jour l’oiseau de
nuit, et comme, dans l’amphithéâtre, autour du cerf condamné
à périr au matin dans l’arène, les chiens dont il est la proie ;
elles fondent sur le chantre inspiré, lui jettent leurs thyrses
garnis de feuilles vertes et faits pour un tout autre usage ; les
unes brandissent contre lui des mottes de terre, d’autres des
branches arrachées à un arbre, quelques-unes des pierres.
Et, pour que les armes ne fissent pas défaut à leur fureur, il
se trouva que des bœufs retournaient la terre sous l’effort de
102

ORPHÉE DANS LES MÉTAMORPHOSES
la charrue et que, non loin de là, préparant la récolte à force
de sueurs, des paysans aux bras vigoureux creusaient le sol
dur de leurs champs. A la vue de la troupe des Ménades, ils
s’enfuient et abandonnent leurs instruments de travail. A travers
les champs désertés gisent en désordre çà et là sarcloirs,
lourdes herses, longs hoyaux. Après s’en être emparées, après
avoir mis en pièce les bœufs qui les menaçaient de leurs
cornes, les Ménades forcenées reviennent en courant consommer
la perte du chantre divin. Il tend les mains et prononce
des mots pour la première fois, à cette heure, sans
effet, sa voix n’éveille plus d’émotion ; ces femmes sacrilèges
l’achèvent. Et par cette bouche, hélas ! ô Jupiter, qu’avaient
écoutée les rochers et comprise les bêtes sauvages, son âme
s’exhala et fut emportée par les vents.
Tu fus, Orphée, pleuré par les oiseaux affligés, par la
troupe des bêtes sauvages, par les durs rochers, par les forêts
qu’entraînèrent souvent tes chants. Laissant choir ses feuilles,
l’arbre, la tête rase, prit ton deuil ; les fleuves aussi, dit-on,
furent grossis de leurs propres larmes ; les Naïades et les
Dryades prirent des voiles assombris de noir et laissèrent
épars leurs cheveux. Les membres d’Orphée gisent dispersés.
Tu reçois sa tête, ô Hèbre, et sa lyre ; et – prodige ! – tandis
qu’elle est emportée au milieu de ton fleuve, cette lyre plaintivement
fait entendre je ne sais quels reproches, plaintivement
la langue privée de sentiment murmure, plaintivement répondent
les rives. [...]
L’ombre d’Orphée descend sous la terre ; les lieux qu’il
avait vus auparavant, il les reconnaît tous ; il parcourt, en
quête d’Eurydice, les champs réservés aux âmes pieuses, il la
trouve, il la serre passionnément dans ses bras. Là, tantôt ils
errent tous deux, réglant leur pas l’un sur l’autre, tantôt elle
le précède et il la suit, tantôt, marchant le premier, il la devance
; et Orphée, en toute sécurité, se retourne pour regarder
son Eurydice.
Traduction de Jacques Chamonaud,
© Garnier-Flammarion, 1966

’ ’
Sei allem Abschied voran, als wäre er hinter
dir, wie der Winter, der eben geht.
Denn unter Wintern ist einer so endlos Winter,
daß, überwinternd, dein Herz überhaupt übersteht.
Sei immer tot in Eurydike –, singender steige,
preisender steige zurück in den reinen Bezug.
Hier, unter Schwindenden, sei, im Reiche der Neige,
sei ein klingendes Glas, das sich im Klang schon zerschlug.
Sei – und wisse zugleich des Nicht-Seins Bedingung,
den unendlichen Grund deiner innigen Schwingung,
daß du sir völlig vollziehst dieses einzige Mal.
Zu dem gebrauchten sowohl, wie zum dumpfen und stummen
Vorrat der vollen Natur, den unsäglichen Summen,
zähle dich jubelnd hinzu und vernichte die Zahl.
Rainer Maria Rilke
Die Sonette an OrpheusII, 13
Février 1922

’ ’
Devance tout adieu, comme s’il se trouvait derrière
toi, à l’instar de cet hiver qui va se terminer.
Car entre les hivers, il est un tel hiver sans fin
qu’être au-delà de lui, c’est pour ton cœur l’être de tout.
Sois toujours mort en Eurydice – et plus chant que jamais
remonte, et plus louange, ainsi remonte au pur rapport.
Ici, chez les passants, sois, au royaume où tout prend fin,
sois un verre qui sonne et dans le son qui déjà se brise.
Sois – et sache à la fois la condition qu’est le non-être,
l’infini fondement qu’il est de ta ferveur vibrante,
et donne à celle-ci, unique fois, pleine existence.
A la nature, utilisée ou bien dormante et muette,
à cette ample réserve, à cette inexprimable somme,
ajoute-toi en joie et ne fait qu’un néant du nombre.
Rainer Maria Rilke
Les Sonnets à OrphéeII, 13
Traduction de Maurice Regnaut,
© Gallimard, 1994

