Les Poissons Marteaux

t'aime mieux en blonde...
Elle regarde sa mère d'un air futé, plein d'humour.
ELLA
Je sais encore plein de choses... Tu as chanté à New-
York et t'étais amoureuse d'un saxophoniste noir. Il
s'appelait Harry. Tu vois que je sais!...
Marion la dévisage, abasourdie, déconcertée par cette ironie: Ella a l'air normale,
intelligente. Elle ne sait plus quoi penser.
Marion fait non de la tête.
ELLA
Toi tu t'intéresses pas à moi... Tu t'es même pas
demandé comment je t'avais retrouvée...C'est pas grâce à
tes lettres ou tes coups de téléphone! Tu sais comment
j'ai fait?
ELLA
Je t'ai vue à la télé. Tu disais que tu allais enregistrer un
disque et ils ont dit où c'était. Alors j'ai volé de l'argent
dans le tiroir d'Anne, je suis très bonne pour piquer de
l'argent quand j'en ai besoin. J'en ai parlé à personne,
pour pas qu'on m'empêche. Je montrais ton CD aux
gens, il y a le nom du studio écrit dessus, ils me disaient
comment y aller. Il y a même une dame qui m'a prise
dans sa voiture. Je suis pas si bête.
Elle a un sourire de triomphe.
Marion, encore secouée, éclate de rire.
Elle fixe de nouveau sa fille, mais le visage harmonieux, intelligent d'Ella se trouble , se
désunit peu à peu.
A nouveau apparaît le reflet de son étrangeté.
Ella se détourne et regarde par la fenêtre, pas mécontente de son discours et du petit effet
qu'il a produit.
A présent, c'est Marion , tout en conduisant, qui lui jette des regards en coin - auxquels
Ella reste parfaitement indifférente.
Elle est dans son monde, dans sa bulle.
Elle ouvre la fenêtre, elle passe un peu la tête pour sentir l'air qui la fouette.
Puis elle ouvre la bouche et boit le vent.
Elle imite les bruits et les sons qu'elle perçoit: rumeur du moteur, sifflement de l'air,
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