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. Présentée par Samba DIENG (~)\I

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.'<br />

LA GESTE D"Eb HADJ OMAR<br />

ET<br />

L'ISLAMISATION DE L'EPOPEE PEULE<br />

TRADITIONNELLE<br />

"En route espèce, la valeur se chiffre. Sauf pour l'homme, tant il est vrai que mille mauvais<br />

n'cn vaudront jamais un seul d'excellent "1.<br />

André (M.), Ousâma. Ull prillee sydell face alu croisés, Paris. 1986, p. 58.


,' ..<br />

PREMIERE PARTIE<br />

EL HADJ OMAR ET L'EPOPEE PEULE


,<br />

;.'.<br />

,.: .<br />

INTRODUCTION<br />

L'épopée d'El Hadj Omar, malgré son ampleur et sa vitalité, a très peu attiré les<br />

efforts des chercheurs qui, depuis l'époque coloniale, ont négligé J'expression littéraire du jihâd<br />

au profit de sa réalité historique]: Henri Gaden constitue cependant la seule exception 2 Cet<br />

officier colonial, promu <strong>par</strong> la suite gouverneur et dont l'un des titres de gloire fut d'avoir<br />

assisté à la capture de Samory3, publia une version de l'épopée d'El Hadj Omar, celle de la cour<br />

de Ségou sous le règne d'Ahmadou. 11 s'agit de la transcription et de la traduction annotées d'un<br />

manuscrit omarien où un disciple de la première heure, Mohammadou Aliou Tyam, chante le<br />

jihâd de son Cheikh, à travers la biographie poétique de celui-ci. Par la suite, d'autres<br />

recréations sont venues s'ajouter à La Qacida en poular. Cependant, l'épopée d'El Hadj Omar<br />

reste, après tout, dans un isolement relatif qui la maintient dans la routine des griots et dans la<br />

tradition manuscrite des lettrés.<br />

Or, l'action d'El Hadj Omar, pour avoir entre autre chose, profondément modifié<br />

l'aire du jihâd et détourné le cours de son histoire jusqu'à la conquête coloniale, lui valut d'être<br />

au centre d'une vaste littérature, et en <strong>par</strong>ticulier d'une épopée vivante, aux multiples versions,<br />

où l'oralité interfère sans cesse avec l'écriture. Impressionné <strong>par</strong> une oeuvre aussi riche, nous<br />

avons compris très tôt tout l'intérêt que revêtait son étude. L'intérêt se transforma, du reste,<br />

rapidement en vocation. Issu d'un milieu toucouleur profondément omarien, ayant acquis sous<br />

la férule d'un père marabout ['essentiel de la formation coranique, la tâche nous ap<strong>par</strong>ut<br />

progressivement sous le visage d'une nécessité.<br />

Aussi, pour étudier l'épopée d'El Hadj Omar, avons-nous tout d'abord fait une<br />

collecte systématique des principales versions orales et manuscrites conservées dans les<br />

2<br />

3<br />

Deux études récentes méritent d'être signalées à ce sujet<br />

Robinson (D.), La guerre sainte d'Al-Hajj Umar. Le. Soudan occidental· au<br />

milieu du X/Xe siècle, Paris, 1988.<br />

Ly' Tall (M.), Le mouvement omarien et ses rela'tions avec la colonie du<br />

Sénéga{A1796-/862), Thèse de Doctoral d'Etat, Université t.A.D, Dakar, 1988.<br />

. - -.../ - '. --./'<br />

GadeiI (R), La vie d'El Hadj Omar, Qacida en poular de Mohammadou Aliou<br />

Ty am, in "Travaux et Mémoires de J'Institut d'Ethnologie" (X XI).<br />

Transcription,Traduction, notes et glossaire, Paris, 1935.<br />

Person (Y.), Samory. Une Révolution Dyula, Mémoire de l'lFAN, n° 80,1968, 3<br />

tomes.<br />

2


glorieux sites omariens, prolongement de ce que nous avons ébauché dans le cadre de notre<br />

Mémoire de Maîtrise1, puis de notre Thèse de Doctorat de 3ème cycle 2<br />

C'est ainsi qu'entre 1976 et 1988, nous nous sommes rendu de Halwâr, village<br />

natal d'Omar, à Déguembéré, grottc où il dis<strong>par</strong>ut; en passant <strong>par</strong> Dinguiraye, sa première<br />

capitale, Ségou, Bandiagara, Médine, sans compler d'autres localités moins prestigieuses, mais<br />

auxquelles est attaché le souvenir du Cheikh, telles SOUloukhoullé près de Kayes ou<br />

Goundiour, située en Gambie. ,',<br />

Notre choix s'est porté avant tout sur des textes profondément épiques: le<br />

."noddol Sayku Umar" ou la devise du héros chantée <strong>par</strong> Sidi Mbôthiel, l'épisode de la geste<br />

d'Omar qui va de sa naissance aux JOUles oratoires du Caire déclamée <strong>par</strong> Kalidou Bâ. Nous<br />

avons ensuite retenu le fragment qui promène l'auditoire de Dinguiraye à Hamdallahi <strong>par</strong> Sidi<br />

Mbôthiel et enfin le dernier épisode de l'épopée du jihâd, celui qui va de Hamdallahi à<br />

Déguembéré, composé <strong>par</strong> Hammât <strong>Samba</strong> Ly, chanté <strong>par</strong> Demba SaIT. Ces trois auteurs<br />

présentent ici les différentes fonnes que revêtent les performances 3 des versions omariennes :<br />

composition orale, déclamation accompagnée <strong>par</strong> la musique, récitation d:un texte manuscrit.<br />

L'analyse de cette épopée, dont une des caractéristiques reste l'interférence de<br />

l'oralité et de l'écriture, nécessitait un bilan scientifique du genre, Aussi la collecte des traditions<br />

orales se doubla-t-elle de celle des manuscrits, ce qui nous mena auprès des foyers islamiques<br />

négro-africains et maures situés en Afriquè de l'Ouest. Cette quête se prolongea auprès des<br />

instituts de recherche et Universités du Sénégal, de la Mauritanie, du Mali, de la Guinée,<br />

auxquels s'ajoutent la Bibliothèque du Palais Royal de Rabat, la Bibliothèque de la Qarawiyyine<br />

de Fez ainsi que le Fonds Archinard de la Bibliothèque Nationale,<br />

Pièce essentielle de notre recherche manuscrite du jihâd omarien, le Fonds<br />

Archinard 4 ou "Bibliothèque d'Ahmadou" fut acheminé à Paris <strong>par</strong> le Colonel Archinard après<br />

la prise de Ségou en 1890, Les écrits d'Omar et de son fils Ahmadou furent, <strong>par</strong> la suite, à la fin<br />

de 1892, déposés à la Bibliothèque Nationale. L'inventaire du Fonds fait ressortir 518 recueils<br />

qui se ré<strong>par</strong>tissent en trois périodes: la naissance et la formation d'Omar, le jihâd, et le règne<br />

d'Ahmadou, Le document essentiel de la collection'concerne la seconde période et constitue la<br />

2<br />

<strong>DIENG</strong> (S.), Une approche de l'épopée d'El Hadj Omar, d'après la chronique'd El<br />

Hadj Mamadou Abdoul Niagâne, Mémoire de Maîtrise, Dakar, 1978.<br />

<strong>DIENG</strong> (S.), L'épopée D'El Hadj Omar. Approche littéraire et historique, Thèse<br />

de Doctorat de I!Iènie cycle, Dakar, 1984.<br />

Nous employons ce mot dans le ."erls que lui reconnaît Paul Zumthor dans son'<br />

Introduction à la poésie orale, Paris, 1983, p. 32. ". Perfonnancc, c'est ·l'action<br />

complexe <strong>par</strong> laquelle nn message poétique est simultanément tiansmis et<br />

perçu ici el maintenant."<br />

Nourreddine (G.), Sidi' Mohamed (M.) et Brenner (L.S), Inventairè de la<br />

Bibliothèque 'Umarienne de Ségoll, Paris, 1985.<br />

3


. ;<br />

justification omarienne du jihâd que deux chercheurs l viennent de publier en traduction<br />

commemée.<br />

L'analyse de cette vaste documemation s'organise autour de trois grands axes de<br />

recherche. Le premier étudie les rapports existant entre l'épopée d'El Hadj Omar et l'épopée<br />

peule traditionnelle. Envisagée sous l'angle de l'intenextualité, la geste d'Omar ap<strong>par</strong>aît comme<br />

une formalisation de la tradition épique peule et le produit de formes littéraires alors dominantes<br />

en milieu poular. Mais la geste du jihâd déborde le modèle peul traditionnel là où l'Islam afftrme<br />

sa présence.<br />

L'analyse littéraire du corpus occupe la deuxième panie du travail. L'étude du<br />

héros et des personnages conjoints éclaire cenains mécanismes d'islamisation de l'épopée peule<br />

traditionnelle. Celle de l'organisation du temps et de l'espace du récit, tout comme celle du<br />

scLJéma narratif s'inscrivent dans la même perspective que l'exposé de la représentation du<br />

monde dominant achève de mettre en relief.<br />

Enfin la dernière <strong>par</strong>tie, consacrée à l'édition du texte, donne la transcription et la<br />

traduction juxtalinéaires annotées du corpus.<br />

Notre ambition reste cependant de sauver de l'oubli une oeuvre majeure, inspirée<br />

<strong>par</strong> les hauts faits d'un homme qui symbolise, pour beaucoup d'Africains, la sainteté et la<br />

résistance à la colonisation. C'est pourquoi, en livram au public la geste d'Omar, nous croyous<br />

introduire ce public à une oeuvre littéraire paniculièremem riche.<br />

Ce travail n'a pu néanmoins voir le jour que grâce au concours généreux<br />

d'informateurs que nous tenons à remercier vivement, et à la tête desquels se trouvent: le<br />

sénégalais El Hadj Mamadou Abdoul Niâgane de Ndioum ; les maliens Thithié Dramé de Nioro,<br />

Bocar Cissé de Bamako, Garan Kouyaté et Saad Touré de Ségou; les guinéens El Hadj<br />

Ahmadou Oumar Thiam et El Hadj Makk:i Thiam de Dinguiraye, Sadio Sow de Dhabatou. Par<br />

la même occasion nous adressons nos vifs remerciements aux Institutions universitaires, aux<br />

Bibliothèques et Archives qui nous ont aimablement reçu. De même, sans le concours de<br />

L'AUPELF et de la Fondation FORD, nous n'aurions pu effectuer certains des déplacements<br />

nécessaires à notre enquête, ni donner au travailla présentation matérielle qui est la sienne.<br />

A ce propos, le personnel des Presses Universitaires de Dakar doit être cité pour<br />

son extrême dévouement. Je tiens à remercier Monsieur le Doyen, <strong>par</strong>ticulièrement attentif à<br />

encourager et à favoriser la recherche à la Faculté des Lettres. Mais ma dernière pensée ne<br />

saurait oublier la sollicitude, le soutien constant et dévoué que nous a manifesté Monsieur le<br />

Bayàn mà Waqa 'a, (Cote 5605, ff. 2 . 29) publié sous le titre : Voilà ce qui est<br />

arrivé. Bayan. ma waqa 'a d'Al HàJJ 'Umar al Fùti. Plaidoyer pour une guerre<br />

sainte en Afrique de l'Ouest, Institut de Recherche cl d'HislOire des textes,<br />

Paris, 1983 <strong>par</strong> TL. Triaud Ct S.M. Mahibou.<br />

4


Professeur Claude BLUM, notre Directeur de Thèse. Il fait <strong>par</strong>tie des maîtres dont on n'oublie<br />

pas la leçon.<br />

épopées de notre culture.<br />

Tous ont contribué à la sauvegarde et à la restitution d'une des plus belles<br />

,'.<br />

5


· :<br />

CHAPITRE 1<br />

INVENTAIRE ET CLASSIFICATION


yI .l.L\.r 1 1 l'''--L. 1 - Il'\j V LI '\j 1 ru 1"-L L l '-.-L[""'\vvIl l ..... lO. l l "-J L '" 1<br />

Genre le plus noble de la littérature des Peuls ou Fui De, l'épopée ou "daarol"<br />

y ap<strong>par</strong>aît comme une longue narration des hauts faits d'un héros, proposé et reconnu <strong>par</strong> le<br />

groupe comme modèle pour avoir vécu de façon <strong>par</strong>oxystique le "pulaagu" ou l'idéal peul. A<br />

ce titre, elle dramatise la somme de valeurs attendues de chacun et de tous, ici fondées sur le<br />

sens de l'honneur, de la dignité et surtout de la fierté. c'est pourquoi la geste occupe une<br />

place de choix au sein des productions littéraires peules.<br />

A - INVENTAIRE ENUMERAT,IF DES EPOPEES PEULES<br />

L'examen de la littérature pulaar en général, des épopées en <strong>par</strong>ticulier, permet<br />

de distinguer l'existence d'un certain nombre de formes qui peuvent se classer en deux<br />

grandes catégories : les formes traditionnelles et les formes islamiques. En effet, au<br />

lendemain de son adhésion à J'Islam, la société peule fut véritablement envahie <strong>par</strong> la culture<br />

du livre. Il se créa de la sone une ligne de démarcation claire entre le religieux et le profane.<br />

façon éloquente et originale.<br />

L'épopée peule n'échappa point à la règle et, mieux, elle l'illustra même de<br />

1- LES EPOPEES PEULES TRADITIONNELLES<br />

A l'instar des épopées classiques, les gestes peules se définissent d'abord<br />

comme des genres essentiellement oraux. Elles illustrent ainsi point <strong>par</strong> point le constat de<br />

Daniel Madelénat : "Voix vive, <strong>par</strong>ole efficace, liée à l'action - mythos désignant le verbe<br />

sacré, et logos le discours logique - d'ascendance divine, l'épos, absolu, soustrait à la<br />

eontingence évanescente de la communication quotidienne, nomme les choses et fonde l'être<br />

<strong>par</strong> le langage"l. L'épopée se structure ainsi autour d'une trilogie organique que constituent<br />

l'artisan du verbe, le récit et le public. Ces trois instances, loin de se superposer,<br />

entretiennent des relations dynamiques. Elles délimitent aussi les <strong>par</strong>ties de cette étude, qui se<br />

propose d'explorer le vaste champ des épopées peules.<br />

1°) LES ARTISANS DU VERBE<br />

En milieu peul traditionnel, l'épopée est l'apanage des gens de caste, que<br />

l'ethnologie désignait sous le vocable trop général de griot. Le maître de l'épopée renvoie en<br />

Madelénat (D.), L'épopée, Paris, 1986, p. 19.<br />

'RA Mii


CHAPITRE l -INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 8<br />

fait chez les Haal pulaar l à trois groupes sociaux très précis "maabuoe", "awluoe",<br />

"wammbaa6e", que Gaden glose ainsi:<br />

"maabu8e : tisserands et chanteurs<br />

awlu8e : griots chanteurs qui battent du tam-tam.<br />

wammbaa8e : griots musiciens dont les instruments sont le hoddu, sone de guitare, et le<br />

naanooru, qui se joue avec un archet"2<br />

.A la lumière de ces défInitions, on constate que le champ sémantique du terme<br />

griot, d'usage accepté, recouvre des ariistes'ou anisans du verbe aux métiers et aux talents<br />

variés.<br />

L'origine commune des "awluoe" (au singulier "gawlo"), des "maabuoe" (au<br />

singulier "maabo"), des "wammbaaoe" (au singulier "bammbaad'o") explique sans doute<br />

leur communauté de destin, et panant de préoccupations anistiques. Henri Gaden rappone à<br />

ce sujet une légende significative: trois frères contraints <strong>par</strong> la famine, durent se disperser<br />

pour pouvoir survivre. L'aîné prit une hache, coupa des arbres et gagna sa vie en fabriquant<br />

des ustensiles de bois. Le second se fIt berger; le troisième enfin, muni de son hoddu, se fit<br />

chanteur et vécut des cadeaux que lui rapportait son activité. L'aîné fut l'ancêtre des lawbe<br />

(sing. labbo), le cadet celui des peuls, enfin le troisième celui des griots ou wammbaaoe.Le<br />

peul "trouvant que ses deux frères gagnaient leur vie d'une façon dégradante, ne voulut pas<br />

d'alliance entre ses enfants et les leurs"3<br />

Cette légende insiste :'ur l'origine commune du Peul, du tisserand et du griot,<br />

tout en révélant les causes de leur division. Sur le plan épique, cela se rraduit <strong>par</strong> un fait<br />

constant: "maabuoe", "awluoe" et "wammbaaoe" ne cessent d'exalter les "Fuloe" et le<br />

"pulaagu", alors que l'inverse ne se produit jamais. Le Peul se contente d'octroyer aux<br />

artisans du verbe des dons substantiels, conformément à l'éthique qui le régit.<br />

Mais une autre légende raconte aussi l'origine des griots: deux frères furent<br />

victimes d'une disette au cours d'un voyage. Le plus jeune, durement éprouvé, perdit<br />

connaissance et sombra dans un profond sommeil. Pour le sauver, son frère aîné l'alimenta<br />

avec un morceau de sa propre cuisse. Plus tard, quand le jeune apprit la vérité, il décida de<br />

chanter à jamais les bienfaits de son aîné. De la sone, la disette lia les deux frères tout en<br />

hiérarchisant leurs rapjXJns.<br />

Au vu de ces deux légendes, on constate une origine commune à l'humanité<br />

peule, laquelle se réduit au noble (le Peul), ei aux artisans: le tisserand et le griot. Les traits<br />

psychologiques fixés dans ces deux exemples rejaillissent amplement dans les<br />

comportements respectifs des anisans.dù verbe et des héros épiques.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Mot à mot : ceux qui <strong>par</strong>lent le peul.<br />

Gaden (H.), Proverbes et maxImes peuls et coucouleurs, Paris, 1931, p. 12.<br />

Id., p. 12.


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CI "ASSIFICATION 9<br />

Dès lors, le statut de l'artiste détennine en grande <strong>par</strong>tie son oeuvre: le<br />

tisserand tisse des <strong>par</strong>oles et les "colore" ; tandis que le griot chanteur, qui ne compte que sur<br />

sa voix, exploite toutes les ressources de celle-ci jusqu'à leur extrême limite; enfin le griot<br />

musicien établit un dosage savant entre le chant et la <strong>par</strong>ole, pour produire des chefs­<br />

d'oeuvre. En plus de son statut social, la fonnation du griot détermine aussi la nature de ses<br />

productions anistiques. En effet, dès son jeune âge, le futur griot se voit confié <strong>par</strong>sa famille<br />

à un maître chevronné, ou bien il se"met à l'école d'un des membres de sa famille. Cet<br />

apprentissage obéit à un principe absolu qui peut se fonnuler ainsi: ne jamais troubler l'ordre<br />

social, ne rappeler que les souvenirs heureux, les relater <strong>par</strong> des "<strong>par</strong>oles plaisantes au eoeur<br />

. et à l'oreille" 1.<br />

Une fois ce principe acquis, une longue période de fonnation s'ouvre alors,<br />

fondée sur une méthode pédagogique originale. Cette pédagogie visait en effet à développer à<br />

la fois la mémorisation et l'improvisation. Le travail de mémorisation se retrouve dans la<br />

constitution du noyau narratif de base commun à toutes les versions d'une même épopée.<br />

Ainsi les épopées peules traditionnelles que sont <strong>Samba</strong> Guélâdiégui 2 , Ham-Bodêdio,<br />

Silâmaka, font-elles ap<strong>par</strong>aître, quelle que soit la version récoltée, un tronc commun<br />

repérable au fil de \a narration. La récitation ou restitution du noyau de base est la marque de<br />

la fidélité à l'enseignement d'un maître griot incontesté. Elle donne, du même coup, une<br />

sorte de garantie à la performance, constituant le lien diachronique qui relie chaque version<br />

au modèle originel.<br />

Quant à l'improvisation, elle ap<strong>par</strong>aît eomme l'espace de liberté laissé à<br />

l'artiste. Celui-ci en profite pour faire montre de ses talents. L'improvisation fonde<br />

l'originalité de l'oeuvre d'art, grâce à elle les séances se suivent mais ne se ressemblent pas.<br />

C'est elle qui, surtout, explique le fait que l'auditoire ne se lasse jamais de réécouter une<br />

épopée ou tout autre genre de la littérature orale, d'ailleurs. Elle permet à l'artisan du verbe<br />

d'apporter sa contribution à l'oeuvre qu'il recrée, tout en restant fidèle à l'idéal du groupe.<br />

Cette élaboration laborieuse d'une oeuvre qui se renouvelle au fil des<br />

performances de l'artiste, se lit en filigrane dans le récit de l'artiste où son statut social et sa<br />

fonnation viennent se refléter. La louange y alterne avec la récitation de la leçon apprise ou<br />

avec l'invention personnelle. Dans des épopées comme celles d'El Hadj Omar ou du cycle<br />

omarien qui mettent en scène jusqu'à nos jours deux camps opposés: celui des vainqueurs et<br />

celui des vaincus, le griot, pour ménager les sensibilités, produit une oeuvre qui faIt<br />

l'unanimité.<br />

1<br />

.2<br />

,/<br />

Définition de la poesie ou Njimri en poular.<br />

<strong>Samba</strong> Guélâdiégui ou <strong>Samba</strong> Guéiâdio. Diégui. Il s'agit d'un héros peul<br />

nommé <strong>Samba</strong> dOIll le père s'appelle Guélâdio Diégui Bâ.


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 10<br />

Ainsi Farba Gouwa, d'après la verSIOn de Sidi Mbôlhiel, envoyé en<br />

. , ambassade <strong>par</strong> El Hadj Omar auprès d'Ahmadou Ahmadou, Emir de l'empire peul du<br />

Macina, se vit obligé de vanter les mérites de celui-ci. La louange toucha l'Emir qui offrit au<br />

griot un troupeau de vaches. Un tel fragment qui exalte le roi peul, rival d'El Hadj Omar, est<br />

fort significatif de l'art du griot. Artiste consommé, le griot construit des oeuvres où il est à<br />

la fois l'émetteur et le récepteur principal. A cet égard, il est constamment dans, et hors de,<br />

son récir. Ce jeu subtil produit, sur le plan textuel, des réussites admirables:<br />

"<br />

" Si la générosité empêchait de mourir,<br />

si le courage empêchait de mourir,<br />

si le savoir empêchait de mourir,<br />

Ch 'kh 0 T'd' o ,,1<br />

el mar 1 Jane... .<br />

déclare le griot au début de la relation du jihâd. lei la profonde sympathie dc l'artiste pour<br />

son Cheikh l'empêche d'achever le vers. Dès lors sa complicité est évidente, en tOUl cas il<br />

prend <strong>par</strong>ti pour Cheikh Omar dans la bataille qui l'oppose au Macina. En faisant <strong>par</strong>ler le<br />

griot du Cheikh, il énonce ses propres sentiments:<br />

" Mais nous t'avons dit (Ahmadou fi 1)<br />

qu'il fallait se méfier du Fouta<br />

des hommes petits et solides<br />

Mais Je "sel" du récit reste incontestablement la musique qu'entraîne<br />

nécessairement avec elle gestualité et mimique. Malgré les sons de sa petite guitare, Sidi<br />

Mbôthiel éprouve le besoin de se livrer à une création poétique fondée sur l'harmonie<br />

imitative:<br />

t<br />

2<br />

"kikka ka waaja, kaanina waaja.<br />

kikka kakka bogo waaja, boogo neyri waaja<br />

kikka keke kikka kaka<br />

kikka kaalu keke waaja."<br />

.../<br />

Mbôthiet (S.),La devise d'El lIadj Omar, vv, 9 à 12.<br />

Id., v, 1060.


