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Denisa-Adriana OPREA, Ethique au féminin et postmoderne du vide ...

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fantasmagorie marchande, le r<strong>et</strong>our <strong>du</strong> “toujours-le-même”» (Nouss, 1995: 103).<br />

Dans ces conditions, l’indivi<strong>du</strong> erre dans un monde de signes <strong>vide</strong>s,<br />

dominé par des non-lieux (Augé: 1992). Il s’agit des espaces non identitaires, non<br />

relationnels <strong>et</strong> non historiques, qui n’intègrent plus les lieux anciens. Répertoriés,<br />

classés <strong>et</strong> promus «lieux de mémoire», ces derniers sont transformés en spectacle<br />

spécifique, tout comme les exotismes <strong>et</strong> les particularismes loc<strong>au</strong>x. En étroite<br />

liaison avec la logique des simulacres <strong>et</strong> des images, figurent l’importance <strong>du</strong><br />

décor, <strong>du</strong> kitsch <strong>et</strong> <strong>du</strong> donné-à-voir (Robin, 1993: 10).<br />

Dans le même ordre d’idées, vu la fracture de la société disciplinaire <strong>et</strong> le<br />

désengagement de l’État en tant qu’instance régulatrice <strong>et</strong> d’<strong>au</strong>torité, l’<strong>au</strong>tonomie <strong>et</strong><br />

le processus de personnalisation promus par le proj<strong>et</strong> moderne débouchent sur un<br />

«relativisme effréné» (Lipov<strong>et</strong>sky <strong>et</strong> Charles, 2004: 51) <strong>et</strong> sur un indivi<strong>du</strong>alisme<br />

exagéré. Ce dernier se caractérise par le rej<strong>et</strong> de tout proj<strong>et</strong> mobilisateur <strong>et</strong> par<br />

l’abandon à l’hédonisme <strong>et</strong> <strong>au</strong> consumérisme. Dans ces conditions, les Idé<strong>au</strong>x <strong>et</strong> les<br />

Valeurs ne peuvent que décliner. Les structures traditionnelles de sens <strong>et</strong> les<br />

discours idéologiques deviennent des obj<strong>et</strong>s de la consommation de masse. Ce qui<br />

compte, ce sont la quête de l’ego <strong>et</strong> de son intérêt propre, <strong>au</strong> même titre que<br />

«l’extase de la libération “personnelle”» (Lipov<strong>et</strong>sky, 1983: 15).<br />

Le monde <strong>postmoderne</strong> apparaît donc comme désubstantialisé <strong>et</strong><br />

désenchanté. Cela engendre la déstabilisation <strong>du</strong> moi <strong>et</strong> le sentiment d’une<br />

insécurité permanente. À la longue, l’<strong>au</strong>tonomie absolue s’avère éprouvante <strong>et</strong><br />

l’indivi<strong>du</strong> en vient <strong>au</strong>x prises avec la «fatigue d’être soi» (Ehrenberg: 1998). Ayant<br />

échappé à la logique de l’avancement linéaire vers un avenir nécessairement<br />

meilleur, l’humanité atomisée se v<strong>au</strong>tre dans un présent amnésique <strong>et</strong> immatériel.<br />

Comment le suj<strong>et</strong> <strong>féminin</strong> <strong>et</strong>, <strong>au</strong> sens plus large, le féminisme<br />

s’accommodent-ils de ce visage sombre <strong>du</strong> postmodernisme? En règle générale, les<br />

théoriciennes féministes s’en prennent <strong>au</strong> manque d’éthique <strong>et</strong> à la vision nihiliste<br />

<strong>du</strong> <strong>postmoderne</strong> <strong>du</strong> <strong>vide</strong>. Nicole Brossard va même jusqu’à parler d’une<br />

postmodernité masculine, «un désastre, une défaite de la pensée, un désespoir<br />

profond» (Brossard, dans Fortier, 1991-1992: 39), <strong>et</strong> d’une postmodernité <strong>féminin</strong>e,<br />

qui signifie «une pensée nouvelle […], un recommencement […], de l’espoir»<br />

(Brossard, dans Fortier, 1991-1992: 39). Pour sa part, Louise Cotnoir nie tout<br />

rapprochement possible entre le postmodernisme <strong>et</strong> le féminisme. Elle considère le<br />

premier comme étant «l’ultime expression d’une pulsion suicidaire <strong>et</strong> d’une<br />

complaisance morbide» (Cotnoir, 1988: 161). Les féministes récusent également la<br />

disparition de l’idéal, <strong>du</strong> référent <strong>et</strong> de la possibilité d’une expérience consciente,<br />

concrète, <strong>du</strong> monde. Le propre de la pensée <strong>au</strong> <strong>féminin</strong> est justement l’ancrage dans<br />

ce que Louise Dupré appelle l’existentiel, voire «la réalité des femmes avec leur<br />

quotidien, leur souffrance, la folie, la maternité, l’amour, le rêve, l’espoir» (Dupré,<br />

1988: 35). De ce point de vue, l’avènement des simulacres <strong>et</strong> la mort <strong>du</strong> référent<br />

peuvent apparaître comme une «<strong>au</strong>tre ruse compliquée» (Jardine, 1985: 175) de<br />

l’Homme. En pleine crise de légitimation, celui-ci entend donner à son<br />

désabusement <strong>et</strong> à son désenchantement la portée de traits spécifiques <strong>du</strong> monde de<br />

la fin <strong>du</strong> millénaire. Or, il se peut que la gynésis (Jardine: 1985) informe le<br />

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