Sanda-Maria ARDELEANU Nicoleta MOROŞAN IMAGINAIRE ...
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mot mot (parole) à travers les discours ne peut pas rester inaperçue dans la lecture.<br />
D'une certaine manière, cette redondance lexicale assure, entre autres, la cohésion<br />
discursive. L'attention du lecteur est constamment « détournée » du fil narratif vers ce<br />
qui tisse en fait la trame des événements: le mot transformé en force démiurge.<br />
Par différentes techniques énonciatives, Marin Preda n'arrête pas de montrer le<br />
rôle essentiel que la parole joue dans la destinée des humains de ses romans (par ex., la<br />
parole qui déclenche toute la série d'événements négatifs dans la vie du héros principal<br />
de Le plus aimé des mortels) ou dans la construction de leur univers (la langue invente<br />
et réinvente tout un monde): le paysan -philosophe se réfugie dans le mot pour<br />
échapper à l'impact dur avec la réalité: (Moromeţii -les Moromete); l'intellectuel des<br />
années '50 retrouve dans le mot son meilleur ami de prison (Le plus aimé des mortels).<br />
C'est, sans nul doute, le mot le grand héros parmi les héros de Preda; c'est par le<br />
mot qu'ils se voient et se jugent l'un l'autre, par le mot tout seul, très rarement<br />
accompagné du geste; c'est le mot qui oriente d'une façon décisive les actions<br />
(rencontres, séparations) et les sentiments (amour, amitié, haine) des humains; c'est le<br />
mot qui, sur le plan de la construction des discours, en assure l'autonomie à " un<br />
important nombre, et c'est toujours le mot qui assure au faire mental (V. J. 3. a.), par les<br />
attitudes d'observation et de comparaison, un poids tout à fait spécial.<br />
V.3. LES ROMANS DE PREDA ET LE « PLAISIR DU LANGAGE »<br />
On a retenu les écrits de Marin Preda en corpus à investiguer pour montrer, ou<br />
plutôt découvrir, les rapports langage -langue - homme, dont le fonctionnement nous<br />
préoccupe à présent.<br />
Le fait que le linguiste soit mieux « équipé» pour observer, tirer et classer les<br />
réactions des sujets choisis comme dûment représentatifs peut constituer un obstacle<br />
pour qu'il se forme une opinion (subjective) sur l'aspect esthétique des faits de langage.<br />
Il se retrouve tellement «imprégné» par son rôle de médiateur, par la valeur d'objectivité<br />
qu'il doit nécessairement joindre à ses conclusions, qu'il s'écarte de plus en plus,<br />
psychologiquement parlant, de cette « chance» qu'ont les locuteurs communs de<br />
formuler des jugements de valeur sur la qualité de la langue. C'est là un point d'intérêt<br />
fort que le linguiste attache à l'étude des écrits de Preda.<br />
Ses romans nous font redécouvrir « le plaisir du langage» et la saveur de la<br />
production linguistique quotidienne. Du simple fait des appréciations constantes sur leur<br />
langue ainsi que sur celle de leurs interlocuteurs ou seulement sur la langue des autres,<br />
le comportement linguistique des locuteurs prédiens se charge d'une puissante force<br />
esthétique. Les discours communs, les « hors- discours » reproduits tels quels ou sous la<br />
forme du discours rapporté permettent qu'on perçoive la langue comme un tout, comme<br />
un objet.<br />
La Langue, on l'entend, on l'apprend grâce aux locuteurs de l'univers<br />
romanesque de Marin Preda. En tant que lecteur, on éprouve même la sensation de<br />
participer à la construction du dialogue, des discours prononcés par ces locuteurs, on<br />
est, tout comme le scripteur, « ébloui » devant la force du Mot.<br />
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