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déclencher l’alarme.
— La télésurveillance, c’est bien. Mais ça a ses limites.
— Oui, c’est juste dissuasif. (Il la considéra d’un air intrigué et elle hocha la tête.) J’ai un autre
système, bien plus sophistiqué. Mon père était dans l’armée avant de se lancer dans des études de droit.
Mais il est resté très proche de moi. Proche et protecteur.
— Il n’apprécierait pas de me savoir ici.
— Jusqu’ici, vous vous êtes comporté en parfait gentleman, et c’est ce qui compte pour lui, bien plus
que l’apparence ou l’origine sociale. Pour moi aussi, d’ailleurs.
— Je laisserai l’argent, quand je partirai.
Soulevant la poêle, elle l’inclina sur le côté, envoyant valser le beurre dans un tourbillon qui
signerait sa perte.
— Et je ne peux pas l’accepter. Vous devez le savoir. Ça ferait de moi une complice. (Elle crut
entendre un léger juron, mais ce n’était peut-être qu’un soupir.) Après tout, je suis prête à parier que ce
fric provient de combats clandestins. Ou alors, d’un trafic de drogue ?
— Je ne suis pas un dealer.
— De combats, donc. Ce qui n’est pas plus légal. Au fait, j’ai fouillé dans votre passé. (Elle
redonna un coup de fouet aux œufs, puis en versa plus de la moitié dans la poêle, un léger grésillement
s’élevant de la plaque de cuisson.) Je n’ai rien trouvé hormis un article de journal vieux de cinq ans
mentionnant votre mort. Il y avait votre photo à côté, alors inutile de nier.
Il se figea et elle sut qu’il la dévisageait d’un regard perçant.
L’espace d’un instant, elle se demanda qui était cet homme qu’elle avait invité chez elle. Mais juste
après et sans savoir pourquoi, elle le revit retirer ses rangers pour les laisser devant la porte.
Bon. Fini, les plaisanteries, se dit-elle.
— Alors, vous allez me dire pour quelle branche du gouvernement vous travaillez ou je dois
deviner ?
— Je ne suis pas dans l’armée.
— Vraiment ? Donc je suis censée croire que malgré le fait que vous soyez si doué au combat et que
vous avez sécurisé votre appartement comme un coffre-fort, vous n’êtes qu’un vulgaire loubard ou un
sous-fifre de la mafia. Je ne marche pas. Vous savez quoi ? C’est en vous voyant sur ce ring que mes
doutes se sont envolés. Et aussi quand vous vous êtes arrêté de tabasser ce drogué. Vous étiez
parfaitement maître de vous-même et de la situation. Vous n’aviez rien d’un videur accouru au secours
d’une jeune fille en détresse. Vous avez agi en professionnel, ce que vous êtes, d’ailleurs. N’est-ce pas ?
Il était inutile de lui répondre, car elle savait qu’elle avait raison. Et pourtant, quand aucun
commentaire ne vint, elle leva les yeux, s’attendant presque à ce qu’il se soit volatilisé.
Mais Isaac Rothe, si c’était bien son nom, était toujours assis devant l’îlot.
— Comment aimez-vous votre omelette ? demanda-t-elle. Baveuse ou sèche ?
— Sèche, lâcha-t-il.
— Comme c’est étonnant.