Les Poissons Marteaux

Elle rit, ravie. Les deux autres aussi sourient, enchantés par le son.
Elle crie encore, un cri qui se transforme en un long chant improvisé, une sorte de cri
primal, puissant, sorti des tripes.
Elle crie, collée au mur du fond, le corps raide, légèrement disloqué, les pieds en dedans.
À son tour, Philippe se colle au mur et crie son nom ou plutôt module une longue plainte
mélodieuse et émouvante qui fait penser à un chant du désert.
Lui aussi se tient immobile, un peu penché sur le côté. À mesure que sa mélopée monte,
un de ses bras se tend, se met à bouger et à vibrer jusqu'à paraître le seul élément vivant
de son corps.
Puis c'est le tour de Yannick. Il ouvre la bouche, raide contre son mur. Il n'en sort rien,
aucun son.
À nouveau, il ouvre la bouche et seul le silence s'échappe de cette montagne de chair. Il
reste là, absolument immobile. Il ne se passe plus rien. Il n'a même pas un battement de
cil.
Tout à coup, après toute cette immobilité et ce silence, il crie comme jamais.
Il ne crie pas son nom, c'est juste un son puissant, une note, un chant de basse profonde,
qui envahit tout l'espace, longuement, et qui le fait enfin sourire.
39 - EXT. CENTRE DE VACANCES ET ROUTE. NUIT
La nuit venue, Marion saute par la fenêtre du réfectoire et prend le chemin du village.
Les fenêtres éclairées du petit bar apparaissent sur la route, trouent l'obscurité.
Marion perçoit de la musique et des voix d'hommes à mesure qu'elle approche.
40 - INT. BAR TABAC .NUIT
Marion pousse la porte de l'établissement. Cette fois on lui fait une place au bar.
Tom, un homme d'une quarantaine d'années, mal rasé, sympathique, s'approche d'elle
avec sa bière et fait signe au patron d'apporter la même chose à Marion.
MARION
(prenant son verre)
Merci... Comment vous avez deviné que je voulais une
bière?
TOM
C'est ce que vous avez commandé hier.
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