. "<br />

"<br />

cHAPITRE 1- n,rvENTAIRE ET CLASSlFICATION 12<br />

des guerriers (seooe) : courage, intrépidité, pudeur, mais aussi irréflexion, témérité,<br />

violence.<br />

Fils posthume du roi Guélâdio Diégui et d'une jeune infirme 1 Koumba,<br />

surnommée "Diôrngal" (la sèche, la stérile), sa naissance comme son existence sont<br />

entourées de merveilleux. Lésé dans ses droits de succession au trône <strong>par</strong> son oncle Konko<br />

Boubou Moussa, <strong>Samba</strong> n'aura de cesse de recouvrir le pouvoir qui lui revient Mais le<br />

cycle de la lance s'affirme en mettanCle héros en gros plan: <strong>Samba</strong>, monté sur sa fidèle<br />

jument Oumou Latoma, entouré de son sage griot Séwi Mala} Lâya et de son esclave hâbleur<br />

Doungourou, se lance dans une série d'aventures guerrières.<br />

<strong>Samba</strong> "Dent de Lion", armé de précieux talismans (fusil magique qui ne se<br />

charge pas, plume qui rend invisible, invulnérabilité absolue) offerts <strong>par</strong> un génie, tue son"<br />

bienfaiteur puis délivre une ville du joug d'un crocodile monstrueux qui exigeait chaque<br />

année une princesse en échange de l'eau du f1euve. Plus tard, <strong>Samba</strong> guerroie pour le compte<br />

d'un roi maure, fait fortune, lève une armée et revient en son pays pour livrer à son oncle la<br />

célèbre bataille de Bil Basi, où il se révèle être un demi-dieu. Au bout de sept jours de<br />

combat, dans des conditions <strong>par</strong>ticulièrement difficiles, <strong>Samba</strong> sort vainqueur. A peine<br />

remonté sur le trône, non sans avoir fait grâce à Konko auquel il doit malgré tout respect, le<br />

preux retourne vers de nouvelles batailles. Il sera victime d'un repas: ayant consommé une<br />

sauce, <strong>Samba</strong> tombe malade et meurt. Son griot Séwi, sa mort venue, se fera enterrer à ses<br />

côtés.<br />

Mais <strong>Samba</strong> réussit encore à triompher de la mort: la terre en effet refusa de le<br />

garder en son sein. Il put ainsi continuer de tuer après sa mort Un berger passant près de sa<br />

tombe, assét1a un coup de bâton sur le squelette qui affleurait, fut cOt1traint d'avaler un gros<br />

os qui lui fut fatal. L'épopée de <strong>Samba</strong>, déclamée au son de l'hymne du héros, le "lagiya"<br />

déclare "<strong>Samba</strong> warii ina wuuri, <strong>Samba</strong> warri ina mayi"2 (<strong>Samba</strong> a tué vivant, <strong>Samba</strong> a tué<br />

une fois mort). Par cette apothéose du héros, l'épopée se pétrifie en mythe et fait de <strong>Samba</strong> le<br />

prototype de la bravoure.<br />

Il' cot1vient de t1Nèf. aussi que Sogolot1 Kedjou, la mère de Sotmdjala<br />

Keïia,héros de l'épopée" mandingue, était bossue, "infirme. En "Afrique<br />

traditionnelle, la mère du fUlUT chef est soit infirme, soit soumise.1I y a là<br />

une équivalence et1tre la valeur et la souffrance.<br />

Version de Amadou Kamara dit Kamarcl, recueillie à" Nouakchott en Août<br />

1985 (inédite).


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSIFICATlüN 15<br />

Les vcrsions bambaras donnent une autre vision des rapports ayant existé<br />

cntrc Ham-I3odêdio et Da Monzon. Elle mettent en relief l'insolence de j-Iam, et situent le<br />

conflit au moment où le royaume bambara de Ségou traversait une crise grave. Da Monzon,<br />

excédé <strong>par</strong> la popularité grandissante d'un de ses généraux, finit <strong>par</strong> l'exiler. Son dé<strong>par</strong>t<br />

priva Ségou d'une force capitale: C'est alors que survint un différent entre Ségou et le<br />

Kounâri.<br />

Ham-Bodêdio, conscien.t de la faiblesse potentielle de Ségou, razzia les<br />

troupeaux de Da Monzon et les dirigea vers le Kounâri. Téné supplia son père de se<br />

réconcilier avec Bakari Dian, le héros ségovien exilé <strong>par</strong> Da, pour châtier les Peuls. Bakari,<br />

lOuché <strong>par</strong> Da Monzon, accepta l'offre de paix, puis défia les Peuls, conduits <strong>par</strong> Ham­<br />

Bodêdio, 'et ramena les troupeaux volés,<br />

Un autre aspect du règne de Ham-Bodêdio passionne les griots: celui qui<br />

concerne l'origine du "Saïgalare", sa devise musicale. Une nuit, Hama-Le-Rouge entend<br />

jouer mystérieusement, dans le vestibule de sa demeure, une musique. Il convoque tous les<br />

musiciens de son royaume et leur demande, sous peine de mort, de retrouver la mélodie qu'il<br />

a entcndue. Quatre vingt-dix neuf musiciens échouèrent dans leur quête; seul Kô Biraïma<br />

Kô, aidé d'un génie, trouva l'instrument, le "hoddu" (luth) et l'air (Saïgalaré) 1. Le roi<br />

combla le griot de cadeaux et en fit son chantre.<br />

Les versions toucouleurs retiennent aussi de I-1am-l3odêdio et de son fils<br />

Guélâdio, des figures de redresseurs de tort. Dans la version de Gilbert VieilIard2,<br />

Fatoumata demande à Ham-Bodêdio de venger l'honneur de sa mère bafoué <strong>par</strong> Sâ, le roi<br />

bambara. Elle stimule la fiené de son interlocuteur en ces tennes :<br />

"Celui qui m'a olltragée a ditqu'il n'l'avait pas dans le pays cie Peul capable<br />

cie me venger. Moi, donc, je suis venue vers toi; si tu peux, venge-moi! Si tu<br />

ne peux pas, j'irai trouver Silâmaka Yéro-Héro - Dandé : Celui-là ne boit que<br />

du lait; ce n'est pas comme toi un buveur de bière de mil et je sais bien que<br />

les ivrognes achètent leur courage"3<br />

Touché au plus profond de son amour proprè, Ham-Boclêdio obéissant au<br />

sens se l'honneur, alla combattre Sâ et le vainquit.<br />

1<br />

2<br />

3'<br />

, Seydou (C), op. cil., pp. 69-8 I.<br />

Vieillard (G.), op. cil., pp. 143 et 59.<br />

Id., p. 143.<br />

"


CHAPITRE 1 - INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 1 6<br />

Dans la version recueillie <strong>par</strong> le Père Gérard Meyer1,la mère de Fatimel Siré<br />

Biiduane, malgré la désapprobation de sa fille, alla vendre du lait au marché de la ville de<br />

Saa. Le chien du roi vint boire le lait de la femme peule. Celle-ci le frappa de son bracelet au<br />

milieu du crâne. Tel un enfant gâté, le chien se mit à aboyer et à hurler en se dirigeant vers le<br />

palais. Sitôt informé de l'aventure du chien, Saa rlemanda à ses hommes de châtier la<br />

coupable. Arrivés au marché, les soldats mouillèrent la tête de la femme peule, la rasèrent<br />

entièrement, puis la traînèrent <strong>par</strong> la jambe, du marché au palais, publiquement. Relâchée,"a<br />

mère de Fatimel retouITIa chez elle et racontâ sa mésaventure à sa fille. Fatimèl se mit alors à<br />

la recherche d'un preux capable de soustraire sa famille au déshonneur qui venait de<br />

l'accabler. Guélâdio offrit ses services. 11 combattit Saa, le défit Ct, attachant une corde il son<br />

cou, l'offrit à Fatimel, la priant d'en faire un serviteur.<br />

Le cycle de la lance est également illustré <strong>par</strong> le cycle de Guélâdyo rapporté<br />

<strong>par</strong> Lestrange 2 , où Guélâdio et <strong>Samba</strong> Niési Niési reproduisent le modèle Silâmaka et<br />

Pouliôri.<br />

En gros, les épopées traditionnelles accordent une large place au cycle de la<br />

lance. Dans une société régie <strong>par</strong> le sens de l'honneur, le courage, la bravoure, l'homme doit<br />

toujours prouver sa valeur à l'aide de son arme. La lance permet au héros de s'affirmer en<br />

réactualisant quotidiennement son existence. C'est pourquoi, de <strong>Samba</strong> Guélâdio Diégui à<br />

Ham-Bodêdio, tous les preux ont leur sabre "Silaama" et ils en usent à bon escient. Mais la<br />

lance ne sert pleinement yu'à ceux qui empruntent la route des razzias. Dès lors le cycle de la<br />

lance ne pouvait manquer de croiser celui du bovidé.<br />

a2) I.e cycle de la vache<br />

En même temps que se corsait le cycle de la lance, les Peuls composaient le<br />

cycle de la vache, autre cycle épique populaire. sans doute pour donner un sens à la lance,<br />

échappant ainsi au reproche d'un bellicisme puéril: la lance pour la lance. Du reste, Alpha 1.<br />

Sow donne à un chapitre de son onvragt' un titre révélateur à ce sujet "Dieu a des richesses,<br />

j'ai des vaches"3 Comme le héros épique, la vache a sa chanson, sa devise.<br />

Le Djoloff ap<strong>par</strong>aît aussi comme une terre d'élection de l'épopée où les cycles<br />

de la vache et de la femme se croisent continuellement. Le contexte des luttes entre Pt'uls<br />

Mbaalmbaal5e, habitants de la haute vallée du Ferlo et les Ieangel5e à l'ouest du Sénégal,<br />

2<br />

3<br />

Meyer (G.), La lance, la vache, le /ivre. Récits. épiques Toucouleurs .du<br />

Sénégal· oriental: Inédii·. Goudiry, 1979, pp. 33-62.' Signalons aussi que le<br />

Père G. Meyer transcrit Sâ <strong>par</strong> Saa, ce qui est plus conforme à la<br />

nanscription phonétique.<br />

Lestrange (M.· de), .op. cll.<br />

Sow (A. 1.), La fèmme, la vache. la foi, Paris, 1966, p. 199.


) Le triptyque héroïque.<br />

An conrs de son développement, la narration de l'épopée fait ap<strong>par</strong>aître Lili<br />

triptyque: le héros, le cheval et l'amle. Il convient à présent de passer en revue les élénleJ1IS<br />

de cette trilogie.<br />

b1) Le héros<br />

Personnage principal, il délirilite l'épopée dans le temps et dans l'espace: la<br />

déclamation commence <strong>par</strong> sa naissance et se termine avec sa mon. La vie du héros pennet il<br />

l'aniste de dramatiser le merveilleux épique; ainsi se retrouve-t-il au centre de la structure du<br />

mythe héroïque1. Il convient de rappeler qu'en étudiant la stmcture des épopées classiques et<br />

modernes, Philippe Sellier a dégagé uue structure épiqne, ou structure du mythe héroïque,<br />

dont les neuf points sont atlestés <strong>par</strong> les épopées peules, et vécus illlensément <strong>par</strong> le héros 2<br />

Né de <strong>par</strong>ents illustres, le héros est toujours annoncé <strong>par</strong> des présages (SamiJa<br />

Guélâdiégui). Le couple <strong>par</strong>ental, se selllant menacé après la naissance du précieux bébé, sc<br />

sé<strong>par</strong>e de celui-ci; il s'agit de la séquence de l'exposition. Ainsi <strong>Samba</strong> fut-il présenté<br />

comme étant une fille, de même Guéladyo dans l'épopée Fulakanda qui fait passer sa soeur<br />

Fatoumata pour un garçon. Le héros commence alors une vie d'occultation, ou vic cachée.<br />

Mais il est vite reconnu <strong>par</strong> un signe: triomphe de <strong>Samba</strong>, alias Fatoumata, au tir à l'arc,<br />

courage de SiUmaka piqné <strong>par</strong> un taon devant les homme de Sâ vellUS lever l'impôt du<br />

Macina.<br />

Il <strong>par</strong>tir de ce moment le héros se découvre (Haill-Bodêdio, Sil5maka) et<br />

accomplit des exploits exceptionnels constituant sa manifestation publique ou épiphanie. A ce<br />

moment, il devient le sauveur de son peuple: Silâmaka met fin à l'impôt annuel que le<br />

Macina versait à S5; Ham-Bodêdio obtient l'autonomie dn Kounâri.<br />

Une telle bravoure et ces succès trouvent leur fondement dans des<br />

connaissances occultes dont l'acquisition fait du héros un initié: <strong>Samba</strong> détient les gris-gris<br />

de son père, un autre génie lui en donne d'aussi précieux. De même, Silâ'llaka ct Poullôri<br />

reçurent d'un marabout un talisman, unique en sail genre, mais au prix d'une bravoure<br />

exeeptionnelle. Au<strong>par</strong>avant, le prince Hammadi, le père de Silâmaka, avait consulté lUI<br />

marabout aux fins d'amler SOli fils sur le plan occulte:<br />

1<br />

2<br />

Sellier (P.), Le Mythe du héros, Paris. 1970.<br />

Nous avons démontré la structure du mythe hérolque à la JUluière de<br />

l'épopée d'El Hadj Olllar dans norre Thèse de Doctora' de [Ilèllle cycle ,<br />

Université de Dakar, 1984, el prions le lecteur de s'y reporter.<br />

21


. ,<br />

CHAPITRE J -INVENTAIRE ET CLASSIFICATION<br />

maraboul:<br />

" Le prince Hammadi dit: "un lei ! "II dit": oui! "<br />

Il dit : "donne un gris-gris à mon fils et à son captif,<br />

Je te donnerai toutes les richesses que Dieu te fera désirer."<br />

L'autre dit: " Je connais bien un gris-gris.<br />

Je ne l'ni jamais donné à quelqu'un car il n'est pas facile à obtenir.<br />

Il dit: " à quoi ressemble -t-il '!<br />

L'autre lui dit: il se fabnque avec un python.<br />

Je ne sais pas s'ils peuvent attraper un python" 1.<br />

Après avoir déployé un courage inouï, les enfants capturèrent le serpent.<br />

Nantis de l'argent de leur quête, Silâmaka et PouIlôru se rendirent auprès du<br />

"Silaamaka lenailla tête,<br />

Poullôru tenailla queue.<br />

Le marabout tailla la tige;<br />

on npprocha l'encrier,<br />

Le nlaJaoout écrivit toUl,<br />

Il leur dit: ce !,'Tis-gris est tenniné.<br />

Il dit: prince Hammndi ! Le prince HamIlladi lui dit: oui 1<br />

Il dit: voici tout ce que tu voulais<br />

La tête a été couvene de versets pour Sibamnkn, il s'en est ceint;<br />

La queue a été couverte de versets pour Poullôru, il s'en est ceint;<br />

Lorsqu'ils seront au coeur de la bataille, tu entendras le python siffler sur le<br />

dos de Silaamnka ; quand le serpent aura sifflé, Ol! que soit Püullüorou, la·<br />

queue se tordra sur son dos"2<br />

C'est celle inilimion aux sciences ésotérIques qui assoilles bases de l'autorité<br />

des deux héros. De la sorte, le merveilleux se <strong>par</strong>e un peu des atours du vraisemblable, en<br />

mettant à côté du héros principal Silâmaka, un double épique: Poullôru qui, malgré ses<br />

qnalités reste un captif. C'est pourquoi la tête du python revient de droit à Silûmaka, qui l'a<br />

capturé du reste, alors que Püullôri se contellle de la queue.<br />

Le dernier point de la structure du mythe hérolque demeure l'apothéose du<br />

héros: l'épopée transforme le personnage principal en dieu pour l'installer dans l'éternité.<br />

2<br />

Meyer (G.), op. cil., pp. 11-12, vv. 189 -197.<br />

Id., p. 18 vv, 320 -333.<br />

,<br />

22


.-;"<br />

CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 23<br />

Dans ce sens, <strong>Samba</strong> Guélûdiégui cOl1linue de vivre comme Je prouvel1lles meurtres qu'il<br />

commeura après sa mon.<br />

Eu égard à ce qui précède, le héros ap<strong>par</strong>aît comme le moteur de l'aclion<br />

épique; l'artiste, en le plaçant au coeur du mytlle héroïque, décrit une struclllre originale<br />

permeltant d'insister sur le merveilleux, caractéristique essentiel de l'épos, mais aussi pont<br />

reliant·mythe et épopée. Mais l'héroïsme nécessite aussi un autre type de compagnonnage.<br />

b2) Le héros el le cheval..<br />

Le cheval rel)résente, avec le chien, le compagnon le plus fidèle de l'homme.<br />

Mais la connotation péjorative que revêt le chien en société négro-africaine l'écane, en<br />

général, de l'univers épique. Inversement, le cheval y joue un rôle capital. Son concours<br />

détermine le triomphe de son maître, à l'instar duquel il reçoit une initiation à l'occultisme.<br />

Comme son maître, le cheval avait sa devise et portait un nom symbolique: le destrier que<br />

Samha Guél5diégui chevaucha s'appelait "Oumou Lawma" 1. D'autres chevaux ponèrent<br />

d'autres noms prestigieux <strong>par</strong> exemple: " soppere Ka!J'Je"2, "1001001i Ka!J'Je"3, "kull;t1<br />

makam"4. Etres extraordinaires. ces chevaux accompliS'cnt des prouesses; lors de son<br />

passage dans le Ferlo, c'est son cheval "Oumou lmoma" qui fait fuir !cs gcns de Djîngué<br />

sitllé à plusieurs cel1laines de kilomètres de là, alors que son maître <strong>Samba</strong> se,irait le désastre<br />

ii 101Jl vent.<br />

Aussi le griot confond-il 'toujours dans la même louange le héros et son<br />

dcslrier; l'épopée vante autant l'héroïsme de <strong>Samba</strong> Guéliidio Diégui, lors de la bataille qui<br />

l'opposa à <strong>Samba</strong> Maïr


. ,<br />

CHAPITRE 1 - 1NVENTAIRE ET CLASSIFICATION<br />

h3) L'arme du héros<br />

Après le destrier, l'arme constitue le compagnon privilégié du héros de<br />

l'épopée peule traditionnelle. A l'instar du héros et du cheval, elle porte un nom symbolique:<br />

l'arlne de Silâmaka s'appelait "Grande Plaie", celle de <strong>Samba</strong> Guélâdiégui "Buse Larway".<br />

Alors que celle de Silâmaka recueillie <strong>par</strong> G. Meyer était: "kaiabaw qui ne laisse pas intact un<br />

vivant"("katab


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ETCLASSIFICATlüN 27<br />

signe total directement saisi <strong>par</strong> l'intelligence et le coeur et, la suite des notes,<br />

une sone de définition essentielle de la personne qu'elle représerHe dans sa<br />

réalité idéale et sublimée en un concemré de ses venus essentielles" 1.<br />

Les muliiples rappons que l'épopée enrretient avee le héros et avec la soeiélé,<br />

les liens existant entre la musique et la <strong>par</strong>ole épique 2 sont mis en lumière <strong>par</strong> la devise, qui<br />

du reste eultive l'art de la concision et de la sobriélé. Les artisans du verbe ont fini ainsi <strong>par</strong><br />

faire coïncider le héros avec sa devise; mieux, ils ont réussi à enfemler <strong>par</strong>ole ct musique<br />

dans une unité signifiallle que la devise de Poullôri illustre <strong>par</strong>faitement:<br />

" Kodda oolel Busee<br />

10 1I0oeeje koyd'e ekebbecje,<br />

Pullo 00 koy laawina hannde."<br />

" Benjamin de oole! Buse<br />

Epineux el épines sous les pieds!<br />

Le Peul s'est mis en colère aujourd'hui !"3<br />

Cet appel (noddol) a pour finalité d'irriter le héros, puiscjlle l'image de<br />

l'épineux et des épines veut le forcer à s'emporter. On note, au passage, une sirnilitude avet.:<br />

la devise de Guélâdio, commençant <strong>par</strong> la même hypocoristiquc. La version de Yéro Boubou<br />

Koumé 4 cite la devise de Guéladio au début et il la fin de sa narration. Saa ayant humilié la<br />

mère de Fatoumata Siré Biidané, celle-ci sol1icile J'intervention du h6ros peul; alors,<br />

Guél5dio bat Saa et réduit sa fille Fatollmata Saa en esclave de la jeune femme peule.<br />

2<br />

3<br />

4<br />

1. "Gcla.üo Ham Yelle Dooraare Buuhu Baaye e kebe,<br />

mo Doga Buubu Dogataa 13uubll Baaye,<br />

mo Aaje BUllbu Tikki weelende BUlibu Buubu Baaye.<br />

Plillo !<br />

5. mooronongal balaminaaji,<br />

Seydou (C.), Silâmaka el Pou/lâri, p. 33.<br />

On consultera avec profil les lravaux suivants : G,eneviève Calame-Griaule,<br />

Elhllologie el langage, la <strong>par</strong>ole chez (es DOgOllS, Paris, ]965. G. Calame ­<br />

Griaule. "Introduction à l'élude de la musique africaÎne", in. La. revue<br />

mllsicale, les cahiers· criliques, numéro spécial, 238 (1957) 5-12. A Sadji. "Ce<br />

que dit la musique africaine", in L'Educalioll Africaille, N° 94, Avril - Juin.<br />

1963, p. 119.<br />

Meyer (G.), op. cil.. p. 18, v. 335.<br />

Id., p. 34,. v. 1 à 19.


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSlFICATION<br />

2<br />

cancortongal ko'e bijaaji.<br />

Pullo leloo, fi'a bawcl'i<br />

hejjiloo, lummbina laacl'e<br />

mo saroo i\iiye, saakoo pecl'eeli,<br />

10. daO Do daande mo wutte mum nanngetaake<br />

mo kiikiiriwol kaakariiwol kaakowal kaake worfJe,<br />

ngal kaake mum yeewetaake.<br />

KaOko wi'etee jalal manngal, jabbirgal manngal,<br />

wakkee, hela balabe<br />

15. daasee, taya codduli,<br />

Ka Oko woni labangal niiwa,<br />

baylo waawa lafde,<br />

kampaaje nanngataa,<br />

lannde waawa roondaade" 1.<br />

1." Gueladio Ham Yelle Dooraare Boubou Baaye et Kébé<br />

fils de Doga Boubou Dogalaa Boubou Baayé,<br />

Fils de Adié Boubou Tikki Bou bou welelende Boubou Baaye,<br />

Peul!<br />

5. Il se tresse avec trois tresses de chaque côté,<br />

Il se coiffe avec les cornes des vaches laitières.<br />

Le Peul se couche et frappe les tambours,<br />

Il se lève en pleine nuit et fait traverser les pirogues.<br />

Il a les dents écartées, il a les doigts écartés,<br />

10. Son cou est court mais on ne l'empoigne pas <strong>par</strong> le col,<br />

Redoutable rapace qui attrape les affaires des hommes,<br />

Mais on ne regarde jamais ses affaires à lui.<br />

Il s'appelle Grande Daba, Grande Houe:<br />

Portée à l'épaule, elle brise l'épaule,<br />

15. Traînée, elle tranche les tendons d'Achille.<br />

C'est un mors d'éléphant,<br />

Un forgeron ne peut pas le fabriquer<br />

Des pinces ne peuvent pas le tenir,<br />

Une enclume ne peut pas le porter!'2<br />

Meyer (G.), op. cil., p. 33. Nous avons, en bien ùes endroits, corrigé la<br />

transcription, de Meyer.<br />

Id, p. 34.<br />

28


CHAPITRE 1 - INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 38<br />

d'un Bakiri de Tiabo l, près de 13akel, qui avait vécu vingt ans à Saint-Louis et y avait acquis<br />

des connaissances que le Cheikh sut mettre à profit. C'est chez cet homme, <strong>Samba</strong> Ncliayc.<br />

que Mage logea pendant son séjour à Ségou,,2 La Qacida el! p{lIIlar sc souvient de œla el<br />

chante:<br />

"1. Les canons furent tirés, ils furent inquiets alors, au point qu'ils<br />

chancelèrent.<br />

2. Aussitôt s'élancèrent les hommes bien portants, et braves, Dyabal fut<br />

dispersé<br />

3. Les griots du Ségou, là furent descendus de ces chevaux cie race: cles<br />

boeufs gras et des petites servantes grasses furent enlevées"3<br />

Ces derniers vers résument la présence et la solidarité dn triptyque thématique<br />

-la lance, la vache, la femme, et du triptyque héroïque -le héros, l'arme ct le cheval. Conln,,·<br />

dans l'épopée classique, les deux triptyques s'enchevêtrent, s'éclairent et expliquent le;<br />

prouesses du héros. Puissants moteurs de l'action, ils fonctionnent comme clcs référcnts<br />

mythiques implicites qui orientent le cours de la narration épique. P,1reils à des motifs<br />

ornementaux, ils auréolent la vie du preux, ct trouvent un autre répondant, sur le plan<br />

musical, dans le chant que sa vie ct son oeuvre ont arraché il l'art des professionuels<br />

b3) La devise<br />

Dans le domaine peul, l'héroïsme ne devient effectif qu'à la condition d'avoir<br />

produit une devise musicale et <strong>par</strong>lée. L'explication de cette exigence sc trouve dans les<br />

structures qui défiuissent le mode d'existence et de diffusion des oeuvres orales. Aussi, en<br />

vaillant héros de la "pulaagu", Cheikh Omar a-t-il sa devise ou "noddol". Celle-ci se<br />

,<br />

structure ainsi: brève généalogie, suivie d'un eourtTésumé de ses conquêtes. enfin un survol<br />

rapide de ses qualités intellectuelles et morales, l'ensemble étant accompagné el1 sourdine <strong>par</strong><br />

le martèlement de son air musical, "Tara". A ce propos, Sidi Mbôthiel cile une devise<br />

d'Omar accompagnée à la guitare monocorde ou "molo":<br />

2<br />

3<br />

1. " Torodo, méÎlez vous de lui,<br />

Nous pensuns que 'Gadcll fut induit cn erreur <strong>par</strong> un de ses illfurm:ltl:urs<br />

qui, ignorant le 110m de famille de la personne concernée, le déforme Cl.<br />

l'ajoutant à sun prénom, cn filÎI deux personnes. La réalilé est plus simple :<br />

il s'agit de <strong>Samba</strong> Ndiayc l3athily..<br />

Gaden (H.), op. cil., p. 144.<br />

Id., p. 143.


