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Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation

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de la structure, car elle n’opère pas avec des différences. « Selon Lyotard, les<br />

constituants de la matrice forment un bloc plutôt qu’un système ». Pour Lyotard, « le<br />

fantasme est la figure parfaite de la matrice, dans la mesure où il superpose des<br />

contradictions et favorise la simultanéité de situations logiquement incompatibles. » 14<br />

De plus, chez Lyotard, l’invisibilité caractéristique de la matrice est une fonction du<br />

travail répressif qui mine le travail productif de la structure.<br />

En appliquant cette perspective philosophique à des composantes médiatiques du<br />

vocabulaire électronique, on peut ajouter que la matrice du médium audiovisuel<br />

constitue le lieu où surgissent des événements de nature paradoxale, car « des situations<br />

logiquement incompatibles » deviennent techniquement possibles. Comme le montre<br />

Matrix des Vasulka, l’image entendue comme processus est essentiellement paradoxale.<br />

À titre d’image variable, nécessitant d’être synchronisée verticalement et<br />

horizontalement pour prendre forme, le processus électronique manifeste le phénomène<br />

matriciel qui « superpose des contradictions». Mise de l’avant dans les approches<br />

expérimentales, la simultanéité multidirectionnelle caractérise une donnée de base,<br />

généralement inapparente, de la vidéo. C’est ainsi que l’exploration de la technologie<br />

propre au médium électronique (analogue au film structuraliste/matérialiste) rend<br />

visibles la simultanéité et le synchronisme comme principes de construction dans des<br />

expériences matricielles. Les situations paradoxales, possibles en vidéo lorsque le<br />

médium est appréhendé à titre de processus et dans son aspect variable, mettent<br />

également au premier plan le potentiel matriciel du numérique.<br />

Perçu dans l’optique du cinéma expérimental, le but de la vidéo n’est pas d’adapter des<br />

concepts filmiques, mais de donner suite aux mêmes questions formelles en examinant<br />

les constituants de l’image et du son. Il convient de noter que, vers la fin des années 1960<br />

et au début des années 1970, Ed Emshwiller, Jud Yalkut, Stan Vanderbeek ainsi que Pat<br />

O’Neill et Larry Cuba expérimentaient avec le traitement d’image et l’infographie aux<br />

frontières du film et de l’ordinateur. Ces nouvelles techniques leur permettaient de<br />

perfectionner des procédés tels que le battement des photogrammes (flicker), la<br />

superposition d’images, la solarisation, le clignotement stroboscopique ainsi que<br />

d’autres effets visuels et sonores modulables, notamment la rétroaction vidéo et la<br />

diffusion d’images en continu. Les premières tentatives du cinéma expérimental menées<br />

sur la côte Ouest (des États-Unis) des années 1940 jusqu’aux années 1960 ont jeté les<br />

bases du cinéma abstrait – et de son pendant en musique électronique – que James et<br />

John Whitney développent plus tard grâce à l’ordinateur. Depuis 1962, John Whitney<br />

conjugue l’ordinateur à sa pratique filmique. Il a d’abord utilisé l’ordinateur analogique<br />

pour explorer « la dynamique inhérente à l’assemblage de motifs graphiques et leurs<br />

relations harmoniques… (Whitney) J’amorçais la conception d’une base pour une échelle<br />

graphique dérivant d’harmonies, et j’ai constaté qu’une autre approche se dessinait,<br />

faisant fi du monolithisme de l’émotion immobile propre à plusieurs films et vidéos<br />

abstraits avec lesquels j’étais familier. » 15 C’est un intérêt que partagent les vidéastes qui<br />

cherchent à créer un « lexique du vocabulaire électronique » ainsi que l’énonce Woody<br />

Vasulka.<br />

Dans leurs expériences autour du concept de matrice, John Whitney et les Vasulka<br />

mettent en place des stratégies pour travailler avec la synthèse d’image. Selon qu’elles<br />

dérivent du film ou de la vidéo, ces explorations produisent un éventail d’images<br />

géométriques et de représentations spatiales. Par le truchement de formes graphiques<br />

simples, l’infographie de John Whitney et les installations vidéo des Vasulka cherchent à<br />

6 / <strong>Yvonne</strong> <strong>Spielmann</strong>, La vidéo et l'ordinateur : L'esthétique de Steina et Woody Vasulka

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