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Sanda-Maria ARDELEANU Nicoleta MOROŞAN IMAGINAIRE ...

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<strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong> <strong>ARDELEANU</strong><br />

<strong>Nicoleta</strong> <strong>MOROŞAN</strong><br />

<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

(Note de curs)<br />

_____________________________________________________________________<br />

SOMMAIRE<br />

ARGUMENT<br />

1. Perspective de recherche linguistique 3<br />

2. Hypothèse de travail 3<br />

3. Objectifs envisagés<br />

4. Bibliographie 4<br />

5. Evaluation: corpus, enquête et analyse systémique 5<br />

CHAPITRE I<br />

Qu’est-ce que la sociolinguistique ? 6<br />

I. 1. Points de repère 6<br />

I. 1. a. Résumé 7<br />

I. 1. b. Test de validité 8<br />

CHAPITRE II<br />

Eléments méthodologiques de recherche en sociolinguistique :<br />

LE CORPUS ET L’ENQUETE 9<br />

II. 1. Le corpus – pertinence générale 10<br />

II. 2. Analyse contrastive des éléments supposés par une enquête 11<br />

II. 2. 1. Structure binaire des possibles media comportés par 11<br />

I. 2. 1. 1. a. Résumé 13<br />

II.2. 1. 1. b. Test de validité 14<br />

II. 2. 2. Atouts et failles de l’entretien par rapport au questionnaire 14<br />

II. 2. 2. 1. Degrés de liberté supposés par l’entretien par rapport au questionnaire<br />

15<br />

II. 2. 2. 2. Suggestions pour des corpus personnels 18<br />

II. 2. 2. 3. Le roumain vu depuis la France à la fin du XX-e siècle 19<br />

II. 2. 2. a. Résumé 26<br />

II. 2. 2. b . Test de validité 26<br />

1


CHAPITRE III<br />

Dynamique linguistique et Norme : le système normatif de l’Imaginaire<br />

Linguistique 27<br />

III. 1. Genèse du concept et de la théorie de l’Imaginaire Linguistique 27<br />

III. 2. Définition 29<br />

III. 3. Dynamique linguistique et norme 29<br />

III. 4. Le système normatif de L’Imaginaire Linguistique 33<br />

III. 5. La réalité d’un concept : L’Unes langue 37<br />

III. a. Résumé 39<br />

III. b. Test de validité 40<br />

CHAPITRE IV<br />

Analyse systémique : L’Imaginaire Linguistique et l’interaction<br />

sujet/discours/dynamique linguistique 41<br />

IV. 1. Argumentaire d’une étude – investigation sur les écrits de Marin Preda 42<br />

IV. 2. L’importance de la parole, du mot chez Marin Preda 43<br />

IV. 3. Les romans de Preda et le “plaisir du langage” 44<br />

IV. 4. Etude sur l’Imaginaire Linguistique dans Morometii (Les Moromete) de<br />

Marin Preda 45<br />

IV.4. 1. Repères théoriques et méthodologiques 44<br />

IV.4. 2. A la recherche des normes linguistiques 45<br />

IV. a. Résumé 50<br />

IV. b. Test de validité 50<br />

ANNEXES<br />

A. Sous-corpus avec des éléments d’ordre phonétique, morphologique et<br />

syntaxiques propres à la variété de langue parlée décrite 51<br />

B. Sous-corpus avec des lexèmes et structures devenus des indices de<br />

l’appartenance politique (ou vers la langue de bois) 52<br />

C. Sous-corpus avec des mots inventés 53<br />

D. Sous-corpus illustrant la formation des noms propres à partir de surnoms 54<br />

E. Sous-corpus avec des figures du langage 55<br />

F. Sous-corpus avec de jugements évaluatifs sur le langage, la langue et l’unes<br />

langue 56<br />

G. Sous-corpus avec des appréciations sur la qualité de la langue 57<br />

H. Sous-corpus avec des précisions (clarifications) d’ordre sémantique 59<br />

I. Sous-corpus illustrant le « langage silencieux » 60<br />

J. Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot dans la narration 61<br />

K. Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot dans la définition des<br />

attitudes et des comportements des sujets parlants du deuxième degré 62<br />

REPERES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

2


ARGUMENT<br />

1. PERSPECTIVE DE RECHERCHE LINGUISTIQUE<br />

Les êtres humains ne parlent pas tous de la même manière. Tout en obéissant en<br />

grand à une norme générale, qui dresse le contour d’une langue standard, nous avons<br />

chacun notre façon de nous exprimer, qui, des fois, suppose un écart à La Norme. Ce<br />

faisant nous sommes, d’une part, conditionnés par des faits extralinguistiques tels la<br />

classe sociale, la profession, l’âge, le sexe, mais d’autre part, nous réjouissons aussi<br />

d’une certaine liberté d’opérer un choix parmi la multitude des formulations possibles<br />

lors de l’expression de nos pensées. L’actualisation des mots et puis leur agencement<br />

dans des syntagmes est à notre volonté. La sociolinguistique est un domaine linguistique<br />

qui s’occupe de la description de la langue employée par des sujets parlants, sujets qui<br />

se regroupent dans des communautés linguistiques selon les facteurs extralinguistiques<br />

qui leur sont communs. D’où il résulte que l’univers linguistique d’un sujet parlant a<br />

une double nature, autant prévisible qu’imprévisible. Le mélange de proportions<br />

différentes engendre l’imaginaire (voire linguistique) d’un sujet qui, bien<br />

qu’appartenant à tel groupe, selon des critères sociaux, peut s’en différencier en utilisant<br />

à son gré des éléments linguistiques apparemment appropriés à tel ou tel autre groupe.<br />

2. HYPOTHÈSE DE TRAVAIL<br />

Ayant comme point de repère le concept de communauté sociolinguistique et<br />

ensuite celui d’imaginaire linguistique conformément auxquels chaque sujet parlant<br />

exprime ses pensées d’une manière qui, tout en obéissant plus ou moins à la norme, est<br />

propre à plusieurs sujets qui partagent le même statut, ou qui sont conditionnés par les<br />

mêmes éléments, nous allons vous proposer, avec Anne-Marie Houdebine des<br />

instruments méthodologiques qui assurent la pertinence de toute analyse linguistique. Il<br />

s’agit du corpus et de l’enquête linguistique. La démarche proposée se réalisera donc<br />

dans deux temps, à savoir :<br />

1) l’identification de l’influence des facteurs extralinguistiques (la classe<br />

sociale, la profession, l’ âge, le sexe) sur l’univers linguistique du sujet<br />

parlant ;<br />

2) la décomposition et par la suite la recomposition de l’imaginaire linguistique<br />

du même sujet parlant.<br />

L’investigation se fera à travers un corpus de textes et suite à une enquête<br />

linguistique.<br />

3


3. OBJECTIFS ENVISAGÉS<br />

Notre cours se propose d’inciter son lecteur à réfléchir sur sa manière de<br />

s’exprimer, de parler ainsi que de se rendre compte, par la suite, des ressemblances qui<br />

le font adhérer à un groupe ou bien des différences qui le distinguent d’un autre.<br />

Nous avons aussi l’intention d’amener le public de ce cours à remarquer<br />

l’opposition norme/usage qui finalement nous conduit à la conclusion que la langue<br />

n’est pas régie uniquement par une seule norme, mais par plusieurs normes qui<br />

coexistent. (v. le Tableau des normes de l’Imaginaire Linguistique d’Anne-Marie<br />

Houdebine).<br />

La sensibilisation du public au sujet de l’imaginaire linguistique propre à tout<br />

locuteur aura lieu à base de corpus et d’enquête linguistique. Pour ce faire, un autre<br />

objectif du cours est d’induire chez son public la rigueur et l’utilisation optimale des<br />

moyens qui permettent la conscientisation de l’idiosyncrasie langagière.<br />

Finalement, après une présentation théorique des concepts sus-mentionnés, le<br />

cours offre à son public un exemple concret de constitution de corpus et d’investigation<br />

sociolinguistique.<br />

4. BIBLIOGRAPHIE<br />

La bibliographie doit contenir autant une bibliographie de référence pour la<br />

constitution d’un corpus à base de recueil de textes, qu’une bibliographie critique où<br />

l’on puise les concepts au moyen desquels on effectue l’analyse linguistique. Nous<br />

tenons pour obligatoire :<br />

1. <strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1995, Repere în dinamica studiilor pe text. De la o<br />

Gramatica Narativă (GN) către un model de Investigaţie Textuală (IT), Editura<br />

Didactică si Pedagogică, Bucureşti.<br />

2. <strong>ARDELEANU</strong>, <strong>Sanda</strong>-<strong>Maria</strong>, 1996, L'Imaginaire linguistique -sa théorie, în Analele<br />

Universitaţii “Ştefan cel Mare ", Suceava.<br />

3. BAYLON, Christian, FABRE, Paul : Initiation à la linguistique, 1999, Nathan, Paris.<br />

4. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1982, « Norme, imaginaire linguistique et<br />

phonologie du français contemporain ». La norme, concept sociolinguistique, Le<br />

Français moderne, 1, Paris, Cilf, pp. 42-51.<br />

5. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1983, Sur les traces de l'Imaginaire<br />

Linguistique, dans Parlers masculins, parlers féminins, Delachaux -Niestlé, Paris.<br />

6. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1985, Pour une linguistique synchronique<br />

dynamique, La Linguistique, vol. 21, PUF, Paris.<br />

7. HOUDEBINE-GRAVAUD, Anne-Marie, 1995, «L'unes langue », ELOY, J .-M.,<br />

(ed), La qualité de la langue, le cas de français, Paris, Champion, Politique linguistique,<br />

pp. 95-121.<br />

4


8. LABOV, W., 1976, Sociolinguistique, Minuit, Paris.<br />

•<br />

•<br />

•<br />

5. EVALUATION : CORPUS, ENQUETE ET ANALYSE<br />

SYSTEMIQUE<br />

Dossier individuel ou collectif avec des parties obligatoirement individuelles<br />

(constitution du corpus)<br />

Les dossiers sont à remettre la première semaine de la pré- session<br />

d’examens<br />

Plan du dossier :<br />

1. Présentation du corpus, des critères de pertinence mis en oeuvre, de<br />

l’hypothèse de travail<br />

2. Analyse du corpus dans la perspective de l’Imaginaire Linguistique<br />

3. Conclusions<br />

5


CHAPITRE I<br />

QU’EST-CE QUE LA SOCIOLINGUISTIQUE ?<br />

La langue ne constitue pas une entité figée grâce à laquelle on nomme la<br />

réalité. De par cette nature qui lui est propre, de nommer la réalité, elle change en<br />

même temps que celle-ci. Mais la transformation n’a pas lieu uniquement avec le<br />

passage du temps, en diachronie mais aussi en synchronie, de par la coexistence de<br />

plusieurs strates.<br />

C’est la raison pour laquelle au même moment sur l’axe du temps les sujets<br />

parlants d’une langue se distinguent l’un de l’autre selon le choix qu’ils opèrent<br />

dans le matériel linguistique dont ils se servent pour s’exprimer.<br />

I. 1. POINTS DE REPERE<br />

Tout comme les constituants de ce nom composé l’indiquent, la<br />

sociolinguistique désigne un domaine dans l’analyse de la langue. La relation qui<br />

réunit ces deux radicaux, socio + linguistique est une relation de subordination, où<br />

socio remplit une fonction restrictive face au terrain vaste de la linguistique générale.<br />

Ainsi cette relation rétrécit-elle le domaine d’analyse d’une langue aux influences<br />

subies par celle-ci de la part d’un facteur extralinguistique, à savoir la société.<br />

Nous parlerons donc d’un domaine situé à la confluence entre la présentation<br />

descriptive et formelle d’une langue - envisagée comme code unique - et la société qui<br />

emploie cette langue en tant qu’instrument de communication.<br />

Nous avons à faire à une étude de nature interdisciplinaire, parue en 1960 aux<br />

Etats Unis grâce aux travaux de William Labov. Son objet est constitué par la variation<br />

corrélative systématique de la structure d’une langue avec la structure de la<br />

communauté qui l’emploie.(cf. A.B.Vranceanu, 2001 : 490)<br />

Pour plus de précision, la société est constituée par des sujets réunis dans un<br />

ensemble grâce à des liens durables et organisés, en vue d’un intérêt général. Comme<br />

nous pouvons remarquer dans cette définition, mettre en oeuvre l’intérêt général<br />

suppose “ des liens durables et organisés ” entre les membres du groupe social en<br />

question, ce qui, à son tour, entraîne la présence de la communication entre les<br />

membres respectifs. Mais il y a là un processus cyclique, clos sur lui-même, car la<br />

communication sociale entre les sujets parlants, pour pouvoir perdurer et dépasser le<br />

stade des variations individuelles permises en fonction de la personnalité de chacun,<br />

doit obéir, à un premier degré, à une norme. Pour pouvoir opérer l’identification des<br />

sujets au groupe social dont ils font partie, elle doit obéir à certains écarts de la norme,<br />

à certaines conventions. Conventions qui à leur tour sont sujettes à la variation en<br />

fonction des changements dans la vie de la société. Et l’interaction entre la langue et<br />

ces conventions fait l’objet de la sociolinguistique.<br />

Les personnes partageant la même profession feront souvent appel à des<br />

6


structures linguistiques relevant de l’appelation des aspects supposés par le métier en<br />

question. On parlera alors d’un jargon ou technolecte.<br />

Ensuite la langue véhiculée par un sujet est sujette à son sexe, à sa localisation<br />

géographique, (ce qui fait l’objet de la géolinguistique) et au registre de discours. Tous<br />

ces quatre facteurs sont appelés aussi des variables extralinguistiques.<br />

Tous ces facteurs créent le contexte de la communication, c’est-à-dire<br />

“l’ensemble des éléments situationnels, extralinguistiques, au sein desquels se situe<br />

l’acte d’énonciation de la séquence linguistique”.(C.Baylon, P. Fabre, 1999 : 194). A<br />

l’intérieur de ce contexte on parle d’éthnographie de la communication qui “s’intéresse<br />

à la manière dont les éléments linguistiques s’organisent dans le cadre d’un échange de<br />

manière à créer un contexte de communication”(G. Siouffi, D.Van Raemdonck, 1999 :<br />

36).<br />

Comme nous avons déjà anticipé, le concept clé de la sociolinguistique de<br />

Labov est la variation qui puise son essence dans les quatre variables. Nous<br />

inventorierons alors une variation sociale qui exprime la stratification sociale d’une<br />

variable linguistique et une variation stylistique qui apparaît avec le changement des<br />

registres de discours ( du formel au familier) par le même locuteur. (O. Ducrot, J.M.<br />

Schaeffer, 1996 : 97).<br />

La sociolinguistique ne fait qu’entériner l’idée que la langue est en perpetuel<br />

changement, puisque la réalité extralinguistique se transforme, la langue suit le rythme,<br />

en s’y adaptant.<br />

A part la sociolinguistique variationniste de Labov, il y a aussi comme sous<br />

branches l’ethnographie de la communication et la sociolinguistique interactionnelle.<br />

L’ethnographie de la communication analyse, comparativement, les événements<br />

linguistiques propres à chaque société et à chaque culture.<br />

II. 1. a. Résumé<br />

La sociolinguistique représente la présentation descriptive et formelle d’une<br />

langue en tenant compte de la manière dont les facteurs extralinguistiques exercent leur<br />

influence sur la langue employée par le sujet parlant. Elle ne travaille pas avec « des<br />

énoncés idéaux », réalisés selon les normes imposées par la description normative d’une<br />

langue, mais avec des énoncésdéjà produits dans l’activité langagière. Les facteurs<br />

extralinguistiques qui influent sur la langue employée par un sujet parlant sont : la<br />

classe sociale, la profession, le sexe, la localisation géographique. L’unité minimale qui<br />

sous-tend la sociolinguistique est le concept de variation de la langue qui dépend des<br />

quatre variables sus-mentionnées.<br />

En conclusion, la langue, parlée au sein de la société, est conditionnée par les<br />

facteurs inhérents à la société.<br />

7


II. 1. b. Test de validité<br />

1) Délimitez le champ de la sociolinguistique dans le cadre de la linguistique générale.<br />

2) Définissez le concept clé qui étaye la sociolinguistique de William Labov.<br />

3) Quels sont les facteurs extralinguistiques qui influent sur la langue employée par un<br />

sujet parlant ?<br />

4) En vous prenant vous-mêmes comme objet d’observation, pouvez-vous désigner la<br />

manière dont les facteurs extralinguistiques conditionnent votre choix d’expression<br />

linguistique ?<br />

8


CHAPITRE II<br />

ELÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES DE RECHERCHE EN<br />

SOCIOLINGUISTIQUE : LE CORPUS ET L’ENQUETE<br />

L’enquête sociolinguistique est une méthode, un ensemble de stratégies,<br />

donc, déployées par le chercheur en vue de recueillir des données linguistiques<br />

chez les sujets parlants afin de les analyser dans le cadre de la sociolinguistique.<br />

Elle représente un processus à trois volets, impliquant deux pôles, l’instance<br />

déclenchatrice de messages et ultérieurement réceptrice des messages en question<br />

et l’instance émetteuse des messages sollicitées. Nous pourrions parler d’un<br />

mouvement circulaire et non pas uniquement à double sens, bien qu’il ne comporte<br />

en réalité que deux pôles, tant que le premier assume consécutivement une double<br />

nature, celle de provocateur de message et de récepteur du message provoqué.<br />

Nous pouvons visualiser ce processus selon le schéma suivant :<br />

Instance<br />

déclenchatrice<br />

Instance<br />

réceptrice<br />

Instance<br />

productrice<br />

Tableau 1 :<br />

Représentation des instances intervenant dans le cadre d’une enquête<br />

9


II. 1. CORPUS - PERTINENCE GENERALE<br />

Une étape sine qua non dans l’analyse sociolinguistique d’un sujet parlant est<br />

représentée par la constitution d’un corpus pertinent à analyser. Le corpus réside dans<br />

un ensemble fini d’énoncés, composé de textes écrits ou oraux (enregistrés sur la bande<br />

d’un magnétophone), formant un échantillon représentatif pour la langue sujette à la<br />

description homogène en tant qu’étape historique et en tant que variation stylistique et<br />

dialectale. (cf. A. B. Vrinceanu, 2001 : 147)<br />

Ainsi les critères que l’on doit respecter dans la création d’un corpus pour que<br />

celui-ci ne fausse pas notre perception sur l’univers linguistique d’un sujet, sont-ils :<br />

1) représentativité : les énoncés recueillis, qu’ils aient été produits<br />

oralement ou par écrit, doivent être représentatifs pour le sujet qui les<br />

émet, en l’identifiant à un moment donné de son existence. Pour être<br />

pertinents donc, les énoncés doivent être doués de récursivité pour un<br />

univers linguistique, en sorte que la projection des données extraites<br />

après leur analyse soit valide pour la totalité de la langue employée<br />

par un sujet ;<br />

2) homogénéité : pour faire une analyse sociolinguistique comparative<br />

pour plusieurs sujets parlants, le corpus doit être homogène du point<br />

de vue des critères qui ont mené à sa constitution ;<br />

3) cohésion temporelle : les échantillons ainsi formés doivent présenter<br />

une cohésion temporelle, c’est-à-dire être recueillis à un moment T<br />

de l’existence du sujet puisque l’âge constitue un facteur<br />

extralinguistique qui entraîne d’autres, comme le choix d’une<br />

profession et, par conséquent, l’appartenance à une classe sociale, ce<br />

qui influe sur la langue employée ;<br />

4) finitude : avant de procéder à l’analyse sociolinguistique, on doit<br />

avoir un corpus qui appréhende tous les aspects que l’on se doit<br />

d’investiguer ;<br />

5) adéquation : le corpus doit être adapté au but de la recherche.<br />

10


II. 2. ANALYSE CONTRASTIVE DES ELEMENTS<br />

SUPPOSES PAR UNE ENQUETE<br />

Dans le chapitre à suivre nous allons analyser la structure binaire des<br />

possibles media par l’intermédiaire desquels fonctionne une enquête : l’oral et<br />

l’écrit. Nous tracerons les ressemblances et les différences de ces moyens en<br />

fonction des formes d’enquête qu’ils supposent.<br />

Ensuite nous nous attarderons sur les atouts et les failles supposés par les<br />

deux grandes formes d’enquête, le questionnaire et l’entretien. Nous aurons<br />

comme critère d’analyse le degré de liberté d’expression de la part de l’enquêteur<br />

et de l’enquêté.<br />

II. 2. 1. STRUCTURE BINAIRE DES POSSIBLES MEDIA<br />

COMPORTES PAR UNE ENQUETE : L’ORAL /vs/L’ECRIT<br />

L’enquête, puisqu’elle suppose un processus de communication, fait appel à un<br />

medium qui permette l’échange linguistique. Ce medium peut recouvrir, d’une manière<br />

basique, deux formes : l’oral et l’écrit. Dans le cadre de l’écrit nous aurons aussi une<br />

forme hybride, qui combine les deux : l’écrit oralisé. Une troisième forme possible,<br />

considérée comme la plus profitable, associe l’entretien oral et l’enquête écrite.<br />