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSIFICATION<br />

Dernier né d'Adama Aysé Elimane Ciré <strong>Samba</strong> Demba Ali Moutar.<br />

En réalité méfiez-vous de lui.<br />

Etranger le matin, chefde village à midi, Imâme l'après-midi.<br />

s. En réalité méfiez-vous de lui.<br />

Le Riche, le Savant, le Bien éduqué, le Pourvu.<br />

Noble fils de noble; en réalité mélïez-vous de lui.<br />

C'est lui qui a étudié et qu'on a surnommé le marabout Omar.<br />

Ne savez-vous pas que c'est le Cheikh qui a détruit Tamba ?<br />

10. Ne savez-vOlis pas que c'est le Cheikh qui a détruit Goufadé ?<br />

C'est le Torodo qui a détruit Djauguirdé.<br />

C'est le Cheikh qui a détruit Ghégné et l'a communiqué à Ghêgnêba.<br />

C'est le Torodo qui a détruit Farabanna<br />

Le Cheikh a traversé le gué de Diâkalelle.<br />

IS. En réalité méfiez-vous du Pourvu, du Savant.<br />

16.En réalité méfiez-vous de lui"1<br />

Cette devise, après avoir campé le statut social du héros" Torodo", "noble fils<br />

de nobles", s'attache à dégager une image d'Omar pour la graver au fond de la mémoire<br />

collective. Il s'agit ici de celle du preux qui sème la terreur à tous vents. Le vers "En réalité,<br />

méfiez-vous de lui" répété six fois, se trouve confirmé <strong>par</strong> l'étendue de ses conquêtes, dont<br />

la brutalité soudaine est reprise en écho <strong>par</strong> "détruit" martelé cinq fois.<br />

Tara chante d'élévation en élévation "un mélange d'élan mystique et<br />

d'héroïsme pai'en" . Ces rythmes et sonorités, ces allitérations, reprises musicales, mythifient<br />

le héros, tOut en l'insérant hannonieusemenl dans la structure hiératique de l'épopée.<br />

cl Le public<br />

Par la nature du sujet et <strong>par</strong> les multi pies fonC/ions que l'épopée joue en milieu<br />

peul, sa performance attire toujours une foule bigarrée où les différents membres de la<br />

société coexistent sans distinctiou d'âge ou de sexe. La geste du jihâd, comportant en plus de<br />

l'hérirage profane un apport islamique, draÎne une foule impressionnante d'autant plus qu'ici<br />

il n'y a plus de frontière entre l'art et le religieux.<br />

Assuré de <strong>par</strong>ticiper à un culte, le public communie dans une ferveur toute<br />

religieuse. Le griot, maître de son an, profite alors de l'occasion pour solliciter l'auditoire à<br />

réagir, c'est-à-dire à reproduire le modèle de réception de l'épopée profane. Multipliant les<br />

Version de Sidi Mbôthicl, vOIr corpus de notre thèse.<br />

39<br />


CHAPITRE 1 - INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 40<br />

récits des batailles du jihâd, invoquant l'Islam et faisant de Cheikh Omar l'héritier du<br />

Prophète, l'artiste oblige le public à s'exclamer, à s'interroger, à verser des larmes ou à<br />

pousser des cris de joie. De la sorte, l'auditoire contribue puissamment à <strong>par</strong>faire la<br />

performance, car c'est lui, en fait, qui en fixe généralement le temps, le lieu et la thématique.<br />

Naguère encore, le récit des batailles, la succession des victoires et des défaites faisaient les<br />

délices des spectateurs. Aujourd'hui, la tendance semble privilégier l'exaltation des principes<br />

islamiques et des valeurs peules. Aussi le griot n'oublie-t-il jamais de citer les hauts faits des<br />

habitants de tel ou tel village du Fouta-Toro ou de l'aire .du jihâd, ce qui pousse<br />

immédiatement ses descendants ou les ressortissants du même village à offrir des dons<br />

substantiels au laudateur.<br />

Ainsi, le public joue-t-il tin rôle capital dans la performance de l'épopée<br />

d'Omar. Il détermine le goût du jour, contrôle le rythme du récit; puis <strong>par</strong> ses dons, ses<br />

multiples sollicitations et ses réponses contribue puissammenr.à réaliser l'oeuvre. De ce point<br />

de vue, le public de l'épopée du jihâd ressemble étrangement à celui des épopées païennes.<br />

La réflexion menée jusque-là révèle une similitude frappante entre l'épopée<br />

d'El Hadj Omar et l'épopée peule. Elle prend en charge les trois instances fondamentales du<br />

modèle traditionnel: artisans du verbe, récit, public, pour les mobiliser dans une série<br />

d'aventures héroïques. Sous ce rapport, l'épopée omarienne se comporte comme une épopée<br />

de la "pulaagu" ou idéal peul.<br />

Mais la geste d'Omar se définit avant tout comme l'épopée du jihâd ; dès lors,<br />

l'impact de l'Islam et la dimension de l'écriture suscitent une rtIpture radicale <strong>par</strong> rapport à<br />

"épopée peule traditionnelle. Conçue comme un adjuvant du jihâd <strong>par</strong> les griots et <strong>par</strong> les<br />

clercs, l'épopée d'Omar, ou les tarikhs qui en dérivent, se proposent de faire le jihâd à leur<br />

manière. Ces considérations dénotent une oeuvre originale, itTéductible au modèle classique<br />

de l'épopée peule : l'épopée peule islamisée ap<strong>par</strong>aît alors comme un modèle spécifique.<br />

21 LE MODELE PEUL ISLAMISE<br />

Convaincus que chanter ou exalter le jihâd omarien constitue un acte<br />

éminemment religieux, griots et marabouts de l'aire du jihâd ont trouvé, dans la vie du Saint<br />

homme, une illustre matière pour élaborer des oeuvres immonelles. Un hadilh 1 du prophète<br />

Mohammed les renforce du réste dans leur conviction: " le rappel de la vie des saints fait<br />

descendno la miséricorde divine". Clercs et anisans du verbe se sont donc naturellement alliés<br />

Le "hadîth" ou "hadîss" est une tradition prophétique : <strong>par</strong>ole, autorisation,<br />

interdit. Ce "hadÎss" est ainsi libellé : "bi zikri hîm tata nazallu rahma" '(En<br />

rappelant leur souvenir, la miséricorde descend).


,<br />

CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 4 1<br />

pour immortaliser les hauts faits provoqués <strong>par</strong> le jihâd d'Omar le Foutanké (l'homme du<br />

FOUla)<br />

a) L'artisan du verbe et le maître de la plume<br />

Vivant en pleine théocratie islamique, griots et marabouts ont reçu à peu près<br />

la même éducation, Ils ont fréquenté ensemble la '1,ême école coranique, sous ln férule du<br />

même maître. Les veillées les ont réunis à nouveau auprès du maître du récit oral. Dès lors,<br />

une telle communauté de destin devait entraîner une collaboration naturelle entre clercs et<br />

artisans du verbe, et les deux s'inOuencèrent mutuellement à tous les niveaux. Les marabouts<br />

apportèrent l'écriture et ses avantages, tandis que les griots donnèrelH en échange l'art<br />

oratoire.<br />

al) Le griot olllarien<br />

"Gawlo", "maabo" ou "bamrnbaad'o" à l'origine, l'artisan dtl verbe de<br />

l'épopée d'Omar se distingue <strong>par</strong> sa forte culture islamique et <strong>par</strong> son caractère polyglotte.<br />

Qu'il joue de la Illusique comme Abdoul Ata Seck, ou qu'il récite comme les membres de la<br />

famille Ndiaye de Wennôcli (la mare aux crocodi\Ës), le griot épice wujours son récit de<br />

versets du Coran ou d'extraits d'oeuvres de Cheikh Omar. C'est ainsi qu'Abdoul Ata récite<br />

toujours au cours de ses séances les 1200 vers qui constituent l'une des oeuvres majeures<br />

d'El Hadj Omar, le "Safina tu Saa da" 1 en s'accompagnam à la guitare et chaque fois son<br />

second, Massâba Ahmad Diop, illlervenant à la demande de son patron, déclame une devise<br />

de Cheikh Omar, assez caractéristique de ['art du griot du jihâd :<br />

2<br />

1." kalJko wiyetee ceernal seernaaoe, waliyal wahyaaoe<br />

2. Tikka alla walia, haoee allajilJnga.<br />

3. Inndee ndee ko ayna baaliiqo miim arraa 2 :<br />

4. Ayna baaliid'o tirata ko capand'e nay,<br />

6. Arra tOlJngata ko temeedde d'id'i.<br />

7. 0 jalJngii temedde d'id'i fannu,<br />

8. Hay hen gooto jiidaane god'd'o oon,<br />

Titre complet : 'l'ail (El. O.J, Safillalu Saa da li ah/ul duf wa lIajada, lexte<br />

arabe, non traduit, La Barque du biellhellreux pour les hommes faibles el<br />

les hommes courageux.<br />

Lettres de l'alphabet arabe, poularisées ici. li s'agit de "aïn", "mÎm", "râ",<br />

lettres servant à écrire Umar.


CHAPITRE 1 - INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 44<br />

pédagogique, enfin la perpétuation d'une coutume qui liait le griot au noble. Dans touS les<br />

cas, une franche collaboration existe entre griot et marabout.<br />

En somme, l'artisan du verbe de l'épopée omarienne se révèle un artiste<br />

complet, donlle talent résulte d'une synthèse dynamique entre l'oralité et l'écriture. En fin<br />

psychologue, le griot a su se réadapter, et adapter son art, pour se mettre au service du<br />

marabout, le nouveau maître du jour.<br />

a2) Le nu1Ître de la plume de l'épopée du jihâd<br />

La maîtrise de la plume revient en général à certaines familles dites familles<br />

maraboutiques. Mais cette règle connaît de nombreuses exceptions faisant que toute personne<br />

désireuse de s'instruire finit <strong>par</strong> maîtriser la lecture et la graphie arabes. Il convielll cependalll<br />

de distinguer les marabouts des clercs et des scribes. En gros, le marabolll possède une<br />

culture islamique correcte, mais il ne maîtrise pas toujours l'arabe. Dans ce cas, il peut<br />

recourir à un alphabet adapté: les caractères arabes augmentés de quelques signes<br />

diacritiques pour transcrire le poular. Une telle graphie donne des manuscrits peuls appelés<br />

"fulfulde". Par contre, le clerc maîtrise le Coran et possède quelques rudiments de l'arabe,<br />

mais il se signale surtout <strong>par</strong> sa <strong>par</strong>l'aite calligraphie. Enfin, le scribe désigne une sorte<br />

d'érudit, doublé d'un excellent calligraphe. C'est pourquoi le scribe, en recopiant un<br />

manuscrit, ajoute à la fin quelques formules ou quelques infomlations complémentaires,<br />

tandis que le copiste se contente de recopier tout bonnement le manuscrit qui lIli est confié.<br />

La vie et l'oeuvre d'El Hadji Omar constituèrent une belle aubaine pour les<br />

maîtres de la plume. La proximité des griots les poussa à composer avec l'oralité, pour<br />

irnmonaliser Cheikh Omar et les COmbalWlllS de la foi. Des oeuvres diverses et variées virent<br />

le jour dans toutes les localités du Saint - Empire. A ce propos, la source la plus ancienne de<br />

l'épopée omarienne écrite semble être la version rapportée <strong>par</strong> Charles Reichadt l, un<br />

missionnaire anglican d'origine allemande qui travaillait sur la langue peu le. Il s'agit d'un<br />

texte fulfulde transcrit en arabe, retranscrit, introduit à Freetown vers 1860 <strong>par</strong> un clerc<br />

Yorouba musulman. Composée à Dinguiraye vers 1840-1853, la chronique donne des<br />

informations précieuses sur El Hadj Omar et sur ses talibés; en même temps, elle relate les<br />

premières batailles. Oeuvre d'un (alibé plus zélé qu'informé, la version rapportée <strong>par</strong><br />

Reichadt contient un certain nombre d'erreurs, surtout la relation de la lutte contre le royaume<br />

bambara de Ségou, où, du reSle, s'arrête le livn:.<br />

Reichadt (C.), "Hala Saihu Al-Hajj omaru Fatiyu kedewiyu bi seibi" in<br />

Grammar of the fu/de language, New-Brompton, 1873.


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 45<br />

La version suivante fut composée <strong>par</strong> Abdoulaye Ali, secrétaire d'El Hadj<br />

Omar. Elle s'intitule: Souvenirs de /lotre Cheikh au début dujihâd 1. Ecrite à Bandiagara<br />

sous l'influence de Tidjâni Alpha Amadou, neveu de Cheikh Omar et continuateur de son<br />

jihâd au Macina, cette version reflète les idées de Tidjâni dont elle fait le digne successeur<br />

d'El Hadj Omar, à l'exclusion de ses propres enfants. Cette version du jihâd suscita, comme<br />

on s'y anendait, d'autres versions contradictoires dans les cours des enfants du Cheikh,<br />

chacune s'amibuant la légitimité de la succession de l'illusrre père.<br />

Vers 1880, une version anonyme fut composée à Ségou: La manière dO/lt<br />

notre Cheikh conduisit son pèlerinage du début à lafin. L'auteur se mue en laudateur et<br />

s'efforce de mettre en relief le vaste savoir du Cheikh, les miracles qu'il a accomplis. JI<br />

prend nettement position pour Ahmadou, le fils aîné de Cheikh Omar, qu'il élève à un rang<br />

exceptionnel.<br />

Ségou fournit aussi la version la plus populaire de l'épopée d'El Hadj Omar,<br />

que j'appelle "le classique des études omariennes" : La Qacida en poular de Mohammadou<br />

Aliou Tyam 2 Il s'agit d'un long poème de 1200 vers rimés - 118


CHAPITRE 1-INVENTAiRE ETCLASSIFICATldN 40<br />

avions étudié un tarikh 1 que nous devons à l'amitié d'un érudit de Ndioum (Podor) ; le voeu<br />

tI'l/I/ ami: les informations les plus <strong>par</strong>fumées sur la vie et l'oeuvre d'El Hadj Omar. Cette<br />

chronique 2 ap<strong>par</strong>aît, à bien des égards, comme une savante synthèse des ouvrages et des<br />

témoignages relatifs au jihâd omarien. Cependant, loin d'être une habile compilation,<br />

l'oeuvre de Niâgane se signale <strong>par</strong> une cohérence et une rigueur que justitie la grande<br />

expérience de son auteur. De toules les chroniques que nous avons consultées, celle de<br />

Niâgane demeure la plus tïdèle et la plus complète puisqu'elle relate toute la vie d'Omar de la<br />

naissance à la tombe. En outre, cette oeuvre affirme très neltement la mort de Cheikh Omar,<br />

même si, après, elle nuance le tragique d'une telle situaiion <strong>par</strong> des argilments théologiques<br />

et mystiques.<br />

Uil autre érudit lOucouleur, Cheikh Moussa Kamara, a rédigé une biogràpHle<br />

de Cheikh Omar Tall3, où il célèbre les mérites et la sainteté d'El Hadj Omar. Comrairemeiit<br />

aux autres chroniclueurs qui se métamorphosent en laudateurs patentés du Cheikh Omar,<br />

Cheikh Moussa Kamara reste très critique. Dans ce sens, il dénonce le fait de rattacher la<br />

généalogie d'Omar à celle du Prophète Mohiunmed. Affinnant le caractère profondément<br />

nègre de Cheikh Omar, Kamara lui reconnaît cependant de nombreux mérites. Homme de<br />

valeur, lOucouleur le plus prestigieux pour avoir culbuté les royaumes des bambaras, jadis<br />

bourreaux des lOucouleurs. El Hadj Omar, d'après Cheikh Moussa, demeure un mortel,<br />

malgré ses vertus. Mais Cheikh Moussa doit surtout sa célébrité à son opposition totàle au<br />

jihâd ou guerre sainte et à son esprit critique.<br />

Cependam, une analyse approfondie de la liLlérature maraboutique omariennc<br />

fait ap<strong>par</strong>aîlre une inOuence proche ou lointaine de l'Anonyme de Fez 4 ; manuscrit trouvé au<br />

quartier général de la Tidjanyya à Fcz (Maroc), au début du XIXème sièclc. Le traité<br />

s'inspirant dcs Rimâh S (chapitrcs 28-30) citc les miracles du Chcikh dàns unc vaste apologie<br />

omarienne. L'Anonyme rcste une oeuvre écritc à la gloire d'El Hadj Omàr.<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

<strong>DIENG</strong> (S.),<br />

d'El Hadj M.<br />

Titre arabe :<br />

Umar.<br />

Une approche de l'épopée d'El Hadj Omar d'après la chroliique<br />

Niâgane, Mémoire de Maîtrise, Université' de Dakar, 1978.<br />

Munyatul mu hibbi wa atyabul habar fi sirati Cheikh al Hajj<br />

Kamara (C. M.), La vie d'El Hadj Omar ( traduit de l'arabe <strong>par</strong> A.SAMB)..<br />

Dakar, 1975.<br />

Salenc (1.), "La vic d'El Hadj Omar", in Bulletin du ComiIé des E/lldes<br />

historiques et scientifiques en A.O.F., vol 3, 1918,. pp. 405'431.<br />

Tidjane C.A.), Kitâbu Jawâhir Al Ma 'aiuii (arabe) .Tall (t. O.), Kitâ/5u iiiihâh<br />

(texte anibè).


,<br />

1<br />

•<br />

CHAPITRE I-INVENTAIRE ETCLASSIFlCATION 51<br />

Tidjâne:<br />

Celui-là est notre Cheikh Ahmadou, fils du Mohanlllladou at Tidjani,<br />

descendant du Prophète qui sera sans inquiétude Ile jour du jugement]"1.<br />

La Qacida considère <strong>par</strong> la suite Omar le Foutanké, talibé de Cheikh Ahmed<br />

"Celui-là est Omar le FOlllanké, fils de notre Saïdou,<br />

fils de la Sokhna Adama, la purifiée qui ne sera pas souillée"2<br />

Voilà dans leurs grandes lignes les trois marches qui constilllent la chaîne<br />

mystique que l'on remollle après une iniliation progressive. Le triptyque initiatique indique là<br />

les graines qu'il convient d'égrener pour accéder à l'Elernel.<br />

/)3) La devise<br />

Les maîtres de la plume de l'épopée d'El Hadj Omar, n'ont pas composé de<br />

devise pour leur héros; à la place, ils versent dans le dithyrambe. J. Salenc écrit à ce propos<br />

en présentant l'Anonyme de Fez: "Quoique sous une forme un peu dithyrambique (mais<br />

peut-on reprocher à un disciple d'aimer et d'admirer son maître ?) \Ous les trails qui<br />

con'posent le caracté...:; du Saint et du Chef religieux sont bien mis en relief et aucune de ses<br />

qualités morales, intellectuelles et littéraires n'est passée sous silence"3 L'auleur de<br />

l'Anonyme renchérit:<br />

Omar constitue le :<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

"Sache, ô lecteur, que celui qui fait l'objet de cette biographie a été l'un des<br />

prodiges envoyés <strong>par</strong> Dieu pour montrer aux hommes la vérité et les conduire<br />

dans le droit ehemin en secret et en mystère"4<br />

Emboîtant le pas à cet auteur, Mohammadou Aliou Tyam note que Cheikh<br />

"Pôle et Médiateur que tous les pays regrettaient Ide ne pas compter comme<br />

leurj ;<br />

mâle des mâles est le dernier-né d'Adama, tu le saurJs.<br />

Gaden (H.), op. cil., vv .. 10-11.<br />

Id., v.17.<br />

Salenc (1.), op. cie, [J.. 408.<br />

Id, p.. 408.


CHAPITRE 1 - INVENTAIRE ET CLASSIFICATiON 52<br />

C'eslun soleil comme à mi-hauteur de son point culminant, une lune gui ne<br />

s'obscurcit pas,<br />

comme <strong>par</strong> une nuit de pleine lune avec un clair de lune sans mélange.<br />

C'est une gloire, une élévation, ou encore une panthère au milieu d'ennemis.<br />

C'est un secours rapide, c'est un fleuve profond gui ne noie pas.<br />

C'est une très grande chose unigue dans tous nos pays de l'ouest.<br />

C'est le miel de la création, son aliment vital gui ne s'altèrera pas en<br />

vieillissant" 1.<br />

Des com<strong>par</strong>aisons expressive.>, reprises <strong>par</strong> une série de métaphores, font ici<br />

de Cheikh Omar le double champion du triptyque iniliatigue et du cycle de la foi.<br />

En gros, les auteur.> de.> manuscrits omariens n'ont pa.> composé une devise<br />

pour le Cheikh, [out au plu.> J'appellent - ils "Bahral dm" (océan de .>cience); <strong>par</strong> contre, ils le<br />

chantent en termes émouvants où le langage fleuri - influence de la littérature arabe ­<br />

s'ajoutant à un rythme pnissant - héritage négro-africain -, donnent à l'ensemble un etTct<br />

sublime. Dès lors, la musique fuse au fil de la lecture, entraînant une gesticulation<br />

individuelle ou collective.<br />

c) Le public<br />

Il jOlie lin rôle capilal dans les Inanllscrirs omariens où son action se fait selHîr<br />

en amont et en aval de leur élahoration. Ainsi, les critique.> des auditeurs furent-elles<br />

déterminante.> dan.> la rédaction définitive de La Qilcidil el! pou/ilr. En outre, tenu de bien<br />

pré.>enter son ocuvre, J'auteur d'un manuscrit doit soigner son écriture d'abord, car la<br />

calligraphie e.>t un miroir qui reflète l'flme du copiste. Il doit aus.>i soigner les thèmes pour ne<br />

pas choquer un groupe, et le style, pour mériter le regard des érudits.<br />

Une fois admis, le manuscrit circule et il est tré.> vite mémorisé <strong>par</strong> les<br />

marabouts, clercs et avengles qui vont le récita dan.> des cour.> maraboutiques, sur<br />

l'esplanade de.> mosquées ou au cour.> des veillées pieuses, dans l'enceinte des maison.>.<br />

Loin d'être passive, la réception de ces proJuctions, bien que recueillie, donne lieu à une<br />

réel 1" <strong>par</strong>ticipation Je la conununauté.Le public se croit alors en pleine guerre sainte et il n'est<br />

pas rare de noter de nombreuse.> conversions à l'Islam et à la Tidjanyya, ou aux deux, après<br />

tille séance réussie. Naguère encor", Abdoul Ata Seck, lors d'une soirée à Saint-Louis,<br />

poussa deux cents personnes à s'affilier à la Tidjallyya, séduites qu'elles furent <strong>par</strong> les dons<br />

d'Omar et l'ampleur de son jihâd. En fait, l'écrivain conscient de la force que représente son<br />

Gaden (H.), 01' cit, VV. 22 à 25.


