23.06.2013 Views

Art et technique - Centre Pompidou

Art et technique - Centre Pompidou

Art et technique - Centre Pompidou

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Centre</strong> <strong>Pompidou</strong> / Dossiers pédagogiques / <strong>Art</strong> <strong>et</strong> philosophie : ART ET TECHNIQUE. CHOIX DE TEXTES ET PARCOURS<br />

L'ART ÉPUISE SES PROPRES TECHNIQUES<br />

L'art ne suspend pas la <strong>technique</strong>, il l'épuise. C’est particulièrement vrai de l'art moderne qui<br />

invite à s’accorder au « postulat rimbaldien de la conscience la plus avant-gardiste d'un art<br />

dans lequel les procédures <strong>technique</strong>s les plus avancées <strong>et</strong> les plus différenciées<br />

s'interpénètrent avec les expériences elles-mêmes les plus à l'avant-garde <strong>et</strong> les plus<br />

diversifiées ». (p.59)<br />

L'art mobilise la <strong>technique</strong> pour parvenir à la maîtrise formelle des œuvres produites mais,<br />

correction essentielle, « il [la] mobilise […] beaucoup plus dans un sens opposé que ne le fait<br />

la domination ». (p.85) En poussant à l'extrême la structuration formelle de ses productions,<br />

l'artiste r<strong>et</strong>ourne contre elle-même la tendance de toute <strong>technique</strong> à nier le divers au profit de<br />

l'unité, l'hétérogène au profit de l'homogène, le sensible au profit de l'intelligible. C'est là un<br />

véritable « tour de force » (p.154), comparable à celui de l'équilibriste. Comme au cirque, il<br />

s'agit de « vaincre la pesanteur ». (p.259).<br />

Le « faire » de l'art est alors un effort unique (p.187) pour mimer (= épouser) l'hétérogénéité<br />

vivante de la nature qui, en un sens, n'est plus (puisque la nature a été soumise au travail de<br />

la domination). Et c<strong>et</strong> effort est essentiellement négatif puisqu’il s'agit de r<strong>et</strong>ourner tout ce<br />

par quoi la <strong>technique</strong> dominatrice soum<strong>et</strong> la nature <strong>et</strong>, dans les brisures <strong>et</strong> les éclats de ce<br />

r<strong>et</strong>ournement, de donner l'image de ce qui, à nouveau, devrait être.<br />

L’ART EST ACCOMPLISSEMENT DE LA TECHNIQUE<br />

Pierre Soulages, Peinture 260 x 202 cm, 19 juin 1963<br />

Huile sur toile<br />

Don de l'artiste par l'intermédiaire de la Société des amis du Musée<br />

national d'art moderne, 1967 - AM 4409 P<br />

<strong>Centre</strong> <strong>Pompidou</strong>, MNAM-CCI/Dist. RMN-GP - © Adagp, Paris<br />

L'art est enfoncement dans la <strong>technique</strong> jusqu'au point où<br />

elle ne peut pas aller plus loin dans l'unification du sensible<br />

qu'en réclamant sa propre négation. L'accomplissement de<br />

la <strong>technique</strong> est sa mort même. Alors, « la totale maîtrise<br />

du matériau <strong>et</strong> le mouvement vers le diffus convergent ».<br />

(p.215) Pour reprendre un mot dont a déjà été souligné<br />

l'importance chez Adorno, l'art est « absorption de[s]<br />

<strong>technique</strong>s » (p.268) qui lui sont données, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />

absorption consiste à les porter au point le plus élevé, celui<br />

où seule leur négation, contradictoirement, les accomplit.<br />

Nous pouvons en conclure que l'art est accomplissement de la <strong>technique</strong> dans son<br />

exhaustion même <strong>et</strong>, contre l'hypothèse du génie, que plus l'artiste pousse la <strong>technique</strong> à<br />

son comble, plus il ouvre sur l'inattendu.<br />

Le progrès de l'art en tant que « faire » <strong>et</strong> le scepticisme qui s'y attache se<br />

répondent l'un <strong>et</strong> l'autre ; en fait, ce progrès s'accompagne de la tendance au nonvolontaire<br />

absolu qui va de l'écriture automatique d'il y a cinquante ans au tachisme<br />

<strong>et</strong> à la musique aléatoire d'aujourd'hui ; c'est avec raison que l'on constate la<br />

convergence de l'œuvre d'art intégralement <strong>technique</strong> <strong>et</strong> totalement fabriquée avec<br />

l'œuvre absolument fortuite. En eff<strong>et</strong>, ce qui semble non élaboré l'est à plus forte<br />

raison.<br />

Théorie esthétique, p.50<br />

……………………………………………………………………………………………………….. 22

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!