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Denisa-Adriana OPREA, Ethique au féminin et postmoderne du vide ...

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<strong>et</strong> d’époques. Elle préside à l’atomisation des relations interhumaines, à la solitude<br />

<strong>et</strong> <strong>au</strong> repliement sur soi. L’indivi<strong>du</strong> y passe d’une strate culturelle à l’<strong>au</strong>tre, d’un<br />

univers ontologique à l’<strong>au</strong>tre, dans l’indistinction <strong>et</strong> dans la confusion des zones<br />

parcourues. C<strong>et</strong>te ubiquité est synonyme d’impur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> de dispersion identitaires.<br />

Si la demeure des O’Doorsey est un hyperespace hétéroclite, la maison de<br />

Zarian est un non-lieu, c’est-à-dire un espace non relationnel, anhistorique <strong>et</strong> non<br />

identitaire. Elle est aseptique <strong>et</strong> interchangeable, monotone <strong>et</strong> sérialisée,<br />

dépersonnalisée <strong>et</strong> désubstantialisée par la reprise à travers des modèles qui lui<br />

ressemblent à l’identique. Elle est un pro<strong>du</strong>it de consommation, un prêt-à-habiter<br />

dont on peut facilement se débarrasser. La manière dont l’indivi<strong>du</strong> s’y rapporte<br />

participe d’un savoir-vivre caractéristique de la culture «throwaway». Elle témoigne<br />

d’une incapacité à l’attachement, à l’investissement affectif <strong>et</strong> émotionnel <strong>et</strong> à la<br />

stabilité: «“Il f<strong>au</strong>t bien se loger [argumente Zarian en faveur de son choix]. Un de<br />

ces châte<strong>au</strong>x pour nouve<strong>au</strong>x millionnaires. Vous négociez par téléphone, tout<br />

meublé, prédécoré […]. Mais oui! Les gens n’ont plus le temps de s’occuper de ces<br />

choses. Vaisselle, ride<strong>au</strong>x, tout est compris dans l’achat”. Il me fit visiter. Une<br />

caf<strong>et</strong>ière italienne, les épices dans la cuisine. Des voilages brodés dans le salon. Le<br />

couvert mis sur la table en noyer: le vendeur s’occupait de tout. “Pour les gens<br />

comme moi, nous n’allons quand même pas nous m<strong>et</strong>tre à réfléchir à la couleur des<br />

murs <strong>et</strong> à courir les casseroles, c’est l’idéal… Il suffit de présenter la carte<br />

d’American Express <strong>et</strong> d’avoir un crédit solide”» (CC: 122-123).<br />

Le personnage <strong>féminin</strong> est rebuté par la désubstantialisation <strong>et</strong> la<br />

déshumanisation de l’espace de l’intime qui prédominent sur la côte ouest des<br />

États-Unis. Par opposition <strong>au</strong> savoir-vivre californien, il tente de s’approprier<br />

l’espace investi. Il essaye, <strong>au</strong>tant que se peut, de m<strong>et</strong>tre de l’ordre dans la maison<br />

des O’Doorsey. Il fait réparer le toit de la maison, endommagé par les pluies<br />

d’hiver, <strong>et</strong>c. Il prend ses distances par rapport <strong>au</strong>x propos de Zarian, à travers une<br />

ironie qui pointe en filigrane <strong>du</strong> texte <strong>et</strong> qui relativise à l’extrême le discours de<br />

l’ingénieur. Pour Claire Dubé, la maison est un repère identitaire fondamental, qui<br />

participe de la construction de soi, qui fait partie de soi. Loin de poser, de façon<br />

ré<strong>du</strong>ctrice, l’équivalence entre le <strong>féminin</strong> <strong>et</strong> l’espace fermé, invaginé, de la maison,<br />

la relation <strong>du</strong> personnage à l’espace de l’intime a pour fonction de contrecarrer la<br />

dépersonnalisation <strong>et</strong> le <strong>vide</strong> <strong>postmoderne</strong>s.<br />

É<strong>vide</strong>ntes <strong>au</strong> plan de l’espace privé <strong>et</strong> fermé de la maison, l’hyperréalité<br />

<strong>et</strong> la déshumanisation président <strong>au</strong>ssi à l’espace public <strong>et</strong> ouvert de la ville. À San<br />

Francisco, Claire Dubé a l’impression d’être «dans un film, de l’<strong>au</strong>tre côté de<br />

l’écran» (CC: 24). Elle y habite «un musée», une «carte postale » (CC: 62). De fait,<br />

la ville californienne se présente comme un amas d’endroits stéréotypés, clichéisés.<br />

Ici, l’espace concr<strong>et</strong> est constamment dématérialisé par sa propre image. Symboles<br />

de la ville, repris jusqu’à la saturation par les guides <strong>et</strong> les publicités, le Golden<br />

Gate Bridge, le Fisherman’s Warf, l’Embarcadero, la Transmerica Tower, ou bien<br />

la baie <strong>et</strong> sa «fameuse vue» (CC: 13), les «voiles des catamarans [<strong>et</strong>] les gratte-ciel<br />

en miroir» (CC: 62), les «piscines caricaturales» <strong>et</strong> les «bains tourbillon entourés de<br />

plantes en pot» (CC: 24), <strong>et</strong>c., apparaissent, <strong>au</strong> contact direct, comme <strong>vide</strong>s de<br />

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