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Denisa-Adriana OPREA, Ethique au féminin et postmoderne du vide ...

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vers San Jose. Route 101. Sur une affiche de cigar<strong>et</strong>tes: Alive with pleasure. Une<br />

dernière fois l’océan Pacifique, le pont de San Rafael à l’horizon <strong>et</strong> les formes<br />

incroyablement douces des collines brûlées <strong>du</strong> comté de San Mateo. San Francisco<br />

Airport. Airport Parking. Travelodge. Park, Fly, Arrivals, Departures. Choix<br />

binaires, menant <strong>au</strong> défilé des compagnies aériennes. United Airlines, Western<br />

Airlines, Air Canada» (CC: 183-184; en italique <strong>et</strong> en anglais dans le texte).<br />

Le voyage identitaire de Claire Dubé finit à la même place où il avait<br />

commencé, c’est-à-dire dans un aéroport. Dans l’existence de la jeune femme,<br />

l’expérience californienne est ainsi enclavée. Si elle n’a pas pour l’essentiel présidé à<br />

la transformation ou <strong>au</strong> changement <strong>du</strong> personnage, elle lui a permis en revanche de<br />

vérifier la permanence de certaines valeurs personnelles: le respect de l’<strong>au</strong>tre,<br />

l’amour, la mémoire, l’attachement à une place. S’éloigner de soi <strong>et</strong> de chez soi, cela<br />

perm<strong>et</strong> d’échapper à l’enlisement dans la médiocrité <strong>du</strong> connu <strong>et</strong> <strong>du</strong> statu quo, mais<br />

également de mieux se r<strong>et</strong>rouver: «Ainsi f<strong>au</strong>t-il se déplacer pour se r<strong>et</strong>rouver. Choisir<br />

de rentrer. Et chaque fois que nous partons, c’est notre désir de revenir, notre désir<br />

tout court, que nous m<strong>et</strong>tons à l’épreuve…» (CC: 185). Pour le personnage de LaRue,<br />

la déterritorialisation spécifique <strong>du</strong> nomade <strong>postmoderne</strong> n’a de sens que si elle<br />

débouche sur la r<strong>et</strong>erritorialisation, <strong>au</strong>trement dit, sur la confirmation des liens qui<br />

l’attachent à un lieu identitaire, relationnel <strong>et</strong> porteur de mémoire.<br />

1 Syntagme que nous forgeons d’après «l’ère <strong>du</strong> <strong>vide</strong>», de Gilles Lipov<strong>et</strong>sky (1983). Il<br />

convient, avec A. Nouss, d’appeler <strong>postmoderne</strong> «l’ensemble des phénomènes qui<br />

échappent <strong>au</strong>x grilles modernes d’interprétation ou d’explication […] <strong>et</strong> de désigner par<br />

“postmodernité” leur émergence (sociale, politique, historique) à l’époque contemporaine,<br />

par “postmodernisme” leur manifestation sous la forme d’une pratique esthétique <strong>et</strong><br />

spéculative. Reconnaître donc que quelque chose est dans l’air <strong>du</strong> temps, qu’un spectre hante<br />

notre culture, <strong>et</strong> qu’il nous incombe de l’analyser. […] Faire ainsi <strong>du</strong> <strong>postmoderne</strong> un<br />

symptôme <strong>et</strong> non une identité ou une catégorie, symptôme qui révèle des développements<br />

dans le champ sociohistorique ou dans le champ esthético-spéculatif, à prendre en charge par<br />

la réflexion» (Nouss, 2001: 498).<br />

2 Dorénavant CC.<br />

3 Le roman exploite le topos <strong>du</strong> voyage identitaire. Il m<strong>et</strong> en scène Claire Dubé, une<br />

Québécoise mère d’un p<strong>et</strong>it enfant, qui accompagne son mari pour un stage de recherche en<br />

linguistique à l’Université de Californie à Berkeley. À San Francisco, ils se font louer une<br />

maison par Ron O’Doorsey <strong>et</strong> sa sœur, Brigid, des personnages exaltés, détraqués. À la suite<br />

<strong>du</strong> départ précipité de son mari pour Montréal, Claire Dubé doit récupérer une plaqu<strong>et</strong>te<br />

appartenant à celui-ci <strong>et</strong> contenant un logiciel de tra<strong>du</strong>ction <strong>au</strong>tomatique. Elle est attirée<br />

contre son gré dans une sorte d’intrigue policière à rebours, où elle croise les personnages <strong>du</strong><br />

F<strong>au</strong>con maltais de Dashiell Hamm<strong>et</strong>t transformés en p<strong>et</strong>its f<strong>au</strong>ssaires de l’informatique. Elle<br />

engage également une aventure amoureuse avec l’ingénieur Diran Zarian, le mari de Brigid.<br />

4 Aux dires de G. Bachelard, «[l]a maison est une des plus grandes puissances d’intégration<br />

pour les pensées, les souvenirs <strong>et</strong> les rêves de l’homme» (Bachelard, 1957: 26).<br />

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