CHAPITRE 1- INVENTAIRE ET CLASSIFICATION<br />

2°) LES PERSONNAGES ORIGINAUX<br />

Dans les épopées peules traditionnelles, les gens de caste (griot, maabo,<br />

cordonnier, forgeron, bûcheron), les êtres difformes et les génies forment la catégorie des<br />

personnages originaux. Ce sont des êtres intouchables: Séwi échappe aux intrigues de<br />

Konko dans <strong>Samba</strong>, pour avoir git1é un maaoo, Silâmaka Ardo doit mourir symboliquement<br />

et physiquement. La femme et l'enfant complètent le tableau, dominé <strong>par</strong> les maraoouts et les<br />

devins. Silâmaka fut victime, selon les versions, d'un enfant incirconcis nu, d'un enfant<br />

albinos, ou d'une femme. Les marabouts et les génies, vivant sur deux plans différenrs,<br />

dominent toute l'humanité, sauf les héros qui généraiemenl - <strong>Samba</strong>, Silâmaka - les tuent<br />

après avoir bénéficié de leur science, craignant d'autres concurrents également at"més.<br />

L'épopée d'El Hadj Omar connaît aussi ces personnages originaux: le griot<br />

Farba Gouwa, qui agit et <strong>par</strong>le en alter ego du Cheikh; Ahmadou, le fils d'El Hadj Omar,<br />

qui, jeune, étonnait tout le monde <strong>par</strong> sa science et sa profonde spiritualité. Après le fils du<br />

Cheikh, son captif Bâtou Dembélé fit preuve de beaucoup d'originalité en ouvrant les<br />

hostilités à Thiâyawal. En effet, l'ultime combat contre le Macina fut précédé de la bataille<br />

des deux esclaves des chefs d'am1ée El Hadj Omar ct Ahmadou Ahmadou: Bâtou Dembélé<br />

et Yaranka Tamooura.<br />

Le jihâd a aussi des géomallciells, la version de Thithié Dramé l'ail dériva la<br />

défaite de Karoullka Diawara du recours d'El Hadj Omar au service que Ardo Aliou<br />

Ndiéréby lui rendit gratuitement en usant de magie noire. Il convient aussi de signaler les<br />

agents mythiques que l'épopée populaire prête au Cheikh: un serpent et un oiseau. Ces<br />

êtres, selon les sources, expliquent le succès du jihâd : la fin de la guerre sainte correspond<br />

aussi à leur mise à mOll <strong>par</strong> la coalition macino-lOmbouctienne.<br />

En somme, les personnages originaux <strong>par</strong>ticipent d'une certaine volouté du<br />

narrateur de varier les. perspectives. Ils fonctionnent, <strong>par</strong> conséquent, comme des contre­<br />

poids chargés de fixer des limites à la nature humaine du héros. Leur existence et leurs<br />

actions contribuent puissamment à humaniser l'atmosphère épique.<br />

3°) LES LIEUX ET LES TEMPS.<br />

La caractéristique la plus saillante de l'épopée demeure l'omniprésence du<br />

1I1erveilleux. Celui-ci soumet les êtres et les choses qui la peuplent à sa loi d'airain. Le temps<br />

et l'espace n'échappent pas à la règle, et accusent alors un autre sens. Les gestes peules se<br />

déroulent le plus souvent dans un espace symbolique: la bataille de Bil Bassi dans l'épopée


CIIAPITRE 1-INVENTAIRE ET CLASSIFICATION 6 l<br />

ne vivent quc de variantes, dont l'élude exhaustive exige de longs développements. Nous<br />

proposons, en lieu el place, l'examen de quelques exemples lypiques, assez représentatifs de<br />

l'ensemble.<br />

Silaarnaka Ardo, prolOlype de l'héroïsme peul, a inspiré de nombreuses<br />

varianles. Nous en retenons deux, siluées dans les branches qui relaient son assassinat et Je<br />

SlUlut servile de Pullooru, RacOnlanl l'épopée du Prince, la gesle se cristallise autour de<br />

quatre phases, constituant un noyau narratif de base: naissance, initiation, épiphanie de<br />

Silaamaka et apothéose de Pullooru l, L'épiphanie de Silaamaka connaît des fortunes<br />

diverses 2 Si son assassinat figure dans tOllles les versions, l'identité de l'assassin et le lieu<br />

du meurtre va,rient. On admet qu'il mourut dc la flèche funeste décochée <strong>par</strong> un enfant<br />

inclrconcis, nu,<br />

D'autres griots soutiennent que c'esl une jeune tille qui lui décocha la fameuse<br />

flèche, ailleurs c'est un enfant monté sur un "barkéhi"3 Dans ces mêmes versions, la tin cie<br />

l'assassin pose problème: l'enfant tombe de J'arbre et se tue; foudroyé p,u' le regard de,<br />

Silâmaka il tombe et ses os se bnsenl; enfin, d'après une autre branche, l'enfant tombe et le<br />

cheval de Silâmaka le piétine.<br />

Le rang social de Poullôri, aussi, lui suscite quelques déboires: les versions<br />

cilent trois occasions au cours desquelles le noble rappela au captif son statu\. Ces occasions<br />

occupent aussi une place de choix dans la trame événementielle de la geste: " c'est à propos<br />

de ces trois occasions que se rencoutre le plus grand nombre de variantes, bien que l'épisode<br />

lui-même


CHAPITRE Il<br />

LA FORMATION DE L'EPOPEE D'EL HADJ OMAR


,.<br />

Genre noble de la littérature orale, l'épopée se présente comme une longue<br />

narration de failS historiques poétisés. Partant des exploits d'un héros, l'imagination<br />

populaire crée une fiction poétique soigneusement élaborée, qu'elle dote des valeurs<br />

fondamentales de la collectivité; tout en faisant appel aux autres genres oraux. La formation<br />

de l'épopée d'El Hadj Omar obéit au même principe. Son étude implique un examen des<br />

formes littéraires pré-existantes, de ses modes d'existence et de diffusion, enfin de son point<br />

de dé<strong>par</strong>t historique.<br />

A - FORMES LITTERAIRES PRE-EXISTANTES 1<br />

La littérature pulaar lùurmille de genres encore très vivants. C'est ainsi que<br />

des artistes talentueux et des maîtres chevronnés donnent encore aujourd'hui des spectacles<br />

de très haute tenue, meublant les journées et les soirées des paisibles paysans. La<br />

caractéristique essenticlle et durable de cette httérature reste sa profonde islamisation, malgré<br />

quelques réticences. En effet, l'adoption de l'Islam se traduistl paf la mise en place d'une<br />

ligne de démarcation très nette elllre les genres. La conséquence du duel opposant tradition et<br />

nouvelle religion engendra ainsi deux lùrmes d'actualisation:<br />

1 les genres traditionnels<br />

Il les lùnnes islmniq ues<br />

qu'il convient à présent de passer en revue.<br />

1- LES GENRES TRADITIONNELS<br />

Par genres traditionnels, il convient d'entendre des créallons populaires<br />

léguées <strong>par</strong> les ancêtres, répandues dans le telllps el dans l'espace, assimilées <strong>par</strong> un vaste<br />

public, objets de recréation et de variation. Leur étude tentera de donner une idée du<br />

dynamisme qui les sons-tend d'autant plus qu'en société "haal pulaar", la typologie des<br />

gemcs traditionnels est rendue aisée du fait que les formes épousent généralement les<br />

contoltfs des fonllations sociales.<br />

Nous pré<strong>par</strong>ons cn cc mOlllent un ouvrage sur la<br />

nous souhaitons trailer longuement de la lhéoril: des<br />

pcrformance. Ce chapitre ne constituc donc qu'un brcl'<br />

complexes que nOLIS analysons ailleurs.<br />

littérature poular, où<br />

genres et de leur<br />

aperçu des questions


LI 1111>1 1I{J: Il - LA HJIUv!ATION DE L'EPOPEE<br />

]0) LES CENRES SPECIFIQUES<br />

Le genre le plus anciennement connu est associé il l'activité des chasseurs. Ce<br />

,ont des chants qui po.rtent le nom de "keronde" ou "keroocPe". L'étymologie de ces mots<br />

pose encore problème. Nous n'avons rencontré aucun témoin capable de nous donner le sens<br />

de l'objet désigné <strong>par</strong> le mot "keronde". Par contre, son synonyme "keroocPe" vient du verbe<br />

"herde", qui signifie en poular caqueter. Ce verbe s'emploie pour désigner le caquettement<br />

des poules ct des pintades erl pleine conception. On sait, <strong>par</strong> ailleurs, que les grandes battues<br />

concernaient surtout les pintades. JI est possible de conclure que l'objet de la chasse a fourni<br />

le nom du genre poétique. Le dernier problème que pose le mot "keroocPe" est d'ordre<br />

formel. En effet "keroocPe" est la forme plurielle de "herde", or c'est là un cas très irrégulier,<br />

car sous cette forme verbale, le pluriel se marque <strong>par</strong> le suffixe "je" ; dès lors on devait avoir<br />

"kerooje" et non "kerood'e"<br />

Mais qui pourra résoudre la question puisque le genre à presque dis<strong>par</strong>u?<br />

Naguère encore, Kêkouta, le maître incontesté des "kerood'e" déclamait son riche répertoire<br />

pour ses concitoycns, babirants des environs de Kaédi, dans la vallée du Sénégal. II vient de<br />

s'éteindre emportant avec lui son art et sa science. Le "kerood'e" n'a pas pour aUl


.<br />

CHAPITRE Il - LA fORMATION DE L'I:POPI:I:<br />

Be mbaali e Mannayel...<br />

Joom kowi joy, booli joy<br />

Mo baaraadi sappo e jeegom<br />

Alaa heen fol' ngu a dandaani nalaande<br />

Nande kelle mbiri, mhirtii naange e Imore<br />

Bulli Gaffa... oulel yooi namaancle, ka nalawma ejelliis!"<br />

Fragment épique clifficile à tracluire à cause des allusions et des jeux cie mots,<br />

mais qui donne à peu près ceci:<br />

"As-tu entendu... N'as tu pas entencln I<strong>par</strong>lerl des hauls faits de J'héritier clc<br />

Guélâdiégui?<br />

<strong>Samba</strong> et Saysayncle<br />

<strong>Samba</strong>, le petit-fils cie Kindji<br />

Guélâdio Kindji<br />

<strong>Samba</strong> seul, Séwi seul<br />

Onmou L1tOlna<br />

Ils <strong>par</strong>tirent de Bêli Thiôwi un après-midi<br />

Ils passèrent la nuit à Mannâyel<br />

L'homme aux seize montures<br />

Chacune a connu un fait d'anlles avcc lui 2<br />

Le jour al! cles applaudissements nourris crépitèrent<br />

An puits cie Gafo ... Bulel paya sa clctle Icle sangj,<br />

Cefutlejonrcle Djellîs!"<br />

Le poète multiplic ici inventions pcrsonnelles et anachronismes; <strong>par</strong> exemple:<br />

"Saysaynde" n'est choisi que pour ses sonorités, Iandis que "Kindji" donné pour un ancêtre<br />

cie <strong>Samba</strong>, ne figurc dans aucune cie ses généalogies, le reste du fragment reste confonne aux<br />

données généralement admises: Séwi, d'aborcl griot de Gnelâcliégui. père de <strong>Samba</strong>,<br />

clevient, à la mari cie ce dernier, le Mentor du prince peul; Oumou Latoma désigne le cheval<br />

de <strong>Samba</strong>. La juxtaposition des localités - Bêli Thiôwi, Mannâyel, Gafo, I3ulel. Djellis ­<br />

apporte à l'histoire la dimension spatiale qu'elle implique; en même temps qu'elle ressuscite,<br />

aux yeux des spectateurs, les chevauchécs et l'univcrs des randonnées épiques. An très<br />

vivant, le "gumbala" continue encore de fairc les délices des "Scf)oe", clcstinalaires premiers<br />

1<br />

2<br />

Voir notre handothèque.<br />

MOl à. mol: il n'y a aUCUlle, salis laquelle, il Il'cst passé de jour Imémorablel.


CHAPiTRE JI - LA FORMATiCI\ DE LFPOPFE "lU<br />

de ces épopées, mais non exclusifs, puisque le genre transcende leur formaLion spécifiquc<br />

pour embrasser tout le monde peul.<br />

A leur tour, les Maabuoe ou tisserands ont élaboré un genre appelé "dillne"<br />

Il s'agit d'une poésie sobre comme le "kerood'e", même si elle connaît un autre desLin. En<br />

effet, le "dillere" a pu être recueilli, puisqu'il existe des artistes talellluenx, tel Onmar Gafo,<br />

l'homme à la belle voix, qui le déclame sans cesse. En outre, le Fonta comptait de nombreux<br />

spécialistes du "dillere". Un disciple de ces anciens maîtres, <strong>Samba</strong> AOCIonl Guissé dit lUba<br />

Dionldé de Dabbe, près de Mbâgne, aujourd'hui installé à No.uakchott, donne ici un eXlrait<br />

de l'art du poète tisserand:<br />

"Semme e ndelu Ceene<br />

Gei'i ogo! e Camalle<br />

Dence enguraali<br />

Koddel Dikko Demba!<br />

Semme Sehi Laana<br />

'Ro'Jki Gawyoowo<br />

Gawyoowo dananooma<br />

kono maayde d'acaani !<br />

Alla yoo mi yii koddel dikko Demba<br />

Seydi wuurde Demba Duguma<br />

Ma Demme Maamo Ali to Semme! "<br />

"Semme aux dunes de sable<br />

Guétché aux nlgissements Demba<br />

Oh ! Koddel l Dicko Demba<br />

Semmé n'avait en personne pour la naviguer<br />

on trouva un bon capitaine 2<br />

Mais la mort ne le laissa pas [diligerl !<br />

Oh Allah! Qui reverra 3 Koddel Dicko Demba Seydi Wourde Demba<br />

Dougouma<br />

Ma Demme Marne Ali de Semmé."<br />

L'extrait se propose d'immortaliser un maître tisserand appelé Koddel Dicko<br />

Dernba. Celui-ci s'était attiré la jalousie de ses quatre collègues, qu'il avait bailLiS<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Koddel est un diminuLir de kodda qui signirie dernier né. cadct.<br />

MOL à moL: on Lrouva quclqu'un pour dirigcr.<br />

Mol à moL: Allah ! quc jc revois Koddcl Dikko Demba.


CIIAPITRE 11- LA FORMATION DE L'EPOPEE 71<br />

publiquement au cours d'un concours de tissage. Ayant réalisé, à lui seul, l'exploit<br />

consistant à tisser plus de pagnes que ses quatre concurrents, dans le même temps; ceux-ci,<br />

< se sentant humiliés, conjuguèrent leurs connaissances occultes et "liquidèrent" ainsi<br />

physiquement leur rival. Les "maabube" décidèrent, dès lors, de composer un chant en son<br />

honneur. Genre sobre, avons-nous dit, le "dillere" se définit <strong>par</strong> une économie de moyens<br />

d'où l'emploi d'une sylllaxe de la juxtaposition, d'images, le tout étalll confié à la voix et à la<br />

musique, instances supérieures, Disons, enfin, qu'on assiste aujourd'hui à un transfert des<br />

genres spécifiques, allant d'un sous-groupe à l'autre. C'est ainsi que le "dillere" se voit<br />

disputer aux "maabube" <strong>par</strong> les autres castes.<br />

Les "subalbe" ou pêcheurs ont aussi créé un genre très Jlopulaire chez les<br />

Toucouleurs; le "pekaan", une des formes les plus anciennes de la littérature pulaar. Il est<br />

incontestable que le plus fidèle interprète du genre demeure Guellâye Ali Faii. Né aux bords<br />

du fleuve, aux confins des royaumes aquatiques et de l'univers humain, le "pekaan" subit<br />

'très tôt l'influence de l'Islam qui tempéra son élan pai'en. Guéllâye, né, vers I898, à Aram,<br />

dans le Dé<strong>par</strong>tement de Podor, mounH en 197I à la suite d'une épidémie de choléra, après<br />

avoir donné au genre ses lettres de noblesse. Son talent, admiré des foules, forçait le respect;<br />

"On jugerait que cet homme est soni tout droit du fleuve, tant il en connaît la<br />

topographie elle relief internes; de Saint-Louis à Bakel, pas un pouce du lit<br />

du Sénégal qui ne soit dénommé, décrit et "chanté" quand il a été le théâtre<br />

d'un drame" 1.<br />

. ,<br />

Son répenoire contiem un cenain nombre de compositions dont les plus<br />

populaires demeurent; l'avemure tragi-comique de Balla Diérel, le wolof qui ne savait pas<br />

nager; la légende élégiaque de Sêgou Bali; la légende de l3irome Môdy Komé ; le drame de<br />

Ngaari dans la mare; l'aventure d'un ami du poète le long de la Falémé.<br />

varié de Guellàye Ali Fall ;<br />

1<br />

2<br />

L'extrait de Sêgou Bali que nous citons donne une idée du répcnoire riche et<br />

"Seegubali, Seegubali yoo ec woy <strong>Samba</strong> 1<br />

EDe Ielli leyla januna<br />

<strong>Samba</strong> bamijll!Jngo nH1Il1 fawe kumba<br />

Mbure 2 yoo Kumba werlii ladde.<br />

Guèye (T Y.), op. cil., P 37.<br />

Mbllre, synonyme de KlIumba, nom de la deuxième fille en milieu peul, le<br />

garçon correspondant est <strong>Samba</strong>. Ce rang confère à cellx qlli le portent


Seegubali ! Seegubali !<br />

o oami koyd'e makko 0 fawi e Kumba<br />

Mbure yoo Kumba werlii ladde_<br />

o wii : " remme, ko d'Ulll woni remme 7"<br />

o wii : " d'um kay a hoyniikam,<br />

Nananooma kaa baawd'o e maayo<br />

Debbo cubbal1oJof na yicl'i ardee gal1emaa,<br />

Kono a oamii kam,<br />

A wacl'ii tan yoo necl'cI'o heplu banndum,<br />

yimoe nani njalami.<br />

Mbele mbad'anaami gosi mo cubbal10 meecl'mmi<br />

Wad'aneede d'oo"<br />

o wii : " Seegubali yoo !"<br />

<strong>Samba</strong> wiimo: "mi woondee woondoore mami warane leemedere ngaari."<br />

o wii 010 : " Mi yid'aa"<br />

o wii : "0 wii mallli warane gelood'i sappo"<br />

o wii mo : " Mi yid'aa"<br />

o wii mo : .. Mami daw jalJngo ladde mi fiya nagge maamaari<br />

e Ngaari maamaari."<br />

o wii 1110: Il Mi yicPaa"<br />

o wii :" Mami fellu ngabu gorko ê debbo"<br />

o wii mo : " Mi yicl'aa"<br />

o wii : " Ko njicl'cI'aa 7"<br />

o wii : "Njicl'mi tan ko Ngaari gawle naayaango, gaw dene buucl'i dental<br />

maamaari, ndiin barcl'o c1'um fof ko maayoowo, kaoaa e mayri."<br />

Woy seegubali !<br />

Woy seegubali yoo fewjanaama" 1.<br />

"Sêgoubali, oh ! pauvre <strong>Samba</strong><br />

Alors qu'ils étaient couchés en pleine nuit <strong>Samba</strong> posa sa main sur Koumba<br />

Mbouré, oh ! Koumba la rejeta bien loin.<br />

Sêgoubali, Sêgoubali !<br />

Il posa ses pieds sur Koumba<br />

intelligence el ruse. mais en contre<strong>par</strong>Lie, espièglerie ct polissollllerie<br />

d'après la Ira'ciilion ! Ici Seegubali se nomme <strong>Samba</strong>.,<br />

Guellâye Ali Fall. Cf notre bandothèque, L'ORTS el Radio Mamilanie<br />

détiennenl la totalité des principales oeuvres du poète el les diffusent sur<br />

leurs ondes.<br />

'1 , --


Mbouré, oh ! Koumba les rejeta bien loin.<br />

Il!ui demanda: " Cousine. chère ccmsine, qu'y a·l·il 1"<br />

Elle lui répondit: " li y a que tu m'as déshonorée<br />

Ta réputation de pêcheur émérite est solidement établie.<br />

Toute femme pêcheur souhaiterait que tu l'épouses,<br />

Mais lu a& obtenu ma main<br />

Confonnément à la Iradition qui veut que la cousine revienne au cousin.<br />

Je suis la risée de mes semblables.<br />

J'exige de loi une bouillie l qui n'a jamais été pré<strong>par</strong>ée pour une femme<br />

pêcheur."<br />

Alors elle dit :"oh Sêgoubali !"<br />

<strong>Samba</strong> lui dit: " Je le jure <strong>par</strong> ce qu'il y a de plus sacré<br />

J'égorgerai pour toi cent boeufs."<br />

Elle lui dit: "Je n'en veux pas"<br />

lliui dit: " J'égorgerai pour toi dix chameaux."<br />

Elle lui dit: " Je n'en veux pas"<br />

li lui dit: "J'égorgerai pOLIr toi cent moutons"<br />

Elle lui dit: "Je n'en veux pas"<br />

Il lui dit: "Demain j'irai à la chasse, je te rapporterai un càiman et sa femelle"<br />

Elle lui dit: "Je n'en veux pas"<br />

Il lui dit: " Je Iller"i au f",il pour loi, Lln hippopotame Cl sa kmelle"<br />

Elle lui dit: "Je n'en veux pas"<br />

li lui di t : " Que veux lU '1"<br />

Elle lui dit: "Je veux seulement Ngaari gawle et Nâyângo, Dawlé des melons<br />

et des courges, carrefour des caïmans<br />

or, celui·ci qui le tue meun,<br />

Je veux que tu le comballes."<br />

Malheur à Sêgoubali<br />

Malheur à Sêgoubali, victime d'un complot."<br />

Le drame de Sêgoubali que Guellâye dit tenir de son maître Dikal Ndiaye est<br />

sitLlé ici avec précision. II est dommage que nous n'ayons pas le texte du maître pour le<br />

com<strong>par</strong>er à celui du disciple, afin de mesnrer les mérites respectifs de chacun d'eux.<br />

Lcs noces du mariage impliquent un plal appelé gosi, (bouillie), servi aux<br />

amies de la nouvelle manec. Sans doute, à l'origine, il s'ugissaÎL d'une<br />

simple bouillie de milou de riz, qui a dû varier pour devenir aujourd'hui<br />

un plal considérable.


