Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation
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eprésentation dans les médias visuels pour révéler un monde visuel parallèle de beauté<br />
esthétique.<br />
Woody résume leur critique du principe unidimensionnel de visualisation du modèle de la<br />
camera obscura : « Cette tradition a façonné notre perception visuelle, non seulement par<br />
le truchement de la camera obscura, car le cinéma et la télévision l’ont également<br />
renforcée. C’est une dictature de l’effet trou d’épingle, aussi ironique et stupide<br />
qu’apparaît cet énoncé. Mais cette dictature a été renforcée et nous en sommes venus à<br />
l’accepter comme la chose la plus réelle. En peinture, où la surface peut être contrôlée à<br />
un plus grand degré, on a pulvérisé cette notion d’espace de la Renaissance en ne<br />
présentant plus d’image. Éventuellement, la caméra est restée vide. Avec l’imagerie<br />
électronique, nous avons découvert qu’il existait un modèle interne de génération<br />
d’image qui faisait fi du régime traditionnel de production d’image avec la camera<br />
obscura. (…) À cette étape, il peut sembler presque populiste d’affirmer cela, mais voici la<br />
lutte que se livre la réalité et la beauté de l’artificiel. Dans certains cas, la beauté de<br />
l’artificiel s’est révélée gagnante. » 75<br />
On peut ajouter ici que chaque nouveau médium est sujet à des développements<br />
concurrents, qui importent et conservent des éléments de médias antérieurs, pour<br />
encourager des approches esthétiques traditionnelles. Par ailleurs, ces médias luttent<br />
dans l’objectif de se constituer un langage médiatique spécifique, lutte qui s’amorce avec<br />
le concept de table rase. Toutefois, le néant vidéo n’est pas une forme vide dans le sens<br />
où il ne renferme pas, à proprement parler, d’information, mais au contraire, il fournit le<br />
potentiel pour construire de l’imagerie électronique authentique.<br />
En conclusion, d’un point de vue historique-systématique et à la lumière d’un contexte<br />
plus large qui englobe d’autres expériences vidéo échelonnées sur les précédentes<br />
décennies, je considère que Steina et Woody Vasulka étaient, à plusieurs titres, en avance<br />
sur leur temps. L’une des raisons qui motivent cette affirmation est qu’ils<br />
appréhendaient la vidéo comme un mode de visualisation, un vrai médium audiovisuel<br />
non limité à une expression en superficie. Ce que Steina décrit comme son intérêt pour la<br />
« vision machine », signifie ici un écart qualitatif par rapport aux autres médias qui<br />
dépendent d’une fonction dispositif, tels que la photographie et le film. Cependant,<br />
affirmer que la vidéo offre une possibilité d’abandonner la perspective du trou d’épingle<br />
signifie un dégagement structurel de l’emprise d’autres médias d’enregistrement, pavant<br />
la voie à la génération d’ « images » sur la base d’algorithmes. Selon cette optique, le<br />
travail en vidéo des Vasulka est le fruit de pratiques où les outils sont amenés à exposer<br />
leurs composants de façon auto-réflexive, présentant le plus petit élément<br />
reconnaissable dans le résultat visuel et sonore. À partir de ce « degré zéro » de langage<br />
électronique, Woody cherche à construire un vocabulaire et une syntaxe de façon<br />
systématique, pour que les effets soient contrôlés, réactivés, et finalement,<br />
emmagasinés. Cette tâche, qui englobe des aberrations extrêmes de l’image vidéo,<br />
incarne une perspective scientifique et artistique à l’égard du médium passant par<br />
l’emploi logique de l’ordinateur. Elle explique l’intérêt que les Vasulka nourrissent pour la<br />
spatialisation numérique.<br />
Depuis ses débuts, la vidéo est perçue comme un médium potentiel plutôt qu’à titre de<br />
médium prédéterminé. Les Vasulka, avec quelques autres expérimentateurs en vidéo<br />
partageant les mêmes intérêts, concevaient la vidéo comme une technologie qui n’était<br />
pas structurée à proprement parler mais qui pouvait se manifester en plusieurs<br />
38 / <strong>Yvonne</strong> <strong>Spielmann</strong>, La vidéo et l'ordinateur : L'esthétique de Steina et Woody Vasulka