CARNET de NOTES
Claudio Monteverdi
Repères biographiques
&
Notice bibliographique
––
L’Orfeo
Discographie sélective

CLAUDIO MONTEVERDI REPÈRES BIOGRAPHIQUES
108
H I S T O I R E M O N T E V E R D I
1567.
Expédition espagnole du duc
d’Albe contre la révolte
protestante aux Pays-Bas.
1571.
La victoire des forces
chrétiennes conduites par
l’Espagne à la bataille navale
de Lépante marque l’arrêt de
l’expansion turque en Europe.
1572.
Massacre d’environ
3000 protestants à Paris lors de
la nuit de la Saint-Barthélemy
(24 août).
1573.
Avènement de Henri III au
trône de France.
1584.
Mort d’Ivan le Terrible et début
de la régence de Boris
Godounov.
1567.
Naissance de Claudio Monteverdi.
Son acte de baptême, à Crémone,
est daté du 15 mai.
Il reçoit une éducation musicale
auprès de Marc-Antoine
Ingegneri (1550-1591).
A quinze ans, il fait entendre
ses premiers essais musicaux
à l’Accademia degli Animosi
de Crémone.
1582.
Publications à Venise
des Sacrae Cantiuncula,
vingt motets à trois voix.

MONTEVERDI & SON TEMPS
M U S I Q U E L I T T É R A T U R E
SCIENCE & ARTS
1567.
Publication du deuxième livre
de messes de Palestrina
(comprenant notamment la
Messe du pape Marcel).
1570.
Publication de Musiquede
Guillaume Costeley.
1574.
Roland de Lassus publie le
premier recueil de chansons
mesurées.
1575.
Publication à Londres des
Cantiones Sacrae de Byrd et
Tallis.
1581.
Création à Vicence d’Edipo
Tiranno, musique pour chœurs
de Gabrieli.
1569.
Mort de Breughel le Vieux.
1571.
Mort de Benvenuto Cellini.
1574.
Mort du Caravage.
1575.
Torquato Tasso : Jérusalem
délivrée.
1576.
Construction à Londres par
James Burbage du premier
théâtre anglais.
Mort du Titien.
1577.
Naissance de Rubens.
1580.
Montaigne publie le premier et
le deuxième livre des Essais.
1584.
Achèvement du palais de
l’Escorial.
109

CLAUDIO MONTEVERDI REPÈRES BIOGRAPHIQUES
110
H I S T O I R E M O N T E V E R D I
1587.
Exécution de Marie Stuart.
1588.
Défaite de l’Invincible Armada.
1589.
Assassinat d’Henri III par le
moine Jacques Clément.
1598.
Promulgation de l’Edit de
Nantes instaurant la liberté du
culte protestant.
Mort de Philippe II d’Espagne.
1600.
Mariage de Henri IV avec Marie
de Médicis célébré à Lyon.
1603.
Mort d’Elizabeth I re
d’Angleterre.
1586.
Publication du 1 er Livre de
madrigaux.
1590.
Publication du 2 e Livre de
madrigaux.
1591.
Entre au service de la cour de
Mantoue comme violiste et
chanteur. Il y demeurera
jusqu’à la mort du duc Vincent
de Gonzague en 1612.
1592.
Publication du 3 e Livre de
madrigaux.
1595.
Mariage avec Claudia Cattaneo.
1599.
Naissance de son fils
Francesco.
1600.
Devient maître de musique du
duc de Mantoue.
1603.
Publication du 4 e Livre de
madrigaux.
1605.
Publication du 5 e Livre de
madrigaux.

MONTEVERDI & SON TEMPS
M U S I Q U E L I T T É R A T U R E
SCIENCE & ARTS
1585.
1585.
Naissance de Heinrich Schütz. Mort de Ronsard.
1594.
Mort de Roland de Lassus et de
Palestrina.
1597.
Publication du First book of
songes or Ayresde John
Dowland.
1600.
Création à Florence d’Euridice
de Peri.
1603.
Publication du Printemps de
Claude Lejeune.
1589.
Marlowe : Le Juif de Malte.
1592.
Mort de Montaigne.
1594.
Shakespeare : Roméo et
Juliette.
Mort du Tintoret.
1596.
Naissance de Descartes.
1599.
Naissance de Velázquez.
1600.
Naissance de Claude Gellée dit
Le Lorrain.
1605.
Cervantès : Don Quichotte.
111