D’une manière générale, l’oral suppose une plus grande liberté que l’écrit,<br />

puisque impliquant un processus qui se développe linéairement sur l’axe du temps, où<br />

chaque production langagière est sanctionnée, où l’on ne peut plus reculer et effacer ce<br />

que l’on vient de dire. Ayant la pression du temps le sujet est forcé à parler, il a donc<br />

moins de temps pour se censurer, ce qui peut mener à son emportement sur le sujet,<br />

emportement qui devient garant de la sincérité de ses propos et, dans la perspective de la<br />

sociolinguistique, de l’authenticité de l’expression linguistique. L’oral reste sous le<br />

signe de l’axe syntagmatique « où les signes en relation sont présents conjointement<br />

dans la chaîne parlée ».(G. Siouffi, D. Van Raemdonck, 1999 : 88). Un syntagme<br />

entraîne, forcément, un autre, le choix dans la manière d’exprimer une autre pensée<br />

ayant lieu d’opération uniquement mentalement, car une fois avoir fait une remarque le<br />

sujet ne peut plus en effacer le souvenir, au cas où il voudrait la rectifier il lui faudra<br />

produire d’autres énoncés, ce qui ne fait que renchérir sur la spontanéité des propos, et<br />

donc sur l’authenticité de la langue employée. L’oral laisse place à des pauses, à des<br />

réticences dans le choix du mot le plus approprié au contexte, à des reprises de la même<br />

idée dans plusieurs syntagmes qui correspondent dans l’esprit du sujet enquêté de mieux<br />

en mieux à sa pensée.<br />

L’écrit, par contre, se trouve sous l’incidence de l’axe paradigmatique qui, dans<br />

un sens récent désigne « l’ensemble des unités qui peuvent commuter avec une unité<br />

linguistique donnée, c’est-à-dire qui peuvent apparaître dans le même contexte<br />

qu’elle. »( G. Siouffi, D. Van. Raemdonck, 1999 : 88) Puisqu’il dispose d’un certain<br />

laps de temps, l’écrit suppose toujours un surplus d’attention de la part du sujet vis-à-vis<br />

11


de ce qu’il produit. Il a le temps d’opérer un choix parmi toutes les variantes possibles<br />

d’exprimer une pensée.<br />

Pour revenir à l’enquête, son unité minimale est constituée par la question. Les<br />

questions peuvent être à leur tour groupées dans un questionnaire ou faire partie<br />

intégrante d’un entretien.<br />

Pour ce qui est de l’entretien, il ne peut être qu’oral. La définition donnée par le<br />

Dictionnaire Larousse à l’entretien est « une conversation suivie » (Larousse, 1999). La<br />

conversation aura donc lieu oralement, soit face à face, soit par téléphone. Le rôle joué<br />

par l’enquêteur acquiert une importance considérable, dû au fait que le processus<br />

d’enquête n’aura pas lieu intégralement selon les pas antérieurement projetés par<br />

l’enquêteur, à cause des nombreux facteurs paralinguistiques et extralinguistiques qui<br />

interviendront soit comme adjuvants dans la transmission d’un message, soit comme<br />

opposants à la même transmission. Il s’agit de traits suprasegmentaux, l’intonation avec<br />

l’accentuation particulière de certains mots, l’enchaînement des unités phonologiques<br />

ou bien les signes gestuels qui peuvent accompagner les mots. L’enquêteur doit tenir<br />

compte de ces éléments contextuels à double sens et essayer de les maîtriser au<br />

maximum, car lorsque venant de sa part, ils peuvent dénoter des attitudes qui sont<br />

susceptibles d’influer sur le feed-back de l’enquêté, tandis que venant de la part de<br />

l’enquêté, ils renchérissent sur le message intentionné par celui-ci.<br />

L’oral est aussi le canal qui favorise l’interaction enquêteur – enquêté : selon le<br />

type d’entretien envisagé, l’enquêteur a l’occasion d’expliciter ses questions au moment<br />

où celles-ci ne sont pas très claires pour l’enquêté, ou peut se permettre d’intervenir<br />

dans le discours de l’enquêté au moment où celui-ci se retrouve dans une impasse, en<br />

relançant la discussion sur une question adjacente.<br />

Pour ce qui est du questionnaire, il peut être appliqué exclusivement par écrit,<br />

par correspondance, ou bien il peut être administré sur place, les questions étant<br />

fournies les unes après les autres ou ensemble. Dans ce cas-ci l’écrit prend comme<br />

point d’appui le support oral, ce qui entraînera les contraintes déjà mentionnées de<br />

l’oral.<br />

Des modifications interviendront autant au niveau de l’instance declenchatrice<br />

de réponses qu’au niveau de l’instance productrice de ces réponses.<br />

L’enquêteur, au moment où il lit le questionnaire à l’enquêté s’investit dans sa<br />

lecture. Même s’il tend vers un acte de langage exclusivement constatif, qui se contente<br />

de faire entendre un texte déjà écrit, en réalité l’acte est performatif, l’enquêteur<br />

s’appropriant le texte qu’il lit et délimitant un écart considérable entre la passation d’un<br />

questionnaire oralement et sa passation par écrit. « En résumé, il y a d’un côté, le travail<br />

prescrit de l’enquêteur qui est de poser des questions à partir d’une grille et de l’autre<br />

côté le travail réel qui l’amène à adapter, à bricoler, à faire en quelque sorte une<br />

traduction. Ex. :<br />

E1 : « est-ce qu’il vous arrive de penser à votre mort ? »<br />

E2 : « je m’en fous »<br />

E1 suggère alors « indiférence », bricolant ainsi une reformulation qui lui<br />

permettra de respecter la grille.<br />

Ou une reformulation oralisée du type :<br />

12


E1 « Et vous la connaissez depuis quand, cette personne ?’ à la place de<br />

« Depuis combien d’années connaissez-vous cette personne ? » (Laroussi/Richard-<br />

Zappella, 2001 : 20)<br />

Du côté de l’enquêté, il sera sous la pression du temps, se sentira tenu à formuler<br />

toute de suite une réponse bien agencée puisqu’elle devra être marquée comme telle.<br />

Dans le cadre d’une question fermée, ou l’enquêteur induit des formulations préétablies<br />

de réponses, étant préoccupé par le contenu et non pas par la forme, si les variantes<br />

suggérées sont trop nombreuses, il y a le risque que le sujet enquêté ne garde en<br />

mémoire que les dernières variantes, qu’il les survalorise en opérant son choix<br />

seulement sur ce champ retréci de réponses. (cf. Laroussi/Richard –Zappella, 2001 : 10)<br />

Il y reste quand même un atout valorisé par l’enquêté, au moment où il aura du mal à<br />

surprendre le sens exact d’une question, il pourra demander des éclaircissements, ce qui<br />

garantira la validité du processus d’enquête lui-même, puisque les réponses données<br />

seront conformes aux pensées des sujets questionnés. D’autre part, pourtant, la<br />

médiation personnelle de l’enquêteur doit préserver des limites pour que l’enquête reste<br />

un processus contrôlé par l’enquêteur.<br />

Quant au questionnaire écrit administré par correspondance, l’enquêteur s’y rend<br />

présent uniquement par l’intermédiaire du moyen auquel il recourt pour atteindre son<br />

but, le seul medium employé étant donc l’écrit. « Dans ce cas, l’enquêté dispose de<br />

l’ensemble des questions, et peut plus facilement choisir son ordre de réponses, ses<br />

stratégies, et le temps qu’il passera à répondre aus questions. Il peut aussi revenir en<br />

arrière et modifier certaines réponses en fonction du déroulement des questions, pour<br />

introduire une cohérence entre ses diverses réponses. » ( Laroussi,/Richard-Zappella,<br />

2001 : 5)<br />

Nous nous faisons un devoir de mentionner donc le fait que, à mettre en balance<br />

les résultats obtenus à la suite des deux formes d’enquête, l’écrit suppose un degré plus<br />

élevé d’objectivité, puisque ne pas favorisant l’expression libre des attitudes de<br />

l’enquêteur, susceptible de modifier l’expression linguistique de son interlocuteur.<br />

II. 2. 1. 1. a. RESUME<br />

Pour réaliser une enquête sociolinguistique nous avons à notre disposition deux<br />

canaux : l’oral et l’écrit. Font appel au medium oral l’entretien et le questionnaire<br />

oralisé. L’oral favorise l’interaction enquêteur et l’enquêté. C’est une source privilégiée<br />

pour l’enquête sociolinguistique puiqu’il laisse voir les brouillons de l’élaboration des<br />

réponses des sujets enquêtés, des termes repris à peine esquissés, des tentatives de<br />

constructions syntaxiques considérées à mi-chemin comme défaillantes pour la forme de<br />

la pensée, des répétitions d’un syntagme pris comme point de repère auquel on revient<br />

après un départ sur une fausse piste, des mots-valise, des hésitations et des ambiguités<br />

morphosyntaxiques.<br />

L’écrit représente la forme finale du processus de construction du sens où<br />

l’enquêté a déjà établi sa propre hiérarchie dans les formes d’expression des pensées qui<br />

lui sont venues à l’esprit.<br />

13


En conclusion, pour une enquête sociolinguistique le choix du medium doit être<br />

fait en fonction de l’objectif principal que l’enquêteur se propose. Si l’intérêt majeur est<br />

d’observer la manière dont les processus mentaux sont traduits verbalement, nous<br />

conseillons l’oral. Si, au contraire, ce qui nous intéresse est l’expression soignée du<br />

sujet enquêté, nous optons pour l’écrit.<br />

II. 2. 1. 1. b. TEST DE VALIDITE<br />

1) Quels sont les types d’enquête qui se prêtent à l’oral et lesquels qui font<br />

appel au canal écrit ? Quelles en sont les conséquences ?<br />

2) Au sujet “La publicité est indispensable” donnez votre opinion oralement et<br />

ensuite par écrit et remarquez les différences.<br />

II. 2. 2. ATOUTS ET FAILLES DE L’ENTRETIEN PAR<br />

RAPPORT AU QUESTIONNAIRE<br />

Et l’entretien et le questionnaire sont étayés sur l’unité minimale appelée<br />

question. La différence résidera dans la forme des questions, ou, plutôt, dans la<br />

forme des réponses requises par les questions, leur enchaînement et le canal que<br />

l’on considérera approprié pour leur transmission. Pour ce qui est du<br />

questionnaire le sujet enquêté se sent plus ou moins contraint à adopter une<br />

attitude que nous pourrions appeler comportementale, de type stimulus – réponse,<br />

et, par conséquent, à formuler une réponse immédiate, aussi concentrée que<br />

possible. Dans un entretien, qui est censé durer plus longuement, l’enquêté est<br />

conscient qu’il a plus de temps à s’exprimer, ce qui favorisera son expression<br />

linguistique. Aussi pouvons – nous affirmer que du point de vue du positionnement<br />

d’un sujet dans son dire, il a une capacité plus large de refléter la langue employée<br />

par un sujet parlant.<br />

II. 2. 2. 1. DEGRES DE LIBERTE SUPPOSES PAR LE<br />

QUESTIONNAIRE PAR RAPPORT A L’ENTRETIEN<br />

Selon Laroussi/Richard-Zappella le questionnaire, « ensemble de questions<br />

préétablies », connaît une typologie tracée conformément au type de questions qui le<br />

sous-tend. Nous allons donc distinguer :<br />

- la question ouverte<br />

14


- la question fermée<br />

- la question cafétéria.<br />

Quant à l’entretien, il connaît quatre modes de manifestation :<br />

- l’entretien semi-directif<br />

- l’entretien « film-action »<br />

- autre type d’interview semi-guidée.<br />

- l’entretien non-directif<br />

Grosso modo, l’entretien suppose un degré de liberté supérieur au questionnaire,<br />

d’une part de la perspective de l’enquêteur, dans le choix de la voie à suivre par le<br />

déroulement de son enquête, et d’autre part du point de vue de l’expression du sujet<br />

enquêté. Analysons maintenant, dans le cadre de chaque forme d’enquête, la hiérarchie<br />

de ces degrés.<br />

Sur un axe qui présente les forme d’enquête sociolinguistique selon les critères du degré<br />

croissant de liberté d’expression nous aurons :<br />

Question ouverte<br />

Question cafétéria<br />

Question fermée<br />

Entretien non directif<br />

Entretien film-action<br />

Entretien semi guidé<br />

Tableau 1 : le degré croissant de liberté des différentes formes d’enquête<br />

La question ouverte est le meilleur moyen conseillé lorsque l’on veut réaliser<br />

une analyse linguistique sur la forme recouverte par une diversité de propos d’un sujet<br />

parlant. Ce genre de question est le plus approprié pour déclencher la mise en marche de<br />

l’univers linguistique d’un sujet. Les réponses qu’elle réclame, complètement libres de<br />

toute contrainte formelle ou de contenu, de par leur ampleur, sont susceptibles de trahir<br />

des conditions extralinguistiques, sous l’empreinte desquelles se retrouve le sujet<br />

parlant (comme la classe sociale, la profession, le métier). En même temps il faut faire<br />

la mention qu’il n’est pas rare de rencontrer la situation où les attentes linguistiques vis-<br />

15


à-vis d’un sujet parlant, déjà rentré dans une certaine catégorie du point de vue de sa<br />

classe sociale et de son métier, soient renversées, et de remarquer, en fait, un<br />

télescopage surprenant de divers registres linguistiques, par exemple.<br />

Si nous dressons un parallèle entre le questionnaire et l’entretien nous<br />

remarquerons que les quatre types d’entretien ne sont qu’amplification de questions<br />

ouvertes. Cela nous amène à remarquer que l’analyse des réponses fournies par le sujet<br />

enquêté sera à double volet, un qui relèvera du contenu et l’autre, qui nous intéresse<br />

particulièrement, de la forme linguistique d’expression des opinions du sujet.<br />

Le type d’entretien le plus utilisé dans la sociolinguistique est l’entretien semidirectif<br />

ou « l’enquêtateur a la liberté d’introduire comme il veut et dans l’ordre qu’il<br />

veut les thèmes qui doivent être abordés »(Laroussi/Richard – Zappella, 2001 : 6). En<br />

même temps son attitude est tant soit peu déterminée dans le sens où il possède déjà les<br />

questions qu’il va poser. Il joue donc sur la subjectivité lors de son déroulement, dans<br />

les conditions où l’enquêteur manifeste explicitement ses attitudes, provoquant<br />

l’enquêté à relever le défi et réagir non pas uniquement aux questions qui lui sont<br />

posées, mais aussi d’assumer une position envers l’attitude affichée par son<br />

interlocuteur. L’interprétation des données, par contre, tiendra compte de toutes les<br />

nuances dans l’attitude linguistique à part entière de l’enquêteur. Simultanément ce<br />

type d’entretien est optimal pour observer la place que le sujet enquêté assume<br />

inconsciemment par rapport aux “stéréopisations langagières liées aux stéréotypes<br />

sociaux auxquels il est soumis.”(Laroussi/Richard – Zappella, 2001: 6).<br />

Un autre type d’entretien est l’entretien semi-guidé dans le cadre duquel on<br />

retrouve deux formes : l’entretien film-action et l’entretien de groupe.<br />

Si dans l’entretien semi-directif le sujet devait réagir à des questions ouvertes en<br />

élaborant des réponses qui, ayant comme point de repère l’expérience, étaient investies<br />

d’une nature synthétique, dans l’entretien film-action l’enquêteur le pousse à revivre un<br />

moment de sa vie, ce qui, de nouveau, est un moyen très efficace d’obtention de<br />

morceaux de langue authentiques. Etant demandé de reproduire exactement des<br />

événements passés, tels qu’ils surgissent dans sa mémoire, le sujet enquêté se<br />

concentrera moins sur la forme qu’il sait que ses propos devraient recouvrir, et plus sur<br />

l’expression fidèle du contenu réclamé. Le degré de censure est, donc, au plus bas<br />

degré.<br />

Si jusque-là nous nous sommes arrêtés sur des interviews individuelles, il faut<br />

rappeler aussi l’entretien semi-guidé de groupe qui agit sur le même principe de la part<br />

de l’enquêteur mais fonctionne différemment quant à l’instance représentée par le sujet<br />

enquêté. Le nombre, généralement dans les 12 personnes, devient un élément<br />

considérable dans le déroulement de l’entretien. Il devra être constitué par des sujets<br />

homogènes du point de vue de l’appartenance sociale ou ethnique.<br />

Pour ce qui est de l’entretien non-directif, l’enquêteur propose un sujet de<br />

discussion, la tâche de l’enquêté étant de discourir sur le sujet en question. Même<br />

lorsque le thème de l’entretien est posé comme un titre, comme par exemple :<br />

« Comparaison n’est pas raison », l’enquêté est implicitement demandé de donner son<br />

16


avis là-dessus. On sous-entend donc des questions telles : « Qu’en pensez-vous ? »,<br />

« Et vous, êtes-vous d’accord avec cette idée ? »<br />

Comme l’appellation de ce type d’entretien nous l’indique, l’enquêté, une fois<br />

avoir posé le thème, s’efface en tant que pôle d’opinion, manifestant sa présence<br />

uniquement par des formules destinées à assurer l’enquêté que ses opinions sont<br />

écoutées et suivies sans interruption. Celui-ci n’est donc pas astreint à s’engager dans<br />

une certaine voie. Cela fait que même les interventions à caractère phatique destinées à<br />

maintenir le contact entre les instances énonciatives seront faites selon les règles de la<br />

politesse mais, si l’on considère les traits suprasegmentaux, d’une voix neutre, où ne<br />

transparaisse pas l’attitude de l’enquêteur, soit-elle positive ou négative, en réalité,<br />

envers les propos qui viennent d’être tenus. Le degré de liberté fonctionne donc à<br />

double sens, l’enquêteur, une fois avoir lancé un sujet de discussion, n’a plus aucune<br />

obligation d’apporter sa contribution au déroulement de l’entretien. De la part de<br />

l’enquêteur cela ne requiert pas de travail laborieux en préalable sur l’ordre des<br />

questions. Les techniques de relance de la parole se concrétiseront dans des formules<br />

telles : « oui, oui », « je vois » », « ah ! bon », cf. (Laroussi/Richard-Zappella, 2001 : 6)<br />

Cela préserve le bien-être de l’enquêté qui, tout en étant conscient d’avoir assumé un<br />

rôle dans l’activité verbale en déroulement, du point de vue de la langue qu’il va<br />

employer, sentira moins de contraintes. Il peut arriver ainsi à se laisser emporter, se<br />

censurer moins à des moments, ce qui, vu la nature de l’oral déjà discutée, donne lieu à<br />

une observation vraisemblable sur la langue employée par un sujet parlant.<br />

Nous avançons maintenant vers l’aire des moyens qui nous aident à réaliser des<br />

enquêtes sociolinguistiques caractérisées par un bas degré de liberté. Il s’agit de<br />

questionnaires sous-tendus par la question fermée et la question cafétéria. Toutes les<br />

deux précatégorisent les réponses des sujets enquêtés qui expriment leur personnalité<br />

seulement à base de contenu et non pas de la forme linguistique de leurs opinions.<br />

La question fermée “pre-asserte les réponses possibles et se borne à donner à<br />

l’enquêté le choix entre tel ou tel item proposé.” (Laroussi/Richard-Zappella, 2001 : 10)<br />

Ce type de question présente moins d’intérêt pour l’enquête sociolinguistique puisque<br />

centré sur le contenu conçu au préalable et fourni par l’enquêté et non pas sur la forme<br />

linguistique dont l’enquêté entend exprimer ses opinions. Des fois, les formulations déjà<br />

existantes aideront l’enquêté à identifier ses pensées dans une forme qu’il aurait peutêtre<br />

hésité à assumer, ce qui peut entraver une enquête qui se propose d’examiner<br />

l’expression de l’univers linguistique d’un sujet. D’autres fois même la forme et le<br />

contenu des réponses prédéterminées par l’enquêteur peut s’avérer être en inadvertance<br />

avec la forme et le contenu exact des pensées de l’enquêté, donc son choix s’opérera<br />

selon le principe de la répétition déjà existante, la moins éloignée de la réponse qu’il<br />

considérera comme juste.<br />

L’effet général reste, en conclusion, inductif d’une réponse imposée. Afin<br />

d’atténuer cette nature impérative des réponses préétablies on peut venir avec “des<br />

libellés amenant les sujets à choisir non pas la réponse qui correspond à leur position,<br />

mais celle qui leur paraît la plus proche de la leur”. (Larroussi/Richard-Zappella, 2001 :<br />

