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Denisa-Adriana OPREA, Ethique au féminin et postmoderne du vide ...

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ythme collectifs. Derrière chaque fenêtre d’invisibles yeux électroniques observaient,<br />

photographiaient, enregistraient. Parasols <strong>et</strong> chaises disposées en rond sur des patios<br />

éblouissants, <strong>au</strong>tour de piscines turquoise <strong>au</strong>x formes irrégulières. C<strong>et</strong>te clarté faisait<br />

penser <strong>au</strong>x toiles de David Hockney» (CC: 28).<br />

Régi par la «[l]ogique» <strong>du</strong> «[n]oir ou blanc» (CC: 29) ou, <strong>au</strong>trement dit,<br />

par sa prévisibilité extrême, par son partage inexorable entre «[s]ix mois de pluie <strong>et</strong><br />

six mois de soleil» (CC: 29) le «fameux climat» (CC: 29) contribue également à la<br />

dématérialisation de l’espace californien. Loin de donner l’impression de stabilité, il<br />

calcine, érode la réalité. Il prive êtres, obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> événements de leur épaisseur même:<br />

«Nous sommes restés un moment, Vasseur <strong>et</strong> moi, à contempler sans rien dire la<br />

rue, silencieuse <strong>et</strong> désertique. O’Doorsey était-il venu, avait-il réellement vidé la<br />

bouteille de whisky, était-il reparti sans dire <strong>au</strong> revoir? Peu à peu, sous ce soleil<br />

aveuglant, on <strong>au</strong>rait pu en douter» (CC: 24).<br />

Par opposition à la ville <strong>postmoderne</strong> qu’est San Francisco, apparaît la ville<br />

de Montréal. De fait, comme le signale pertinemment Robert Dion, le sens <strong>du</strong><br />

déplacement en Californie de Claire Dubé est véritablement donné par «l’idée <strong>du</strong><br />

r<strong>et</strong>our» (Dion, 2003: 36) à Montréal. Le personnage sort de soi <strong>et</strong> de son espace<br />

familier pour mieux y revenir. La nostalgie <strong>et</strong> l’appel de l’espace des racines<br />

intro<strong>du</strong>isent dans le texte une polarisation spatiale, opposant métropole californienne<br />

<strong>et</strong> ville québécoise. À la différence de San Francisco, Montréal connote à la fois<br />

précarité <strong>et</strong> stabilité, changement <strong>et</strong> persistance. Elle donne le sentiment de<br />

l’appartenance <strong>et</strong> crée une centralité par rapport à la déterritorialisation <strong>et</strong> à la<br />

dispersion spatiale californienne. Loin de l’apparence atemporelle, lisse <strong>et</strong> iréelle<br />

comme une couverture de magazine, de San Francisco, elle a une «be<strong>au</strong>té […]<br />

désespérée» (CC: 126), mouvante <strong>et</strong> mouvementée, profondément humaine. Ses<br />

bâtiments <strong>et</strong> ses rues s’inscrivent dans la <strong>du</strong>rée, sont porteurs de mémoire: «[J]e ne<br />

voyais que des maisons <strong>au</strong>x crépis roses, m<strong>au</strong>ves, vert pâle, quelque part dans un<br />

quartier cossu non loin des zigzags de la rue Lombard. Je ne voyais que des cerisiers<br />

japonais, des palmiers de Floride, des fleurs <strong>au</strong>x couleurs éclatantes <strong>et</strong> des cactus dont<br />

je ne connaîtrait jamais les noms. Montréal me paraissait soudain si loin. Inaccessible.<br />

Comme <strong>au</strong> bout d’un télescope. À Montréal, je marcherais bientôt dans les rues<br />

comme dans mon propre cerve<strong>au</strong>. Je voyais la rue Ontario quand elle croise la rue<br />

Amherst. Les maisons de brique rouge où se f<strong>au</strong>file l’ombre des parents. Les<br />

immeubles incendiés, les murs aveugles, le vieux tunnel Wellington. Les traces<br />

impudiques de la vie venant à peine de quitter les immeubles éventrés, dévoilant<br />

quelque temps encore la couleur des intérieurs, les escaliers inutiles comme ceux d’un<br />

décor, quand le théâtre est désert <strong>et</strong> que l’on imagine encore les silhou<strong>et</strong>tes parties<br />

vers quelque morte banlieue. Les écoles placardées, les rest<strong>au</strong>rants qui changent de<br />

nom, s’adaptent <strong>au</strong>x nouvelles clientèles. Les commerces se recyclant. C<strong>et</strong>te<br />

incroyable résistance de Montréal à se figer dans la moindre tradition qui fait <strong>au</strong>ssi sa<br />

be<strong>au</strong>té, désespérée, certains soirs de février où les citoyens tiennent absolument à<br />

s’habiller comme à Rio, comme à Nice, comme à Miami» (CC: 125-126).<br />

En Californie, le personnage <strong>féminin</strong> s’accommode mal d’un horizon<br />

ontologique régi par le «here and now» (CC: 130; en anglais <strong>et</strong> en italique dans le<br />

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