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Coupe de bois et revendications sociales au Mali - Ird

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Des voix s’élèvent pour dénoncer ce pervertissement du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> base, notamment parmi<br />

l’administration forestière mais <strong>au</strong>ssi les élites villageoises. Ainsi, ce serait <strong>de</strong>venu « l’anarchie ». Les<br />

bûcherons villageois seraient responsables <strong>de</strong> tout le dé<strong>bois</strong>ement. Ce serait un « gâchis », qui prouve<br />

bien, si besoin était, que « la décentralisation, c’est le désordre », notamment du fait qu’elle s’adresse<br />

à <strong>de</strong>s « populations d’analphabètes » 7 . Il y a pourtant une réalité simple : l’offre <strong>de</strong> <strong>bois</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> charbon<br />

se cale sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s villes, <strong>et</strong> pas davantage. Même si c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>man<strong>de</strong> nécessite <strong>de</strong>s coupes <strong>de</strong><br />

<strong>bois</strong> plus importantes que par le passé du fait <strong>de</strong> l’accroissement <strong>de</strong> la population <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’accroissement<br />

<strong>de</strong> l’utilisation du charbon (Gazull, 2003), quand les marges d’un territoire villageois est parcouru par<br />

<strong>de</strong>s bûcherons, leurs coupes sont similaires à celles d’avant les réformes. Ce sont simplement <strong>de</strong><br />

nouve<strong>au</strong>x espaces <strong>et</strong> <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x groupes soci<strong>au</strong>x qui sont activées, avec un contrôle rendu <strong>de</strong> fait<br />

plus difficile.<br />

Il est <strong>au</strong>ssi symptomatique d’entendre les défenseurs du système passé, même si paradoxalement ils<br />

peuvent probablement gagner plus d’argent par les voies légales <strong>et</strong> illégales que par le passé. Il y a une<br />

forme <strong>de</strong> résignation dans ces voix, mélange <strong>de</strong> nostalgie du temps où les forestiers, corps habillé <strong>de</strong><br />

l’Etat, contrôlaient les coupes <strong>de</strong> <strong>bois</strong> <strong>et</strong> veillaient à la pérennité <strong>de</strong> la ressource, mais <strong>au</strong>ssi<br />

d’amertume d’être un pouvoir local laissé pour compte <strong>de</strong>puis 1991. Les forestiers semblent percevoir,<br />

quelque soit le nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> déconcentration (ou <strong>de</strong> décentralisation), qu’il sera très difficile <strong>de</strong> revenir<br />

sur le principe <strong>de</strong>s agréments entre populations locales <strong>et</strong> l’Etat ou, pourquoi pas, les collectivités<br />

territoriales, en matière <strong>de</strong> coupe <strong>de</strong> <strong>bois</strong>.<br />

En ce qui concerne les pouvoirs coutumiers, rares sont ceux qui refusent absolument que les<br />

populations sur lesquelles ils ont <strong>au</strong>torité se lancent dans un commerce qui hypothéquerait les<br />

conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s futures générations (Keita, comm.pers ; H<strong>au</strong>tdidier & G<strong>au</strong>tier, 2005). Dans la<br />

majorité <strong>de</strong>s cas, les <strong>au</strong>torités coutumières s’accommo<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te activité, voire l’organisent ellesmêmes<br />

<strong>et</strong> l’instrumentalisent. Il leur f<strong>au</strong>t une gran<strong>de</strong> volonté pour lutter contre l’utilisation <strong>de</strong> terres<br />

marginales, par <strong>de</strong>s groupes soci<strong>au</strong>x le plus souvent margin<strong>au</strong>x, activité qui <strong>de</strong> plus –<strong>et</strong> c’est important<br />

<strong>de</strong> le souligner- n’enlève rien <strong>au</strong>x nantis du village (sinon, elle <strong>au</strong>rait été probablement interdite ou<br />

davantage réprimée). En revanche, elle est un instrument <strong>de</strong> pouvoir sur les hommes <strong>et</strong> sur les espaces.<br />

Pour toutes ces raisons, il est difficile d’imaginer que l’Etat revienne sur l’idée d’un agrément entre lui<br />

<strong>et</strong> les populations locales pour la coupe <strong>de</strong> <strong>bois</strong>.<br />

7 Il y a dans ce jugement, le plus souvent, un double message : à l’adresse <strong>de</strong>s populations locales : « vous êtes <strong>de</strong>s<br />

analphabètes, vous ne pouvez pas vous occuper vous-mêmes <strong>de</strong> la gestion durable <strong>de</strong> vos ressources <strong>et</strong> il f<strong>au</strong>t que les<br />

techniciens reprennent en main c<strong>et</strong>te gestion » ; mais également, à l’adresse <strong>de</strong>s bailleurs pour lesquels la formation est<br />

actuellement une marotte « ces villageois ont besoin d’instruction. Nous sommes prêts, moyennant finance, à assurer leur<br />

formation ». C<strong>et</strong>te volonté <strong>de</strong> reprise en main a également été observée par Ribot dans les discours <strong>et</strong> pratiques d’<strong>au</strong>tres<br />

administrations forestières <strong>de</strong> la sous-région (Ribot, 2001)<br />

Colloque international “Les frontières <strong>de</strong> la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006<br />

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