10)<br />

Pour ce qui est de la question cafétéria on peut l’envisager comme une<br />

prolongation améliorée de la question fermée, puisque tout en offrant des réponses<br />

17


conçues en préalable par l’enquêté, cette fois-ci présentées eventuellement, dans une<br />

certaine hiérarchie, elle fournit la possibilité d’en choisir plusieurs. Par cette possibilité<br />

l’enquêteur essaie de saisir la nature complexe de la personnalité du sujet sondé qui, des<br />

fois peut paraître hétérogène.<br />

En conclusion, quand on fait les trois types de question rentrer dans un<br />

questionnaire, qu’elles y soient toutes présentes, ou qu’il n’y ait qu’un seul type, le<br />

simple fait de poser ces questions-là et ces contenus-là, et non pas d’autres, dévoile un<br />

certain positionnement de l’enquêteur par rapport aux faits relatés.<br />

II. 2. 2. 2. SUGGESTIONS POUR DES CORPUS PERSONNELS A<br />

PARTIR DE L’ENQUETE SOCIOLINGUISTIQUE<br />

Pour réaliser des corpus personnels en vue d’opérer une analyse sur l’imaginaire<br />

linguistique d’un sujet, on doit prêter une attention particulière à la demarche qui<br />

permettrait de déboucher sur la constitution d’un corpus.<br />

Plus concrètement, dans la constitution d’un questionnaire, nous conseillons<br />

l’entrelacement des questions ouvertes, où le sujet enquêté est libre de formuler ses<br />

réponses comme bon lui semble, avec des questions fermées ou des questions<br />

cafétéria (cf. Laroussi/Richard-Zappella, 2001 : 7) où il n’a qu’à cocher une réponse<br />

déjà formulée qui lui paraît convenir le plus à ses opinions. Un nombre trop grand des<br />

deux derniers types de question rend le questionnaire fastidieux, renforçant le<br />

fonctionnement automatique de l’enquêté qui réagira en vertu d’un conformisme aux<br />

réponses déjà fournies. Nous nous devons de mentionner qu’il ne suffit pas, non plus,<br />

d’insérer une seule question ouverte dans une batterie de questions fermées, le sujet<br />

enquêté risquant uniquement d’être perturbé dans son activité et de ne pas mettre à<br />

profit l’occasion d’exprimer fidèlement ses pensées. Il reste à la latitude de l’enquêteur<br />

de décider de l’ordre de la gradation de ces questions. Pour pallier la nature déficitaire<br />

du point de vue de la forme des questions fermées, nous proposons une terminologie<br />

différente des libellés, qui n’aie pas la prétention d’être exhaustive et entièrement<br />

conforme aux attentes des sujets enquêtés, en réclamant le choix d’une réponse non pas<br />

qui corresponde à sa position, mais « qui lui paraisse la plus proche de la sienne. »<br />

Si l’on met au service de notre corpus le questionnaire oralisé, il est souhaitable<br />

que l’enquêteur donne sa couleur au questionnaire qu’il lit, qu’il entre dans une<br />

interaction dynamique avec l’enquêté.<br />

Un autre critère dont il faut tenir compte, c’est la nature de la conversation<br />

engagée. Les sujets devraient recouvrir un terrain assez vaste, autant des sujets familiers<br />

à l’enquêté que des sujets qui ne relèvent pas forcément de la sphère d’intérêt de<br />

l’enquêté, afin de remarquer les éléments qui se retrouvent dans tous les types de<br />

discours et ceux qui seront employés uniquement dans certaines situations, de<br />

remarquer donc le changement de registre.<br />

18


2. 2. 3. LE ROUMAIN VU DEPUIS LA FRANCE A LA FIN DU XX-E<br />

SIECLE<br />

Il est déjà largement connu et accepté qu’un sondage d’opinion est une<br />

démarche qui, au-delà de la connaissance d’une opinion de groupe (s), aide surtout à la<br />

formation d’une opinion (cf. Achard) 1 . Depuis la mise en place du dispositif de<br />

sondages – enquêtes, on peut compter, entre autres, sur la prise de conscience d’un<br />

certain segment de l’opinion (individuelle et/ou collective), ainsi que sur une certaine<br />

objectivation de l’opinion publique qui se trouve confrontée à une interprétation<br />

scientifique des résultats du sondage.<br />

La méthodologie du sondage est basée sur la réalité de l’existence des groupes<br />

sociaux en tant que pluralité de consciences individuelles qui agissent les unes sur les<br />

autres, contribuant au déclenchement d’un mécanisme d’interactions propres aux<br />

“agrégats d’êtres humains” 2 . Réaliser un sondage d’opinion, c’est mettre en marche une<br />

forme de l’éthique de la communication au centre de laquelle la langue apparaît dans ses<br />

manifestations systémiques soumises à la perception et à l’analyse.<br />

Ces observations d’ordre théorique général se constituent dans l’un des volets<br />

des objectifs et des résultats d’un sondage d’opinion sur la langue que nous avons<br />

déployé en 1996 en France 3 .<br />

La formulation du Questionnement d’enquête vise, d’une part, le savoir des<br />

locuteurs interrogés (français ou autres) sur le roumain en tant que langue des Roumains<br />

et, d’autre part, le comportement et l’attitude des sujets parlants envers la langue, en<br />

général. Cette problématique s’est avérée particulièrement intéressante pour nous, suite<br />

aux différents entretiens sur le sujet de la Langue (Saussure) et au fait qu’à Paris on<br />

continue à étudier notre langue à l’Institut des Langues Orientales.<br />

L’étape du dégagement du problème et de sa formulation (cf. Achard), a généré<br />

la forme suivante du questionnaire d’enquête:<br />

PROFIL DE LA PERSONNE ENQUETEE:<br />

Origine Française Par acquisition Étrangère 1 2 3<br />

Tranche d’âge 15-24 25-39 40-59 60 et + 1 2 3 4<br />

Profession et catégorie socio-professionnelle:<br />

1 2 3 4 5 6 7<br />

Diplôme:<br />

1 2 3 4 5<br />

Age à la fin des études classiques:<br />

1 Voir Pierre Achard, La sociologie du langage, coll. “Que sais-je?”, P. N. F., 1996<br />

2 cf. Marcel Mauss, Essais de sociologie, Editions Minuit, 1969<br />

3 Le sondage a bénéficié de l’appui et de la générosité humaine doublée de la compétence professionnelle<br />

de mademoisselle Marie-Martine Pelloux. A ce titre, nous la remercions particulièrement et avouons que<br />

sans elle, notre travail aurait certainement eu une autre forme de manifestation.<br />

19


Pensez – vous que les Roumains sont:<br />

Des slaves Des<br />

latins<br />

# 1 2 3<br />

La langue roumaine est-elle:<br />

Slave Latine # 1 2 3<br />

Quelles raisons ont dicté vos réponses:<br />

On vous l’a dit, vous l’avez lu oui non<br />

Vous avez entendu parler roumain oui non<br />

Vous avez lu du roumain oui non<br />

Vous connaissez des Roumains oui non<br />

Vous avez voyagé en Roumanie oui non<br />

« La seule chose qui me faisait rester muet de fascination, c’étaient les paroles des<br />

gens » (Marin Preda). Qu’est-ce que vous considérez plus efficace ou plus important<br />

dans l’expression des pensées :<br />

L’écrit: Oui Non L’oral Oui non<br />

Exemples ou commentaires :<br />

Même si la formulation des questions a été faite de sorte que l’on puisse<br />

comparer les différentes opinions, nous n’avons pas pu toujours assurer l’homogénéité<br />

de compréhension, vu les situations sociales diverses des personnes enquêtées.<br />

Pour que l’enquête soit significative, elle s’est adressée à 100 personnes<br />

représentatives de l’ensemble de la France. L’échantillon a été établi après les<br />

statistiques de l’I.N.S.E.E. (Institut National de la Statistiques et des Etudes<br />

Economiques). Les documents utilisés proviennent du Recensement de la Population de<br />

1990: sondage au ¼.<br />

Le document France métropolitaine NAT1 – Nationalités indique, pour<br />

l’ensemble de la population, le nombre de Français, dont l’acquisition, le nombre<br />

d’étrangers, dont C.E.E. détaillée et population musulamne. Dans le cadre de cette<br />

enquête, il a été tenu compte des Français de souche, des Français par acquisition et des<br />

étrangers.<br />

1. – Français de souche: 91%<br />

2. – Français par acquisition: 5%<br />

3. – Etrangers: 4%<br />

Le même document indique, selon le sexe, les différentes tranches d’âge depuis<br />

de 0 à 14 ans jusqu’à 60 ans et +. Il est évident que les 0 à 14 ans n’ont pas été pris en<br />

compte; par ailleurs, il n’a pas été fait de distinction entre les sexes, d’autant plus que<br />

leur nombre est pratiquement identique sauf dans la tranche des 60 ans et + où le sexe<br />

féminin est de 20% supérieur.<br />

1 – 15 à 24 ans : 18%<br />

2 – 25 à 39 ans : 28%<br />

3 – 40 à 59 ans : 29%<br />

4 – 60 ans et + : 25%<br />

20


Le document POP 5 DET (1 ere partie) – Population totale par sexe, âge et<br />

catégorie socio-professionnelle a été utilisé sans distinction de sexe et après deux<br />

légères modifications. En effet, la statistique compatibilise les retraités à part. Cela<br />

s’explique facilement et est utile pour les études de marché, les intentions d’achat des<br />

retraités n’étant pas les mêmes que celles du reste de la population active ou encore en<br />

ce qui concerne la santé, là encore les dépenses des retraités ne sont pas les mêmes que<br />

celles du reste de la population.<br />

Pour la présente enquête, on a pensé qu’un ouvrier retraité fournirait une réponse<br />

sensiblement égale à celle de son camarade en activité. De même, un industriel retraité<br />

devrait répondre vraisemblablement comme son homologue en activité. Par contre, il est<br />

à présumer que des retraités agriculteurs, artisans, manœuvres, chefs d’entreprise ou<br />

ayant une profession libérale ne fourniraient pas de réponses identiques, eu égard à leurs<br />

différences d’instruction et de culture. C’est pourquoi, les statistiques de l’I.N.S.E.E.<br />

étant très détaillées, les retraités ont été regroupés avec les actifs dans chaque catégorie.<br />

Une autre modification a été effectuée à la dernière rubrique I.N.S.E.E., elle<br />

comprend :<br />

- Chômeurs n’ayant jamais travaillé : 276266<br />

- Militaires du contingent : 231475<br />

- Elèves, étudiants de 15 ans ou plus : 5261236<br />

- Autres inactifs de moins de 60 ans : 14900657<br />

- Autres inactifs de plus de 60 ans : 1982219<br />

Ces sous – rubriques regroupent des catégories ayant des niveaux intellectuels et<br />

des âges différents. Par « Autres inactifs de moins de 60 ans », il faut entendre les<br />

chômeurs, les chômeurs en fin de droits, (catégorie recensées par ailleurs) ; les gens<br />

travaillant sans être déclarés, les épouses ou enfants travaillant avec un chef de famille,<br />

seul recensé ; les mères de famille ayant travaillé et ayant figuré dans une catégorie<br />

socio-professionnelle mais élevant leurs enfants un certain temps ; les femmes au foyer<br />

n’ayant jamais travaillé, les personnes vivant de leurs rentes, certaines catégories<br />

d’écrivains, etc.<br />

En conséquence, ont été regroupées les différentes catégories connues de<br />

chômeurs ; les élèves, étudiants et militaires du contingent ; le reste des inactifs quel<br />

qu’en soit l’âge.<br />

1 – Agriculteurs exploitants : 4%<br />

2 – Artisans, commerçants, chef d’entreprise : 5%<br />

3 – Cadres, professions intellectuelles supérieures : 6%<br />

4 – Professions intermédiaires : 10%<br />

5 – Employés : 17%<br />

6 – Ouvriers : 18%<br />

7 – Autres, sans activité professionnelle : 40%<br />

7.1. – Chômeurs : 6%<br />

7.2. – Contingent, étudiants: 10%<br />

7.3. – Autres inactifs: 24%<br />

21


Le document I. N. S. E. E. DIP 1 DET fournit un grand éventail de diplômes<br />

dont quatre rubriques entre “Aucun diplôme” et “Bac, Brevet Professionnel, …”. Elles<br />

ont été regroupées, pour plus de commodité dans l’échantillon, l’ancien certificat<br />

d’études, le B.E.P.C. et les différents C. A. P. étantde niveaux sensiblement identiques.<br />

Là encore, il n’a pas été tenu compte du sexe.<br />

1 –Aucun diplôme: 29%<br />

2 – C. E. P., B. E. P. C., C. A. P., B. E. P.: 49%<br />

2.1. – C. E. P.: 21%<br />

2.2. – B. E. P. C.: 8%<br />

2.3. – C. A. P.: 15%<br />

2.4. – B. E. P.: 5%<br />

3 – Bac., B. P. : 11%<br />

4 – Bac. + 2: 6%<br />

5 – Diplôme supérieur: 5%<br />

La statistique de l’I. N. S. E. E. comprend une autre rubrique qui a été éliminée<br />

dans cette enquête: “Etudes en cours”. Les âges indiqués dans le tableau vont de 15 ans<br />

à 39 ans, c’est-à-dire qu’un certain nombre d’étudiants ont déjà été recensés et figurent<br />

à leur place dans les catégories socio-professionnelles correspondantes. Les<br />

pourcentages ont donc été calculés sans tenir compte de cette population.<br />

La question sur l’âge à la fin des études classiques est posée pour plus de<br />

précision. Certains ont tendance à ne pas faire la différence entre diplôme et certificat de<br />

fin de stage. D’autres sont d’étérnels étudiants.<br />

L’I. N. S. E. E. publie les tableaux dont il a été fait état, par région et pour la<br />

France entière. Aucune région n’est représentative de la France entière dont les<br />

pourcentages ont servi à l’échantillon utilisé pour cette enquête réalisée en Ile de<br />

France. Mais on a questionné des habitants d‘agglomérations de différentes tailles, et de<br />

régions plus conformes à l’ensemble France pour certaines rubriques.<br />

NOMENCLATURE<br />

1 –AGRICULTEURS:<br />

1.1.1. – Agriculteurs sur petite exploitation<br />

1.1.2. – Agriculteurs sur moyenne exploitation<br />

1.1.3. – Agriculteurs sur grande exploitation<br />

2 – ARTISANS, COMMERCANTS, CHEFS D’ENTREPRISE:<br />

2.1. –Artisans<br />

2.2. – Commerçants et assimilés<br />

2.3. – Chefs d’entreprise, 10 salariés ou plus<br />

3 – CADRES, PROFESSIONS INTELLECTUELLES SUPERIEURES:<br />

3.1. – Professions libérales<br />

3.2. - Cadres de la fonction publique<br />

3.3. – Professeurs, professions scientifiques<br />

3.4. – Professions de l’information, des arts et du spectacle<br />

3.5. – Cadres administratifs et commerciaux d’entreprise<br />

3.6. – Ingénieurs, cadres techniques d’entreprise<br />

22


4 – PROFESSIONS INTERMEDIAIRES<br />

4.1.– Instituteurs et assimilés<br />

4.2. – Professions intermédiaires de santé et travail social<br />

4.3. – Clergé, religieux<br />

4.4. – Professions intermédiaires administratives de la fonction publique<br />

4.5. – Professions intermédiaires administratives et commerciales des<br />

entreprises<br />

4.6. - Techniciens<br />

4.7. – Contremaîtres, agents de maîtrise<br />

5 – EMPLOYES :<br />

5.1. – Employés civils, agents des services de la fonction publique<br />

5.2. – Policiers et militaires<br />

5.3. – Employés administratifs<br />

5.4. – Employés de commerce<br />

5.5. –Personnel de services directs aux particuliers<br />

6 – OUVRIERS<br />

6.1. – Ouvriers spécialisés de type industriel<br />

6.2. – Ouvriers spécialisés de type artisanal<br />

6.2. – Chauffeurs<br />

6.4. – Ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et des<br />

transports<br />

6.5. – Ouvriers non qualifiés de type industriel<br />

6.6. – Ouvriers non qualifiés de type artisanal<br />

6.7. – Ouvriers agricoles<br />

7 – AUTRES SANS ACTIVITE PROFESSIONNELLE:<br />

7.1. – Chômeurs recensés<br />

7.2. – Militaires du contingent, élèves, étudiants de 15 ans et plus<br />

7.3. – Autres inactifs<br />

Le deuxième volet des conclusions de notre sondage porte sur la statistique des<br />

réponses concernant le savoir des interlocuteurs sur le roumain.<br />

LES ROUMAINS SONT:<br />

Des slaves pour 72% des personnes interrogés, mais il faut signaler que 7% des résultats<br />

sont des réponses nuancées faisant état des influences dues aux différentes occupations<br />

et dans les différentes régions.<br />

86,2% pour la tranche d’âge des 40/59 ans et 75% pour les 25/50 ans.<br />

80,4% pour les personnes ayant un diplôme inférieur au bac<br />

100% pour les employés et 73,7% pour les inactifs, presque exclusivement des<br />

femmes au foyer. Les 4% de paysans ont également répondu slaves à 100% ainsi que les<br />

4% d’inaptes au travail, les 5% d’artisans ont répondu 80%, c’est bien sûr à prendre en<br />

compte, mais leur peu de représentation ne fournit pas de résultats, très significatifs et<br />

déterminants.<br />

LA LANGUE ROUMAINE EST:<br />

Latine pour 46 % des personnes interrogées contre31% pour slave, mais 23 % ont<br />

déclaré ne pas savoir.<br />

23


61 % des 15/25 ans arrivent en tête suivis des plus de 60 ans avec 56 %<br />

83 % des réponses proviennent des personnes dont le niveau d’enseignement est bac + 2<br />

et également 83 % pour ceux dont le niveau est supérieur à bac + 2.<br />

90 % des étudiants ont répondu langue latine, les cadres à 71,4 %, les artisans à 60 % et<br />

les femmes au foyer à 57,9 %.<br />

L’IMPORTANCE DE L’ECRIT OU L’ORAL POUR LA MEILLEURE<br />

EXPRESSION DES PENSEES a été donné à:<br />

L’écrit pour 75 % contre 15 % pour l’oral, 7% des personnes interrogées ont<br />

indiqué les deux en explicitant leur réponse et 2 personnes seulement ont répondu ne<br />

pas savoir, (il est amusant de mentionner qu’il s’agit d’une femme vivant dans le milieu<br />

dse chiffoniers et d’un professeur d’université).<br />

80 % des plus de 60 ans et 79,3 % des 40/59 ans, (ces deux tranches d’âge<br />

représentant 54 % de la population française), donnent la prépondérence à l’écrit, les<br />

15/25 ans suivant avec 77,7 %.<br />

87 % ont diplôme inférieur au bac.<br />

89,5 % sont des femmes au foyer, 81,2 % des employés.<br />

Il est intéressant de constater que si l’on avait effectué cette enquête, uniquement<br />

sur les étudiants, qui ne représentent que 10 % de la population, les résultats auraient été<br />

les suivants:<br />

Les Roumains sont slaves: 40% Latins 40% Ensemble France: 72%, 14%<br />

La langue roumaine est slave 10% Latine 90% Ensemble France: 31%, 46%<br />

L’écrit est prépondérant sur l’oral 70% L’oral 20% Ensemble France: 75%, 15%<br />

Dans tous les cas, les réposes auraient été différentes, voire très, très différentes<br />

de l’ensemble France.<br />

Autre cas particulier, c’est celui des inactifs, personne n’ayant jamais travaillé;<br />

ayant aidé leur conjoint, mais sans jamais avoir été rétribué; ayant travaillé pendant peu<br />

de temps et ayant abandonné touté activité salariée à la naissance des enfants, se situant<br />

dans la tranche d’âge 60 ans et plus et ayant un diplôme inférieur au bac. Ces personnes,<br />

enquêtées dans trois endroits différents, ont toutes tenu à préciser qu’elles<br />

s’intéressaient aux pays de l’Est depuis le recul du communisme et étudiant leur<br />

civilisation et leur culture.<br />

Il est intéressant de constater que si l’on avait effectué le sondage uniquement<br />

sur les étudiants, qui ne représentent que 10 % de la population, les résultats auraient été<br />

les suivants:<br />

Les Roumains sont slaves: 40 % latins: 40 %<br />

(ensemble France: 72 %, 14 %)<br />

la langue roumaine est slave: 10% latine: 90 %<br />

(ensemble France: 31 %, 46 %)<br />

Un autre cas particulier est représenté par les inactifs (des personnes n’ayant<br />

jamais travaillé, ayant aidé leur conjoint mais sans jamais avoir été rétribuées, ayant<br />

travaillé pendant peu de temps et ayant abandonné toute activité salariée à la naissance<br />

des enfants, se situant dans la tranche d’âge 60 ans et plus et ayant un ayant un diplôme<br />