CLAUDIO MONTEVERDI REPÈRES BIOGRAPHIQUES
112
H I S T O I R E M O N T E V E R D I
1610.
Assassinat d’Henri IV à Paris.
Avènement de Louis XIII.
1618.
Début de la Guerre de Trente
Ans.
1607.
Création de L’Orfeo.
Mort de sa femme Claudia.
1608.
Arianna,
Il ballo dell’ingrate.
1610.
Les Vêpres de la Vierge.
1613.
Nommé maître de chapelle de
Saint-Marc à Venise, un poste
prestigieux.
1614.
Publication du 6 e Livre de
madrigaux.
1619.
Publication du 7 e Livre de
madrigaux.
1623.
Son fils entre à la maîtrise de
Saint-Marc.
1624.
Création à Venise du Combat
de Tancrède et de Clorinde
1627.
La Rencontre de Renaud et
Armide, La Finta Pazza.

MONTEVERDI & SON TEMPS
M U S I Q U E L I T T É R A T U R E
SCIENCE & ARTS
1606.
1606.
Missa pro defunctisd’Eustache Naissance de Pierre Corneille.
Du Caurroy.
1607.
Naissance de Rembrandt.
1614.
Publication des Toccatas et
partitas de Frescobaldi.
1619.
Psaume de David de Heinrich
Schütz.
1623.
Mort de William Byrd.
1616.
Mort le même jour (23 avril) de
Shakespeare et de Cervantès
1620.
Agrippa d’Aubigné publie son
Histoire universelle.
1621.
Naissance de La Fontaine
1622.
Naissance de Molière.
1623.
Naissance de Blaise Pascal.
1624.
Le 16 mai : Descartes assiste
aux fêtes annuelles des noces
de Venise et de la mer où l’on
peut imaginer qu’il a entendu
des pièces –aujourd’hui
perdues – composées par
Monteverdi pour cette occasion.
1627.
Naissance de Bossuet.
113

CLAUDIO MONTEVERDI REPÈRES BIOGRAPHIQUES
114
H I S T O I R E M O N T E V E R D I
1628.
Invasion de Mantoue par les
troupes autrichiennes :
incendie du palais ducal
qui détruit de nombreuses
partitions de Monteverdi.
1642.
Mort de Richelieu.
1643.
Mort de Louis XIII.
1631.
Son fils meurt de la peste à
Venise. Il était à la fois ténor et
compositeur, musicien promis
semble-t-il à un bel avenir.
1632.
Entre dans les ordres.
Publication des Scherzi musicali
in stile recitativo, un recueil de
morceaux choisis.
1638.
Publication du 8 e Livre de
madrigaux sous le titre
Madrigali guerrieri e amorosi.
1640.
Selva Morale e Spirituale.
Création du Retour d’Ulysse
dans sa patrie.
1642.
Création du Couronnement de
Poppéeà Venise.
1643.
Meurt à Venise.
1651.
Publication du 9 e Livre de
madrigaux.

MONTEVERDI & SON TEMPS
M U S I Q U E L I T T É R A T U R E
SCIENCE & ARTS
1632.
Naissance de Lully.
1634.
Naissance de Marc-Antoine
Charpentier.
1637.
Naissance de Buxtehude.
Ouverture à Venise du premier
théâtre lyrique public et
payant.
1643.
Mort de Frescobaldi.
1631.
Théophraste Renaudot fonde
La Gazette de France.
1632.
Galilée publie le Dialogue sur
les deux systèmes du monde.
1633.
Procès et rétractation de
Galilée devant le tribunal de
l’Inquisition.
1634.
Fondation de l’Académie
française.
Calderón : La Vie est un songe.
1636.
Corneille : Le Cid.
1637.
Descartes : Discours de la
méthode.
1639.
Naissance de Racine.
1642.
Naissance de Newton.
1643.
Molière fonde l’Illustre Théâtre.
115

CLAUDIO MONTEVERDI NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE
116
Sur le compositeur
Denis Morrier, Les Trois Visages de Monteverdi(livre + deux CD),
Harmonia Mundi, collection Passerelles, 1998.
Maurice Roche, Monteverdi, Seuil, collection Solfèges, 1960.
Leo Schrade, Monteverdi, traduit de l’américain par Jacques Drillon,
éditions Lattès, collection Musiques et musiciens, 1981.
Roger Tellart, Claudio Monteverdi, Fayard, 1997.
Sur L’Orfeo
Philippe Beaussant, Le Chant d’Orphée selon Monteverdi , Fayard, 2002.
L’Orfeo, L’Avant-Scène Opéra, n o 5 (1976) et n o 207 (2002).

