24.06.2013 Views

Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation

Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation

Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

eprésentation dans les médias visuels pour révéler un monde visuel parallèle de beauté<br />

esthétique.<br />

Woody résume leur critique du principe unidimensionnel de visualisation du modèle de la<br />

camera obscura : « Cette tradition a façonné notre perception visuelle, non seulement par<br />

le truchement de la camera obscura, car le cinéma et la télévision l’ont également<br />

renforcée. C’est une dictature de l’effet trou d’épingle, aussi ironique et stupide<br />

qu’apparaît cet énoncé. Mais cette dictature a été renforcée et nous en sommes venus à<br />

l’accepter comme la chose la plus réelle. En peinture, où la surface peut être contrôlée à<br />

un plus grand degré, on a pulvérisé cette notion d’espace de la Renaissance en ne<br />

présentant plus d’image. Éventuellement, la caméra est restée vide. Avec l’imagerie<br />

électronique, nous avons découvert qu’il existait un modèle interne de génération<br />

d’image qui faisait fi du régime traditionnel de production d’image avec la camera<br />

obscura. (…) À cette étape, il peut sembler presque populiste d’affirmer cela, mais voici la<br />

lutte que se livre la réalité et la beauté de l’artificiel. Dans certains cas, la beauté de<br />

l’artificiel s’est révélée gagnante. » 75<br />

On peut ajouter ici que chaque nouveau médium est sujet à des développements<br />

concurrents, qui importent et conservent des éléments de médias antérieurs, pour<br />

encourager des approches esthétiques traditionnelles. Par ailleurs, ces médias luttent<br />

dans l’objectif de se constituer un langage médiatique spécifique, lutte qui s’amorce avec<br />

le concept de table rase. Toutefois, le néant vidéo n’est pas une forme vide dans le sens<br />

où il ne renferme pas, à proprement parler, d’information, mais au contraire, il fournit le<br />

potentiel pour construire de l’imagerie électronique authentique.<br />

En conclusion, d’un point de vue historique-systématique et à la lumière d’un contexte<br />

plus large qui englobe d’autres expériences vidéo échelonnées sur les précédentes<br />

décennies, je considère que Steina et Woody Vasulka étaient, à plusieurs titres, en avance<br />

sur leur temps. L’une des raisons qui motivent cette affirmation est qu’ils<br />

appréhendaient la vidéo comme un mode de visualisation, un vrai médium audiovisuel<br />

non limité à une expression en superficie. Ce que Steina décrit comme son intérêt pour la<br />

« vision machine », signifie ici un écart qualitatif par rapport aux autres médias qui<br />

dépendent d’une fonction dispositif, tels que la photographie et le film. Cependant,<br />

affirmer que la vidéo offre une possibilité d’abandonner la perspective du trou d’épingle<br />

signifie un dégagement structurel de l’emprise d’autres médias d’enregistrement, pavant<br />

la voie à la génération d’ « images » sur la base d’algorithmes. Selon cette optique, le<br />

travail en vidéo des Vasulka est le fruit de pratiques où les outils sont amenés à exposer<br />

leurs composants de façon auto-réflexive, présentant le plus petit élément<br />

reconnaissable dans le résultat visuel et sonore. À partir de ce « degré zéro » de langage<br />

électronique, Woody cherche à construire un vocabulaire et une syntaxe de façon<br />

systématique, pour que les effets soient contrôlés, réactivés, et finalement,<br />

emmagasinés. Cette tâche, qui englobe des aberrations extrêmes de l’image vidéo,<br />

incarne une perspective scientifique et artistique à l’égard du médium passant par<br />

l’emploi logique de l’ordinateur. Elle explique l’intérêt que les Vasulka nourrissent pour la<br />

spatialisation numérique.<br />

Depuis ses débuts, la vidéo est perçue comme un médium potentiel plutôt qu’à titre de<br />

médium prédéterminé. Les Vasulka, avec quelques autres expérimentateurs en vidéo<br />

partageant les mêmes intérêts, concevaient la vidéo comme une technologie qui n’était<br />

pas structurée à proprement parler mais qui pouvait se manifester en plusieurs<br />

38 / <strong>Yvonne</strong> <strong>Spielmann</strong>, La vidéo et l'ordinateur : L'esthétique de Steina et Woody Vasulka

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!