24


inférieur au bac). Ces personnes, enquêtées dans trois endroits différents, ont toutes tenu<br />

à préciser qu’elles s’intéressaient aux pays de l’Est depuis le recul du communisme et<br />

étudiant leur civilisation et leur culture.<br />

Enfin le troisième volet des conclusions se situe au-delà des chiffres et exprime<br />

le degré du savoir des Français sur le roumain, le sondage offrant au linguiste la réalité<br />

évoquée par le discours de la langue. Et le résultat en est frappant: sans avoir lu<br />

Saussure, pour la grande majorité des sujets questionnés, la langue est quelque chose de<br />

différent de la personne qui parle (“les Roumains sont slaves, le roumain est latin”), un<br />

objet que l’on observe (“Ils parlent tellement bien le français…”) et sur lequel la<br />

réflexion s’arrête souvent (« …que la racine doit être latine »).<br />

Il ne faut pas être linguiste pour s’attacher aux rapports que les sujets parlants<br />

entretiennent avec leur propre parler ou avec le parler des autres (« le roumain<br />

ressemble au français plus que le russe ou le polonais » ou « langue latine, assez<br />

chantante, avec des –r- prononcés, des mots qui se terminent en ou [u], plus proche de<br />

l’italien et du français que de l’espagnol »). C’est que l’imaginaire linguistique des<br />

locuteurs à l’égard de la productio langagière. Or, ces attitudes sont, comme nous le<br />

montre brillamment la réalité du sondage, diverses. La langue set, selon une partie des<br />

personnes questionnées, le résultat des facteurs qui appartiennent à la linguistique<br />

externe (dans la vision saussurienne = - « A l’Est de la Hongrie, ce sont des slaves » ou<br />

« des slaves parce qu’ils sont à l’Est », « les Roumains sont germains, latins en<br />

Transylvanie, Turcs en Olténie, Valachie, Dobroudgea, slaves en Moldavie, avec<br />

interpénétration », « mélange + grande influence slave et latine », « comme toutes les<br />

langues, il doit y avoir des apports multiples mais surtout chez eux qui ont été occupé<br />

par tant de races »…). Pour d’autres, la langue est un instrument de communication<br />

comme tout autre (« Les Roumains sont des slaves en musique », « Pour moi, le type en<br />

est Elvire Popesco »).<br />

Même s’il s’agit d’une langue avec laquelle 91% des personnes interrogées ne<br />

sont entrées en contact d’une façon directe, les résultats de l’enquête, le fait même<br />

d’avoir réussi à provoquer et mener à bonne fin un discours sur la langue roumaine vu<br />

depuis la France prouvent les responsabilités des sujets parlants envers la langue.<br />

II. 2. 2. 2. a. RESUME<br />

L’unité minimale de toute enquête sociolinguistique est la question. Les deux<br />

grandes formes d’enquête sont la question (fermée, cafétéria, ouverte) et l’entretien<br />

(semi-guidé, film-action, de groupe, semi-directif, non directif). La question fermée<br />

oblige l’enquêteur à fournir la question et prévoir des réponses possibles, à la fois,<br />

tandis que l’enquêté doit opérer un choix parmi des réponses déjà existentes. La<br />

question cafétéria présente les mêmes caractéristiques, à la seule différence près qu’elle<br />

permet d’opérer plusiers choix de réponse. La question ouverte laisse l’enquêté formuler<br />

sa réponse, telle qu’il l’entend. L’entretien semi-guidé présente un thème, généralement<br />

pris à l’expérience de l’enquêté, en laissant celui-ci remémorer ce qu’il a déjà vécu.<br />

25


L’entretien semi-directif présente des questions que l’enquêteur introduit dans l’ordre<br />

qu’il désire tandis que l’entretien non-directif lance un sujet sur lequel l’enquêté va<br />

discourir librement, l’enquêteur n’intervenant que pour maintenir le contact avec<br />

l’enquêté.<br />

En conclusion, pour avoir un corpus de langue authentique, il est préférable de<br />

laisser le sujet parlant s’exprimer librement, sans être contraint par des formules déjà<br />

conçues par l'enquêteur.<br />

III. 1. 2. 2. b. Test de validité<br />

1) Classifier, selon le degré de liberté impliqué, les formes d’enquête.<br />

2) Quels types d’enquête connaissez-vous qui se prêtent le mieux à l’enquête<br />

sociolinguistique ? Motivez votre choix<br />

.<br />

3) Faites une analyse contrastive des atouts et des failles présentés par les types<br />

d’enquête que vous connaissez en vue d’une analyse sociolinguistique.<br />

CHAPITRE III<br />

DYNAMIQUE LINGUISTIQUE ET NORME : LE SYSTEME<br />

NORMATIF DE L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

Comme nous avons vu dans le chapitre dédié à la sociolinguistique, les<br />

êtres humains ne parlent pas tous de la même manière, leur discours variant en<br />

fonction de plusieurs facteurs : classe sociale, profession, âge, localisation<br />

géographique. Dans le chapitre qui s’ensuit nous allons voir que ces critères ne<br />

laissent pas de place à une répartition homogène des sujets parlant en<br />

communautés linguistiques. D’où l’apparition du concept d’Imaginaire<br />

Linguistique qui fait que le discours des sujets situables dans des échantillons<br />

homogènes du point de vue des variables extralinguistiques puisse obéir à des<br />

normes divergentes.<br />

26<br />

La réalité change et, par conséquent, la langue qui l’exprime subit un<br />

changement parallèle. D’où le concept de dynamique linguistique. Aussi sommesnous<br />

amenés à envisager non pas une seule norme linguistique qui, une fois obéie,


III. 1. GENESE DU CONCEPT ET DE LA THEORIE DE<br />

L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

L'une des questions fondamentales que ne cesse de formuler l'époque en cette fin<br />

de siècle, est celle du rôle joué par le langage et la langue dans la définition de l'homme.<br />

Cela explique, en partie, l'ouverture des sciences du langage qui rencontre des<br />

préoccupations de nombreux chercheurs d'autres domaines des sciences humaines<br />

soucieux de prendre en compte la dimension langagière de leurs objets. Les années 70 -<br />

80 marquent « le retour du sujet » dans la recherche linguistique avec les analyses de<br />

l'énonciation, de l'argumentation auxquelles on ajoute l'intérêt pour la psychanalyse.<br />

Dans le cadre de ce contexte épistémologique qui motive et favorise le<br />

déroulement de toute une série de travaux de recherche, apparaît une autre question tout<br />

aussi importante : comment les langues en situation d'écrit ou d'oral contribuent-elles à<br />

définir les participants à l'acte de communication?<br />

Dans ses Éléments de linguistique générale (1960), André Martinet proposait<br />

une nouvelle définition de la langue: « Une langue est un instrument de communication<br />

selon lequel l'expérience humaine s'analyse, différemment dans chaque langue, dans<br />

chaque communauté, en unités douées d'un contenu sémantique et d'une expression<br />

phonique...» Les deux volets de la définition de la langue apparaissent clairement: la<br />

langue en tant qu'instrument de communication, où le terme communication n'implique<br />

pas nécessairement et toujours une transmission d'information; la langue en tant<br />

qu'expérience humaine, où le mot expérience désigne tout ce que « l'homme peut<br />

ressentir et percevoir» (A. Martinet, 1985).<br />

La langue serait tout un monde en son devenir car l'expérience humaine change,<br />

ce qui entraîne des changements dans l'expérience linguistique.<br />

Même si, à l'époque, le point de vue immanent (linguistique structurale et<br />

grammaire générative) dominait la recherche de la langue, l'étude des variétés<br />

linguistiques commence à s'imposer à travers deux directions de recherche, à savoir le<br />

fonctionnalisme et la sociolinguistique (L. J. Calvet). Le concept de synchronie<br />

27


dynamique bouleverse la conception saussurienne où il y avait ou bien axe synchronique<br />

ou bien axe diachronique (évolutive) dans les études linguistiques. La synchronie<br />

dynamique suppose d'accepter une évolution à un moment donné d'une langue, les<br />

«causes» d'évolution étudiées étant pour la plupart d'ordre externe, géographiques et<br />

sociales.<br />

Le Berre et le Dû (« Faits de langues, faits de société », Travaux de linguistique,<br />

p. 65-74) soulignent la double influence des faits sociaux sur les usages et de la langue<br />

sur le social. «L'interaction causale a, donc, lieu dans les deux sens et non dans un seul<br />

comme le fait apparaître la surdétermination sociologique des sociolinguistes, allant<br />

jusqu'à définir pour objet la société. Ce qui manifeste, ce me semble, une conception<br />

linguistique subordonnée à une théorisation sociologique -la langue comme reflet des<br />

conflits socio-économiques, comme marché langagier -négligeant le fait qu'une<br />

personne n'est pas strictement réductible à son appartenance groupale ou à son histoire<br />

sociale (socio –historique)» (A. M. Houdebine-Gravaud, 1997).<br />

A ce moment d'inquiétudes concernant la recherche linguistique, une recherche<br />

de thèse de doctorat d'État consacrée à la description des variétés du français oral, à<br />

partir d'enquêtes à grande échelle, qu'on peut qualifier dans le vocabulaire actuel de<br />

sociolinguistiques, et qui concernait «l’analyse des productions (des systèmes<br />

phonologiques et des réalisations) des locuteurs, a amené Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud à construire et lancer le concept d'imaginaire linguistique ». Fidèle, dans un<br />

premier temps descriptif, au concept saussurien de La Langue, soutenant l'autonomie de<br />

la parole du sujet (selon la définition de la structure de Lalande), Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud insiste sur l'idée que: « quelles que soient les contraintes sociales,<br />

socio -historiques, un être humain est toujours libre de sa parole non sans risques certes,<br />

parfois de sa vie même. Certain(e)s nous l'ont montré! 4 D'autres nous le montrent<br />

encore, aujourd'hui, chaque jour, en Algérie par exemple» (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, 1997).<br />

« C'est pour ces diverses raisons et d'autres encore, descriptives et<br />

interprétatives: interaction des causalités internes et externes, synchronie dynamique,<br />

etc., conception de la Langue comme processus d'homogénéisation et de singularisation,<br />

fiction d'identité politico-nationale mais aussi territoire d'altérité singulière, lieu de<br />

l'instauration subjective -que j'ai avancé cette notion d'imaginaire linguistique, prenant<br />

en compte et les évaluations et les attitudes, représentations des personnes interrogées<br />

dans les enquêtes puis plus tard des linguistes » (ibidem).<br />

III 2. DEFINITION DE L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

4 1 Le 17 octobre 1961 est la date où une manifestation pacifique d'Algériens fut<br />

réprimée à Paris.<br />

28


L’imaginaire linguistique est défini comme « le rapport du sujet à lalangue<br />

(Lacan) -prise en compte de l'aspect le plus intime autant que faire se peut, d'où des<br />

fantasmes et fictions d'un sujet -et à La Langue (Saussure) -aspect plus social et<br />

idéologique» (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud). Le terme est voisin de la notion de<br />

représentation sociale des sociologues, ou d'imaginaire collectif des historiens des<br />

mentalités. L'imaginaire linguistique ne relève pas de la seule socialité ou identité<br />

groupale ou nationale même si ces notions sont aisément identifiables.<br />

L'imaginaire linguistique analyse « les distorsions repérées entre les dires ou<br />

attitudes des sujets sur leurs réalisations et celles des autres locuteurs et leurs propres<br />

productions recueillies et analysées par le linguiste. » (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, 1983).<br />

III 3. DYNAMIQUE LINGUISTIQUE ET NORME<br />

C'est vrai qu'on parle de « norme» et de « bon usage» depuis des siècles, mais la<br />

dynamique linguistique s'avère de plus en plus génératrice de questions sur la norme et<br />

les usages à partir des pratiques et des attitudes des sujets parlants. Le sens même du<br />

mot norme a connu une évolution allant de l'ensemble de prescriptions (voire interdits)<br />

sur les façons de dire jusqu'aux besoins langagiers des locuteurs (voir E. Coseriu, 1967).<br />

Décrire la dynamique linguistique et ses causalités, internes et externes,<br />

sociologiques et psychologiques, est l'objectif fondamental de toute étude linguistique.<br />

La dynamique linguistique actuelle tend à réduire le rôle régulateur de la norme,<br />

ce qui est frappé d'interdit étant ce qui est pourtant effectivement utilisé (on entend bien<br />

se rappeler d'un détail prise en compte de l'aspect le plus intime au lieu de se rappeler<br />

un détail). Parler correctement aujourd'hui c'est aussi faire preuve et démonstration à la<br />

fois de la connaissance de la norme mais la fonction régulatrice du concept a diminué en<br />

faveur de celle d'adaptation survenue comme une nécessité face à l'évolution constante<br />

de la langue (cf. H. Boyer).<br />

L'opposition saussurienne diachronie / synchronie concerne l'étude de la langue<br />

dans son évolution au cours du temps ou bien à un moment donné de son histoire mais<br />

«à chaque période correspond une évolution plus ou moins considérable. [...] le fleuve<br />

de la langue coule sans interruption; que son cours soit paisible ou torrentueux, c'est une<br />

considération secondaire» (F. de Saussure, 1972; 193).<br />

D'autre part, à partir de 1960 et de la nouvelle définition donnée à la langue par<br />

André Martinet, la norme s'enrichit de sa forme au pluriel-les normes -car la<br />

communication n'implique pas nécessairement et toujours une transmission<br />

d'information et la langue est perçue comme un monde en devenir, l'expérience humaine<br />

changeante entraînant des changements dans l'expérience linguistique.<br />

D'ici la diversité des formes d'expression pour un même contenu, l'entreprise<br />

normative jouant dorénavant le rôle de sélectionneur, d'opérateur de choix.<br />

29


Le concept même d'« unicité de la langue» est mis sous le signe du doute. En un<br />

certain sens, c'est la norme qui participe à la création d'une langue homogène, d'une<br />

langue standard mais celle-ci est parlée par un usager idéal. La norme régularise un<br />

fonctionnement social et ses conséquences sur les faits linguistiques surtout par le biais<br />

d'un discours d'autorité imposé par une institution d'Etat (école, académie, institut de<br />

recherche linguistique, etc.). La norme c'est, en fait, l' objectivation générée par le<br />

fonctionnement social complexe, mais elle ne peut ignorer la variabilité qui inclut les<br />

normes individuelles, les normes locales, les innovations où la norme n'a pas réussi à<br />

s'imposer.<br />

Le locuteur parle sa propre langue. «Il n'est pas de langue légitime, mais la<br />

société utilise cette idéalisation fantasmatique de la langue, pour légitimer certains<br />

usages. » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud). Ces attitudes ne sont ni constantes pour un<br />

groupe social et sexuel, ni homogènes (cf. «Sur les traces de l'Imaginaire Linguistique»,<br />

dans Parlers masculins, parlers féminins, Delachaux -Niestté, 1983); ce qui fait pièce<br />

aux discours sociolinguistiques dominants: une communauté linguistique se<br />

reconnaîtrait comme telle à la constance de ces normes. C'est du moins ce qu'avance<br />

Labov; bien que cette thèse soit passionnante, d'autant qu'elle permettrait enfin de<br />

fonder un peu linguistiquement le concept de communauté linguistique, je n'ai pu que<br />

l'infirmer dans les communautés (socio-économiques et socio-culturelles ou encore<br />

sexuelles) étudiées: des sujets parlants, situables dans des échantillons (ou groupes)<br />

homogènes du point de vue des variables externes (extralinguistiques) peuvent présenter<br />

des attitudes (ou normes selon Labov) divergentes. L'inverse se rencontre également ».<br />

(Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1983).<br />

La refonte de la notion de norme à l'intérieur de L’Imaginaire Linguistique a<br />

permis une typologisation sur laquelle on s'arrêtera plus tard. Normes et productions<br />

sont étudiées conjointement afin de vérifier l'incidence des unes sur les autres ou bien<br />

les « interactions » et « rétroactions» des deux plans d'analyse.<br />

« ...il n'existe pas un français, une langue fixée, homogène, la même pour tous,<br />

qui serait le français, le bon, le beau français, même si nombreux sont ceux qui tiennent<br />

à cette vision. Les étude linguistiques descriptives, objectives, nous montrent qu'elle<br />

n’est qu'une fiction qui a son importance, sa fonction.<br />

Mais nos échanges, nos communications comme l'on dit aujourd'hui, manifestent<br />

tout autre chose: les linguistes dégagent, à partir des paroles des locuteurs, moins une<br />

langue qu'une diversité d’usages structurés avec des zones de convergences et de<br />

divergences. C'est-à-dire des comportements langagiers communs aux interlocuteurs, ou<br />

différents. Certains d'entre eux sont appelés périphériques parce qu'ils sont utilisés par<br />

un petit nombre de sujets. Il peut alors s'agir de traits archaïques, conservés du fait de<br />

l'âge du sujet ou de son appartenance géographique ou sociale (appartenance à une sous<br />

-communauté dont on conserve l'identité -les traits identificatoires -cf. parler branché,<br />

argot professionnel, r roulé ou h aspiré, caractéristiques respectivement de la<br />

Bourgogne, ou des régions de l'Est ou encore de la stabilité rurale, etc.<br />

Ces éléments jouent dans la parole des locuteurs et locutrices comme des<br />

emblèmes, des indices qui marquent le sujet régionalement comme Bourguignon,<br />

30


Alsacien, etc.; ou socialement comme provincial, paysan; ou professionnellement<br />

comme étudiant, professeur, journaliste, juriste, informaticien, etc., ou plus<br />

sociologiquement, voire psycho-sociologiquement comme supérieur, snob, maîtrisant,<br />

hautain, vulgaire, etc.; ces derniers commentaires indiquent que les prélèvements<br />

d'indices peuvent être objectifs ou idéologiques, ou encore projectifs ». (Anne-Marie<br />

Houdebine- Gravaud, 1980 -Langue et imaginaire: le français aujourd'hui, salon du livre<br />

Genève).<br />

L’étude linguistique se développe dans une synchronie dynamique (cf. A.<br />

Martinet), en ce que cette étude décrit et interprète la langue dans son épaisseur<br />

synchronique. C'est ainsi qu'Anne- Marie Houdebine-Gravaud définit « l'entrelacement<br />

des strates synchroniques étudiées afin de prendre en compte les variétés des usages<br />

participant à la co-construction de la langue dans les échanges communicationnels» (ou<br />

interactions discursives) (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1985).<br />

« Le locuteur parle sa propre langue. Cet énoncé pourrait être jugé comme un<br />

truisme s'il ne contenait l'expression du sujet à la langue, ce qui finalement peut très<br />

bien devenir la lalangue du Sujet (Lacan). Cette réalité renvoie à une autre, exprimée de<br />

la façon suivante: « il n'est pas de langue légitime, mais ...la société utilise cette<br />

idéalisation fantasmatique de la langue, pour légitimer certains usages» (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, 1974). L'attitude du locuteur face à ces deux réalités peut être<br />

créative ou prescriptive, les hiérarchisées, les deux termes relevant du sujet ou du<br />

parlêtre selon Lecan.<br />

L'Imaginaire Linguistique développe aussi la catégorie des normes évaluatives<br />

(auto-évaluatives ou évaluatives de groupe chez Labov). Dans ce contexte on définit des<br />

sentiments de sécurité, d'insécurité ou de culpabilité linguistique des sujets (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, 1995).<br />

La serie normative formée par les normes prescriptives, fictives, évaluatives et<br />

communicationnelles constituent le côté subjectif de l'Imaginaire Linguistique. Il y a en<br />

contrepartie le groupe des normes fonctionnelles (ou internes) ou normes objectives (au<br />

sens d'objectivées dans la description). Elles sont dégagées par la description des<br />

productions des locuteurs aux niveaux linguistiques et peuvent être repérées par la<br />

présence des normes systémiques (formes stables imposées par la langue) et normes<br />

statistiques (les comportements variés, stables et instables). Les normes statistiques sont<br />

le lieu de production du concept de l'unes langue qui enrichit la définition de<br />

l'Imaginaire Linguistique.<br />

En rapport direct avec les deux catégories de normes, statistique et systémique,<br />

l'Imaginaire Linguistique met au jour la catégorie des normes communicationnelles,<br />

normes subjectives, qui expriment la volonté des locuteurs d'être compris, donc de<br />

communiquer. Comme pour soutenir les termes de la définition de la langue proposée<br />

par Martinet, les normes communicationnelles, tout comme les autres, se retrouvent en<br />

rapport étroit avec les usages contemporains, le contenu du message ainsi que<br />

l'expérience humaine valorisée.<br />

« Toute langue, pour peu qu’elle soit parlée par quelques dizaines de sujets<br />

dispersés sur une zone géographique relativement étendue et pratiquant des activités<br />

diverses, socialement hiérarchisées, est utilisée de façon différente par les locuteurs.<br />

