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Il ne fit aucun bruit lorsqu’il bascula par-dessus la rampe et se laissa tomber deux étages plus bas,
se rattrapant juste à temps à la main courante avant de se hisser de l’autre côté. Se réceptionnant en
silence, il n’attendit pas même une seconde avant de dévaler les dernières marches et de se diriger vers
la sortie. Lorsqu’il déboula dans la bise d’avril, il ficha une trouille bleue aux fumeurs qui se trouvaient à
côté de la porte, puis les laissa cloués sur place.
Il se mit à courir, son parcours l’entraînant à travers un dédale de bâtiments, le long des bijouteries,
d’un grand magasin et d’une boutique de hard discount. C’était la sortie des bureaux et les rues
grouillaient d’employés vomis par le quartier financier qui pénétraient en file indienne dans les bouches
du métro ou s’éparpillaient telles des fourmis à travers le parc. Heureusement, Chinatown était moins
fréquenté, et il put accélérer la cadence.
Il fonça vers son appartement, transpirant malgré le fait qu’il ne portait rien d’autre que son tee-shirt.
Le froid humide calmait la douleur de ses blessures et lorsqu’il déboula dans sa rue, il était presque déçu
d’avoir à ralentir : courir l’apaisait ; il ne pensait plus à ses problèmes.
S’approchant de la maison par l’arrière, il serpenta entre les cours sombres des voisins et s’arrêta à
une dizaine de mètres de la porte. Les lumières de l’appartement de sa propriétaire ainsi que celles du
premier étage étaient allumées, mais tout était éteint au second.
Lorsqu’il fut à peu près sûr de ne pas avoir été suivi, il se pencha et ramassa une pierre. Toujours
dans l’ombre, il s’approcha, puis lança le caillou, qui percuta l’ampoule nue surplombant le perron,
neutralisant ainsi l’éclairage extérieur.
Isaac patienta sans broncher : souvent, il vaut mieux agir rapidement, mais parfois, c’est en prenant
son temps qu’on peut espérer se réveiller le lendemain.
Au rez-de-chaussée, une silhouette se leva et passa devant les fenêtres avant de retourner devant la
lumière bleutée de la télévision. Ce n’était pas une bonne nouvelle, mais pas une surprise non plus : Mme
Mulcahy ne quittait jamais son nid hormis pour aller faire des courses et c’était le genre de proprio
fouineuse qui l’encourageait à considérer les avantages à dormir sur le banc d’un parc. Cependant ce
soir-là, ce n’était pas à cause d’elle qu’il prenait toutes ces précautions : avec son nom inscrit dans les
registres de la police, il y avait de fortes probabilités pour que son adresse ait été repérée par les XOps
et par conséquent, son appartement n’était plus un endroit sûr.
Il fallait qu’il entre et sorte au plus vite.
Dix minutes plus tard, il avait passé le perron, inséré sa clé dans la serrure, et s’était faufilé dans
l’escalier.
En montant, il évita les marches qui grinçaient, ce qui en éliminait trois sur quatre.
La porte de son appartement s’ouvrit sans un bruit, car il avait huilé les gonds le soir où il avait
emménagé, et tournant le verrou d’un geste sec, il se barricada puis dressa l’oreille. Tout était silencieux,
à l’exception du poste de télévision en bas, cependant, il resta où il était pendant plus d’une minute, le
temps d’en être absolument certain.
Ensuite il se mit au travail.
Aussi rapide et furtif qu’un félin, il sortit de la cuisine pour gagner le salon.
Il lui suffit d’un seul regard à ses affaires pour comprendre que Grier avait farfouillé à l’intérieur :
personne d’autre que lui ne l’aurait remarqué tant le changement était subtil, mais le système de pliage
qu’il avait développé avait justement été conçu dans ce but.
Il enfila le sweat-shirt qu’il utilisait comme oreiller, glissa ses deux revolvers dans la grosse poche
de devant et chaussa ses rangers. Puis il fourra ses munitions, son couteau de chasse et son portable dans
son pantalon avant de revêtir le coupe-vent noir qui constituait son unique manteau.
Enfin, il gagna la chambre. Et la penderie.
Son pactole contenait 27 853 dollars avant que Grier ne prélève la somme correspondant à la
caution. Il devait donc en rester un peu.