Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation
Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation
Yvonne Spielmann - The Daniel Langlois Foundation
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
grâce à un dispositif dérivant du film. Toutefois, son intérêt pour la vidéo se manifeste<br />
par la modification et la modulation d’images, autant avec des éléments externes à<br />
l’entrée que par des procédés internes (au sein des composants d’un dispositif). Dans ce<br />
type d’œuvres (où la performance, la vidéo et l’installation sont fusionnées), Steina table<br />
sur les possibilités de contrôle et de répétition (en générant, par exemple, des formes<br />
d’ondes). Dans son concept de « vision machine », la question de l’origine de l’œuvre<br />
devient de nouveau un élément critique, puisque Steina formule ainsi une conception<br />
singulière du médium. Se dégageant du paradigme expérimental de Woody, qui suggère<br />
un partage de responsabilités entre la machine et son utilisateur (lorsqu’il emploie la<br />
métaphore de la main pour signifier le savoir-faire, par exemple), Steina, depuis ses<br />
premières expériences sur la « jouabilité » de la vidéo avec le violon (Violin Power), se<br />
présente physiquement comme l’agent à la source du processus de modulation des<br />
signaux audio et vidéo. Elle détourne ainsi le dialogue avec la machine que préconise<br />
Woody, pour faire littéralement se confondre les composants technologiques et le corps.<br />
En considérant que Steina aborde le cadre technologique, à géométrie variable, de la<br />
vidéo, dans une perspective qui englobe le spectateur, nous pourrions conclure que son<br />
concept précurseur de « vision machine » expose des aspects du virtuel avant la lettre.<br />
Plus récemment dans l’évolution des médias, ces aspects ont été exploités au sein<br />
d’environnements immersifs avec, comme premiers éléments, les gants de données et les<br />
casques de réalité virtuelle. Néanmoins, le travail de Steina se distingue radicalement de<br />
ces avancées récentes : là où la plupart des environnements en réalité virtuelle<br />
nécessitent la présence d’un spectateur-utilisateur, l’approche de Steina est plus subtile.<br />
Elle met de l’avant un environnement audio-visuel déjà actualisé, où elle se trouve, pour la<br />
durée de la performance, complètement fusionnée aux machines qui l’entourent,<br />
observant et manipulant sa propre image. « Toutes mes installations ont intégré des<br />
caméras rotatives, et l’exploration du continuum espace-temps…Mes travaux constituent<br />
un examen de l’espace, voire une surveillance de cet espace. » 63 Grâce à de tels procédés,<br />
il est également possible de créer les conditions nécessaires à l’immersion du spectateur<br />
d’une performance, d’une bande vidéo ou d’une installation. En d’autres mots, la relation<br />
spatiale est partie intégrante de la vidéo, et non un élément que la vidéo transmettrait<br />
depuis une forme d’extériorité. Par conséquent, Steina peut démontrer que l’espace y est<br />
une catégorie intrinsèque. Et, comme résultat des expériences de Steina avec<br />
l’immersion ou la fusion, nous pourrions repenser le type d’interactivité de l’artisteauteur<br />
et de la machine.<br />
De nombreuses étapes d’immersion spatiale se succèdent dans le travail de Steina :<br />
Orbital Obsessions (1977), Warp et Mynd (toutes deux de 2000), constituent des objets<br />
vidéo enveloppants indiquant que l’interactivité entre le corps et la machine ainsi<br />
qu’entre les machines n’est pas une activité dont les caractéristiques s’affichent en<br />
surface, mais un processus interne. Toutefois, dans ces expériences avec la « vision<br />
machine », Steina explore également la collision de la forme et du cadre (Violin Power,<br />
Orbital Obsessions). Un système paradoxal et ouvert de langage basé sur les composants<br />
technologiques émerge de la réversibilité (et de l’échange spatial) entre la perspective et<br />
l’imagerie.<br />
D’autres explorations de l’espace se trouvent dans les cinq sections de Summer Salt<br />
(1982) par Steina, où chaque segment met de l’avant une manière d’utiliser des outils<br />
optiques. La caméra n’y est pas employée à titre d’extension de la vision humaine, mais<br />
comme un outil de vision technologique, fonctionnant de façon indépendante. En<br />
30 / <strong>Yvonne</strong> <strong>Spielmann</strong>, La vidéo et l'ordinateur : L'esthétique de Steina et Woody Vasulka