31


Pour peu qu'on l'écoute et qu'on cherche à la décrire telle qu'elle se présente aux sujets<br />

parlants, l'étude de ces variétés devient l'objectif prioritaire» (Anne-Marie Houdebine -<br />

Gravaud, 1982).<br />

II est démontré que les « sentiments » ou attitudes linguistiques ne sont pas<br />

strictement déterminées par la position sociale du sujet. Ainsi les enquêtes ont-elles<br />

dévoilé des situations où des sujets appartenant à un milieu ou groupe professionnel,<br />

géographique, sexuel avaient des attitudes différentes en égard à leur propre langue ou à<br />

la langue des autres locuteurs. Ces attitudes relèvent des causalités internes,<br />

linguistiques et subjectives qui entraînent le « jeu » métalinguistique (le locuteur<br />

capable de formuler des jugements évaluatifs sur la langue) et des causalités externes,<br />

certains des usagers de la langue mettant en marche le principe de la hiérarchisation<br />

(culturelle, sociale). D'où la dite idéalisation fantasmatique de la langue, d'où toute une<br />

source de pistes de recherche ouvertes par la théorie de l'Imaginaire Linguistique.<br />

Dans cette démarche explicative du cadre de l'Imaginaire Linguistique, on a<br />

ressenti le besoin de « visualiser » la place occupée par cette instance descriptive parmi<br />

les autres instances descriptives du langage, de la langue et de l'unes langue.<br />

Etant donné la large diffusion d'une conception conformément à laquelle la<br />

langue humaine est à la fois un système de signes et de moyens de communication, nous<br />

devons admettre qu'une sémiotique humaine, opposée à l'animale, se trouve à l'origine<br />

des instances descriptives de la communication humaine. A l'intérieur de cette<br />

sémiotique humaine, le langage apparaît comme la seule faculté universelle. C'est<br />

autour du langage que se développe le cadre de recherche des sciences du langage. Au<br />

troisieme niveau,le plus divers et le plus fascinant de ces instances, se situerait l'univers<br />

des langues. Les langues dans leur diversité constituent l'objet de la linguistique. L'unes<br />

langue confirme, par son expression même, la grande diversité de l'intérieur des<br />

langues.<br />

Essayons de représenter graphiquement ce parcours qui invite à la réflexion:<br />

l'imaginaire linguistique -début ou terminus d'un parcours des instances descriptives?<br />

1.<br />

TABLEAU 2 : Représentation des instances 2. descriptives possibles du langage, de la<br />

langue et de l’unes langue:<br />

3.<br />

4.<br />

32


1. strate de la sémiotique humaine (opposée à l’animale)<br />

2. strate du langage, en tant que faculté universelle<br />

3. strate de l’univers des langues<br />

4. strate de l’imaginaire linguistique (l’unes langue)<br />

III 4. LE SYSTEME NORMATIF DE L'<strong>IMAGINAIRE</strong><br />

LINGUISTIQUE<br />

Tout ce que nous venons de dire converge vers la nécessité d'étudier les divers<br />

comportements et attitudes des sujets parlants. Anne-Marie Houdebine-Gravaud<br />

propose une étude où normes (ou attitudes) et productions s'entrelacent afin de vérifier<br />

l'incidence des unes sur les autres. Le résultat c'est une typologie et une méthodologie<br />

d'étude des comportements (productions) et attitudes des locuteurs, à différents niveaux<br />

linguistiques (phonologique, syntaxique, discursif, etc.) et dans différentes couches<br />

socio- professionnelles.<br />

L'hypothèse de travail est que pour toute langue existent des attitudes<br />

métalinguistiques de la part des sujets parlants qui, eux, parlent de « beauté » de la<br />

langue, clarté de la langue, «richesse» sémantique de la langue, etc. Le respect que les<br />

locuteurs manifestent face à la norme contribue à l'existence de cette «langue idéale»<br />

parlée par un locuteur idéal. D'où, la naissance, dans la théorie de l'Imaginaire<br />

Linguistique, du concept, provocateur et réaliste à la fois, de l'Unes langue, utilisé pour<br />

le repérage de ce fantasme d'unité en même temps que des variétés existant dans une<br />

langue (d'où le s à Unes) » (Ane-Marie Houdebine-Gravaud, « L'Imaginaire<br />

Linguistique -idéal, idéel, communauté linguistique et identité subjective »).<br />

Nous reprenons ci-dessous le dernier tableau des normes de l'Imaginaire<br />

Linguistique publié en 1995 par l'auteur:<br />

TABLEAU 2:<br />

L'Imaginaire Linguistique -chercheurs et locuteurs -(1995)<br />

1. Normes objectives<br />

1 -1 Normes statistiques (observation et description des usages. Convergences /<br />

divergence / périphérie<br />

1 -2 Normes systémiques (dégagées à partir des usages) (Normes endogènes)<br />

fermes.<br />

2. Normes subjectives (imaginaire linguistique)<br />

2 - 0 Normes évaluatives (auto-évaluatives et évaluatives des usages<br />

environnants) si spontanées<br />

2 - 1 Normes communicationnelles<br />

2 - 2 Normes fictives<br />

33


2 - 3 Normes prescriptives (Normes exogènes)<br />

L 'Imaginaire linguistique est une «fiction linguistico - nationale subjectivante»<br />

(Anne-Marie Houdebine-Gravaud) qui résonne comme un fantasme. Comme tout<br />

fantasme, il y a un nombre de fondements repérable, à savoir: intercompréhension,<br />

convergence, unification des paroles dans le processus communicationnel,<br />

homogénéisation et hétérogénéisation subjectives; idéalisation identitaire<br />

communautaire (groupale, nationale mais aussi subjective). C'est de là que vient la<br />

nécessité du repérage typologique de ces diverses causalités regroupées en normes<br />

objectives ou subjectives, selon qu'elles sont issues de la description des usages (normes<br />

objectives) ou des imaginaires linguistiques des sujets (normes subjectives).<br />

Les normes objectives du tableau des normes de l'Imaginaire Linguistique<br />

relèvent des lois du système (les normes systémiques) et de la diversité des usages (les<br />

normes statistiques). Les normes systémiques sont dégagées suite aux descriptions<br />

d'idiolectes, à l'établissement des structurations fermes et instables au niveau des<br />

idiolectes. Normes qui s'imposent du fait de la structure, les normes systémiques<br />

appartiennent à une structure de codification dont toute langue dispose «Ces zones de<br />

structuration peuvent être dites fermes. Elles imposent au sujet parlant entrant dans la<br />

langue des habitudes articulatoires comme des façons de «penser» le monde. Cela de<br />

façon ferme ou non ferme (cas de certaines oppositions phonologiques de certaines<br />

règles syntaxiques ou structures lexicales; exemple /i/ -/y/ ferme, /é/ -/è/ non ferme<br />

puisqu'avec neutralisation et pourtant acquis dans certaines régions, cas de l'usage<br />

déterminant /nom (ferme), du subjonctif (non ferme), etc.». (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, idem)<br />

Les normes statistiques repèrent ce qu’il y a de stable ou d'instable au niveau<br />

d'une langue dans ces usages. C'est là qu' on rencontre les termes de convergence forte<br />

ou minoritaire quant aux multiples usages. La totalité des convergences dans les parlers<br />

des locuteurs se réunissent en un système minimum commun tandis que la totalité des<br />

usages divers possibles se regroupent en un système maximum. L'hypothèse de départ<br />

dans l'étude des normes systémiques est que toute langue, même en situation de<br />

disparité, connaît un nombre de convergences ou normes statistiques. Les convergences<br />

linguistiques contribuent à la création de la langue, de la langue une, de cette « langue<br />

supposée commune ».<br />

« Vérité et erreur à la fois. Vérité linguistique car aucun sujet n'est créateur de<br />

La Langue «masse parlante» (Saussure). Vérité historique: à un temps t de l'histoire, un<br />

parler s'est codé, s'est imposé comme représentatif au détriment des autres (édit de Viii<br />

ers- Cotteret, révolution française), ceci d'autant plus aisément qu'existe une langue<br />

écrite, et l'école obligatoire avec l'imposition de l'orthographe homogénéisante. Mais<br />

erreur historique, un parler s'impose en intégrant d'autres dialectes ou idiomes comme<br />

l'a fait le français et se constitue sans cesse. Erreur linguistique, car même si<br />

l'orthographe, voire l'écriture (la littérature) sont les véhicules majeurs de cette<br />

idéalisation imaginaire, c'est essentiellement à l'oral que la langue se renouvelle; le sujet<br />

l'actualise de sa parole, la déployant, la rend vive, la fait évoluer, d'autant que dans les<br />

langues écrites, il est quelque peu bilingue du fait de la coupure oral, écrit et dans toutes<br />

les langues, plurilingue du fait de la variété des usages ou des contacts de langue; de<br />

34


plus la langue passive (la compétence) est toujours plus large que la parole (la langue<br />

actualisée ou la performance) ». (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem)<br />

Les normes subjectives sont dégagées suite à la description des attitudes des<br />

locuteurs face aux différents niveaux linguistiques que l'étude se propose de considérer.<br />

Ces attitudes peuvent apparaître spontanément, sans aucun stimulus extérieur, ou bien<br />

peuvent être provoquées par des enquêtes, des questionnaires, des tests, des entretiens<br />

auxquels on soumet les sujets parlants.<br />

La première catégorie des normes-subjectives est représentée par les normes<br />

évaluatives, « au sens où les sujets parlants remarquent des éléments indexant,<br />

caractérisant le parler de tel ou tel groupe, régional, socioculturel, sexuel, professionnel,<br />

etc.» (Anne- Marie Houdebine-Gravaud, idem). Les normes évaluatives proviennent de<br />

W. Labov et elles sont spontanées, mais dans l'Imaginaire Linguistique elles deviennent<br />

« extorquées par les questionnaires, tests, ou même dans les entretiens.» (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, idem) En fait, toutes les autres catégories de normes, qu'elles<br />

soient prescriptives, fictives, ou communicationnelles, relèvent de l'évaluation au niveau<br />

des éléments ou niveau d'analyse repérés par les sujets. « Celles-ci [normes évaluatives]<br />

n'ont donc plus lieu d'apparaître dans la typologie lorsque l'étude s'intéresse seulement<br />

aux enquêtes d'attitudes soit au recueil des qualifiants de l'imaginaire linguistique des<br />

locuteurs ». (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem)<br />

La norme communicationnelle fut introduite ultérieurement dans le schéma<br />

normatif de l'Imaginaire Linguistique et elle s'est imposée en tant que norme spécifique<br />

vu le rôle de la langue comme « instrument de communication ». Ce trait de la langue<br />

implique une certaine attitude évaluative qui implique acceptation des « déformations»<br />

contribuant à la mise en œuvre d'un «français avancé» (cf. H. Frei). ou d'un « bon usage<br />

momentanément contemporain» (cf. J. P. Colignon). Les études ont démontré que cette<br />

norme communicationnelle -initialement dégagée chez les journalistes -existe et connaît<br />

une extension par rapport à celle prescriptive, les sujets parlants acceptant la variété<br />

linguistique et les différents registres de parleurs. Ici l'auteur de la théorie apporte un<br />

élément de modération, à savoir le fait que ceux qui acceptent les variétés ne les tolèrent<br />

pas chez les enfants qui sont censés acquérir d'abord la norme prescriptive.<br />

Les normes fictives soutiennent « un idéal de la langue non étayé par un discours<br />

antérieur de type académique ou grammatical traditionnel, idéal « subjectif» ou<br />

«pratique ». Elles sont des rationalisations des sujets s'appuyant sur des discours<br />

essentiellement idéologiques, esthétisants, affectifs, etc. » (Anne-Marie Houdebine-<br />

Gravaud, idem)<br />

La langue n'est pas seulement un instrument de communication, elle est aussi<br />

dépositaire des valeurs qui nous aident à l'identifier. La langue assure non seulement un<br />

transfert d'informations, elle participe aussi à la formation de l'image d'un peuple, d'une<br />

communauté, d'un groupe par le rôle de lien entre les sujets parlants. Parler la même<br />

langue, c'est contribuer à l'édification de la même histoire et de la même culture (cf.<br />

Anne-Marie Houdebine-Gravaud). La langue, on s'en sert pour construire une identité,<br />

pour s'identifier à autrui.<br />

Les normes prescriptives relèvent d'une langue idéale, ou idéal puriste (avec<br />

étayage de discours antérieurs, par exemple grammaticale, prescriptions scolaire, etc.)<br />

35


Tout ce qui n'est pas fictif est prescriptif et vice-versa. Parler de normes prescriptives,<br />

c'est se référer à des formules comme: « on ne dit pas ça », « ce n'est pas du bon<br />

français», « c'est incorrect / correct », etc. Tenir compte des normes prescriptives, c'est<br />

faire preuve et démonstration à la fois d'une langue « correcte, « sans faute », c'est aussi<br />

montrer que l'on connaît La Norme.<br />

Le tableau des normes de l'Imaginaire Linguistique s'inscrit dans l'évolution<br />

claire et nette de la notion de norme suite à la dynamique linguistique. Les normes de<br />

l'Imaginaire sont issues des qualifications sur la langue exprimées par les locuteurs.<br />

C'est pour cela qu'il y a une interpénétration continue des unes dans les autres; les<br />

normes se constituent en un système normatif, un «cadre opératoire » de repérage des<br />

attitudes sur la dynamique linguistique.<br />

«C'est pourquoi cette typologie peut se résumer à l'étude de la recherche des<br />

qualifiants des imaginaires linguistiques selon un continuum évalué par le chercheur -ou<br />

donné par le sujet lors d'évaluation spontanée (normes évaluatives) -allant du rigide<br />

(norme prescriptive au souple (norme communicationnelle) avec plus ou moins de<br />

discours de type fictionnel (norme fictive). » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem)<br />

III. 5. LA RÉALITÉ D'UN CONCEPT: L'UNES LANGUE<br />

S’intégrant parfaitement dans la problématique de la qualité de la langue, le<br />

concept de l’ Unes langue apparaît dans la théorie de l'Imaginaire linguistique suite aux<br />

nombreuses réflexions sur la langue dans le processus de description linguistique<br />

(rapports des sujets parlants avec leur parler, attitudes ou «sentiments» linguistiques<br />

des locuteurs, insécurité ou culpabilité linguistiques, etc.). Qu'il y ait une dynamique<br />

linguistique, c'est déjà démontré (cf. du A. Martinet). Le problème qu'Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud soulève à l'attention des chercheurs linguistes (Sorbonne -5/6 avril<br />

1993), c'est l'influence, s'il y en a, des attitudes linguistiques sur la langue. Elle part<br />

dans la formulation de cette question de la pensée saussurienne conformément à<br />

laquelle « le lien social tend à créer la communauté de la langue [...] inversement c'est<br />

la communauté de la langue qui constitue dans une certaine mesure l'unité ethnique. »<br />

(Saussure)<br />

Anne-Marie Houdebine-Gravaud s'est attachée à cette question d'une part sur un<br />

plan théorique linguistique, pour tenter une taxinomie des phénomènes déjà repérés,<br />

d'autre part, pour dégager leur influence dans la synchronie dynamique. Pour en venir à<br />

36


ce but, elle a vu la nécessité d'étudier les comportements des locuteurs et leurs attitudes<br />

à l'égard des productions langagières. Diverses, relevant aussi bien des fictions<br />

individuelles que des principes normatifs transmis par les institutions de l'Etat, les<br />

attitudes sont néanmoins trouvables dans toutes les langues. Elles se manifestent par la<br />

croyance des sujets dans la « clarté » ou dans la « beauté» ou dans la « musicalité» de la<br />

langue. Les attitudes peuvent être aussi négatives, dépréciatives quand on constate le<br />

manque de « pureté» de la « langue », l' « invasion des anglicismes ». Et les études sur<br />

ces aspects qui peuvent être, considérés comme appartenant à une linguistique en<br />

extension (cf.Anne-Marie Houdebine-Gravaud) sont appréciées comme<br />

transdisciplinaires car elles visent aussi la langue, les influences externes sur celle-ci, sa<br />

qualité ainsi que les comportements que ces réalités imposent.<br />

Le concept à orthographe et syntaxe provocatrices, l'Unes langue, est né du<br />

constat de la diversité des usages d'une langue. D'ici les différentes façons de parler, les<br />

registres de la langue, qu'on doit accepter car ils existent tout comme la langue et le<br />

locuteur. Comment expliquer autrement cette suite de formulations de la même<br />

question:<br />

- « Quel est ton âge? »<br />

-« Ton âge, c'est quoi? »<br />

-« Quel âge as-tu? »<br />

-« Quel âge que t'as? »<br />

-« C'est quoi, ton âge?»<br />

-« T'as quel âge? »<br />

-« Quel âge t'as? »<br />

Ou parler le discours indirect et indirect libre:<br />

-« Je me demande quel est son âge. »<br />

-« Je m' demande, c'est quoi son âge?»<br />

-« Quel est son âge? Je me demande. »<br />

-« Quel âge a-t-il? Je me le demande. »<br />

-« Je me demande quel âge il a ? »<br />

Anne-Marie Houdebine-Gravaud dévoile l'existence d'une première langue, la<br />

langue maternelle, distincte de la langue inculquée par l'école et d'une langue tierce,<br />

paternelle, située entre l'enfant et sa première langue. L'Unes langue traduit « ce<br />

fantasme d'unité en même temps que les variétés existant dans une langue d'où le s à<br />

Unes. » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, « L'Unes langue », Sorbonne -5/6 avril<br />

1993)<br />

La langue n'est que diversité car elle est un objet véhiculé par un nombre infini<br />

de locuteurs. La prescriptivité est inculquée par l'école ou bien par la littérature mais<br />

37


combien de fois la langue ne trahit-elle le locuteur prescriptif quand elle fait vaciller son<br />

discours? (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud) « L'imaginaire linguistique alors<br />

s'entend et le fantasme individuel se faufile tandis que le bord de la langue et par là sa<br />

consistance même, se profile » (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, « L'Unes Langue »).<br />

Les normes prescriptives elles-mêmes varient, témoignage de l'évolution de la langue,<br />

les nouvelles formes pouvant devenir majoritaires, tout en reflétant les usages<br />

convergents. (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud)<br />

Nous nous arrêterons sur quelques exemples (devenus déjà célèbres) extraits des<br />

travaux d'Anne-Marie Houdebine-Gravaud et qui illustrent justement cette dynamique<br />

évolutive de la langue au cours de la pratique langagière.<br />

1. Un jeu sur la station de radio dite périphérique: le gain possible est<br />

une parure de lit. La journaliste l' énonce « une parure de lit et deux taies<br />

(tés)». Elle est immédiatement coupée par son partenaire: « deux taies,<br />

deux taies », dit-il insistant fortement sur le é (ouvert de taie. » « Deux<br />

taies, deux taies, une parure de lait / de lit et ...deux taies. »<br />

2. « Passante, vous avez dit passante, mais on doit passagère ». Cette<br />

citation marque la prescriptivité qui hante le locuteur mais, tout comme<br />

le remarque Anne-Marie Houdebine-Gravaud, elle este preuve de<br />

justesse d'une part, mais aussi de fausseté, d'autre part. La norme dit<br />

«passante » mais l'usage dit «passagère », les deux formes coexistent,<br />

preuve qu'il s'agit de l'imaginaire dans la norme prescriptive. Un autre<br />

couple qui s'impose est mettre à jour (l'usage) face à mettre au jour (la<br />

norme).<br />

3.On entend sur les ondes une voix d'homme qui annonce un match de<br />

hand bal (prononcé hand baul). Interrompu par sa consoeur, la voix<br />

féminine dit hand bal et explique qu'étant donné l'origine allemande du<br />

mot, on ne peut pas le prononcer à l'anglaise. La langue est support pour<br />

le lien social (l'homme répond: « hand bol, hand bal, tout ça c'est du<br />

sport»), mais elle peut aussi bien contribuer à sa destruction quand on<br />

insiste trop sur l'un ou l'autre des côtés mis en discussion (normativité -<br />

prescriptivité et usage). « Aussi l’on comprend que « toucher à la langue»<br />

peut paraître à certains attaquer le lieu social et la communauté. Comme<br />

l'on entend dans certaines critiques concernant la féminisation des noms<br />

de métiers ou la réforme de l'orthographe. C'est ainsi que les<br />

conservatismes social et langagier vont de pair. »<br />

Incluse dans le concept de l'Unes langue, la qualité de la langue renvoie au<br />

modèle de langue (« il n'est de français que de Paris» -Fouché). Cette prescriptivité fait<br />

que pour beaucoup de Français et même d'étrangers, le français hexagonal (parisien<br />

cultivé) » reste la seule langue garante de la « qualité du français» (cf. Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud). La langue vivante infirme cet idéal fantasmatique. Une langue est<br />

parlée tout en se renouvelant, en innovant, en modifiant ses structures car elle est<br />

appelée à rendre des réalités nouvelles tout en transmettant encore les anciennes<br />