CHAPITRE Il- LA FORMATION DE L'EPOPEE 77<br />

En ce sens, l'une des formes poétiques peules les plus anciennes semblc être<br />

le "jaargol" (pluricl "jaargi") : long poéme consacré aux bergers, aux pâturages et au'<br />

,troupeaux, composé et chanté <strong>par</strong> les bergers. A prenlière vue, il ap<strong>par</strong>aît commc l'équivalent<br />

de l'églogue ou de la bucolique, mais le "jaargol" s'en distingue puisqu'il chante<br />

généralement la trilogie formée du berger, du mouton et du pâturage. C'est ainsi qu'un<br />

spécialiste du "jaJlfgol" déclare:<br />

"Kono kecf'ee kwee seecf'a jibi Pennda<br />

ma mi layana mon haala r\alawna.<br />

Ka wonaa binndol crereeji<br />

Ka wonaa deftere guraana" l<br />

"Mais écoutez; écoulez un peu Djibi Penda<br />

Je vous dirai des mots aussi clairs que le jour 2<br />

Des Imotsj qui ne proviennent pas dc l'écriture des pages 3<br />

Qui ne proviennent pas non plus de la vulgate Coranique"4<br />

Les "jaargi" n'ont pas une forme fixe; dès lors le poéte varie les stances en<br />

leur donnalll la longueur qu'il veul. 1l1lerrogé sur sa technique de composition, notre poète<br />

affirme :"c'est en cheminant seul, dans la brousse, derrière mes moutons, que mot à mot,<br />

selon \eur<strong>par</strong>enté phonétique, je compose mes jaargi". Son statut d'illettré el d'autres<br />

enquêtes complémentaires, auprès d'autres bergers, fondent son assenion.<br />

Une autre fonne poétique, cultivée généralement <strong>par</strong> les femmes, fait pendant<br />

au "jaargol" c'est le "mallol" (pluriel. malli). Il s'agit d'un poème de longueur variable,<br />

moins struclllré que le "jaargol". Le mot "mallol" vient du verhe "mallude" qui signifie<br />

médire, dire du mal de quelqu'un à travers des allusiOllS. La thématique du "mallol" concerne<br />

la critique sociale, la satire des moeurs, tandis que son style comprend de longues<br />

descriptions, des com<strong>par</strong>aisons outrées et généralement grossières. Maniés <strong>par</strong> les griots, les'<br />

"malli" deviennent une arme redoutable, et le noble ("dimo") qui les a mal reçus tombe sous<br />

leurs foudres. De même l'épouse qui maîtrise le genre réduit sa co-épouse à l'impuissance ;<br />

car, comme le définissait un griot, le mallol "tu sais que c'est toi, je sais que c'est toi.<br />

l'assistance sait que c'est loi, si lu te plains je nie tou!.·· En réalité le "mal 101" décrit,<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Djiby Pend a Oâ (28 ans). berger, professionnel du jaargol domicilié à<br />

Gourel Famina. pelit village de Gavinané. Nioro du Sahel. Mali.<br />

Mol. à mot: de la '<strong>par</strong>ole du jour.<br />

Le poème sc définit comnic une oeuvre étrangère à Ioule influence écrite.<br />

Il s'agit d'une poésie essentiellement profane. non islamique.


....... 1 U--'I Il f\.C 11 - L-f"\ l'UI.... IVIA l1UN Ut. L't,POPEE<br />

on se méfie toujours d'eux car on ne sait jamais de quel côté peuvent venir<br />

leurs "coups bas" 1.<br />

L'un des buts poursuivis <strong>par</strong> le mbooku reste "l'agencement savant des mots<br />

en fonction des jeux phoniques 2 :<br />

"Kippo hippitit noo ngu" ( c'est kippo qui a inauguré le genre)<br />

''To Buuba Fiiji fiji mbooku" (Boüba Fîdji a chanté le mbôkou)<br />

"Fiji fijdi e Daadaru" (Fîdji a chamé en compagnie de Dâdârou).<br />

Ces caractéristiques rappellent celles des poèmes pastoraux3 disséminés le<br />

long des routes de migrations peules, qui les om menés des rives du Nil aux bords de<br />

l'Atlamique, en passant <strong>par</strong> le Sahara. La poésie peule traditionnelle en s'exprimalll à travers<br />

les "jaargi", "malli" "mergi", en privélégiant les "jammooje n'a i" reprend, à un autre niveau<br />

le triptyque cyclique des épopées trllditionnelles : la lance, la vache, la femme.<br />

Un autre genre s'est imposé à la Iiltérature pulaar : le "Ieele". Situé au<br />

carrefour des genres traditionnels el de formes islamiques, le "leele" pose de sérieux<br />

problèmes de classemeut. La déclamation de longs passages de la poésie arabe U1l1é­<br />

islamique, dans la cadre de chams d'évocation nostalgique en poular, rend difficile<br />

l'établissement d'une taxinomie définitive, et fait plutôt penser à l'existence d'une forme<br />

mixte. Cependant la gérièse et l'évolution du "leele" militent en faveur d'uli genre purement<br />

toucouleur.<br />

Né au Fouta-Toro vers la fin du XYIllème siècle, mais propagé <strong>par</strong> un poèle,<br />

Sidi Chérif, vers les années 1920, le "!cele" se veut un genre commun à tous les "haal pulaar<br />

en" contrairement aux genres spécifiques. Deux théories s'opposent pour donner le sens<br />

étymologique du mot "Ieele". La première se fondant sur la similitude existant entre "Ieila" (la<br />

Oumarou Dalil (A.), art. cil.,p. 4.<br />

2 Nous devons les exemples suivants à Abdoulaye Oumarou Dalil, op. cil.<br />

J Pour une élUde plus détaillée de la poésie pcule. nOLIs rcnvoyons Ic leclcur<br />

aux classiques peuls et à quelques publications récentes dont :<br />

Eguehi, (P.K.), "Beeda : a Fulfle Mbooku poem". in Africa, 1, Seuri<br />

Elhuologieal slodies t, Osaka, 19n, p 55-88.<br />

Er\manl\.(V.). Bookll. fine litcerar;"ch-musikalische Gaccung der Fulbe des<br />

Dia",are (Nord-Ka",erun), Berlin. 1979.<br />

Labalot, (R). , Chanes de vie et de beauté peuls recueillis chez des peuls<br />

nomades du Nord-Cameroun, Paris, 1974.<br />

Seydoo, (c.). "Les jammooje na'i, pDèmes pastoraux des peuls du Mali", in<br />

Bulleein. des Etudes africaines de lïNALCO, vol 1, nO 1,' Paris, 1981, p 133­<br />

142; el vol 1, n° 2, 1981, p. 123-134.<br />

Seydou (C.), "Jeux de sons, de mots ct d'esprit : on mergol du poète malien<br />

Njiido Kawdo", in Bull. des Etudes afro de l'lNALCO, Il, 4, 1982, P 131-142.


C! lAPITJ


ï'<br />

CHAPlTRE Il - LA FORMATION DE LEPŒEE 36<br />

Pour comprendre les "junniti", il convient de s'initier à leurs codes; des codes<br />

en liste ouverte. Ce langage secret procède <strong>par</strong> défomlation du langage ordinaire tel que le<br />

montrent les exemples que nous avons envisagés. Le genre continue d'être cultivé de nos<br />

jours au Fouta-Djallon. C'est ce qu'attestent ces exemples recueillis à Timbol auprès d'un<br />

informateur:<br />

"Hande Kadi Sukaabhe bhen am" (forme ordinaire)<br />

(Aujourd'hui encore les jeunes gens sont venus)<br />

"Kande Kadi akaabhe bhen surri"<br />

"Kande diha akaabhe bhen surri" (fornles inversées)<br />

Les procédés de codage sont très variés et le locuteur peut intercaler, après<br />

chaque syllabe, un terme choisi <strong>par</strong> le groupe auquel il ap<strong>par</strong>tient, c'est la suffixation<br />

<strong>par</strong>asitaire. Soit le ternle "Kuma" choisi <strong>par</strong> un groupe de jeunes:<br />

"Sukaabhe bhen arii" (fornle ordinaire)<br />

(les jeunes gens sont venus)<br />

Sera dit <strong>par</strong> le locuteur<br />

"Kumasu kumakaa kumabhe kumabhen kuma'aa kumarii kuma." (fOITIle<br />

codée ou ésotérique).<br />

Certains poularisants ont assimilé les "junniti" à l'argot en se fondant sur les<br />

inversions initiales et désinentielles. II nous semble hâtif de conclure à une identification des'<br />

deux genres, l'argot n'obéissant pas au mécanisme de création des langages artificiels que<br />

sont les "junniti". Même s'il déforme la langue courante, l'argot s'appuie sur un code établi,<br />

à la différence des "junniti" qui se définissent comme, à la fois, des inversions, des<br />

renversements, des langages secrets ou ésotériques.<br />

D'une manière générale, le cadre socio-contextuel qui en?endre les "junniti",<br />

leurs procédés de création, leurs fonctions, mettent en relief des dialectes sociaux voisins des<br />

argots, mais très spécifiques.<br />

b) Les "tinndi" ou "talli" (les contes) ; les "cifti" (devinettes); les "puri"<br />

(proverbes). Genre universel s'il en fut, les contes se retrouvent sous tous les cieux. Partout<br />

les mêmes, -mais sous une forme différente, les contes développent;/à travers une culture et<br />

une civilisation qui leur donnent leur couleur locale, une leçon de morale universelle. La<br />

t· Mission de recherche en Guinée du 18 Mars au 7 Avril 1988.


exactement de fonnules, permet au conteur de s'assurer que les conditions de réception sont<br />

optimales et qu'il peut, <strong>par</strong> la suite, démarrrer paisiblement son récit.<br />

Il convient, à présent, de dégager le sens et la portée des contes en milieu<br />

pulaar. Récit éducatif au sens fort du tenne, le conte peul, cn même temps qu'il présente un<br />

modèle de société et des types de comportement humain, vise à inculquer une vision dll<br />

monde. Alors que l'épopée ambitionne d'intérioriser vivement le "pulaagu" (l'idéal peul) en<br />

chaque Pullo, le conte, plus modestement, essaie de cultiver en chaque Peul le "ned'd'aagu"<br />

(la qualité de l'homme peul). Dès lors, l'universalité du genre ap<strong>par</strong>aît dans sa volonté de<br />

poser les grands problèmes de l'humanité à trdvers la satire et l'humour.<br />

"En entendant un conte, on se met à l'écoute d'un art de vivre, on le fait<br />

ensemble et en riant", déclare le père Meyer. C'est sans doute ce qui lui vaut d'êtrc ainsi<br />

glosé <strong>par</strong> les Toucouleurs: "fenaande" (mensonge), "kecce" (futilités), "balle puuycfe"<br />

(<strong>par</strong>oles sans importance). Cette minimisation du genre fonde son importance, puisqu'elle<br />

choisit de se définir délibérément comme une fonne mineure, pour mieux poser les<br />

problèmes majeurs.<br />

Le conte permet aussi d'enjamber le proverbe et la devinette, d'autant plus que<br />

les Toucouleurs désignent <strong>par</strong> le même mot "tinndol" conte et proverbe; en outre le conte<br />

contient généralement un ou plusieurs proverbes et, bien des fois, il en illustre un. Par<br />

exemple, pour illustrer le proverbe suivant: "Aime une femme, mais ne t'y fie pas" ; un<br />

contI: intitulé "Une méchante marâtre" 1 met en scène une femme, épousée en secondes<br />

noces, qui use de tous les moyens puur.éliminer le fils de son nouveau mari. Malgré son<br />

affection hypocrite pour le jeune garçon, ses projets machiavéliques découverts, elle fInira<br />

<strong>par</strong> mourir de honte.<br />

p'atrimoine universellement répandu, les proverbes, maXImes, adages,<br />

apophtegmes, <strong>par</strong>oles sentencieuses, relèvent de ce qu'on appelle communément li sagesse<br />

des nations. Discours structuré, le proverbe s'adresse à l'intelligence, et prouve en même<br />

temps le degré d'enracinement 1:[ de culture du locuteur :<br />

1<br />

2<br />

"Les proverbes nécessitent une grande mobilité d'esprit pour discemer, sous<br />

une fonne condensée, toute la somme d'observations, d'expérience,<br />

d'humour, toute la sûreté de jugement qu'ils contiennent, pour évaluer<br />

comment les vérités générales qu'ils expriment peuvent s'appliquer à des cas<br />

<strong>par</strong>ticulicrs car ils né prennent évidemment leur sens que dans le discours qui<br />

88<br />

les véhicule"2 ,/ ,/<br />

G. Meyer, op. cit.<br />

Emy (P.), L'enfant et son milieu en Afrique Noire. Paris, 1978, p. 176.


CHAPITRE Il - LA FORM.\TfQi'.i DE LH'OPEl:<br />

Ces quelques cas, pris au hasard, donnent une idée de la richesse et de la<br />

diversité des proverbes toucouleurs1lls constituent le raccourci qu'emprunte la pensée pour<br />

démontrer, argumenter ou tOut simplement constater. En outre, "un véritable maître de la<br />

<strong>par</strong>ole sait rapprocher les proverbes, !es enchaîner Jesuns aux autres et organiser ainsi un<br />

véritable enseignement moral"Z. Art de la <strong>par</strong>ole, le proverbe se veut aussi école de style :<br />

"waawde haald ko anndude :<br />

kohaalata<br />

mo haal data<br />

d'o haalata"<br />

"Savoir <strong>par</strong>ler, c'est savoir :<br />

ce qu'on dit<br />

avec qui on le dit<br />

où on le dit."<br />

Ce proverbe illustre <strong>par</strong>faitement l'assertion suivante de P. Erny: "Parler<br />

constitue une des occasions privilégiées où la libre expression et la libre création SOnt<br />

rendues possibles, non de manière anachronique, mais dans les limites d'une tradition qui<br />

impose au locuteur de se mouvoir dans un cadre assez rigide, tOut en lui fournissant un<br />

instrument linguistique riche, un stock d'images et de locutions permettent une manifestation<br />

de la pensée"3<br />

La littérature pulaar connaît aussi d'autres genres mineurs tels les devinettes,<br />

les anagrammes, les jeux de mots, généralement réservés aux enfants. Les artisans du verbe<br />

ainsi que la synthèse des autres couches4 peules formées <strong>par</strong> Je "jege rekel", les "almuooe<br />

ngay", les "cooloo", disputent, de nos jours, les genres mineurs aux enfants. Le "cooJo"<br />

(troubadour?) Banndal décrit ainsi Dakar.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

"Tilleen njümi mooriioe leen<br />

Mbii mi : " yoo alla reen<br />

Anngal muus goral yalti


CHAPITRE II - LA FORMATION DE L'EPOPEE<br />

Réponsc "les pieux d'une concession"<br />

4. " Un petit homme aux cris multiples" Réponse"le fusil"<br />

5. "Un petit homme aux nombreux habits" Réponse "l'épi".<br />

A côté de la devinette qui instruit et plaît, le "jaanis" ou jeu de mots passionne<br />

aussi les <strong>par</strong>ticipants aux veillées familiales; il se caractérisé <strong>par</strong> une pauvreté thématique<br />

s'opposant à une extrême richesse formelle. Le "jaanis" traduit à ce titre, la capacité<br />

d'invention et la libre improvisation <strong>par</strong> association de rythmes et sonorités. Soit cette<br />

composition de Abdoulaye Diack :<br />

"Aset, Alet, Altine, Talata, Taltalol, jaas, ndakeeso, saara kay, sallasalkaa,<br />

woy <strong>Samba</strong> tello e puccu am"l<br />

"Samedi, Dimanche, Lundi, Mardi. .. intraduisible =jeu de mots...<br />

oh <strong>Samba</strong> descends de mon cheval."<br />

Autre genre, la chanson ou "njimri". Forme de la littérature orale, la chanson,<br />

du fait qu'elle exprime toute l'importance de l'oralité, occupe une place de choix dans l'art de<br />

la <strong>par</strong>ole. Parfaitement élaborée et méticuleusemcnt agencée, "njirnri" qui signifie chanson,<br />

poésie, est glosée <strong>par</strong> "<strong>par</strong>oles belles au coeur et à l'esplit". La littérature peule foum1ille de<br />

chansons composées et déclamées au gré des évènements qui jalonnent le cours de la vie de<br />

l'homme. Leur inventaire et leur analyse exhaustive nécessitent une étude spéciale. Nous<br />

nous contentons ici de dter les "njirnri"<br />

(au singulier "jimol" ou"gimol") les plus caractéristiques:<br />

-les "mergi" (au sing" ou "mergol")<br />

-les "malli" (au sing "mallol")<br />

- les "jimd'i moorol" ou chants de tressage<br />

-les "jimd'i tuppo" ou chants de tatouage<br />

- les"jimd'i sottoooe" ou chants de pileuses de mil<br />

- la poésie esotérique<br />

- les chants des initiés<br />

- la poésie de circonstance composée à <strong>par</strong>tir du fait divers le plus banal (<strong>par</strong> exemple au<br />

cours d'une conversation ou lors d'une cérémonie familiale)..<br />

./" Au vu de ces cas, il ap<strong>par</strong>aît que la chanson ou poésie imprègne la vie du Peul<br />

et confère à sa littérature une teinte lyrique que le <strong>par</strong>ler des Peuls du Fouta-Djallon met<br />

'1 Recueil de tradition orale, Nouakchott, Juin, Î984, p. 50.<br />

92


UiAPI j Kt 11 - LA FORMATION DE L'EPOPEE<br />

saura que tout y est clair".<br />

L'histoire du genre montre que les "beyti", qui remontent au delà du<br />

XVIIIème siècle, maintiennent leur auteur dans l'an()nymat, alors que celles de la fin du<br />

XIXème et du XXème sont signées. C'est ainsi que, dans toutes les théocraties - Sokoto,<br />

Macina, Fouta-Djallon, Fouta-Toro - survivent encore des "beyti", et de nombreux auteurs.<br />

Le Fouta-Toro connut et connaît encore de grands compositeurs, Demba Doûmel, Thierno<br />

Abdourahmane Banâdji, Thierno Boy, Niokkâne Djiby Selly et le courant inspiré <strong>par</strong> le<br />

Marabout de Madina Gounass : El Hadj Mamadou Saïdou Bâ.<br />

, Avant d'aborder le "beytoi", il convient de définir le contexte de production<br />

du genre. Né d'un double besoin de propager la foi islamique, de favoriser l'éclosion de<br />

talents littéraires, le "beytoI", composé <strong>par</strong> un "beytôwo", est généralement interprété <strong>par</strong> un<br />

autre qui porte le même nom "beytôwo". Les deux personnes - comme c'est le cas chez<br />

Thiemo Boy - peuvent se confondre, mais la règle les dissocie. L'interprète, en général un<br />

aveugle 1, s'appelle aussi Sally 2 "Finalement, même si on ne le connaît pas nommément,<br />

on est sûr qu'il répondra lorsqu'on l'interpelle <strong>par</strong> "Sally", C'est un rôle uniquement<br />

masculin" 3.<br />

Demba Doûmel, aveugle en bas-fige, devint la vedette des "beyti", d'abord de<br />

sa région de Yirlâbe, puis de toute la vallée du fleuve Sénégal où son passage attirait des<br />

foules, suscitant aussi un accueil'royal. A cette "vedette" des années 1940-1950, Niokkhflne<br />

Djiby Selly, interprète attitré des "beyti" de Thierno "Boy" n'a rien à envier, puisqu'il se voit<br />

disputé journellement <strong>par</strong> des mécènes.<br />

Les "beyti" ou poèmes sermonn31res, conçus comme un apostolat, se<br />

déclamaient le soir dans les cours de mosquées. Mais cela n'a rien de spécifique, car à en<br />

croire Paul Zumthor : "L'histoire de la poésie orale à travers le monde révèle Un(; constante<br />

d'un autre ordre qui, dans un régime archaïque de l'imaginaire collectif, a pu revêtir une forte<br />

valeur rituelle et raciale: la cécité de beaucoup de chanteurs. Les Grecs des premières<br />

générations de l'écriture, aux Vème, IVérrie, lIIème siècles, interprétaient le nom d'Homère<br />

comme signifiant\' "Aveugle"4. Expliquant ce phénomène, Zumthor poursuit: "Dans des<br />

sociétés ignorant notre notion d'handicapé, l'individu privé de la vue se garde intégré dans le<br />

groupe en y gagnant sa vie avec la <strong>par</strong>ole"5 En tout cas, certains "beytoooe" tirèrent un<br />

grand profit de leur cécité comme Demba Doûmel :<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Les autres handicapés physiques<br />

Le mot sally dérive sans doute de<br />

Guèye (T.Y.), àp. cil., p. 92.<br />

Zumthor (P.), op. cit., p 218.<br />

[d., p 219.<br />

. "./<br />

Interprelent rarement<br />

l'arabe : "As-salât", la<br />

des beyti.<br />

prière; sa[fî, pne.<br />

95


C:-iJ\P1TRE 11- LA. FOR!\·1ATi( )"[\; DE l.'E·:POPEE<br />

"Aleyka sala mullaahi !<br />

kaale mo salmina ?<br />

ko baban jeynaba e kursuumu<br />

Baayaad'o anndinaa<br />

o nawa 0 wanngmna asanmu<br />

o holla koo mooftana<br />

o wiyaa ardo won almaami<br />

i\Jande jamma finndinaa."<br />

"Que la paix d'Allah soit sur lui 1<br />

Dites qui est salué?<br />

C'est le père de Zaynab et de Kalssoum<br />

L'inspiré, le dOlé de savoir<br />

Elevé au ciel,<br />

On lui montra ce qu'on l'y a réservé.<br />

On lui dit: "dirige [la prière], sois l'lmâme"<br />

La nuit au cours de laquelle il fut réveillé."<br />

Celle citation nous introduit en pleine thématique de "beyti" Ici ['auteur relate<br />

l'ascension nocturne 2 du Prophète Mohammed telle qu'elle est rappoI1ée <strong>par</strong> le Coran et <strong>par</strong><br />

l'exégèse classique.Les auteurs, usant d'accents épiques, ressuscitent aussi, à travers des<br />

évocations héroïques, la Bataille de Bedr, la vie du Prophète, de ses compagnons, en somme<br />

l'aube et le zénith de l'Islam. Mais les "beyti" rendent surtout gloire au Tout-Puissant:<br />

2<br />

3<br />

"Mi yelli Rabbi jom baawd'e mo awwal mum na wad'i kaawd'e<br />

No aaxir haawri jom jiid'e na teskoo baawd'e lillaahi"3<br />

"Je glorifie mon Seigneur l'omnipotent, dont le début rempli de mystères,<br />

tout comme la fin, étonnent ceux qui voient, et pensent à la puissance<br />

d'Allah".<br />

Le genre développe aussi des conseils pratiques:<br />

Il s'agit d.u- Prophète Mohammed Le bey/ol se définit SlIJ:lOut comme ulle<br />

apologie du Prophète, celle-ci constituant un acte de foi essentiel en Islam.<br />

Blachère (R.), Le Coran, Paris, 1966, Sourate XVII: Le voyage noC!urne, pp.<br />

305-317 .<br />

Mi yelli Rabbi jom baawd'e, bey/ol de Thiemo Hamme Bâba que nous avons<br />

transcrit el traduit.<br />

96


propagateur zélé de la Tidjanyya. Aussi, le plus célèbre "beytoi" à la gloire de Cheikh Omar<br />

fut-il composé <strong>par</strong> son disciple Mohammadou Aiou Tyam. Il s'agit d'une biographie<br />

hagiographique au titre symbolique: La vie d'El Hadj Omar Qacida en pOlilar 1, qui relate le<br />

-- jihâd omarien. C'est aussi une épopée contenue dans un poème de près de 1200 vers. A<br />

1<br />

/'2<br />

l'instar de Mohammadou A1iou Tyam, un autre disciple du Cheikh, originaire de la vallée du<br />

Fleuve, précisément à Thioubalelle dans le Lao, Hammât <strong>Samba</strong> Ly2, composa un fragment<br />

épique d'assez belle facture:<br />

"WaliyaaDe alla ardinaa kay ko kodda Adama<br />

sayku so jolaama dawa Halwaar 0 i'\alla to Ma1ckataa<br />

so hiiri 0 hirnda 0 waaJtoya Maadinataa<br />

Tawa koyd'e mum muusaani yaadu 0 tampataa."<br />

" Les Saints ont pour guide le Dernier-né d'Adama.<br />

Si Cheikh [Omar] le veut, il quitte HaJwâr le matin et passe la journée à la<br />

Mecque.<br />

Le soir, il se met en route pour passer la nuit à Médine.<br />

Alors que ses pieds ne sont pas faligués, il ne se fatigue point de marcher"<br />

La Mecque étant distante de centaines de kilomètres de Médine ne peut être<br />

reliée, à pieds, plusieurs fois <strong>par</strong> jour que <strong>par</strong> un être extraordinaire. C'est l'aspect<br />

miraculeux d'Omar qui a surtout frappé l'imagination des poètes. Ainsi les "beyti"<br />

ap<strong>par</strong>aissent-ils comme un complément naturel du prosélytisme rnaraboutique ; à ce titre, ils<br />

ont popularisé les points essentiels de la doctrine islamique et confrérique. Ils ont également<br />

voulu combler le vide laissé <strong>par</strong> certains genres profanes, en prenant en charge toute la satire<br />

sociale. Cette littérature islamique, puisant dans les ressources de ['écriture et de l'oralité,<br />

s'est constimée comme une école très vivante:<br />

Gaden (H.), op. Cil.<br />

Tène Youssouf Guèye, 'dans son ouvrage cité en référence, p. 98 et<br />

suivanles, commel une erreur c"n altribuanl ]a patcmilé de ce poème à Aii<br />

Hammadi Ali. Du reste, nous avons déjà transcrit, lraduil, annoté et analysé<br />

ce fragment épique cf DlENG (S.), Thèse de Doctorat de l1lèrne cycle, pp. 383<br />

à 432. La méprise de Guèye provient d'une confusion enlre auteur el<br />

interprète.


