Les Poissons Marteaux

main du moniteur qui l'aide marcher au-dessus de ce qui ressemble à un abîme
infranchissable. Son visage reflète une peur intense. Elle finit par fermer les yeux, s'en
remettant complètement à son guide.
Puis Philippe et Virginie montent courageusement ensemble sur le bateau.
Mais l'adolescent trisomique qui les suit s'arrête au beau milieu de la passerelle, pris de
vertige. Le second moniteur le rejoint et lui prend la main.
Marion, restée en arrière pour s'assurer que personne ne s'égare sur le quai, les entend
négocier chaque pas.
MONITEUR
Ahmed, ne regarde pas en bas. Tu m'écoutes? Ne
regarde pas tes pieds. Regarde-moi. Regarde-moi,
Ahmed! Voilà, ne baisse pas les yeux. Avance. Je suis
là. Avance ton pied...
Le bateau lance un coup de trompe, annonçant un départ imminent.
Les passagers "normaux", encore bloqués à quai, commencent à s'impatienter. Il y a un
début de bousculade.
Ella, timidement, donne la main à Marion qui n'ose pas la lâcher.
Un garçon trisomique en fait autant.
Ils montent tous les trois sur le pont.
Marion voit avec soulagement Anne et John qui arrivent enfin.
Un second coup de trompe retentit.
Marion veut alors redescendre à terre mais Ella et son copain mongolien s'accrochent à
elle, tremblants d'appréhension.
Marion essaie de se dégager en constatant qu'on commence à retirer la passerelle.
MARION
Ella, il faut que tu me laisses descendre... Anne va venir
avec vous...N'aies pas peur... Il n'y a pas de tempête, tout
va bien...
Ella la lâche à regret mais aussitôt deux autres mains l'agrippent.
Marion regarde ces visages désemparés et renonce à employer la manière forte pour se
libérer.
Elle leur sourit, rassurante, impuissante, tandis qu'on remonte la passerelle et qu'on
ramène les cordages.
Déjà le bateau se détache du débarcadère. Marion, le coeur serré, le voit virer lentement
vers le large.
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