38


eprésentations, « reflet des permanences culturelles ou des résistances idéologiques»<br />

(Anne-Marie Houdebine-Gravaud, idem, Sorbonne –5/6 avril 1993)<br />

« Même si les normes prescriptives, fictives, les imaginaires linguistiques ont<br />

une influence sur la dynamique linguistique, il convient de ne pas les tenir pour ce<br />

qu'elles ne sont pas, à savoir la langue elle-même. Peut-être la responsabilité et la tâche<br />

des linguistes se situent-elles là aujourd'hui: dire aux gens de pouvoir, car les linguistes<br />

n'en ont guère, qu'entre la langue réelle et sa représentation rigide, il existe un écart<br />

important. Si on l'ignore, si on confond les deux niveaux, la langue et sa représentation,<br />

on risque de figer les paroles et, bien avant le temps, de porter à notre langue des coups<br />

mortels en la momifiant trop tôt ». (Anne-Marie D Houdebine-Gravaud, idem, Sorbonne<br />

-5/6 avril 1993<br />

III. a. RESUME<br />

La langue reflète l’expèrience humaine. Mais cette expérience subit des<br />

changements, différents l’un de l’autre, mais qui se produisent en même temps. C’est ce<br />

qui engendre le phénomène de synchronie dynamique, c’est-à-dire de diverses formes<br />

linguistiques ayant le même référent qui coexistent, ou L’unes langue. Si nous prenons<br />

comme objet d’analyse chaque sujet parlant nous remarquons que, tout en respectant en<br />

grand les lois prescriptives de la langue, il construira son propre univers linguistique,<br />

selon sa propre expérience. Dans son acception classique, la norme c’est l’ensemble<br />

des règles qui régit la langue. L’acception de la dynamique linguistique réduit le rôle<br />

régulateur de la norme. Ainsi est-on arrivé à admettre l’existence d’une pluralité de<br />

normes. William Labov catégorisait les sujets parlants dans des communautés<br />

sociolinguistiques selon des critères concernant la classe sociale, la profession, l’âge, le<br />

sexe. Anne-Marie Houdebine rejette cette classification invoquant le mélange fréquent<br />

d’attitudes linguistiques chez des sujets appartenant, apparemment, à une seule<br />

commuanuté linguistique. Ici intervient le concept d’Imagianire Linguistique avec ses<br />

normes à lui : prescriptives, fictives, évaluatives et communicationnelles.<br />

III. b. TEST DE VALIDITÉ<br />

1) Quels sont, dans la réalité d’une langue, les éléments qui nous permettent de<br />

parler de synchronie dynamique ?<br />

2) Pensez à quelques exemples qui puissent illustrer l’idée que l’accroissement<br />

de votre expérience a engendré, simultanément, des changements d’ordre<br />

linguistiques.<br />

3) Quels sont les éléments constitutifs de l’imaginaire linguistique d’un sujet ?<br />

39


4) Où situez-vous la délimitation des concepts : communauté linguistique et<br />

imaginaire linguistique ?<br />

5) Précisez la nature des normes qui régissent l’Imaginaire Linguistique d’un<br />

sujet parlant.<br />

6) Identifiez les registres de langue employés dans les exemples suivants et<br />

imaginez des situations appropriées pour chacun :<br />

- Sois patient !<br />

- Ne sois pas si impatient !<br />

- C’est bientôt fini !<br />

- Ça y est tout de suite !<br />

- Petit à petit l’oiseau fait son nid.<br />

- Tu n’en as plus pour longtemps.<br />

- Ne perdez pas patience !<br />

- Il faut patienter encore !<br />

CHAPITRE IV<br />

IV. ANALYSE SYSTÉMIQUE : L’<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE<br />

ET L’INTERACTION SUJET/ DISCOURS / DYNAMIQUE<br />

LINGUISTIQUE DANS LES ROMANS DE MARIN PREDA<br />

Une bonne occasion pour observer la langue dans sa manifestation en tant<br />

qu’expérience humaine est l’analyse de l’oeuvre d’un écrivain qui s’attarde sur<br />

une palette large de représentations des gens appartenants à de diverses couches<br />

sociales, se trouvant sur une topographie variée. Leur langue dévoile autant les<br />

normes linguistiques que les écarts à ces normes.<br />

La parole devenue mot joue un rôle primordial dans la trame narrative de<br />

M. Preda. Elle arrive jusqu’à se constituer en échappatoire, se substituant à la<br />

réalité, ou en déclencheur d’évenements majeurs dans la réalité, de nature à<br />

perturber celle-ci radicalement.<br />

IV 1. ARGUMENTAIRE D’UNE ETUDE – INVESTIGATION SUR LES<br />

ECRITS DE MARIN PREDA<br />

40


Le cycle romanesque de Marin Preda est formé par quatre grands textes:<br />

Morometii (les Moromete), Delirul (Le Délire), Cel mai iubit dintre pamînteni (Le plus<br />

aimé des mortels) et Viaţa ca o pradă (La vie comme une proie). Des fragments<br />

reviennent d'un roman à un autre, l 'homogénéité et la continuité référentielles y étant<br />

assurées par la redondance événementielle et discursive. C'est un univers en quelque<br />

sorte clos, où le contexte socio-historique est celui de la Roumanie des années '50.<br />

Les milieux socio-professionnels et culturels décrits sont d'une grande diversité<br />

et entrent dans une large palette de représentativité linguistique: de l'illettré à<br />

l'universitaire et au journaliste, de l'ouvrier dans les campagnes à l'ouvrier dans la<br />

grande ville, des petits fonctionnaires aux politiques.<br />

Tous ces aspects font que cette œuvre devient un corpus d'analyse -investigation<br />

qui permet de voir La Langue en tant qu'expérience humaine (cf. Martinet) ainsi que son<br />

idéalisation fantasmatique (cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud) légitimée par ses<br />

usagers. L'étude de type sociolinguistique appréhende le sujet parlant dans la<br />

dynamique de sa langue -moment de la dynamique linguistique: le roumain au milieu du<br />

XX-è siècle.<br />

La théorie de l'Imaginaire Linguistique (IL) constituera le support de<br />

l'organisation des étapes de l'analyse-investigation « à la découverte » des normes<br />

linguistiques. Tout en les mettant au jour on essaye de voir dans ces normes des<br />

symptômes sociaux et implicitement, communicationnels, pour une situation de « crise<br />

dans la langue » (si l'on est d'accord sur le fait que toute période de transition sociale<br />

entraîne la langue dans une zone de perturbations).<br />

IV. 2. L'IMPORTANCE DE LA PAROLE, DU MOT CHEZ MARIN<br />

PREDA<br />

Marin Preda est un prosateur roumain du XX-è siècle pour lequel le mot écrit ne<br />

fait que reprendre la parole prononcée, selon son propre témoignage à propos du<br />

discours autobiographique de Viaţa ca o pradă (La vie comme une proie). D'ailleurs, il<br />

consacre tout un chapitre (V) à définir le rôle joué par le mot dans son évolution<br />

spirituelle. A ce titre, quelques exemples traduits nous paraissent absolument<br />

nécessaires pour argumenter notre propos:<br />

-« Fantastiques, pour moi, ce n'étaient pas les visions de Ion M. Ion, [... ],<br />

mais la façon et la raison d'être du mot prononcé quotidiennement par les<br />

gens » (p. 30);<br />

-« ...la force de la parole me dévoilait brusquement comment 1 'homme<br />

pouvait simultanément penser à deux choses tout à fait différentes... » (p.<br />

31);<br />

-« Quelquefois, dans le calme de notre petite chambre, j'entendais venir<br />

du dehors la parole torrentielle, dégradée. » (p. 32);<br />

-« Les eaux, les rivières, les flaques ne me parlaient pas, je ne m'y<br />

intéressais donc pas; ni à la pluie, ni à la forêt, ni au soleil... » (p. 35);<br />

-« La seule chose q.ui me faisait rester muet de fascination, c'était la<br />

parole des gens » (p. 33).<br />

La foi dans la force de la parole devenue mot nous paraît être le trait marquant<br />

de toute l'écriture prédienne, écriture de type réaliste, sans doute. La fréquence même du<br />

41


mot mot (parole) à travers les discours ne peut pas rester inaperçue dans la lecture.<br />

D'une certaine manière, cette redondance lexicale assure, entre autres, la cohésion<br />

discursive. L'attention du lecteur est constamment « détournée » du fil narratif vers ce<br />

qui tisse en fait la trame des événements: le mot transformé en force démiurge.<br />

Par différentes techniques énonciatives, Marin Preda n'arrête pas de montrer le<br />

rôle essentiel que la parole joue dans la destinée des humains de ses romans (par ex., la<br />

parole qui déclenche toute la série d'événements négatifs dans la vie du héros principal<br />

de Le plus aimé des mortels) ou dans la construction de leur univers (la langue invente<br />

et réinvente tout un monde): le paysan -philosophe se réfugie dans le mot pour<br />

échapper à l'impact dur avec la réalité: (Moromeţii -les Moromete); l'intellectuel des<br />

années '50 retrouve dans le mot son meilleur ami de prison (Le plus aimé des mortels).<br />

C'est, sans nul doute, le mot le grand héros parmi les héros de Preda; c'est par le<br />

mot qu'ils se voient et se jugent l'un l'autre, par le mot tout seul, très rarement<br />

accompagné du geste; c'est le mot qui oriente d'une façon décisive les actions<br />

(rencontres, séparations) et les sentiments (amour, amitié, haine) des humains; c'est le<br />

mot qui, sur le plan de la construction des discours, en assure l'autonomie à " un<br />

important nombre, et c'est toujours le mot qui assure au faire mental (V. J. 3. a.), par les<br />

attitudes d'observation et de comparaison, un poids tout à fait spécial.<br />

V.3. LES ROMANS DE PREDA ET LE « PLAISIR DU LANGAGE »<br />

On a retenu les écrits de Marin Preda en corpus à investiguer pour montrer, ou<br />

plutôt découvrir, les rapports langage -langue - homme, dont le fonctionnement nous<br />

préoccupe à présent.<br />

Le fait que le linguiste soit mieux « équipé» pour observer, tirer et classer les<br />

réactions des sujets choisis comme dûment représentatifs peut constituer un obstacle<br />

pour qu'il se forme une opinion (subjective) sur l'aspect esthétique des faits de langage.<br />

Il se retrouve tellement «imprégné» par son rôle de médiateur, par la valeur d'objectivité<br />

qu'il doit nécessairement joindre à ses conclusions, qu'il s'écarte de plus en plus,<br />

psychologiquement parlant, de cette « chance» qu'ont les locuteurs communs de<br />

formuler des jugements de valeur sur la qualité de la langue. C'est là un point d'intérêt<br />

fort que le linguiste attache à l'étude des écrits de Preda.<br />

Ses romans nous font redécouvrir « le plaisir du langage» et la saveur de la<br />

production linguistique quotidienne. Du simple fait des appréciations constantes sur leur<br />

langue ainsi que sur celle de leurs interlocuteurs ou seulement sur la langue des autres,<br />

le comportement linguistique des locuteurs prédiens se charge d'une puissante force<br />

esthétique. Les discours communs, les « hors- discours » reproduits tels quels ou sous la<br />

forme du discours rapporté permettent qu'on perçoive la langue comme un tout, comme<br />

un objet.<br />

La Langue, on l'entend, on l'apprend grâce aux locuteurs de l'univers<br />

romanesque de Marin Preda. En tant que lecteur, on éprouve même la sensation de<br />

participer à la construction du dialogue, des discours prononcés par ces locuteurs, on<br />

est, tout comme le scripteur, « ébloui » devant la force du Mot.<br />

42


Les échantillons de « sujets interrogés » seront formulés des personnages du<br />

cycle romanesque prédien qui perdent cette dernière qualité: nous les saisissons dans<br />

l'interaction des attitudes et des comportements pour pouvoir interpréter une réalité<br />

linguistique complexe. Ils ne leur reste qu'une double qualité, à savoir celle de sujets<br />

parlants et celle d'êtres sociaux. Dans leur rapport à La Langue, le rôle joué par eux est<br />

immense: ces êtres sont en train de faire La Langue, de fixer un moment dans la<br />

dynamique linguistique du roumain, quitte à en déformer et hyperboliser certains traits.<br />

Un dernier aspect à signaler dans notre propos serait celui représenté par la<br />

réalité des interférences linguistiques (roumain-français, roumain-russe, roumainallemand).<br />

A ce niveau-là de l'investigation textuelle, on constate que c'est la diversité<br />

des langues utilisées qui facilite ou soutient la pénétration dans une diversité de cultures.<br />

Les références culturelles, entraînées par la rencontre des langues, abondent, inondent<br />

même quelquefois les discours.<br />

La vision du monde apparaît ainsi clairement incluse dans les langues, la langue<br />

perdant complètement sa fonction répertorielle (cf. Harris), pour ne garder que son rôle<br />

d'accès à un système ou à des systèmes culturels (cf. Ullmann).<br />

IV. 4. ETUDE SUR L'<strong>IMAGINAIRE</strong> LINGUISTIQUE (IL) DANS<br />

MOROMETII - (LES MOROMETE) DE MARIN PREDA<br />

IV. 4.1. REPERES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES<br />

Les analyses linguistiques (voire sociolinguistiques) de dernière date s'appuient<br />

sur la description et l'interprétation des données du langage et de la langue qui mettent<br />

en évidence des variétés linguistiques (l'unes langue). Ces recherches ont montré et<br />

démontré que la notion d'unité de la langue relevait d'une norme fictive car, au fond,<br />

«toute langue [... ] est utilisée de façon différente par les locuteurs » (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud).<br />

Dans ce sens-là, la démarche de la recherche entreprise par nous suivra de près<br />

les rapports existant entre le langage, la langue: l'unes langue et ses locuteurs.<br />

Néanmoins quelques précisions d'ordre théorique et métadiscursif s'imposent encore.<br />

L'étude in extenso suit les différents aspects de l'Imaginaire Linguistique à<br />

travers les quatre textes du cycle romanesque prédien Ş<br />

Moromeţii -Les Moromete (M) .<br />

Delirul- Le Délire (D) :<br />

Cel mai iubit dintre pamînteni -Le plus aimé des mortels (PAM)<br />

Viaţa ca o pradă -La vie comme une proie (VCP)<br />

43


Le dépouillement (socio )linguistique de ces textes est favorisé par l'application<br />

des principes de la méthode d'Investigation Textuelle (IT), ceux qui nous ont aussi<br />

permis de constituer le corpus de quatre romans (1. 1. c).<br />

A travers le corpus prédien on a accordé le maximum d'attention au<br />

comportement linguistique du scripteur (l'auteur) et de ses personnages qu'on a<br />

transformés, pour faciliter, opérationnellement parlant, notre analyse -investigation, en<br />

deux catégories distinctes:<br />

-le scripteur -(le) sujet parlant du premier degré, le vrai sujet parlant, dans le<br />

sens « classique » du terme;<br />

-les personnages -(les) sujets parlants du deuxième degré, dont la parole est<br />

médiée par le sujet parlant du premier degré (le scripteur ou l'auteur).<br />

Pour cet échantillon d'analyse, on s'est arrêté sur le texte où la langue primaire<br />

(maternelle) du sujet parlant du premier degré coïncide avec la variété linguistique<br />

(l'unes langue multipliée par -n sujets parlants) représentée par les sujets parlants du<br />

deuxième degré, à savoir le parler des paysans d'Olténie -région du sud de la<br />

Roumanie: Les Moromete. Cette identité linguistique commune au scripteur et aux<br />

humains du roman se constitue en argument pour le découpage terminologique tenté par<br />

le sujet investigant (troisième catégorie de sujet, dont la première langue est le roumain<br />

qui inclut la/les variété/s en train d'être observées).<br />

Le caractère systémique de la théorie de l'Imaginaire Linguistique (Anne-Marie<br />

Houdebine-Gravaud, texte du séminaire du 4. III. 96) nous a facilité le trajet vers la<br />

constitution d'une série de sous-corpus, en fait des groupements d'exemples sur les<br />

causalités internes et les causalités externes qui déterminent, en partie, le rapport des<br />

sujets à La Langue, contribuant à la formation de ce qu'on vient de définir par l'unes<br />

langue (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1995). Ces sous-corpus d'analyse (en annexe<br />

à notre papier) regroupent des mots, des syntagmes, des bouts de phrases, des phrases<br />

tout entières et des fragments de discours sous le signe des attitudes (« sentiments ») et<br />

comportements linguistiques des locuteurs qu'on a l'impression, en qualité de sujet<br />

investigant, d'enquêter d'une façon indirecte: sous-corpus sur la variété de langue décrite<br />

et interprétée (aspects phonétique, lexical, morphologique, syntaxique, figuratif), souscorpus<br />

des mots-indices pour l'appartenance politique des sujets parlants du deuxième<br />

degré, les sous-corpus représentant l'attitude linguistique (norme fictive) du sujet<br />

parlant du premier degré (le langage silencieux, les précisions d'ordre sémantique, les<br />

appréciations sur la qualité de la langue, les jugements évaluatifs sur le langage, la<br />

langue et l'unes langue).<br />

Le corpus formé des sous-corpus représentatifs pour l'analyse linguistique<br />

entreprise à base d'une investigation textuelle est observé par le sujet investigant comme<br />

étant un ensemble d'indices qui se dégagent objectivement au linguiste, à l'aide du sujet<br />

parlant du premier degré, et qui caractérisent l'appartenance sociale et géographique<br />

(régionale) des locuteurs, leur âge et leur sexe ainsi que les moments dans l'évolution<br />

d'une dynamique de ce parler qu'est la langue des paysans de l'Olténie roumaine au<br />

milieu du XX- è siècle. On rappelle les mots de Martinet qui disait qu'une langue n'est<br />

qu'un dialecte qui a politiquement réussi. D'où notre position linguistique: décrire ce<br />

(bout de) parler en Olténie n'est pas autre chose que décrire une langue dans ses zones<br />

de convergence (consensus des locuteurs) et de divergence (diversité des usages).<br />

44


Les aspects liés à la variété de la langue décrite et interprétée concernent des<br />

causalités externes (hiérarchisation et légitimation sociales de certains usages) et des<br />

causalités internes (purement linguistiques). Ces deux séries de causalités reflètent le<br />

rapport du sujet à la langue et relèvent, par conséquent, de l'Imaginaire Linguistique<br />

(IL) (Anne-Marie Houdebine-Gravaud, 1995).<br />

IV. 4. 2. A LA RECHERCHE DES NORMES LINGUISTIQUES<br />

IV. 4. 2. a. Les marques phonétiques<br />

Certaines marques phonétiques dégagées (Annexe A) seraient de nature<br />

systémique dans la langue (norme objective):<br />

-la transformation de [p] en [b] (bleojdit);<br />

-la transformation de [∫] en [j] (bleojdit);<br />

-la suppression de [h] initial (îlînat) ou médial (Miai);<br />

- l'adjonction de la voyelle [a] (vreai);<br />

-la tendance à la réduction phonétique, par la suppression de certains sons (lu<br />

'domnu, da 'ce, Nila 'm !, Iete-m '; a lu, d-aici, acu, d-acolo); on remarque l'orthographe<br />

vacillante du scripteur -la présence ou l'absence de l'apostrophe pour le même<br />

phénomène phonétique;<br />

-l'adjonction de la voyelle [i] pour diphtonguer ou mouiller les sons (iunde,<br />

fiurca, asi).<br />

Les marques phonétiques objectives sont doublées par des exemples de<br />

phonétismes individuels, manière de caractériser tel ou tel sujet parlant du deuxième<br />

degré (norme subjective) ('cea - Annexe A).<br />

Certains de ces changements phonétiques perçus comme la tendance du parler<br />

analysé, et, en général, de la langue populaire, vont vers la simplification (la réduction)<br />

phonique et deviennent, dans l'usage des sujets parlants du deuxième degré, des indices<br />

de l'appartenance socio-politique. A savoir, la catégorie de sujet parlant, adeptes du<br />

communisme dans une première étape, contribue à une du diffusion rapide des formes<br />

telles ezista (pour « exista »), facista lire (pour «fascista »), isploatat (pour<br />

«exploatat») qu'ils font véhiculer dans leurs discours (Annexe B).<br />

IV.4. 2. b. Les marques lexicales<br />

Les marques lexicales analysées pourraient être groupées en plusieurs souscatégories:<br />

-les régionalismes (norme systémique -objective), perçus comme tels vu leur<br />

fréquence dans les énoncés des sujets parlants du deuxième degré (Annexe A): fa, nea,<br />

întunericeşte, moşmoneşte, neam (pour « nimic »), beştecăia, mursicat, se izmeni...<br />

-les mots inventés par les locuteurs qui tiennent ou bien à la créativité linguistique<br />