"Elle soutient la résistance désespérée que les milieux culturels traditionnels<br />

opposent dans les villes et même dans les campagnes à J'action corrosive de la<br />

société de consommation et ses aspects négatifs" 1.<br />

Les "beyti", <strong>par</strong> leur ancienneté et <strong>par</strong> leur dynamisme, traduisent à la fois la<br />

grande capacité d'adaptation de l'Islam et Je caractère inventif des marabouts et des<br />

musulmans peuls.<br />

2") LES" GUIRIS" ET LES COMPOSITIONS DES" ALMU'B'BE NGAY"<br />

Ces deux genres de la littérature islamique pulaar, bien que voisins, sont<br />

ce'pendant distincts. Cultivés <strong>par</strong> des disciples en fin de cursus, "guiris" et chants des<br />

"almuoDc ngay" ont connu une évolution très différente. Les "guiris" désignent des<br />

compositions collectives d'étudiants célébrant les louanges de leurs meilleurs maîtres. Ces<br />

poèmes étaient déclamés la veille du dé<strong>par</strong>t définitif des élèves, lors de la remise des<br />

diplômes "Ijâza" aux impétrants. Ils étaient aussi repris à l'occasion des baptêmes ou des<br />

mariages dans des familles maraboutiques. Le genre remonte au XYlllème siècle, et semble<br />

aujourd'hui perdu. La tradition en a gardé cependant un vif souvenir: "Il y en eut de fameux<br />

et J'on <strong>par</strong>le encore - sans se souvenir toutefois des poèmes eux-mêmes- de ceux composés à<br />

l'honneur du grand Souleymane Bâl et plus encore de Almamy Abdoul Ghâdir. Il n'est<br />

pratiquement rien resté de ces chants dont on est en droit de croire qu'ils devaient être de<br />

nature largement laudative et peut être composés avec rime, étant donné la formation des<br />

étudiants-poètes" 2<br />

On peut penser qu'une fois de retour chez eux, les étudiants conscrvèrent<br />

l'appellation "almuDoe" (élèves, étudiants) <strong>par</strong> modestie d'abord, puis <strong>par</strong> nostalgie. Ils<br />

constituèrcnt des groupes qui prirent l'appellatIon de "almuooe ngay" (les élèves qui<br />

chantent), Ces cercles se spécialisèrent dans la généalogie et dans l'anathème. Dans L1ne<br />

série de développements où versets du Coran, extraits d'oraisons composées <strong>par</strong> des cheikhs<br />

alternent avec des louanges adressées à un généreux donateur, les" altnuOoe ngay " débitent<br />

un mélange d'arabe et de pulaar à une vitesse extraordinaire.<br />

Progresssivement , les "almuoEie ngay " se radicalisèrent en se signalant à<br />

l'attention du public <strong>par</strong> des cheveux longs et négligés, un accoutrement bizarre, le goût de<br />

J'injure, le <strong>par</strong>asitisme, en un mot <strong>par</strong> un anticonformisme total. L'extrême. gauche du<br />

mouvement acérut la rupture avec lcs règles de la bienséance et pritJé nom si expressif de<br />

1<br />

2<br />

Guèye (T. Y.), op. cil.., p. 104,<br />

. Id., p. 105.


XVIlème siècle, et surtout la condition de la population; insécurité, épidémies, crises. Sur ce<br />

plan, le Fettachi permet d'apprécier le contexte socio-politique qui a précédé et permis<br />

l'émergence du royaume bambara de Ségou el de l'empire peul du Macina. On ne dira jamais<br />

assez l'apport immense de ces deux chroniques et les services inestimables qu'elles rendirent<br />

aux premiers rédacteurs de l'histoire de l'Afrique.<br />

Le pays toucouleur compte aussi ses chroniques dont la plus célèbre demeure<br />

celle de Siré Abbas Soho En se fondant sur deux manuscrits du XVlIIème siècle, ce clerc<br />

toucouleur rédigea les chroniques du Fouta Sénégalais l qui permettront à la population du<br />

Fouta de renouer avec ses origines surtout mythiques, Soh écrit <strong>par</strong> exemple que;<br />

ainsi que leurs souverains.<br />

'''Le premier prince qui régna sur le Fûta du Toro comme roi remarquable et<br />

connu s'appelait Dya Ukka ou Dya Ogo, originaire d'une localité du nord de<br />

la Syrie appelée Ukka"2<br />

Puis suivent les principaux Peuls qui habitèrent la vallée du fleuve Sénégal<br />

Mais Cheikh Moussa Kamara demeure l'un de plus grands chroniqueurs du<br />

Fouta-Toro et son Zuhûr AI-Basatîn 3 .(les fleurs des jardins) ap<strong>par</strong>aît, à ce titre, comme un<br />

chef-d'oeuvre. Dans cet ouvrage, l'auteur indique que les dimensions du Fouta s'étendaient<br />

de la vallée du fleuve aux confins de l'Adrar et du Tagant. Ce vaste territoire, peuplé de<br />

Sérères et de Soninkés, fut, avant, habité <strong>par</strong> des rois mythiques; Dyâ Ogo, Manna... Le<br />

livre fourmille aussi d'autres renseignements historiques.<br />

Outre ces grands chroniqueurs, la vallée du fleuve Sénégal regorge de<br />

manuscrits divers allant de l'épopée à des traités d'histoires, mais surtout se définissant<br />

comme des chroniques. Ces écrits se fondent essentiellement sur la tradition orale, surtout<br />

sur les histoires de famille, car chaque groupe social, chaque famille garde jalousement son<br />

passé. Dès lors la valeur scientifique de ces écrits ne peut résulter que de leur critique interne<br />

et externe.<br />

4°) LE "KHUTBA " OU SERMON<br />

Il ne s'agit pas à proprement <strong>par</strong>ler d'un genre, mais plutôt de forme fixe.<br />

Pour ramener le fidèle sur la voie droite, les marabouts, appliquant la tradition prophétique,<br />

2<br />

3<br />

Soh (S.A.), Chroniques du Foura Sénégalais, Traduction M. Delafosse, Paris,<br />

1913.<br />

Id., pIS.<br />

Voir Fonds Cheikh Moussa Kamara, IFAN, Dé<strong>par</strong>tement d'Islamologie.


CHAPITRE II - LA FORMATION DE L'EPOPEE 102<br />

furent obligés d'ajouter aux sermons du Prophète d'autres compositions plus adaptées à leur<br />

époque et à leur milieu. Il faut ajouter que ces innovations se rencontrent auprès des<br />

marabouts érudits, la grosse majorité préfèrant réciter les sermons du Prophète ou des<br />

Cheikhs andalous et persans, sans rapport immédiat avec les préoccupations du moment. Au<br />

Fouta-Toro, on peut citer le "khutba" de Nguidjilone célèbre pour sa consistance, et pour sa<br />

haute portée théologique. Christiane Seydou, citant ceux du Nigéria, analyse ainsi leur<br />

forme:<br />

"Mais c'estincontestablement dans les prônes que se rejoignent pour se<br />

combiner le plus heureusement, le symbolisme académique de la poésie<br />

mystique et l'imagerie populaire traditionnelle qui lui redonne vigueur et sens;<br />

richesse de l'imagination artistique et déferlement du verbe poétique<br />

s'épanchent à profusion pour brosser tel tableau des Damnés dans la<br />

Géhenne, telle fresque du Paradis bienheureux. La Koutouba (koutba) de<br />

Sokoto et de Say en est un exemple fameux. Composé, à l'origine en peul, ce<br />

prône du vendredi est encore plus connu <strong>par</strong> la traduction en arabe qui en a été<br />

faite; il est encore régulièrement récité à l'office religieux du vendredi dans les<br />

mosquées du nord Nigéria et à Say, au Niger. Ecrit <strong>par</strong> Dan Fodio, il fut<br />

repris et remanié <strong>par</strong> Mohammed Bello, puis à nouveau enrichi <strong>par</strong> Moodibbo<br />

Say célèbre pour son art du takmis" 1.<br />

Le "Khutba" permit aux lettrés peuls de toucher une large <strong>par</strong>t de la<br />

population: les sermons gagnèrent les ignorants et les hésitants, tout en consolidant la foi<br />

des fidèles.<br />

Au total, les formes islamiques de ]a littérature pulaar mettent en évidence le<br />

statut bi-culturel des clercs peuls tributaires des cultures peule et arabe. Leurs oeuvres font<br />

observer un passage continuel de l'oralité vers l'écriture et vice versa. En conjuguant<br />

délibérément ces deux cultures, ils traduisent leur universalisme et leur liberté, habitués<br />

qu'ils sont à courir derrière la vache le long de vastes terres herbeuses ou désertiques.<br />

L'usage de la plume transforma l'Islam "progressivement en religion populaire et en force<br />

nationale et politique"2. Et les théocraties surent en tirer <strong>par</strong>ti.<br />

2<br />

. J<br />

Seydou (C.)," Panorama de la littérature peule". in Bullelin de ['[FAN. T.<br />

XXXV, Ser. B, nOl, 1973, p. 187. pp. 176-218.<br />

Sow (A.I.). "Notes sur les procédés poétiques dans la littérature des Peuls du<br />

Fouta Djallon",in Cahiers d'éludes africaines. nO 19. vol. V. Paris, 1965, p.<br />

370.


erreur d'impression, car il ne temlinait ses écrits que <strong>par</strong> I;I et jamais <strong>par</strong> alif. Murchida<br />

équivaut en arithmosophie à 1830 et murchid à 1829. On sait, <strong>par</strong> ailleurs, que le pèlerinage<br />

à duré trois ans ; dès lors la date de dé<strong>par</strong>t se situe vers 1826-1827. Pour notre <strong>par</strong>t, nous<br />

retenons 1826, car la tradition, qui se plaît aux nombres symboliques, retient vingt ans<br />

comme durée totale du pèlerinage aller et retour. Or la date du retour reste 1846, comme en<br />

fait foi, du reste, un document d'archive l .<br />

De son côté, la Qacida en poular 2 indique qu'Omar devait <strong>par</strong>tir à la Mecque<br />

en compagnie de son marabout Abdel Karim, mais ce dernier dut renoncer au dernier<br />

moment: étant retenu <strong>par</strong> une maladie. Il mourut au Macina un peu plus tard. Le biographe.<br />

du Cheikh, Mohammadou Aliou Tyam3 a cité l'itinéraire de son marabout: Fouta-Toro,<br />

Boundou, Fouta-Djallon, pays Haoussa, Fezzan, Egypte, Médine, Mecque. Une fois en<br />

Orient, Omar mit à profit son séjour. 11 célébra trois fois le pèlerinage, puis se fixa à Médine<br />

où il fit la connaissance de Mohamed El Ghâli, Khalife de la Tidjanyya en Orient, qui ne<br />

tarda pas à l'initier à la quintescence de la voie de Cheikh Ahmed Tidjâne. Sous l'instigation<br />

du Prophète Cheikh Omar y rédigea son premier ouvrage: Rappel des Bien-Guidés et salut<br />

des disciples 4; long poème de 205 vers. L'opuscule fut composé au Mausolée du Prophète<br />

vers 1828. Il s'agi t d'un ouvrage à caractère mystico-théologique.<br />

Une quarantaine d'autres ouvrages vont suivre, mais généralement ignorés du<br />

grand public et méconnus des non arabophones. Profitant toujours de son séjour, Cheikh<br />

Omar se rendit en Syrie et à Jérusalem, où il dirigea une prière à la Mosquée AI Aksa. A son<br />

retour, il passa <strong>par</strong> la célèbre université AI-Azhar du Caire. Les témoignages sont<br />

concordants: son érudition étonna les Arabes et il fut honoré <strong>par</strong> les docteurs du Caire.<br />

Poursuivant son retour au pays natal, El Hadj arriva au Kanem Bornou où il<br />

trouva les rois du Kanem et du Bornou en guerre larvée. Pour les calmer, il composa une<br />

ode en acrostiche, au titre très révélateur: Rappel à ceux qui oublient la laideur qu'engendre<br />

le désaccord entre croyants 5. Ce long poème de 197 vers en acrostiches, de mètre rajaz,<br />

composé à <strong>par</strong>tir des versets 9 et IOde la Sourate 49 du Coran, met en relief l'aspect<br />

pacifique d'Omar, occulté <strong>par</strong> le formalisme du jihâdiste. L'auteur démontre, dans son ode,<br />

la nécessité de la concorde et de la paix, tout en y fustigeant toute velléité belliqueuse, allant<br />

même jusqu'à interdire de tuer une fourmi sans raison, a fortiori un semblable.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Gaden (H), op. cil. , vv 32 à 45.<br />

TaI! (El O.), Tazkiral al Muslarchidîn<br />

traduit)./<br />

Gaden (H), op. Cil., vv 32 à 45.<br />

TaI! (El O.),op. cil.<br />

Guerresch (C.)," Tadkira al-Gâfïlîn ou un aspect pacifique<br />

vie d'AI Hâdj Umar", in Bullelin de l'lFAN, Tome 39, Ser. B,<br />

pp. 890-930 . -<br />

wa [alâhu lâlibîn. (Texte<br />

./<br />

arabe non<br />

peu connu de la<br />

nO 4 octoble 1977,


CHAPITRE Il - LA FORMATION DE L'EPOPEE 1 1 2<br />

Selon la version de Fougoumba relative il la filllleuse rencontre de j'Almamy<br />

Oumar de Timbo el de Cheikh El Hadj Omar, la venue du marabout fut précédée d'oracles,<br />

formulés ainsi <strong>par</strong> les marabouts du Fouta-Djallon :<br />

"Grand Alnwmi du Fouta, tu recevras bientôt dans ta capitale, un pèlerin<br />

répondaI1l au nom d'Oumar 1. C'est un grand marabout qui vient dans le but<br />

de se substituer :1 toi au trône. Mais celle substitution ne sera possible, et le<br />

pèlerin lui-même en est convaincu, que si tu réponds à l'appellation "Tokora"<br />

(Homonyme) qu'il te donnera. Grand maître du Fouta, prends donc tes<br />

dispositions pour ne pas laisser le pays de tes ancêtres tomber dans les mains<br />

d'un étranger"2<br />

Quelques temps 'lprès, un vendredi soir, alors que l'Almamy Otlmar et touS<br />

ses conseillers étaiellt assis dans la grande com de la mosquée de Timbo, on vit El Hadj<br />

Omar et son imponante suite entrer dans la capitale. Les marabouts reprirent:<br />

"Grand maître du FOLHa, ton hôte dont nous t'avions <strong>par</strong>lé est là. Tiens donc<br />

compte du conseil que nous t'avons donné, car nous ne souhaitons nullement<br />

qu'il se substitue à toi. Grand Almamy, tout le pays a les yeux tournés vers<br />

loi."<br />

A son arrivée dans la cour de la mosquée, El Hadj Omar descendit du cheval<br />

que son hôte de Kankan, Alpha Mamoudou Kaba lui avait offert, et se dirigea droit vers<br />

l'Almamy à qu'il tendit la main en disant: "130njour Homonyme."<br />

troisième salut:<br />

Et sur la persistance du Cheikh, l'Almamy du Fouta répondit après le<br />

"L'Almamy, le seul maître du Fouta, n'a point d'honlOnyme. Sois<br />

cepend.mt le bienvenu, ô hôte de marque t"<br />

La nouvelle de l'arrivée du grand marabout, de renommée proverbiale, à<br />

Timbo, se répandii comme une traînée de poudre dans les neuf "Diiwe" (provinces) du pays.<br />

Au boul d'une semaine, Timbo devint le pôle d'allraction de tous les marabouts du Fouta :<br />

2<br />

Oumar ou Omar désigne le même nom propre. Nous avons retenu Omar,<br />

d'usage admis et devenu classique pour El Hadj Omar.<br />

Version recueillie à Fougamba. Mission de Recherche en Guinée, Avril,<br />

1988.


C1IAPlTRE [[ - LA FORMATION DE L'EPOPEE 1 1 3<br />

Les uns venant pour s'instruire, auprès de celui qui a émerveillé les théologiens des Lieux<br />

Saints de l'Islam et cie l'Université AI-Azhar du Caire; les autres voulant satisfaire leur<br />

curiosité. Les uns et les autres s'émerveillèrent, et le souverain chercha vainement à endiguer<br />

l'altéi,'Tesse général des marabouts et la popularité du pèlerin prestigieux.<br />

L'Almamy lui demanda d'effectuer une tournée d'enseignement à l'inrérieur<br />

du pays. La qualité de ses conférences, ajoutées à son éloquence extraordinaire, séduisirent<br />

les notables des lieux visités. Ainsi, son séjour à Mali décida-t-il le Chef, Karamoko Alpha<br />

Mo Mali, à donncr à El Hadj Omar son' frère cadet afin qu'il l'instruise. La descendance du<br />

frère de Karamoko Alpha réside de nos jours dans les villages de Sokoboli et Dara, dans la<br />

préfecture de Dinguiraye. Elle détient deux manuscrits d'El Hadj Omar.<br />

Le Cheikh continua sa tournée et ses sermons. A Dalen, dans le Labé, El Hadj<br />

fut reçu avec pompe <strong>par</strong> le chef de la localité, Thierno Sadou Dalen, un érudit. A Timbi,<br />

Thierno Sununu réserva au Cheikh un accueil rehaussé <strong>par</strong> une grande vénéra.tion.<br />

Cependant, la faussc note de cctte mission apostolique se produisit à Kankalabé. Selon la<br />

chronique de Fougoumba, le Cheikh fut reçu avec froideur <strong>par</strong> l'érudit local, Thierno <strong>Samba</strong><br />

Mombéyâ. Alpha Ibrahim Sow rapporte l'incidcut de la rencontrc :<br />

"On raconte à Mombéyâ que lorsque le grand maître Seydou Tall (connu<br />

sous le nom d'El Hadj Oumar) y vint lors de son séjour dans le Fouta, il se fit<br />

présenrer le Filon 1 <strong>par</strong> l'auteur. Après lecturc, il le félicita, mais tint à lui dire:<br />

"Cesse de traduire les écrits arabes dans notre langue, autrement lu feras<br />

dis<strong>par</strong>aîtrc la languc arabe." Le maître se formalisa el répliqua: "A Monbéyâ,<br />

les trois bases de l'Islam SOIll connues: Qaalalaahu ("Dieu a dit"), Qaala<br />

Rassuuluu laahi ("L'Envoyé de Dieu a dit") et Qaala Shayxu (" Le Docte à<br />

dit"). !ci nous connaissons les trois Qaafs !,,2. Voulant dire aussi qu'il n'avait<br />

rien à apprendre d'El Hadj Omar. Ce dernier dans sa colère, lui lança: "En<br />

effet, tu es fort instruit; mais tu seras le dernier !" et c'est ce qui advint<br />

puisque depuis la mort de Thiemo Mohammadou <strong>Samba</strong>,Mombéyâ a plus ou<br />

moins perdu sa renommée,,3<br />

La chronique de Fougoumba précise que Thierno <strong>Samba</strong> Mombéyâ s'est<br />

repenti <strong>par</strong> la suite, en envoyant à El Hadj Omar, alors à Djegunko, une lettre très<br />

.'ympathique. Au<strong>par</strong>avant, le Cheikh gagna Timbo où il passa la fête de la Tabasky auprès de<br />

son hôte, l'Almamy Oumar. Une légende assez répandue à Fougoumba soutient que les<br />

t<br />

2<br />

3<br />

Sow (A.I.). Le Filon du bonheur éreme/, Paris, 1961.<br />

"Qaaf" désigne une lettre de l'alphabet arabe.<br />

Sow (A.I.), 01'. cil., pp.17-18 (note 1).


CI IAI'ITRE Il - LA FORMATION DE L'EPOPEE<br />

1 15<br />

Après la construction de la mosquée de Djégunko, El Hadj Omar confia sa<br />

famille et la formation religieuse de ses prosélytes à deux de ses ralibés éprouvés du Fouta,<br />

auxquels il adjoignit son fidèle talibé et ami, Alpha Mamoudou Kaba, qui l'avait suivi depuis<br />

Kankan. Après vingt années d'absences, il décida alors de retourner au pays natal. Entouré<br />

d'ulle suite impressionnante, Cheikh Omar passa <strong>par</strong> le Fouta-Djallon, le Gabou, la Haute<br />

Casamance, la Gambie, le Saloum, le Baol, le Cayor, le Walo, enfin le Toro. Il était précédé<br />

<strong>par</strong> un de ses ralibés l'on éloquent, Ousmane <strong>Samba</strong> Diêwo, un "diawando" 1 de Halwâr.<br />

Cet éclaireur pré<strong>par</strong>a la venue de son Cheikh, qui fut reçu <strong>par</strong>tout avec<br />

beaucoup d'égards. Son passage auirait des foules considérables, venues écouter ses<br />

sennons, ou <strong>par</strong> curiosité, Il reçut de.nombreux cadeaux et bien des spectateurs vinrent<br />

grossir sa suite. Il fut reçu à Donnaye, près de Podor, en 1846, <strong>par</strong> Caille2, Directeur des<br />

Affaires politiques sous le Gouverneur de Grammont. Le Saint homme produisit une<br />

excellente impression sur le Représentant de la France, qui lui remit des cadeaux au nom de<br />

son pays.<br />

Une fois au Fouta, le Cheikh envoya des messagers Cl des lettres dans les<br />

différemes localités, demandant, à panir de Halwâr, à ses <strong>par</strong>eIHs lOucouleurs d'émigrer, car<br />

la "cohabitation avec l'homme blanc ne sera pas aisée" d'une pan, et <strong>par</strong>ce qu'il fallait,<br />

d'autre <strong>par</strong>t, "balayer du pays le paganisme".<br />

Nombreux l'uremies ralibés qui répondirent à son appel.<br />

Le premier Chef du Fouta à lui prêter serment de fidélité fut Alpha Oumar<br />

Thierno J3ayla, Ull Wane de Kanel dans le Nguénar, suivi de Alpha Oumar Thierllo Mollé ct<br />

de '\lpha Abbass, deux autres chefs du Bosséa. Le recrutement suscita aussi quelques<br />

hostilités, <strong>par</strong> exemple Elimane Rindiaw, un érudit, et Abdoul Bokar Kan, Ull chef,<br />

refusèrent de suivre le mouvement omarien. On reprochait à Omar, dans les milieux<br />

marabouliques, son jeune fige oule fondement douteux de son jihâd, tandis que l'aristocratie<br />

refusa d'émigrer, à cause de ses privilèges.<br />

A la tête d'un contingent appréciable de disciples aux origines diverses et aux<br />

condilions sociales variées, Cheikh Omar emprunta la rive droite du fleuve Sénégal pour<br />

retourner dans sa zaouïa. Sur le chemin du relOur, il Cul au mois d'Août 1847, aux environs<br />

cie Sake!, une entrevue avec Je Gouverneur du Sénégal, De Grammont, en tournée<br />

d'inspection dans la région. Au cours de l'enlrevue, le Cheikh demanda au gouverneur des<br />

c(lnriilions <strong>par</strong>ticulières pour acheter des armes_ Ce dernier Je laissa regagner le Fouta­<br />

Djalloll, après lui avo.ir tenu de vagues promesses de collaboration. El Hadj arriva à<br />

Djégunko en pleine saison des pluies.<br />

Catégorie sociale de 'a société toucouleur, intclligentc mais intrigante. Cf<br />

Gaden. (11.), op. cil.<br />

1 Voir ANS.<br />

.,. '.