L’ORFEO DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE
Nikolaus Harnoncourt
Concentus Musicus de Vienne, Capella Antiqua de Munich
Lajos Kozma (Orphée), Rotraud Hansman (Eurydice et La
Musique), Cathy Berberian (La Messagère et L’Espérance),
Nikolaus Simkowsky (Caron), Jacques Villisech (Pluton), Eiko
Katanosaka (Proserpine), Max van Egmond (Apollon)
Teldec, 1969
John Eliot Gardiner
English Baroque Soloists, Monteverdi Choir
Anthony Rolfe Johnson (Orphée), Juliane Baird (Eurydice),
Lynne Dawson (La Musique), Anne Sofie von Otter
(La Messagère), Mary Nichols (L’Espérance), John Tomlinson
(Caron), Willard White (Pluton), Diane Montague (Proserpine),
Nigel Robson (Apollon)
DG-Archiv Produktion, 1989
Philip Pickett
New London Consort
John Mark Ainsley (Orphée), Julia Gooding (Eurydice),
Catherine Bott (La Musique, La Messagère, Proserpine),
Christopher Robson (L’Espérance), Simon Grant (Caron),
Michael George (Pluton), Andrew King (Apollon)
Decca – Oiseau-Lyre, 1991
René Jacobs
Concerto Vocale
Laurence Dale (Orphée), Efrat Ben-Nun (Eurydice,
La Musique), Jennifer Larmore (La Messagère), Andreas Scholl
(L’Espérance), Paul Gérimon (Caron), Bernarda Fink
(Proserpine), Nicolas Rivenq (Apollon)
Harmonia Mundi, 1995
Emmanuelle Haïm
Le Concert d’Astrée, Les Sacqueboutiers, European Voices
Ian Bostridge (Orphée), Patrizia Ciofi (Eurydice), Natalie
Dessay (La Musique), Alice Coote (La Messagère), Sonia Prina
(L’Espérance), Mario Luperi (Caron), Lorenzo Regazzo (Pluton),
Véronique Gens (Proserpine), Christopher Maltman (Apollon)
Virgin Classics, 2004
117

NOTES
118

NOTES
119

DANS LA MÊME COLLECTION
ALBAN BERG. Wozzeck.
Livret du compositeur, d’après Woyzeck, de Georg Büchner.
Textes d’Alban Berg, Theodor W. Adorno, Arnold Schoenberg,
Elias Canetti, Bernard Groethuysen, Georg Büchner.
Opéra de Lyon, octobre 2003.
LUDWIG VAN BEETHOVEN. Fidelio.
Livret du compositeur, d’après Léonore ou l’amour conjugal, de
Jean-Nicolas Bouilly.
Textes de Jean-François Candoni, Edouard Herriot,
Otto Klemperer, Henry-Louis de la Grange,
Friedrich Schiller, John Deathridge, Albie Sachs,
Ludwig van Beethoven.
Opéra de Lyon, novembre 2003.
MICHAËL LEVINAS. Les Nègres.
Livret d’après Les Nègresde Jean Genet.
Textes de Eric Denut / Michaël Levinas, Gilbert Nouno,
Danielle Cohen-Levinas, Pierre Brunel, Michel Corvin,
Marc Barbezat, Jean Genet.
Opéra de Lyon, janvier 2004.
CLAUDE DEBUSSY. Pelléas et Mélisande.
Livret d’après Pelléas et Mélisandede Maurice Maeterlinck.
Textes de Claude Debussy, Georgette Leblanc, André Messager,
Jacques Rivière, François Rosso, Vladimir Jankélévitch,
Jules Huret, Maurice Maeterlinck, Pierre Louÿs,
Stéphane Mallarmé, Charles Baudelaire.
Opéra de Lyon, février 2004.

Chargé d’édition
Jean Spenlehauer
Remerciements
Christian Bourgois
Conception & Réalisation
Brigitte Rax / Clémence Hiver
Impression
Groupe Horizon
Opéra national de Lyon
Saison 2003/04
Président
Gérard Collomb
Directeur général
Serge Dorny
OPERA NATIONAL DE LYON
Place de la Comédie
69001 Lyon
Renseignements & Réservation
04.72.00.45.45
www.opera-lyon.com
L’Opéra national de Lyon est conventionné par le ministère de la Culture et
de la Communication, la Ville de Lyon, le conseil régional Rhône-Alpes
et le conseil général du Rhône.

ACHEVÉ d’IMPRIMER
la veille de Pâques 2004
pour les représentations
de L’Orfeo
à l’Opéra de Lyon

Imprimé sur les presses du
Groupe Horizon
Parc d’activités de la plaine de Jouques
200 Avenue de Coulin
13420 Gémenos (France)
N o d’imprimeur :
ISBN 2-84956-004-9
Dépôt légal : avril 2004