(norme systémique -les termes acceptés par l'usage courant des locuteurs) ou au<br />

fantasme linguistique individuel (norme fictive) (Annexe C): colţatul, baloaso,<br />

magarealo, ucebè, setebè, utemè (pour ces 3 derniers exemples on observe la<br />

«déformation» orthographique -norme fictive au niveau du sujet parlant du premier<br />

45


degré);dosădito, iacacinp cinenutrebuie, zaltat, tilimpla, armăsaroaie, bumpen, meatè,<br />

guica, cecsina ...<br />

-la formation des noms propres à partir de surnoms suggérés par des onomatopés<br />

(firfilica) ou le nom du lieu de travail (Marmorosblanc), ou par dérivation nominale<br />

(Guica / Cinenupoate), ou par l'origine de naissance (Parizian), ou purement et<br />

simplement par la fantaisie linguistique du sujet parlant (Zdroncan, Isosica) (Annexe<br />

D).<br />

IV. 4. 2.c. Les marques morphologiques<br />

Les marques morphologiques à caractère systémique se réduisent à deux très<br />

importantes dans le parler populaire d'Olténie:<br />

- l'emploi usuel du passe simple;<br />

- le manque de l'accord entre le sujet et le verbe (Annexe A).<br />

IV. 4. 2. d. Les marques syntaxiques<br />

Le noyau dur de la langue, la syntaxe, est lui-aussi marqué»), par des<br />

changements d'ordre objectif (norme systémique): l'ordre des mots est souvent étonnant<br />

eu égard aux normes écrites ce qui contribue à la création d'une syntaxe populaire de la<br />

phrase relative « Era sănătos, [... ], era un om deştept care îţi facea plăcere să stai cu el<br />

de vorba... pour cu care iţi făcea plăcere să stai de vorbă) ou au changement de<br />

connecteur: « Vezi cum îi faci cu seceratul » pour Vezi ce -(i) faci cu seceratul) (Annexe<br />

A).<br />

IV. 4. 2. e. Les marques sémantiques<br />

Le niveau sémantique est lui aussi altéré dans le sens que la, méconnaissance de<br />

la signification correcte de certains mots peut devenir indice d'ordre socio-politique. II<br />

s'agit surtout des mots récemment. entrés dans l'usage courant et véhiculés dans les<br />

discours du politiques: « Eu sînt comunist şi anticomunist... » ou « Îmi fac critica şi<br />

autocritica... » (Annexe B).<br />

IV. 4. 2. f Les figures du langage<br />

Un autre ordre de facteurs qu'on devrait prendre en considération pour illustrer la<br />

force de la créativité linguistique des sujets parlants du deuxième degré (norme<br />

systémique) dans cette variété régionale du roumain, ce sont les figures du langage<br />

(Annexe E). Moyen d'enrichissement de l'expression imagée (figurée), ces figures<br />

colorent les discours des sujets parlants du deuxième degré ou les interventions du<br />

scripteur. Elles relèvent pour la plupart de l'univers de l'existence paysanne<br />

(comparaisons, métaphores, métonymies, personnifications, épithètes plus ou moins<br />

46


eliées à la ferme): « Ăsta e bou! Bou de mere şi de pere » -traduction: Lui, il est un<br />

bœuf ! Bœuf de pommes et de poires; « Dau din coadă să ies din iarnă» -traduction: Je<br />

remue la queue pour sortir de l'hiver.<br />

IV. 4. 2. g. Les jurons<br />

Les jurons représentent une autre catégorie que le sujet investigant intégrerait<br />

dans la catégorie des normes systémiques, étant à la fois de puissantes marques de la<br />

masculinité dans le langage (Annexe E): « Lovi-o-ar moartea de Bisisica ! » -<br />

traduction: Que la mort frappe Bisisica; « Cîşi, mîncate-ar cîinii » - traduction: Que les<br />

chiens te mangent!<br />

IV. 4. 2. h. Le mot -marque socio-politique<br />

Le mot - reflet des changements socio-politiques pendant l'époque de transition<br />

d'une société de type capitaliste vers une société de type socialiste -est perçu par le sujet<br />

parlant du premier degré et par le sujet investigant, dans sa dynamique, plus<br />

précisément dans ses co-occurrences qui seront connues sous le nom de langue de bois.<br />

Pendant cette période trouble, ou l'engagement individuel était déclaré ou non, se<br />

produisait ou pas, le mot, le syntagme, la phrase, la structure discursive deviennent<br />

marques engagé/non-engagé (Annexe B). Ces éléments traduisent des attitudes (ou<br />

«sentiments linguistiques») où l'on voit clairement le rapport de dépendance entre les<br />

locuteurs et les facteurs d'ordre subjectif, idéologique et psychologique (norme fictive,<br />

imaginaire linguistique). Le mot devient un premier pas dans la « conversion » des<br />

locuteurs vers un nouveau type de société et, en plus, paraît-il, plus vite cette conversion<br />

se fait sur le plan linguistique, mieux c'est ou moins douloureux est le processus<br />

d'adaptation. Voilà un exemple d'action presque magique du mot sur le comportement et<br />

les sentiments des individus.<br />

C'est le moment de l'apparition de la catégorie de locuteurs qui, malgré leur<br />

appartenance régionale commune (l'Olténie), leur origine sociale identique (des<br />

paysans), situables, pour la plupart, dans les mêmes classes d'âge (30-40-50 ans),<br />

commence à adopter des attitudes et des comportements linguistiques divergents: le<br />

vieux père se moque de la nouvelle langue de bois de son fils, incomprise par lui; le<br />

vieil ami se moque de celui qui a déclaré verbalement son appartenance politique. On<br />

observe, néanmoins, que l'âge et le sexe agissent en catégories pertinentes pour le<br />

rapport langue de bois - individu: les jeunes hommes sont beaucoup plus perméables<br />

aux «innovations» linguistiques que les vieillards ou les adultes mûrs; de même, la<br />

résistance des femmes est plus forte face au renouveau linguistique des hommes, les<br />

paysannes étant moins impliquées dans le processus général des transformations<br />

sociales.<br />

IV.4. 2. i. Attitudes ou « sentiments » linguistiques<br />

L'imaginaire linguistique dans le roman Les Moromete se dévoile suite à<br />

l'analyse des sous-corpus des jugements évaluatifs sur la langue (norme fictive)<br />

47


(Annexe F), des sous-corpus sur la qualité de la langue (norme évaluative) (Annexe G),<br />

sur les précisions sémantiques faites pour la plupart par le sujet parlant du premier degré<br />

(Annexe H) ainsi que sur les remarques qui relèvent du «langage silencieux» (normes<br />

fictives) (Annexe 1). A travers ces exemples, le sujet investigant analyse l'attitude<br />

linguistique de l'auteur en tant que scripteur ou locuteur commun (subjectif). Nous<br />

découvrons alors un scripteur aux aptitudes de théoricien du langage, ce qui nous<br />

autorise à considérer quelques-unes de ses remarques comme étant propres à<br />

l'objectivité d'un chercheur.<br />

Les appréciations se font sur la qualité de la langue, sur ce qui est beau ou moins<br />

beau (norme prescriptive), sur la tonalité de la voix, le rythme des paroles et l'intonation<br />

des phrases deviennent toutes des modalités de caractérisation des sujets parlants (par<br />

ex.: le rythme lent de la langue moldave s'oppose à la fréquence rapide des paroles dans<br />

la langue d'Olténie, marquant l'appartenance régionale des locuteurs) (Annexe G):<br />

ex. (traduction): « ...des paroles qui, c'est vrai, ne ressemblaient pas tout à fait à celles<br />

du parler courant, mais qui étaient simplement plus belles, on dirait extraites des livres<br />

lorsqu'un long récit commence. »<br />

Le rapport langue-pensée est très bien mis en évidence par les exemples du souscorpus<br />

Annexe J. Ce « langage silencieux » illustre une réalité linguistique propre à<br />

certains locuteurs de l'univers prédien: parler avec soi-même, parler dans le rêve, porter<br />

un dialogue imaginaire. Celui qui n'a pas le don de la parole apparaît sous le surnom de<br />

« Le Muet ». ex. (traduction): « Et chaque fois qu'il arrête le chariot et qu'il descend, il<br />

regarde longuement sa terre et dit: « Bonjour, ma terre!» Et la terre lui répond: « Merci<br />

à vous, Voicu ! » (dialogue imaginaire ).<br />

Le scripteur -sujet parlant du premier degré –ressent toujours le besoin de<br />

préciser le sens des mots, d'expliquer la provenance et la signification de certaines<br />

constructions, de rapporter la langue, le mot à la réalité (norme fictive) (Annexe H).<br />

Cela témoigne, entre autres, un haut degré d'ambiguïté sémantique au niveau de<br />

l'imaginaire linguistique des sujets parlants du deuxième degré:<br />

Ex. (traduction : « …il [Moromete] n’a personne à qui parler, dans le sens qu’il n’y a<br />

person digne d’écouter ses pensées…”)<br />

ou « Jeudi après les Pâques, c’était une moquerie, ce qui voulait dire “jamais”.”<br />

Les jugements évaluatifs sur la langue des sujets parlants du deuxième degré<br />

abondent dans le texte; ils contribuent à définir l’état de l’unes langue tout en prouvant<br />

l’existence d’une théorie de la langue dont le scripteur est le principal porteur (Annexe<br />

F).<br />

Ex. (traduction): “Il commença, par une voix douce, à lui dire un longue conte<br />

qui durait longuement, et où les mots “ce papa disait que”, “et moi, je disais que”<br />

revenaient très souvent dans son parler.”<br />

Ou: “… ces paroles qui justifiaient l’énorme flot des mots…”<br />

Ou: “C’est à dire que tu parles en vain si tu ne veux pas comprendre ce que l’on te dise,<br />

c’est que tu as beau de dire ensuite des choses vraies, à quoi ça te servira-t-il?”<br />

La recherche sur l’Imaginaire Linguistique (IL) dans Les Moromete s’étend sur<br />

un échantillon de locuteurs homogénéisables socialement et géographiquement, c’est-àdire<br />

du point de vue de leur occupation de base (des paysans travailleurs des champs) et<br />

48


de leur pays d’origine (l’Olténie). Ces facteurs (causalités) externes déterminent leur<br />

attitude linguistique: les locuteurs prédiens se révèlent, en fait, très prescriptifs eu égard<br />

à leur parler, ils manifestent une certaine constance dans l’expression de leurs pensées<br />

(norme communicationnelle). Par exemple, au moment où des locuteurs tels Niculae<br />

Moromete, le paysan philosophe, devenu activiste du parti communiste ou le notaire,<br />

communiste engagé tout comme Bila était paysan engagé, essayent de transgresser les<br />

normes prescriptives locales, la communication devient « brouillée », les précisions<br />

sémantiques faites par le sujet parlant du premier degré sine qua non, et, par<br />

conséquent, très fréquentes. Cette attitude subjective à l ‘égard de la langue de bois<br />

permet, à la fois, l’étayage des sentiments des autres locuteurs face à La Langue, forme<br />

de résistence sociale (facteur d’inertie) ou de progrès social (facteur du renouveau).<br />

Ex. (traduction) : « Qu’est-ce que ça veut dire, des instruments ? » (C’était un mot<br />

extrait des journaux, par lequel on désignait ces paysans qui continuaient encore à avoir<br />

de bonnes relations avec les anciens propriétaires de terres… ») (Annexe H).<br />

Au bout des échantillons d’analyse qu’on vient de présenter, il devient évident<br />

qu’une méthodologie complexe est mise en œuvre par Marin Preda pour mettre en<br />

évidence une variété de comportements linguistiques et leurs tendances dynamiques<br />

dans tout ce qu’il y a, à la fois, de convergent et de divergent, d’objectif et de subjectif<br />

(facteurs extralinguistiques). Si le sujet investigant a trouvé passionnant repérer ces<br />

constituants de l’Imaginaire Linguistique, c’est encore pour démontrer et vérifier<br />

comment les représentations (fictives ou objevtives) influencent le comportement des<br />

sujets. C’est ce qui permet, en fin de compte, de mieux comprendre les mécanismes de<br />

« révolution » linguistique.<br />

IV. a. RESUME<br />

L’Imaginaire Linguistique d’un sujet parlant se caractérise par les<br />

normes particulières qui le régissent. Concrètement, ces normes peuvent recouvrir les<br />

formes suivantes, formes considérées comme des écarts à La Norme : des marques<br />

phonétiques, des marques lexicales, des marques morphologiques, des marques<br />

syntaxiques, des marques syntaxiques, des marques sémantiques, des figures de<br />

langage, des jurons. Le mot peut ainsi devenir une marque de l’appartenance sociopolitique,<br />

ou bien peut trahir des attitudes ou sentiments linguistiques.<br />

IV. b. TEST DE VALIDITÉ<br />

1) Donnez quelques exemples pour illustrer les normes qui régissent<br />

l’Imaginaire Linguistique d’un sujet parlant.<br />

2) En prenant comme objet d’analyse des sujets parlants se trouvant dans votre<br />

entourage, remarquez les différentes marques linguistiques qui les éloignent de “la<br />

langue standard”.<br />

49


ANNEXE A<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES ELEMENTS D'ORDRE PHONETIQUE,<br />

MORPHOLOGIQUE ET SYNTAXIQUE PROPRES A LA VARIETE<br />

DE LANGUE PARLEE DECRITE<br />

"Nea îndărăt, blegule unde vreai să te duci?" (M, I, 7)<br />

"Acu se întunericeşte " (M, I, 7)<br />

"Raci o să mîncăm, fă, d-aia te vaiţi tu? " (M, I, 7)<br />

"Lovi-o-ar moartea de Bisisica ! "(M, I, 9)<br />

« Niculae o ţinea minte încă de pe cînd era o noantină" (M, I, 9)<br />

"…beştecăind cu corniţele ei mici… "(M, I, 10)<br />

"Taci din gură că nu-ţi iese maţăle " (M, I, 12)<br />

"Ce e, fă, zălţato, ce vreai să fac eu?" (M, I, 12)<br />

“E Florica lui Miuleţ şi cu ga Leana" (M, I, 14)<br />

"… i-a luat-o a lui percitoru înainte… " (M, I, 21)<br />

"Niculae ieşi din tindă niţel bleojdit… " (M, I, 35)<br />

"E caii voştri […]" (M, I, 48)<br />

"Băi Nilă-m'!" (M, I, 67)<br />

"- Eu, domnule comandant, zise un glas. N-a vrut sa vie, 'cea ca el e ostenit de la sapă,<br />

'cea că ce, …." (M, I, 81)<br />

"Îi convine lu' domnu…" (M, I, 81)<br />

"Cînd l-au îţînat să se scoale... " (M, I, 87)<br />

"Vite, acu' se întoarce ăla… " (M, I, 87)<br />

"Plecaţi d-aici, că… m-aş în gura voastră de oţi!" (M, I, 88)<br />

"Ai terminal de sapă?" (M, I, 107)<br />

"Şi n-avea neam păr pe cap!" (M, I, 134)<br />

"Da' ce, o doare ghearele să-i dea sula de pe poliţă?!... " (M, I, 176)<br />

"Ai lu Ilie Moromete!" (M, I, 181)<br />

"Şi alea ce zicea... Alea nu zicea nimic?" (M, I, 195)<br />

"... beştecăia la ciorap" (M, I, 199)<br />

"Barîm să tacă din gură!" (M, I, 204)<br />

"Ce tot dondăneşti din gura aia?" (M, I, 216)<br />

"Era sănătos, [...], era un om deştept care îţi făcea plăcere să stai cu el de vorbă..." (M,<br />

I, 236)<br />

"Vezi cum îi faci cu seceratul!" (M, I, 243)<br />

"Nia d-acolo...! (M, I, 257)<br />

"A venit cu pălăria lui ta-său!" (M, I, 260)<br />

"Stai la-n loc!" (M, I, 299)<br />

"Vatica, vezi să nu-ţi taie vreun deşti'" (M, I, 300)<br />

"Hei, und' te duci?" (M, I, 307)<br />

"Cornile, iunde e fiurca? se izmeni Anghelina... " (M, I, 318)<br />

"Ion al lui Miai"<br />

“aşi fi”<br />

"... dacă nu-i bate ăia pe-ăia, atunci îi bate ailanţi pe astenlanţi!" (M, I, 28)<br />

50


ANNEXE B<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES LEXEMES ET STRUCTURES<br />

DEVENUS DES INDICES DE L'APPARTENANCE POLITIQUE<br />

(OU VERS LA LANGUE DE BOIS)<br />

"ezista procese-verbale" (M, II, 156)<br />

"un manochin. De ce manochin? !" (M, II, 178)<br />

"Măi, parcă ziceai că în sectembre îţi dai concediu" (M, II, 186)<br />

"... adăugăm două zeruri... " (M, II, 187)<br />

"...màhine..." (M, II, 202)<br />

“…văpsească " (M, II, 453)<br />

“…te-am isploatat…" (M, II, 477)<br />

"... facistà... " (M, II, 490)<br />

"Eu îmi caut eul meu" (M, II, 67)<br />

"U-manism, citi Moromete, lăsîndu-se în voia sunetului cuvîntului. În speranţa că în<br />

felul acesta i se va dezvălui poate şi înţelesul, u-manism, repeta el, în gîndirea<br />

secolului." (M, II, 68)<br />

"Un cuvînt străin de vorbirea lor, uşor de ghicit că venea de la notar, revenea din cînd în<br />

cînd ca o oaie brează. În cele ce spuneau: fericire!" (M, II, 75)<br />

"Nu mă cunoşti, domnule Moromete, zice. Eu sînt comunist anticommunist. "(M, II,<br />

202) "Tovarăşii …. Îmi fac critica şi autocritica" (M, II, 440)<br />

"celula" (M II 76)<br />

"adeziune" (M, II,76)<br />

"transubstanţa" (M, II, 84)<br />

"Sancta simlicitas" (M, II, 85)<br />

“Nu voia să-I spună sau poarte nu ştia nici el, însă cuvîntul perinda arăta că observase<br />

totuşi acest fenomen...” (M, II, 108)<br />

“…faceţi politica struţului (expresia asta o auzise probabil tot de la acest fost prefect…)<br />

(M, II, 112)<br />

“…se urcau într-un Gaz…” (M, II, 142)<br />

“Evidenta…” (M, II, 147)<br />

“…construirea socialismului…” (M, II, 150)<br />

“…unelte…” (M, II, 170<br />

“…chiaburii…” (M, II, 170)<br />

“…şi la asta să se rezume tot rolul lor…” (M, II, 172)<br />

“… nu vreai să vii la sfat şi să lichidezi afacerea aia…” (M, II, 202)<br />

“BIROU” (M, II, 207)<br />

“…eşti în eroare…”<br />

“…traducerea în fapt”<br />

“…strecurînd un cuvînt care în alte împrejurări avea un înţeles de îndoială : Cred că o<br />

luam, tovarăşe secretar, fiindcă la noi totul e organizat” (M, II, 217)<br />

“ Bine că venişi tu cu alte modalităţi, zise Moromete…” (M, II, 234)<br />

“…origine sănătoasă ” (M, II, 298)<br />

“…cuvintele ce le-a zis de bastionul socialismului” (M, II, 424)<br />

51


SOUS-CORPUS AVEC DES MOTS INVENTES<br />

„Tu-ţi adineaurea mă-ti” (M, I, 7)<br />

„Taci, fă, din gură, dosădito” (M, I, 17)<br />

„N-auzi ce zice colţatul ?” (M, I, 19)<br />

„Dă-le-n iacacine de fete” (M, I, 33)<br />

„...tăia-te-ar cinenutrebuie...(M, I, 89)<br />

Parcă mi-ai cumpăra din averea mă-tii, izmenito.”...” (M, I, 89)<br />

„Nu ţi-ar fi ruşine, măgăreaţo.” (M, I, 89)<br />

„Nu ia ăla una ca tine, botoaso !” (M, I, 90)<br />

„...să cumpărăm nişte gumarabică...” (M, I, M, I, 133)<br />

„...ce găinezi acolo pe scaun ?” (M, I, 176)<br />

„Cecsina ! blodogări Paraschiv fără să se sinchisească. (M, I, 190)<br />

„Na, mă, pleacă de aici, Căpăţînosule ! Ai un cap cît o baniţă !” (M, I, 255)<br />

„Fă, armăsăroaicelor, legaţi-vă cîinele...!” (M, I, 257)<br />

„Sîntem prea cuminţi, domnilor, sîntem plini de cumsecădenie !” (M, I, 271)<br />