1 1


CHAPITRE Il - LA FORMATION DE L'EPOPEE 123<br />

En fin stratège, il pratiqua une politique d'alliance matrimoniale, ce qui<br />

conforta sa position: "son alliance est recherchée <strong>par</strong> le Chef de Niani Marigot dont deux<br />

envoyés sont en ce moment à Mamory pour demander en mariage une de ses filles" 1,<br />

poursuit Ouranthon. De 1823 à 1824, il annexa une <strong>par</strong>tie du Bambouck le Niatiaga, le<br />

Gadiaga (Galam) avant de se fixer à Koignou, où les Français avaient établi un comptoir<br />

flottant. Là, il fit la connaissance de l'explorateur Fernand Ouranthon et réalisa le <strong>par</strong>ti qu'il<br />

pouvait tirer du commerce français. La fondation de Médine résulta de ces ambitions du<br />

Hawa Oemba.<br />

Située sur la rive gauche du fleuve Sénégal, à douze kilomètres en aval de<br />

Kayes, Médine s'élève sur un site stratégique: colline escarpée descendant en pente douce<br />

vers le fleuve, la ville sc trouve coïncée entre une véritable muraille de pierre elle fleuve. Site<br />

défensif, sans conteste, Médine fut aussi choisie <strong>par</strong> le souverain à cause de sa position:<br />

carrefour, exceptionnellement favorable au commerce. Ainsi fondée vers 1825 2 , Médine<br />

devint très vite la capitale du Khasso et les relations avec la France se nouèrent assez<br />

facilement.<br />

Hawa Demba deviIll le Chef incontesté de la région: il annexa à ses<br />

possessions une panie du Bambouck, le Niatiaga, le Gadiaga, le Logo. La domination<br />

politique se traduisit assez tôt <strong>par</strong> un essor économique. La main-mise sur le Bamboltck<br />

regorgeant d'or, la riche vallée du Logo et du Niatiaga, favorisa le développement d'un<br />

commerce local à Médine: or, céréales, gomme arabique. Ce qui attira très vite les Français,<br />

en quête de l'Eldorado colonial. I-Iawa Demba lia amitié avec Duranthon, ce qui scella Ics<br />

rapports entre Médine et la France, il donna même sa fille, Sadioba, en mariage au Français;<br />

de cette union naquirent un garçon, Charles, mon en France, et une ft Ile, Marie, enlerrée<br />

dans le Fort de Médine.<br />

L'explorateur voulut construire une résidence à Médine; le souverain accepta,<br />

mais refusa qu'elle fût fortifiée, traduisant ainsi son moi profond: bien que voulam profiter<br />

du commerce français, Hawa Dcmba ne voulait point se donner un maître, fûl-il son beau­<br />

fils. Accepter la fortification de la résidence du Duranthon équivalait pour Hawa Oemba à<br />

"avoir deux rois sur une même peau." La seule fortification fut donc celle du roi. Mais, vers<br />

la fin de son règne, les négociations reprirent avec la France pour la construction d'un Fort,<br />

ct ce sera chose faite sous le règne de ses enfants.<br />

1<br />

2<br />

Cissoko (S.M.), op. cie.. p. 296.<br />

La fondation de Médine se situe entre 1825 el 1827. La date precise divise les<br />

informateurs. Médine n'existait pas avant 1824. La première mention de<br />

celle ville est faite <strong>par</strong> Gérardin, gérant de la Sociélé commerciale du Galam<br />

ou Gadiaga à Rakel, dans son mémoire de Juillet 1827.


CHAPITRE II - LA FORMATION DE L'EPOPEE<br />

m =<br />

'tMC?,,-<br />

124<br />

Hawa Demba avait en effet beaucoup d'enfants dont les plus célèbres furent:<br />

Killri <strong>Samba</strong>lla, Dioukha <strong>Samba</strong>lla, Khartoum <strong>Samba</strong>lla, Makhassé <strong>Samba</strong>lla et Demba<br />

Yamadou. La politique française consista à développer les relations économiques avec le<br />

Khasso. Les Français fondent donc la société du Galam en 1820 qui acquiert le monopole du<br />

commerce, donc de la gomme sur le Haut-Fleuve. Ainsi à <strong>par</strong>tir de 1824, le Khasso devint<br />

un des objectifs de la société du Galam, et <strong>par</strong> conséquent du gouvernement de la colonie,<br />

d'autant plus qu'aux maigres productions du Gadiaga s'opposait la richesse du Khasso, de<br />

la vallée du Logo et du Niatiaga, regorgeant de matières premières. En oUlre, le Khasso était<br />

voisin du Kama dont les caravanes, au lieu de se diriger verS le Galam, préféraient se rendre<br />

sur les placers aurifères du Bambouck ou aux comptoirs de Gambie, amenuisant de la sorte<br />

le commerce français.<br />

Nées de la volonté du Chef Khassonké de s'approcher du fleuve, afin de<br />

profiter du commerce avec les étrangers, les négociations entre les Français et Médine prirent<br />

une nouvelle tournure, avec la nomination du Généra'l Louis Faidherbe au poste de<br />

Gouverneur du Sénégal. Elles aboutirent sous le roi Dioukha <strong>Samba</strong>lla, troisième roi du<br />

Dembaya après son père Hawa Demba et son frère Kimi <strong>Samba</strong>lla. Les Français purem alors<br />

construire un Fort, d'autant plus que la nouvelle impulsion donnée à Médine <strong>par</strong> les relations<br />

franco-Dembaya n'était pas sans danger: les chefs voisins, jaloux de Iii suprématie du<br />

Dembaya, contestaient alors l'idée de construire un Fon à Médine et suscitaient des<br />

inquiéllldes chez El Hadj Omar, leur nouvel allié, devenu gênilnt pour le commerce français.<br />

Dioukha <strong>Samba</strong>lla céda alors un lopin de terre à Faidherbe. Le 12 Septembre<br />

1855, la colonne coloniale française débarq,ù\ à Kayes et arriva à Médine le lendemain, 13<br />

Septembre. Les travaux du Fon commencèrent deux jours plus tard, le 15 septembre, et il<br />

prirent fin le 05 Octobre. La précipitation s'explique <strong>par</strong> la menace du jihâd. Le terrain, cédé<br />

<strong>par</strong> le roi, fut vendu à la France aU prix de cinq mille francs plus mille deux cents francs de<br />

cadeaux <strong>par</strong> an 1. Ainsi, vingt jours suftïrent pour ériger à Médine le Fon militaire dom les<br />

restes dominent encore la bourgade actuelle 2 Suivirent la résidence de Paul Holle - maison<br />

du commandant et des officiers - bureau de poste, tribunal, chambre de munitions - , la tour<br />

de guet. Les autres unités seront construites après 1868: la gare et l'école.<br />

Une fois achevée la construction du Fon, Faidherbe le confia à Paul Holle.<br />

Les jalons de la puissance coloniale française venaient d'être posés à Médine et la conquête<br />

du Haut-Fleuve devenait une réalité. Mais, en vrai stratêge, avant même la fin des travaux du<br />

Fon, Faidherbe convoqua, le 30 septembre 1855, tous les Chefs du Khasso el signa avec<br />

2<br />

Annuaire statIstique, Kayes, 1971, p 5.<br />

Lors d'une mission effectuée à Médine en 1988. j'ai v,sIle le Fon Militaire<br />

dont le mur d'enceinte demeure intact. Seules les quatre pointes défensi ves<br />

nécessitent de légères ré<strong>par</strong>ations.


'.,<br />

..-<br />

CHAPITRE fi - LA fORMATION DE L'EPOPEE 129<br />

protection offerte à Ali Da Monzon, ajoutées aux rivalités ethniques et confrériques, donncnt<br />

les origines lointaines et proches du conflit.<br />

Une fois maître de Ségou, Cheikh Omar envoya des émissaires à Hamciallahi<br />

capitale de l'Empire peul, pour réclamer Ali, le roi fuyard. Puis une correspondance fUI<br />

échangée entre le Cheikh et le Souverain. F. Dumont et Mohammed Al-Hâfïz ont traciuit el<br />

commenté ces lettres. En tout état de cause, les arguties juridiques se fondaient moins snr<br />

une interprétation du Coran ou de la charia que sur des rivalités ethniques. L'examen du style<br />

et de la forme de cette littérature épistolaire met en évidence une nette supériorité de Cheikh<br />

Omar, plus âgé et plus érudit que son rival Ahmadou Ahmadou. Citons en quelques<br />

exemples:<br />

l'Emir peul:<br />

Hadj Omar remit une lettre à Thierno Haïmouthe, une lettre scellée pour<br />

Toi, Ahmadou Ahmadou,. tes dispositions envers mOI sonl<br />

manifestement hostiles jusqu'à l'agression et'cela est clair comme brille à la<br />

vue la flamme d'un feu allumé sur une mont


CHAPITRE 11- LA FORMATION DE L'EPOPEE<br />

130<br />

"Tu es devenu un infidèle l, puisque tu as calomnié le Prophète (sur lui le salut<br />

éternel de Dieu), Celui-ci, au contraire, considère comme permis de te<br />

combame et que ton sang soit répandu à flot ainsi que celui de tous ceux qui<br />

sOnt avec toi, et cela, à cause de la calomnie que tu viens de commettre. En<br />

effet, dans son ldâhLlILl DOl/djillLl, l'auteur arabe écrit:<br />

"Quiconque nie l'évidence est devenu un infidèle et se joue de lui­<br />

même.<br />

Quiconque affirme comllle pemlises les choses interdites est devenu<br />

un infidèle, car l'interdiction en est fonnelle et notoire"2.<br />

Ces propos trahissent, dans un développement linéaire d'une trame<br />

événementielle, les traits psychologiques des deux protagonistes. A celte logomachie succéda<br />

très rapidement le dialogue des annes.<br />

Le 7 Mai 1862 eut lieu la bataille de Porman qui fut fatale aux lanciers<br />

maciniens, obligés de battre en retraite sous les coups de la fusillade de l'armée omarienne.<br />

La bataille reprit le 10 Mai à Ty5yawal, bois situé dans la plaine d'inondation du Bani. Au<br />

matin du 10 Mai, en effet, le Macina investitics jihâdistes. La bataille fut sanglante et il yeut<br />

de nombreux morts de <strong>par</strong>t et d'autre. L'armée du Cheikh épuisa ses réserves de poudre. Le<br />

Macina était à un doigt de la victoire, mais au lieu de donner l'assaut final, il s'arrêta. Aucun<br />

historien n'a encore réussi à expliquer sérieusement celle pause:<br />

"Jamais Ahmadou Ahmadou ne sut à quel point il avait frôlé la victoire dans<br />

la nuit du 10 au 11 Mai 1862... El Hadj Omar employa activement le répit que<br />

Dieu lui accordait. Il mit à profit celle pause inespérée pour faire reposer les<br />

hommes et couler des balles de fer" 3<br />

Le combat ne reprit que le 14 Mai au soir, Cheikh Omar harangua les talibés el<br />

remporta une victoire fulgurante: le lendemain, l'année du jihâd devint maîtresse du pays.<br />

Ahmadou Ahmadou., blessé, fut évacué dans la précipitation <strong>par</strong> les siens. Le convoi fut<br />

rattrapé à Kabara, l'Emir fut décapité et enseveli à Malel Nasso, près de Mopti, selon une<br />

s0urce très populaire.<br />

3<br />

Le terme qui rendrait le mieux la' pensée de l'auteur serait :" tu t'es<br />

infidélisé", si ce mot ne constituait un néologisme (note du traducteur).<br />

Sissoko (M.), op. cit., pp. 132-133.<br />

Ducoudray (E.), El Hadj Omar, le Prophète armé, Dakar, 1975, 1'.87.


CHAPITRE Il - LA FORMATION DE L'EPOPEE<br />

132<br />

En Mai 1863, Alpha Oumar Thicrno Bayla tomba à Mfini-Mâni, victime de<br />

l'indiscipline des talibés 1. Cette mort du général de l'année du jihfid, de l'homme des<br />

missions délicates et difficiles, constitua une perte cruelle. D'autant plus cruelle qu'Alpha<br />

Ousmane, le suivant d'Alpha Oumar, succomba le 7 Juin 1863 à la bataille de Ségué.<br />

Alors les paladins, pactisant avec les KOllnta de Tombouctou, à qui ils<br />

promirent le pouvoir, assiégèrent Cheikh Omar à Hamdallahi pendant près de neuf mois.<br />

Celui-ci fit sonir son neveu Tidjâni pour chercher une année de secours, mais elle arriva trop<br />

taret.<br />

A l'époque, les communications étaient coupées entre I-Iamdallahi et Ségou.<br />

L'historiographie coloniale 2 reproche à Ahmadou, le fils aîné du Cheikh, son refus de voler<br />

au secours de son père pounant assiégé. Cette appréciation provient d'une méconnaissance<br />

de la pensée politique de Cheikh Omar. Ahmadou, en restant à Ségou, ne faisait qu'obéir à<br />

une injonction de son père, relevant d'un souci de réalisme politique: se ménager une issue<br />

en cas de défai te.<br />

Malgré tout, Cheikh Omar mit f1l1 au siège, miraculeusement. Il quitta<br />

Hamdallahi la nuit du Samedi 6 au dimanche 7 Février 1864; à la tête de la poignée de fidèles<br />

attachés au jihâd. Ils mirent cinq jours pour atteindre les falaises de Bandiagara :<br />

1<br />

2<br />

"Epuisés <strong>par</strong> les privations, les Toucouleurs ne pouvai


tL_<br />

., .<br />

CHAPITRE Il - LA FORMATION DE L'EPOPEE 133<br />

fit mettre le feu. Le Cheikh et les siens s'étaient réfugiés dans une caveme ; le<br />

feLl sc communiqua à la réserve de poudre qu'il avait toujours avec lui; il Y<br />

eut une forte explosion, le Cheikh et ses fidèles furent mis en pièces" 1.<br />

Cette longue citation se justifie <strong>par</strong>ce qu'elle reprend l'une des multiples<br />

versions relatives à la dis<strong>par</strong>ition de Cheikh Omar. Alors survint Tidjâni, à la tête d'Llne forte.<br />

amlée. Il meLla Llne répression sans rémission, exterminant la coalition des attaquants. Il<br />

régLla au Macina, où il fut remplacé <strong>par</strong> MouLlirou. Au même moment, Ahmadou était aux<br />

prises avec les Bambaras et les Français. Le fils aîné du Cheikh, talonné <strong>par</strong> Archinard,<br />

mourut en pays Haoussa, après avoir quitté Ségou pour Nioro, puis pour Bandiagara.<br />

Pratiquant la politique du diviser pour régner, la France, en pourchassaLlt Ahmadou, enrôla<br />

Aguibou Tall, un fils d'El Hadj Omar, dans ses rangs, puis l'installa à Bandiagara.<br />

Malgré les vicissitudes de l'histoire, El Hadj Omar domine l'histoire de<br />

l'Afrique. Maître incontesté de la Tidjanyya, jihâdiste exceptionnel, polygraphe au ,talent<br />

confirmé, il jouit encore aujourd'hui d'un très grand prestige. En conjugLlant action<br />

religieuse et sens politique, Cheikh Omar a inspiré aux lettrés et aux griots des oeuvres<br />

impérissables, commémorant ainsi sa mémoire. Empruntant la voie royale du mérite, il a<br />

forcé les portes de l'histoire et celle-ci l'a installé au cœur du mythe et de la légende, en un<br />

mot de l'épopée. Cela rend l'étude de sa vie très fascinante, mais également assez malaisée.<br />

Les relations qui se tisselll entre l'épopée el l'histoire, ajoutées à la distance qui sé<strong>par</strong>e des<br />

(aits, limite bieu des fois toute approche se voulant objective. L'assertion du Professeur<br />

Claude Blum revêt alors ici tout son sens:<br />

" Mais, si la distance historique <strong>par</strong>aît éclairer la compréhension d'un<br />

document, elle en voile aussi, <strong>par</strong>fois, d'anciennes clanés"2.<br />

Gaden (H), 01' cil., pp. 196-197. Nole vv 1121-1123.<br />

2 Blum (C.), "Les stéréotypes de l'imaginaire : le monde médiéval dans<br />

l'oeuvre de Rabelais· Les Diables et les Fous", in La Lico,ne, Publication de<br />

la Faculté des Letlres et des Langues de l'Universilé de Poiliers, 1982/6,<br />

Tome JI, p. 227.


DEUXIEME PARTIE<br />

L'EPOPEE D'EL HADJ OMAR<br />

ANALYSE LITTERAIRE


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

A. LE llElWS<br />

El Hadj Omar domine son épopée que, du reste, sa haUle figufto délimite dans<br />

le temps et dans l'espace. Dans ce sens, il est significatif que la geste et son héros voient le<br />

jour à Halwâr et se perdent mystérieusement dans la grotte de Déguembéré.<br />

Dans son appréciatioll du rôle de l'individu, l'époque contemporaine se<br />

démarque de la conception classique qui vouait un culte au héros messianique. L'individu se<br />

voit dilué dans le peuple, et l'héroïsme individuel cède le pas à l'héroïsme collectif. Une telle<br />

conception ne rend pas compte d'une épopée comme la nôtre, ainsi que le dit excellemment<br />

Fwnçoise Mari :<br />

"Incontestablement, ce point de vue présente un progrès; mais pousse a<br />

l'extrême, il amène à nier toute importance à l'impact de certains types de<br />

personnalités, placés <strong>par</strong> le hasard aux postes de commande, sur les<br />

changements sociaux. Le personnage historique devient alors matière<br />

littéraire, étant rejeté de l'ilisloire comme un intrus, contingent, accessoire.<br />

Pourtant, le chercheur honnête doit bien constater que certains destins sont<br />

rebelles à laisser gommer leur rôle; force est alors de les intégrer à l'analyse<br />

comme llI1 des éléments constillltifs de l'évolution historique" 1.<br />

El Hadj Omar, personnage hislorique ct héros légendaire, appanient en effet à<br />

celte catégorie d'hommes extraordinaires. Le surnatllfel l'accompagne de la naissance<br />

àl'apothéose. Les diverses versions de son épopée lui façonnent une série de visages, tous<br />

réductibles à l'image brillante d'un héros épique peul, harmonieusement intégré dans le lissu<br />

n,lITatif de l'épopée islamique.<br />

Il convient de noter cependant que l'imaginaire collectif, en remontant le cours<br />

de la vie de Cheikh Omar, a porté toute son attention sur cinq moments: la naissance, la<br />

fomlation, le pèlerinage, le jihiid et la dis<strong>par</strong>ition. L'art épique ap<strong>par</strong>ente dès lors le héros au<br />

soleil et l'oblige il <strong>par</strong>conrir une carrière com<strong>par</strong>able à son ap<strong>par</strong>ent mouvement de rotntion,<br />

marqué <strong>par</strong> l'aurore, le zénith et le crépuscule. En ce sens, il ne son de l'ombre que pour y<br />

L:lllrer.<br />

La salarité d'Om:ir fait de son lever une naissance et de son coucher une<br />

apothéose. Sa souveraineté totale s'affirme au zénith: "le héros "sauve" le monde, le<br />

Mari (F.), "A propos de AI-Hakim Bi-AMR-ALLAH, l'intrusion d'un destin<br />

personnel dans l'analyse historique", in La Revue Sénégalaise d'Histoire,<br />

Dakar, octobre - décembre, 1980, vol. l, nO , p. 4.<br />

138


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

" Pour lout ce que quelqu'un a reçu, qu'il remercie Dieu,<br />

qu'il remercie sa mère!<br />

Mais si la mère sc lève d'un coin de la concession,<br />

Que la mère soulève le père ct le terrasse,<br />

Que le père soulève la mère et la terrasse,<br />

La lutte, les cris et les clameurs arrivent!<br />

Si un enfant naît là-dedans, il ne pourra rien faire de lui-même" 1.<br />

14 1<br />

L'intrusion du thème domestique dans celle hagiographie se veut une leçon de<br />

modération, adressée à l'épouse du généreux hôte de l'artisan du verbe. L'harmonie du<br />

couple étant le noyau indispensable au bon développement de l'enfant, il s'agit de rappeler<br />

constamment à la femme, pilier de la société, cet impératif catégorique.<br />

Une telle digression peut aussi avoir été inspirée au griot, <strong>par</strong> sa propre<br />

expérience maritale, ou <strong>par</strong> quelques déceptions amoureuses et sentimentales. Dès lors. 1"<br />

perfomlance de l'épopée peut ap<strong>par</strong>aître pour le griot comme un prélexte pour donner libre<br />

cours à son imagination, à panir d'un fait divers. Omar naquit ainsi qu'il fut prédit <strong>par</strong><br />

Elimane Boubacar. Cc moment coïncida avec la Bataille de Bongoye, scion la tradition orale,<br />

bataille qui opposa l'Almamy Abdoul Kader Kane du Fouta-Toro au Damel du Cayor Amary<br />

Ngoné Ndêla. Rapportant une tradition recueillie dans la région de Kaédi, M. Verdat écrit:<br />

"La nuit qu'illl'Almamyl passe avec son année à Halwâr est une nuit merveilleuse: cel le où<br />

naquit Omar, fils de Thierno Saïdou Tall"2<br />

En effet, sous la direction de Thiemo Souleymane l3âl, des marabouts firent,<br />

en 1776, une Révolution qui aboutit au renversement du pouvoir du "Satigui" ou Peul païen,<br />

el à l'instauration de 1"'a11llamyat" ou théocratie. Le <strong>par</strong>ti maraboutique, grisé <strong>par</strong> son succès,<br />

entreprit une vaste guerre sainte ou jihâd, dont la bataille de Bongoye constitua un épisode.<br />

Né sous le signe de la guerre sainte et de la haute spirilllalité, suggérée <strong>par</strong> le<br />

mois de Ramadhan, le destin de Cheikh Omar s'annonce comme extraordinaire. Dès sa<br />

venue au jour, Omar se signale <strong>par</strong> de nombreux miracles. La tradition orale soutient que sa<br />

naissance délivra le village de Halwâr de la corvée d'cau qui était son lot en faisant jaillir un<br />

cours d'eau, "Njaajalol", qui ceinture encore de nos jours le bourg.<br />

De même, la naissance du Cheikh n'empêcha pas sa mère de prier; aulrement<br />

dit, elle redevint immédiatement pure, cc qui lui permit d'élever ses oraisons vers Allah sans<br />

le délai habituel de quarallie jours. Son bébé refusa aussi de téter <strong>par</strong>ce qu'il observait le<br />

jeûne du Ramadhan. La version d'Abdoul Ata Seck indique que Halwâr et sa banlieue<br />

1<br />

2<br />

Bâ (K.), vv. 57-63.<br />

Verdat (M), op. cil..


