Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation
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est également mise de l’avant comme médium électronique lorsque le signal peut être<br />
restitué à la fois sur un plan sonore et visuel, ce qui souligne les paramètres techniques<br />
interchangeables de l’audio et de la vidéo ainsi que les véritables qualités audiovisuelles<br />
de ce médium. Enfin, avec la lumière et le son comme données de base, les modulations<br />
du signal constituent le vrai « contenu » de la performance, dont la signification repose<br />
sur la spécificité de la vidéo. Ainsi, en principe, la performance vidéo met à jour le<br />
caractère autoréflexif du médium sous forme de régressions continuelles.<br />
En qualifiant de performances vidéo ces procédés d’installation constitués<br />
d’expérimentations audiovisuelles, j’aimerais souligner l’approche performative de<br />
Steina à l’égard de la vidéo, appuyée par son expérience d’interprète de musique<br />
classique, et poursuivie dans un examen continu de la « performance » du nouveau<br />
médium grâce à des dispositifs techniques. Dans cette optique, le terme performance se<br />
réfère à une activité qui s’intègre plutôt que de s’additionner au médium, activité que<br />
l’artiste partage avec une série de dispositifs technologiques. C’est ainsi qu’Orbital<br />
Obsessions constitue un élément dans un corpus d’œuvres (vidéogrammes et<br />
installations, incluant Allvision, 1975, Urban Episodes, 1980, et Summer Salt, 1982) où<br />
Steina « joue » avec le concept (qu’elle a elle-même forgé) de «Machine Vision». Cette<br />
série d’œuvres privilégie deux éléments : la dissociation du point de vue et de la<br />
perception de l’oeil humain ainsi que le balisage de l’espace avec des dispositifs en circuit<br />
fermé.<br />
Plus tôt, avec les essais conceptuels rassemblés dans l’anthologie intitulée Violin Power<br />
(1971-1978) 22 , Steina produisait directement les effets sur les images au fil d’une<br />
performance. Le son du violon était modulé par plusieurs instruments tels que le<br />
Frequency Shifter (Harold Bode, 1975), un incrusteur, et le Scan Processor. Steina<br />
branchait son violon à ces instruments pour modifier les images de sa performance. Deux<br />
caméras la captaient et les images transitaient alors par le Scan Processor puis<br />
s’affichaient sur un écran (et parfois comme indiqué ci haut, d’autres effets s’ajoutaient<br />
grâce à un incrusteur ou un synthétiseur audio). Dans deux séquences de l’anthologie, le<br />
son du violon est capté par un microphone et acheminé vers un incrusteur qui fait<br />
alterner les points de vue saisis par les caméras à partir du matériau sonore. Tour à tour,<br />
dans les quatre segments suivants, le Scan Processor est employé dans le but de donner<br />
l’impression que l’archet du violon se confond aux lignes de balayage et infléchit le plan<br />
d’image. Pour en arriver à ces résultats, l’émission de fréquences du violon doit au<br />
préalable passer à un niveau plus bas (lui donnant un son analogue à celui du violoncelle),<br />
car les incrusteurs et autres instruments de modulation du signal ne traitaient pas les<br />
hautes fréquences.<br />
Toutes deux œuvres performatives, Violin Power et Orbital Obsessions illustrent<br />
l’utilisation du temps réel en vidéo, révélant les aspects interactifs du médium qui<br />
s’apparentent au traitement numérique par ordinateur, où l’interactivité et la<br />
réversibilité sont des fonctions courantes. Dans ce contexte, jouer d’un instrument de<br />
musique en direct devrait figurer comme un autre élément, sinon le plus important, à<br />
utiliser de façon autoréférentielle pour concrétiser les qualités interactives de ce<br />
médium. Cette notion d’interactivité prend racine dans le caractère interchangeable de<br />
l’image et du « bruit » audio. Elle se manifeste en « jouant de ce matériau » avec des<br />
instruments qui exposent la fluidité du son et de l’image évoluant et emplissant l’espace<br />
où se déroule la performance. « Jouant de la vidéo avec son violon », Steina met en œuvre<br />
un processus réversible, où le son du violon interagit avec la vidéo, qui, en temps réel,<br />
10 / <strong>Yvonne</strong> <strong>Spielmann</strong>, La vidéo et l'ordinateur : L'esthétique de Steina et Woody Vasulka