„Stai jos, starea-i bumben !” (M, I, 290)<br />

„Paraschiv lucrează la ucebé...” (M, II, 7)<br />

„...că acum trecuse la setebé (Societatea Tramvaie Bucureşti)” (M, II, 8)<br />

„mneatè” (M, II, 210-211)<br />

„mă tilimplă” (M, II, 220)<br />

„...să-i spună că e poancă, un cuvînt născocit de ea...” (M, II, 226)<br />

„utemè” (M; II, 286)<br />

„geacè” (M, II, 452)<br />

52<br />

ANNEXE C


ANNEXE D<br />

SOUS-CORPUS ILLUSTRANT LA FORMATION DES NOMS<br />

PROPRES À PARTIR DE SURNOMS<br />

Jupuitu<br />

Voicu Cîinaru<br />

Burtica<br />

Guica -"Leica, nu mai guici aşa [... ] Ce guicii aşa, leica ? Cum mai guică ! Ca o<br />

purcea!"<br />

"Parizianul- "... Pe vremuri ea [mama] însoţise la Paris, ca servitoare, pe cucoana<br />

Marica. "(M,l, 189)<br />

Sfîfirlica<br />

Bălosu<br />

Ţugurlan Botochina<br />

Ciuica<br />

Scamosu<br />

Ciorosbuliga<br />

Terente<br />

Oăbei -"Ouă, bei, care mai vinde ouă ?" (M, Il, 73)<br />

Gogonaru<br />

Isosica -"Se spunea despre acest Isosica -de fapt îl chema Tabîrgel Gheorghe, după<br />

numele lui tat-său, dar nu ştie cine îi scornise aceasta porecla care oricît te-ai fi gîndit<br />

tot nu ţi-ai fi putut da seama ce putea sa însemne... " (M, Il, 88) 1:<br />

Cinenupoate<br />

Bila<br />

« Zdroncan […] – de fapt îl chema Fănică, porecla i.o dăduse maică-sa cînd era mic<br />

fiindcă alerga toata yiua prin pat […] ; şi aşa îi rămăsese numele şi pronumele. »(M, II,<br />

209)<br />

« Te-a poreclit Mutul. Nu vorbeai neam ![…] ! N-aveai darul vorbirii ! » (M, II, 505)<br />

53


ANNEXE E<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES FIGURES DU LANGAGE<br />

"Văile clocotiră... "(M, l, 73) -personnification nature<br />

"Ei, acuma ce-ai rămas cu capul între urechi ? !" (M, I, 73) -expression figée imagée<br />

"... l-a cîştigat satul la belciuge ?" (M, I, 81) -expression figée imagée<br />

"Parcă pe mine m-a prins statul de bogdaproste... " (M, I, 81) -idem<br />

"Cînd mitralierele inamice începură să "toace" din gură ..." (M, I, 85) -personnification<br />

"... te-ar lovi vărsatul ăla marele !... "- juron à base de personnification<br />

"Degeaba are doi creiri” (M, I, 110) - expression figée imagée<br />

"Opreşte ca s-a fleşcăit !" (M, I, 121) - idem<br />

"... numai dumneata o întinzi ca gaia -matu de mai bine de cincisprezece ani !... "(M, I,<br />

141) - comparaison<br />

"Dau din coadă să ies din iarnă" (M, I, 150) -métaphore<br />

"... parcă nu-ţi ajunge că ai ajuns ca o laiţă !” (M, 1, 158) - comparaison<br />

"În loc sa te apuci de muncă, baţi cîmpii in bocanci, păzeşti pe boier !" (M, I, 182) -<br />

expression figée imagée<br />

".. .turna Moromete apa rece peste propria-i liniştire" (M, II, 186) - idem<br />

"Ăsta e bou ! Bou de mere şi de pere" (M, I, 256) - métaphore<br />

"…ai făcut-o fiartă !... " (M, I, 325) -expression figée imagée<br />

"Am prins pe dracu ghem" (M, I, 14) -personnification<br />

“Tu, Paraschive, ce stai acilea şi beleşti fasolele la mine ?" (M, I, 18) -expression figée<br />

imagée à base de métaphore<br />

“Tu-fi adineaurea mă-tii !" (M, I, 7)<br />

"Cîşi, mînca-te-ar cîinii !" (M, I, 8)<br />

"Mînca-te-ar lupii sa te manînce !" (M, I, 9)<br />

"Lovi-o-ar moartea de Bisisica !" (M, Il, 9)<br />

"Să te ia naiba... " (M, I, 20)<br />

JURONS<br />

54


ANNEXE F<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES JUGEMENTS ÉVALUATIFS SUR LE<br />

LANGAGE, LA LANGUE ET L'UNES LANGUE<br />

"Începu cu un glas bun să-i spună o poveste lungă care ţinea multă vreme, şi în<br />

care cuvintele "aide tata zice că ", "şi eu ziceam că" reveneau des in vorbirea lui. (M, I,<br />

424)<br />

“Cuvintele din urmă n-aveau nici o noimă, deoarece Paraschiv nu fusese<br />

niciodata unul din. aceia care să poată fi numit traistă şi la care să fi venit cineva să<br />

mănînce". (M, I, 429)<br />

"Da- tu cum vorbeşti ? [... ] şi neinţelegerea cuvintelor care păreau să adeverească<br />

astfel ca sint făcute ca să-i incurce şi nu să-i ajute pe oameni să comunice mai uşor<br />

între ei". (M, I, 19)<br />

"Uite, mă, Cioroşbulingă", îi zise şi renunţă să mai spună restul, zicîndu-şi poate că nici<br />

pe patul de moarte cuvintele sau lucrurile la care se referă ele nu merită sa le spui<br />

numele şi să vorbeşti despre ele". (M; II, 54)<br />

"Adică degeaba vorbeşti dacă nu vreai sa inţelegi ce ţi se spune, degeaba spui tu pe<br />

urmă lucruri adevărate, la ce foloseşte ?" (M, II, 194)<br />

"... ai ceva să-mi spui sau vorbeşti şi tu ca să te afli in treabă ?" (M, II, 199)<br />

"Prea multe vrei să ştiu, il parafrază atunci lipoveanul acela pe Vasile". (M, II, 212)"<br />

"Vorbe multe, inţelegere pţină !... "(M, II, 321)<br />

"...acele vorbe care justificau enormul val de cuvinte... " (M, II, 326)<br />

"... între cuvintele acelea ciudate [... ] şi cutia de table [...] nu exista nici cea mai mică<br />

legătură. "(M, II,83)<br />

"Vorbeşte, [...], dacă crezi în ideile dumitale, [...], dar sa ştii [...] eşti în eroare." (M, II,<br />

55


ANNEXE G<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES APPRECIATIONS SUR LA QUALITE<br />

DE LA LANGUE<br />

"... nişte cuvinte care, ce e drept, nu semănau chiar cu cele din vorbirea<br />

obişnuită, ci erau doar mai frumoase,aşa cum sint ele în cărţi, cînd se începe o<br />

povestire lungă. "(M, II, 263)<br />

"... ce mai limbă o fi şi asta să-i spui vacii carova... " (M, II, 315)<br />

"... acele vorbe care justificau enormul val de cuvinte... " (M, Il, 326)<br />

"... acelaşi glas îndepărtat şi îmbulzit de alte gînduri'" (M, I, 11)<br />

"... glas care il făcu pe Niculae sa se opreasca din plins. " (M, I, 12)<br />

"...în acelaşi glas moale pe care copiii nu prea i-l cunoşteau (M, I, 56)<br />

cuno~teau. " (M,l, 32) , "În privinla injuraturilor era vestit, il înjura ~i pe tat-S\l -<br />

zicea ca de ce l-a fâcut -înjura ~i pe popa... " (M,l,56)<br />

"Avea însa un glas cu totul deosebit de al celorlalli, parcă ar fi fost singurul care<br />

punea întrebarea, sau în orice caz singurul căruia să i se răspundă. "(M, I, 74)<br />

"Era glasul ei cunoscut, glasul ei care ii aprinsese inima. " (M, I, 170)<br />

"…îl informa pe "Paraschiv avind in glas ceva care arăta că în privinţa asta de<br />

mult sînt ei acoperiţi de ruşine. " (M, l, 198)<br />

"Destule vorbe urite am auzit în casă !" (M, I, 203)<br />

"...glasul spălat al lui Victor ..." (M, I, 229)<br />

"...şi cuvîntul parale se urca în salcîmi şi pluti limpede prin împrejurimi. " (M, I,<br />

233)<br />

"...aceeaşi vorbărie fără noimă... "(M, I, 236)<br />

"Acolo însă unde sînt mulţi copii, tatăl [... ] este înarmat cu vorbe usturătoare şi<br />

cu rafinate ironii. " (M, I, 285)<br />

"...se izmeni Anghelina la felde suţire." (M, I,318)<br />

"...ea vorbi apăsat, cu un glas coborît, cu o neaşteptată linişte şi hotărîre. " (M,<br />

I, 443)<br />

"Şi pronunţase cu atîta satisfacţie cuvîntul, incît baiatul se înfricoşă, fiindca era<br />

adevărat. " (M, II, 7)<br />

"...toate cuvintele şi toate gîndurile, spuse cu glas tare sau doar lăsate să fie<br />

înţelese dintr-o gîfîitură sau mîrîială. " (M, II, 24)<br />

"... îi şopti tot în felul ăsta al lui de parcă îi era milă de cuvinte.. ." (M, II, 54)<br />

"...şi glasul îi era muncit... " (M, II, 58)<br />

"... ca să i se subţieze glasul mai boiereşte, şi să fie auzit mai bine de urechile<br />

muierilor. "(M, II, 73)<br />

"-5i avu o astfel de intonaţie în glas, încît s-ar fi putut crede ca se bucură... " (M,<br />

II, 82)<br />

"Şi doar se spuseseră în faţa lui cuvinte menite sa-i întindă măcar un zîmbet... "<br />

(M, II, 172)<br />

56


"(M, II, 202)<br />

"... spunea el cu blîndeţea aceea a lui din glas sub care zăcea ceva neliniştitor...<br />

57


ANNEXE H<br />

SOUS-CORPUS AVEC DES PRECISIONS (CLARIFICATIONS)<br />

D'ORDRE SEMANTIQUE<br />

"…n-are cu cine discuta [Moromete], cu sensu! că nimeni nu merita să-i asculte<br />

gîndurile" (M, I, 67)<br />

"Că cînd am sa-ţi fac eu un raport [...], strigă Toderici, batjocorind vorbirea<br />

celuilalt. "(M, I, 83)<br />

"Joi după Paşti'" era o batjocură, adică niciodata. " (M, l, 169)<br />

"N-am de gînd să înghit ceea ce nu se cuvine", însemnau de fapt cuvintele ei,"<br />

(M, I, 202)<br />

"...'vrînd parcă să spună că e de dorit ca acest cui să nu mai iasă niciodată de<br />

acolo." (M, I, 226)<br />

"După felul cum vorbise, Moromete părea sa aibă ceva nou de spus despre<br />

Traian acela, ..:" (M, I, 230)<br />

"Bumben ? ! se mira Moromete. Asta ce-o mai fi ? Asta însemna că Niculae sa<br />

fie bolnav şi să stea cu şezutu1 în sus." (M, l, 290)<br />

"- Adică vreai să spui ca nu e pe din două, din moment ce-ţi " rămîn ţie paiele !<br />

zise Moromete". (M, I, 320)<br />

"- Nu pot, zice. Îmi trebuiesc banii. Dacă e vorba ca te bizui pe oi, nu pot să-ţi<br />

dau", putea să se înţeleaga din glasul său... "(M, I, 404)<br />

"Ucebè-ul acela (Uzinele Centrale Bucure~ti) tocmai asta era [...]. La toţi li se<br />

părea ca daca zic ucebè, în loc de măturător de stradă, pot să ascundă in acest fel<br />

adevărul nenorocirii lor... "(M, II, 7)<br />

“Nu neapărat era o întrebare de bine, dar nici de rău, iar spinii din ochi iî ţîşniră<br />

din pricina precizării la care fusese silit : mama, cum întrebase el, era una, iar mama<br />

noastră era cu totul altceva, n-o cunoscuseră niciodată…” (M, II, 18)<br />

“Acum se înţelesese Achim spunînd mama noastră mamei lor vitrege, vorbise<br />

deci la plural şi îi inclusese în felul ăsta pe toţi trei, adică in loc să vorbească la singular,<br />

numai în numele lor, adică.” (M, II, 19)<br />

“Cuvintele “mă duc la ailaltă în vale” începură să revină în gura ei încărcate de<br />

ameninţări întunecoase (“o să vedeţi voi”), stîrnind pînă la urmă în cele două surori o<br />

înverşunare surdă împotriva “Alboiaicei”…”(M, II, 34)<br />

“Şi in urma acestor cuvinte care fuseseră rostite ca să înţeleagă că el îl pusese pe<br />

Ouăbei să-I vorbească aşa poştarului…” (M, II, 74)<br />

“Blana era de fapt un ciomag mai gros…”(M, II, 94)<br />

“Adică cum unelte ?” (Era un cuvînt din ziare, prin care erau desemnaţi astfel<br />

acei ţărani care continuau încă să fie în relaţii paşnice cu chiaburii, alt cuvînt<br />

necunoscut în sat prin care erau desemnaţi cei cu stare)” (M, II, 170)<br />

“Vroia, adică, să spună…dar nu spuse că aşa cum zicea ea…” (M, II, 170)<br />

“Bravo, mă tilimplă, zise Isosica cu o falsă admiraţie folosind acest cuvînt cu<br />

care se adresa el în general demult tuturor băieţilor, numai el cunoscîndu-i înţelesul…”<br />

(M, II, 220)<br />

“Ea întoarse capul în felul acela al ei care o făcuse pe maică-sa să-i spună că e<br />

poancă, un cuvînt născocit de ea pentru felul cum fata ei, cind se uita undeva, nu<br />

întorcea faţa într-acolo, şi parcă o arunca…”(M, II, 226)<br />

58


ANNEXE I<br />

SOUS-CORPUS ILLUSTRANT LE "LANGAGE SILENCIEUX"<br />

"Pe mă-ta şi pe tine, chiorule!”şopti atunci Moromete pentru el însuşi, ca şi cînd pînă<br />

atunci ar fi înjurat pe cineva în gînd [... ]; după care răspunsese foarte binevoitor: ..."<br />

(M, I, 6)<br />

"0 să mă rog de el să nu mă ia la sapă şi o să mă lase, gînd Niculae suspinînd... "(M, I,<br />

41)<br />

"Moromete avea uneori obiceiul -semn de batrîneţe sau poate nevoia de a se convinge<br />

ca şi cele mai întortocheate gînduri pot căpăta glas - de a se retrage pe undeva prin<br />

grădină sau prin spate/e casei şi de a vorbi singur". (M, I, 66)<br />

"Ţugurlan însă rămase nemişcat. "Săracul Ion al lui Miai, gîndi el, a făcut-o fiartă şi<br />

acum vine la mine ca şi cînd eu aşi fi frate-său... " (M, I, 325)<br />

"Pe cîtă vreme tu ce vreai ? Nu ţi-e ruşine ? Ştii bine că m-ai văzut cînd eu credeam că<br />

nu e nimeni şi stam eu singur... N-am obiceiul ăsta, nu puteam să-i sufăr pe băieţi la<br />

gîrlă cum se aruncau în apă goi... [...] Dar asta... He ! 0 figură... Eşti curios să ştii cît...<br />

Du-te, mă, dracului, dacă ar fi aşa, te-ai împletici în mers şi ai cădea în nas, tîmpitule...<br />

Nu că, zău care minte... Te mă şi te-nsoară, ce mai aştepţi, nu, că nu vrea tata să-mi<br />

dea pămînt, cică să fac întîi armata, da' cîţi dracu ani ai tu, păi şaisprezece, aoleo, mai<br />

ai patru ani pînă la armată... " (M, II, 268) - rêve<br />

"Şi cînd opreşte căruţa şi se dă jos din ea, se uită lung peste loc şi zice:<br />

"Bună dimineaţa, locule!”<br />

Iar locul răspunde:<br />

"Mulţumesc dumitale, Voicule!”<br />

„Poţi să mă laşi şi aşa, Voicule!” zice, „poţi să te duci acasă” adăugă Moromete de la<br />

el....” (M, I, 291)<br />

59


ANNEXE J<br />

Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot dans la narration<br />

"Vru să mai spună ceva, dar simţi parcă zădărnicia vorbelor... " (M, I, 157)<br />

"Într-o zi mama spuse "o vorbă" Polinei... "(M, I, 201) "Nea Tudore, n-am să-ti spun<br />

decît cîteva vorbe şi ne ducem... " (M, I, 208)<br />

"- Şi ca să convingă pe ceilalţi care ascultau, începu [...] să se înjure la persoana a treia<br />

că ceea ce spune el e adevărat. " (M, I, 231)<br />

"Nici unul nu s-a gîndit, părinte, continua Niculae, de ce a murit din senin un om, dar el<br />

ştia, mi-a spus-o de mai multe ori, zicea că e o boală, am să mor, măi Niculae, aşa mi-a<br />

zis şi mi-a spus şi boala [...] şi chiar despre un parastas ca ăsta a vorbit, un parastas<br />

general, cu laude... " (M, II, 59)<br />

"Ei ! acum s-a terminat, îl vezi cum îi ia altul vorba din gură fără nici un respect şi el<br />

lasă fruntea jos şi nu mai zice nimic... " (M, Il, 83)<br />

"... nici să nu crezi tu acuma că vorbele alea ar fi pricina, ba eu zic chiar că bine ai făcut<br />

că m-ai oprit şi mi le-ai spus... " (M, II, 320)<br />

"... deşi oamenii nu au fost cîştigaţi de partea vorbitorului, totuşi n-au fost<br />

îndepărtaţi...” (M, Il, 130)<br />

"... cînd ai început să te schimbi, cînd ai început să vorbeşti..." (M, II, 510)<br />

"Era glasul ei cunoscut, glasul ei care îi aprinsese inima." (M, I, 170)<br />

60


ANNEXE K<br />

Sous-corpus avec des exemples sur le rôle du mot<br />

dans la définition des attitudes et des comportements<br />

des sujets parlants du deuxième degré<br />

"(şi aceste cuvinte el le spusese ca să-i facă plăcere mamei)" (M, I, 186)<br />

: "Poţi să zici că cu vorbele astea care le-ai spus acum, te-ai spălat pe bot de-un frate !"<br />

(M, I, 212)<br />

"... mai veniseră vreo cîţiva inşi care se aşezaseră pe iarbă fără să se anunţe prin bună<br />

ziua [... ]" (M, I, 230)<br />

"... exclamă Moromete şi ridică mîna în sus şi se înjură din nou la persoana altuia că nu<br />

există. " (M, I, 231)<br />

"Lasă vorba !" zic (că n-avem voie să vorbim cu deţinuţii), dar el nu se sperie... " (M, I,<br />

370)<br />

"Nu se mai putea vorbi cu el, spuneai una şi el asculta şi ai fi zis că înţelegea, ca să te<br />

pomeneşti pe urmă că răspunsurile pe care ţi le dădea veneau din altă parte... " (M, II,<br />

372)<br />

"... alt ţăran care vorbea cu tine aşa cum vorbeşti cu un cal sau cu o vacă. " (M, II, 7)<br />

"-Dar Achim? Era croitor?!!<br />

-De ce croitor ? Zise Tita.<br />

-Păi parcă aşa am înţeles, parca aşa zicea în scrisoare: Costum... " (M, II, 11) [costum /<br />

consum]<br />

"Cuvintele "mă duc la ailaltă în vale" [... ], stîrnind pînă la urmă în cele două surori o<br />

înverşunare surdă împotriva "Alboaicei"..." (M, II, 34)<br />

"... să-şi înjure nevasta cu acel amestec de sentimente în care autoritatea şi dragostea se<br />

schimbă în cursul chiar al unui singur cuvînt spus ..." (M, II, 39)<br />

"Se vedea că tînârul notar cunoştea deja ticurile verbale ale cîrciumarului şi sconta un<br />

anumit răspuns din partea lui:<br />

-E un om foarte serios ! zise Valache. Hai să trăiţi !<br />

Să trăiţi domn' notar !... " (M, II, 79)<br />

"...o fată frumoasă, dar foarte săracă şi mai ales rea, dintre cele care nu se feresc de<br />

cuvinte şi cînd se lega cineva de ea le folosea ca pe nişte cuţite, aşa limbă ascuţită avea.<br />

" (M, II, 93)<br />

"Ăsta e un om blînd, [... ], cînd vorbeşti cu el trebuie să spui de două ori o vorbă ca s-o<br />

înteleagă... "(M, II, 130)<br />

"... felul cum vorbise el cînd i se dăduse cuvîntul, ştia să vorbeasca şi simţeai ca ăsta nu<br />

intra în partid numai ca să-i mai îngroaşe rîndurile încă unul. " (M, II, 329)<br />

"... glas care il făcu pe Niculae să se oprească din plîns. " (M, I, 12)<br />

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REPERES BIBLIOGRAPHIQUES<br />

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