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 142<br />

modelèrent leurs habitudes sur celles de l'illlistre nouveau-né pour détemliner l'ouverture ct<br />

la rupture du jeûne. Le village natal de Cheikh Omar. illumina, sur le plan religieux, les<br />

villages voisins de Thiêlâw, Ndioum, Sarpôli, Moundouwâye, Dâr El Barka et d'autres<br />

encore.<br />

L'épopée ne se prive pas de s'attarder sur les prodiges du 'Cheikh: le bas-âf(c<br />

et la vie de talibé du héros fournissent aux artistes nombre d'exemples vivants de SOI]<br />

pouvoir à provoquer des miracles. C'est ainsi que l'un d'entre eux rapporte que, <strong>par</strong>ti en<br />

brousse chercher du bois mort avec ses condisciples, Omar jeta son coussinet t et alla se<br />

coucher sous un arbre, Une fois achevé le ramassage du bois, les disciples s'empressèrent<br />

de retourner vers leur marabout pour dénoncer la désobéissance de Barou. Le bois servant<br />

d'éclairage pour l'apprentissage nocturne du Coran, tout talibé doit apporter son fagot. La<br />

dénonciation des disciples amena le marabout à compter les fagots de bois:<br />

"li dit: " combien étiez-vous à chercher du bois? "<br />

L'lin d'eux dit: " nOliS étions six.<br />

Avec lui cela fait sept!"<br />

li dit: "Cela va être clair tout de suite!<br />

Que chacun des six qui avaient des fagots prenne son fagot<br />

et se tienne de côté."<br />

Chacun des six prit son fagot et se tint de côté;<br />

Alors ils aperçllfent un septième fagot posé à terrc"2<br />

Ebranlés <strong>par</strong> la présence de ce septième fagot, le marabout et ses disciples<br />

décidèrent de faire confiance à Omar. Au tenne de sa troisième année d'une vie tissée de<br />

miracles, Omar fut renvoyé à ses <strong>par</strong>ents <strong>par</strong> son marabout:<br />

2<br />

3<br />

"II se mit à demander au marabout ce que ce dernier ne comprenait pas;<br />

Celui-ci le prit <strong>par</strong> la mai n et le ramena chez 111Îemo Seydou; 1<br />

Il lui dit: "Hé, Thierno Seydou 1" Celui-ci dit: "oui!"<br />

Il lui dit: ''J'ai donné à ton fils ce que je possédais,<br />

que Dieu bénisse cela 1,,3<br />

Tekkere en poular désigne un morceau de lissu ou de sac, quelquefois des<br />

branchettes d'arbre enroulées, que l'on met sur la tête pour poner ulle<br />

charge.<br />

Bâ (K.), op. cit. vv, 271-277.<br />

1d., vv. 282-286.


CHAPITRE 1 - EXALTATION D'UN HEROS<br />

143<br />

Alors, "on donna au marabout son dû, celui-ci retourna chez lui" 1. Par delà<br />

l'ilinéraire coranique d'Omar, ces vers mettent en 1[lInière un aspect du système pédagogique<br />

en vigueur au "Foyer-Ardent"2 En effet, l'école coranique dispensait deux types<br />

d'enseignement: populaire et privé. L'enseignement populaire s'adressait à tous les enfallls<br />

,<br />

de la communauté musulmane. Le marabout devait leur apprendre les rudiments du Coran<br />

dans un régime d'internat. Les élèves travaillaient dans les champs de leur maître et se<br />

nourrissaient en mendiant leur pitance. Bien des fois, le poids du rravaillimita l'acquisition<br />

des connaissances.<br />

S'agissant de l'enseignement privé,appelé ':Iijaar" en poular, les <strong>par</strong>ent<br />

confiaient leur enfant à un excellent marabout afin que celui-ci lui assure une très bonne<br />

fomlation moyennant un payement fixé d'avance, généralement en bovins, ovins, caprins ou<br />

camelins. Logé et nourri <strong>par</strong> le maître, l'enfant ne travaillait pour celui-ci que le mercredi3,<br />

jour férié ainsi que le jeudi. A la fin de son cursus, le talibé, raccompaglIé chez lui <strong>par</strong> son<br />

marabout, offrait à ses <strong>par</strong>ents "Une nuit de Coran"4 : récilation nocturne de tout le Coran<br />

appris <strong>par</strong> coeur. Alors que le marabout recevait à l'issue de la séance son dli, l'heureux<br />

vainqueur des .iOUles se voyait gratifié de cadeaux, sous la forme d'animaux domestiques ou<br />

d'une épouse. Notre père reçut ce type d'enseignement, mais plus tard, devenu maître<br />

d'école, il le pratiqua peu, se contentant plutôt de dispenser un enseignement populaire, plus<br />

Ollvert.<br />

L'épopée du jihâd suggère ces systèmes pédagogiques en vigueur dans les<br />

théocraties soudano-nigériennes. Bien que Cheikh Omar les connlit, ses qualités<br />

exceptionnelles lui pennirent d'en écourter le cursus habituel. Son maître le ramena donc<br />

chez ses <strong>par</strong>enls. Là, il vécut pleinemem la condition des jeunes de son âge.<br />

Aussi, à la tombée des premières pluies, accompagna -[-il son l'l'ère aîné Alpha<br />

Ahmadou au champ pour semer du mil. L'opération consistait à plonger la main dans une<br />

gourde cOlllenant des graines, puis à en extraire une pincée que l'on jetait au fond de poquets<br />

creusés au même moment. Mais Barou, contrairement à l'usage, ne remplissait pas tous les<br />

poquets. Sommé de se justifier, d'après la version de Halwâr, il déclara que sa façon de<br />

semer lui était spéciale. Alpha Ahmadou le menaça d'un bâton et le poursuivit. Dans sa fuite,<br />

Barou enjamba un cours d'eau à la stupéfaction de son frère. Arrivé sur les lieux, leur père<br />

jmerpella le garçonnet en lui promeuant l'impunité 5 Omar enjamba le cours d'eau en sens<br />

invCfse. A la demande de son père, il expliqua la signification de son action: "Je refuse de<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

13;î (K.), op. cil., v. 287.<br />

Kane (c. H.), L'aven/ure ambigüe, Paris, 1961, p.83.<br />

Appelé jour du maître.<br />

Voir Kane (c. H.), op. cil.<br />

Version de Halwâr (texte inédit)


,<br />

CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

remplir certains poquets, car le mil qui en sortira servira à nourrir les singes, les vaches ou<br />

favorisera "le mauvais repas du soir" 1. Explication qui ressortissait à la mystique agricole.<br />

144<br />

La famille d'Omar décida d'éloigner celui-ci du village pour Je soustraire aux<br />

cOll1mentaires et extrapolations que ses prodiges suscitaient inévitablement. Il est connu en<br />

Afrique que l'oeil et la langue dégagent une force maléfique que l'on doit éviter à tout prix.<br />

L'occultation du héros le conduisit en Mauritanie, puis à l'Université cayorienne de Pire<br />

Sagnakhôr, dans l'actuelle région de Thiès au Sénégal. Une tradition très répandue en<br />

Sénégambie rapporte, avec insistance, un des miracles qu'il accomplit dans cette localité.<br />

Omar y étonna maîtres et élèves <strong>par</strong> un prodige gardé jalousement <strong>par</strong> la mémoire collective<br />

de Pire et de Halwâr : alors qu'il lisait sa leçon SUI' une planchelle. on l'entendit crier plus<br />

d'une fois, "kiss ! kiss !"2 Quand on l'illlerrogeait sur le sens de ces mots, il répondait qu'il<br />

chassait les poules qui s'en prenaient au mil de sa mère, située alors à Halwâr distant de<br />

plusieurs centaines de kilomètres de Pire 3<br />

A la fin de ses éludes, Cheikh Omar ayant maîtrisé taUles les sciences<br />

enseignées dans le monde soudano-nigérien, décida d'effectuer le pèlerinage aux Lieux<br />

Saints de l'Islam. Des miracles jalonnelll son trajet dontla somme pourrait occuper plusieurs<br />

volumes. Nous nous contenterons de rapl,oncr les plus pilloresques d'entre eux. Une fois en<br />

Arabie, Cheikh Omar se rendit à Damas Oll il accomplit un prodige, en soignant un prince<br />

alleint d'une folie jugée incurable:<br />

l<br />

3<br />

4<br />

"Le fils du roi de Syrie, olt il séjoumait fUI conduit devant Saïkou Oumar. Il<br />

s'agissait d'un malade mental sur le cas duquel les médecins, guérisseurs,<br />

magiciens et oracles les plus fameux du royaume et des pays voisins, s'étaient<br />

tour à tour vainement penchés. Ses <strong>par</strong>ents avaient fini <strong>par</strong> se résoudre à<br />

J'enchaîner, celle pénible extrémité représentant alors, à leur yeux, le moindre<br />

mal. L'intervention du grand érudit fut radicale et celle guérison spectaculaire<br />

fut considérée comme miraculeuse dans toutes ces contrées"4<br />

Hiraallde bOllllde (Le mauvais rcpas du soir), signifie lilléralemenl lill<br />

repas fatal,puisqu'il se termine <strong>par</strong> des disputes, Ou alors il suscite des mau,<br />

divers tels que diarrhée, colique.<br />

Onomatopée dom on sc sen pour chasser les poules.<br />

Voir aussi <strong>DIENG</strong> (S.), "La légende d'El Hadj Omar dans la lillérature<br />

africaine",· in Allllaies de la Faeu/ré des Lereres el Sciences Humaines,<br />

Université Cheikh Ama Diop, Dakar, N°17, 1987, P 29.<br />

Ly, (Dr. C.), "La légende de Cheikh El Hadj Oum al' Tall",.Communication,<br />

2ème Semaine Culturelle Islamique sur la Vie et l'Oeuvre de Cheikh El Hadj<br />

Oumar Foutiyou l'ail, document ronéotypé, Dakar, 1979,.pp. 3-4.


CHAPITRE (- EXALTATION D'UN HEROS 146<br />

tidj


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 148<br />

Omar, un garçonnet de sept ans, donnait ainsi le sens arithmosophique1 des<br />

nenr premiers nombres, devant l'école coranique de Thierno ['lammât Nguia Thiam, un<br />

maître chevronné. Celle première leçon d'Omar à l'école coranique met en relief son<br />

immense savoir et surtout sa profonde initiation.<br />

L'épopée revient, du reste, à plusieurs reprises sur les qualités intellectuelles<br />

du ·héros. Tout comme il dépassa son marabout initiateur, Cheikh Omar surpassera les<br />

érudits et les rois des pays qu'il visitera plus tard. Ici, la narration épique pré<strong>par</strong>e l'auditoire<br />

à ses développement ultérieurs. Il s'agit là de prévenir les arguments des vaincus qui tentent<br />

de ruiner les fondements théologiques du ji hâd : les dons mystiques d'Omar alliés à sa<br />

profonde science en font un "Imâme" légitime, un directeur de jihâd.<br />

L'originalité du rragment réside aussi dans le fait qu'il bouleverse la structure<br />

du mythe héroïque. En effet, alors que celle-ci place l'initiation du héros à la fin de sa<br />

carrière, l'épopée d'Omar la place au début. Sans doule, la complexité du personnage justifie<br />

un tel traitement du modèle héroïque, appliquant de la sorte, à une destinée <strong>par</strong>ticulière, une<br />

esthétique <strong>par</strong>ticulière.<br />

Malgré tout, Thierno Saïdou prél'éra laisser· l'enfant chez le marabout, le<br />

soustrayant ainsi à l'action maléfique du mauvais oeil et de la langue nocive. Omar mêla, <strong>par</strong><br />

conséquent, sa vie à celle des élèves et put <strong>par</strong>tager leurs joies et leurs misères. Sur le plan de<br />

,'esthétique épique, celle phase correspond à l'occultation du héros, nécessaire à son<br />

épanouissement, mais surtout au mÎl.-issement de ses idées. Les dons d'Omar écourtèrent<br />

son occultation à travers une série d'initiations à la fois progressives el spectaculaires. La<br />

première leçon reçue anprès de i-1ammât Nguia Thiam, et les réactions du garçonnet,<br />

trahissent la fonnation antérieure d'Omar. Celle-ci se confinllera au fil de la narration épique.<br />

Mais, pour mieux mellre en relier l'érudition exceptionnelle du Cheikh, les<br />

chroniqueurs et les griots focalisent leur art sur les joutes oratoires du Caire, opposant le<br />

Lellré nègre aux Ulémas égyptiens. Les différentes versions soutiennent1a victoire d'Olilar,<br />

répondant sans peine aux questions les plus sybillines relatives au Coran, à la théologie et à<br />

la langue arabe. L'étude de ces versions révèle une rone influence de Tawaddud 2<br />

Nous avons recueilli des versions populaires des joutes oratoires auprès des<br />

griots Abdoul Ata, Sidi Mbôthiel, Kalidou Bâ, el des versions savantes auprès des érudits El<br />

{ladj Mamadon i\lxloul Niâgane de Ndioum et Ell-ladj Mâmoudou Dia de Dakar. Toutes ces<br />

L'arithmosophie ou arithmologie désigne la science ou la sagesse des<br />

nombres.<br />

2 Guerreseh (C.l. "Un récit des Mille el Une Nuit Tawaddud -Pelite<br />

Encyclopédie de l'Islam médiéval", in Bullelin de l'l.FA.N, Tome XXXV, sér.<br />

B, nOl, Janv. 1973, pp.58-175.


CHAPITRE 1 - EXALTATION D'UN HEROS<br />

diriger un jihfid.<br />

154<br />

Un tel savant, annoncé <strong>par</strong> l'élève surdoué qu'il avait été, était tout désigné pour<br />

III - UN COMBATTANT DE LA FOI VICrORIEUX<br />

Dans les diverses versions qui composent sa grande épopée, El Hadj Olnl\r doit<br />

son prestige il sa vaste culture, il son expérience, il ses nombreux miracles, mais surtout à la<br />

réussite de son jihâd qui en fit un "Mujâhid al-Akbar" (grand Jihâdiste.) En Lout cas,<br />

chroniqueurs et griots considèrent unanimement que l'érudit et le saint ne faisaient que<br />

pré<strong>par</strong>er le terrain au Mujâhid.<br />

S'inspiranl du modèle prophélique, le jihfid omarien resle un modèle de guerre<br />

sainte réussie de grande envergure. Cela distingue son initiateur dans la foule des saints<br />

confinés dans le "Jihâdu nafs", ou la guerre sainre dirigéc conITe l'âme. Faut-il le rappeler,<br />

l'Islam stipule deux sortes de guerresainle ou "jihâd" ; la grande, dirigée contre les passions,<br />

et la petite, dirigée contre les mécréants ou les païens. Ce n'est qu'après avoir longuement<br />

pratiqué la première, que Cheikh Omar s'adonna il la seconde.<br />

L'Encyclopédie de l'Islam donne du jihfid la définition suivante:<br />

"Djihad, la propagation de l'Islam <strong>par</strong> les annes : c'eslun devoir religieux pour<br />

les Illusldlllans d'une façon générale (jard 'ala'l - Klfaya). Il s'en est I"allu de<br />

peu que le djihad ne devÎlll un sixième Tl/kil, ou devoir fondamental, Cl<br />

effectivement il est regardé comme tcl <strong>par</strong> les descendants des kharidjites. On<br />

est arrivé à cette conception du djihad d'une façon progressive mais rapide" 1.<br />

Pour rester orthodoxe, le jihâd "doit être surveillé el dirigé <strong>par</strong> un souverain ou <strong>par</strong><br />

un Imâme." C'est pourquoi Cheikh Omar se présenta comme un instrument du Tout-Puissant:<br />

1<br />

2<br />

" Ensuite, le Très-Hall! me révéla le lundi 21 Dzoul-qaada 1268 16 Septembre<br />

18521 que j'étais aUlorisé à faire ln guerre sain le.<br />

J'entcndis, en effel, il ce moment la voix divine me crier <strong>par</strong> trois fois: " Tu es<br />

aUlorisé il faire la guerre saillle ! Tu es autorisé à faire la guerre sainte! Tu es<br />

aUlorisé à faire la guerre sainte!"2<br />

Encyclopédie de rtslam, Paris-Leyde. 19[3, Tome l, p. 1073.<br />

Sulenc (J.), url. cil.. p. 142.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 155<br />

L'épopée explique aussi la prise de Karêga <strong>par</strong> le fait qu'Omar était autorisé à faire<br />

le jihâd, puisqu'en ce domaine l'authenticité seule garantit le succès. Karêga résista, malgré les<br />

multiples assauts de la colonne de l'année omarienne, dirigée <strong>par</strong> Alpha Omar Thierno Bayla.<br />

Se sentant un peu perdu, le général se résolut à provoquer son Cheikh:<br />

" Sache que Karêga a refusé Ide se rendre] . Or, c'est toi qui avais dit que tu es<br />

autorisé à faire le jihâd" 1.<br />

Ces propos suscitèrent l'effet désiré; la colère du Cheikh, qui se traduisit <strong>par</strong> la<br />

mobilisation de son génie.<br />

" Je le jure <strong>par</strong> Allah que je ferai savoir à Alpha que je suis autorisé 1il faire le<br />

jihâdJ.c.<br />

Je jure que j'ai une autorisation authentique de conduire le jihâd"2<br />

C'est en prononçant certaines oraisons à l'approche de Karêga que Cheikh Omar<br />

réussit, sans coup férir, à p\llvériser la forteresse de la ville et à faire écrouler les maisons.<br />

L'épopée brosse discrètement la défaite et l'humiliation des habitants:<br />

"Tu prenais celui-ci et tu l'attachais"3<br />

Mais la conduite du jihâd nécessite aussi d'autres préalables:<br />

" Le peuple contre lequel est dirigé le jihâd doit être invité à embrasser l'islam;<br />

En cas de refus, il a le choix entre deux alternatives: ou bien se soumettre il la<br />

domination musulmane en devenant "dhimms" et payer la "djizya" ou bien<br />

combattre"4<br />

Cette clause est bien attestée <strong>par</strong> la narration épique du jihâd omarien, qui en fait,<br />

du reste, la condition sine qUil flon de l'invasion de tout pays <strong>par</strong>. le Cheikh:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

" Il traversa Je fleuve au niveau de Djâkalel.<br />

Djâli Mamadou le païen;<br />

MbôLhicl. (S.), vv. 477-478.<br />

Id., VV. 514-516.<br />

Ibid., v,569.<br />

Encyclopédie de l'Islam,op.cit., p.IO?3.


CIIAPlTRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

Ille sennonna , mais celui-ci refusa, il le tua.<br />

Soungourou Bâ Bodian, le païen;<br />

Ille sennonna, celui-ci refusa, il le tua.<br />

Bodian Bâ Soungouroll. le païen;<br />

Ille senllonna, celui-ci refusa, il le tua"I<br />

J 5 6<br />

Il Y a là une énumération de rois tués pour avoir refusé d'obtempérer aux sellllon,<br />

du Cheikh. Cela se traduit, sur le plan sémantique, <strong>par</strong> l'opposition de "senllonna" et de<br />

"païen" ; la solution se rrouvant dans le verbe tuer, placé à la rime pour répondre aux noms des<br />

souverains, placés à l'ouverture des vers. Il ne s'agit pas d'un affrontement brutal d'intérêts,<br />

mais plutôt d'une guerre de religion, menée en toute légitimité.<br />

C'est dans ce cadre que se situent aussi les deux dernières batailles du jihâd<br />

Ségou et Thiâyawai. Pour les versions de l'épopée omarienne, tout comme pour l'histoire, du<br />

reste, les causes de ces affrontements se trouvent dans le statut du roi de Ségou, Ali Da<br />

Monzon; païen pour Cheikh Omar, musulman tiède pour Ahmadou Ahmadou. Hammât <strong>Samba</strong><br />

note à ce propos:<br />

" Cheikh écrivit une lettre qu'il confia à quelqu'un afin qu'il la lui [Ahmadou<br />

Ahmadouj remette.<br />

Il dit: "Ahmadou, Cheikh Omar en personne te salue.<br />

Il a chassé là-bas un païen qui a passé la nuit chez toi. Convertis-le ou alors<br />

remets - le lui afin qu'il le convertisse pour te le renvoyer.<br />

S'il refuse, qu'il l'égorge afin de réformer la religion d'Ahmadou." Ahmadou<br />

Ahmadou dit:" Je ne convertis pas, il ne le convertit pas"2<br />

Le combat devint alors inévitable. Il se tenllina <strong>par</strong> la victoire, non point du<br />

Cheikh, mais de la religion; d'après le Mujâhid :<br />

" J'ai lllé celui qui a donné refuge et celui qui a demandé refuge. Tous les<br />

deux, ô Ahmadou.<br />

Moi Cheikh si seulement je tue un païen, alors, mon coeur est satisfait"3.<br />

Enfin, le jihâd a aussi ses mérites: "Un musulman qui meurt en combattant "dans<br />

la voie d'Allah" (fi sabil Allah) est un m,myr (Shahîd) ; il est assuré d'aller au Paradis et d'\,<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Mbôlhicl (S.), Corpus, vv. 87-91.<br />

Ly. (H. S.), Corpus, vv. 48 - 53.<br />

Id., vv. 116-117.


CHAPITRE 1 - EXALTATION D'UN HEROS 159<br />

qui s'aiment les uns les autres, qui s'eutraident en toute a/Taire de ce lllonde, qui se lèvent<br />

avant le jour Ipour prierl, qui se donnent des biens les uns les autres et qui ne sont pas<br />

<strong>par</strong>esseux" 1.<br />

La spécificité de la mission nécessitait des qualités exceptionnelles. Malgré<br />

tout, la condition humaine reprenait ses droits. Dès lors la narration épique, en passant en<br />

revue la composition des jihâdistes, se plaît à diversifier leur origine et juxtapose, au hasard,<br />

nobles, esclaves, hommes de castes, preux, traîtres, érudits, dévots... Ainsi, le<br />

compagnonnage épique se lllultipite et joint au héros des milliers de preux, et des ccnraines<br />

de chefs qu'il est impossible d'étudier ici clé façon exhaustive. Néanmoins, l'analyse des<br />

figures les plus saillantes donne une cenaine idée de l'ensemble.<br />

D'une manière générale, la foule de personnages conjoints au héros pose un<br />

problème de taxinomie, puisqu'elle validc l'emploi de plusieurs méthodes d'analyse<br />

découlant de l'existence de plusieurs critères de classification. Cependant, une typologie<br />

cohérente se dégage du vécu individuel de l'héroïsme collectif. Elle s'ordonne autour de<br />

deux rubriques: l'élan mystique et j'héroïsme païen. La cohérence du projet implique sa<br />

propre démarche.<br />

1- L'ELAN MYSTIQUE<br />

De ce groupe d'assoiffés d'absolu se détache le général en chef de l'armée du<br />

iih:îd : A/pha Oll/llar Tilicmo Bay/a Walle de Kanel, membre de l'aristocratie lOucouleuL<br />

L'érudit Oumar Bayla, recruté en 1846, fut d'abord élevé au grade de "Moqaddem,,2, puis à<br />

celui de général de l'armée du jih:îd. Il fUI surnommé "juumo" à cause de son teint<br />

<strong>par</strong>ticulièrement foncé! C'esl là un des rares détails physiques que souligne l'épopée, 'fidèle<br />

en cela aux règles du genre, plus narratif que dcscriptif 3<br />

Alpha devint très rapidement le 'confident de Cheikh Omar et l'homme dcs<br />

missions délicates. Il fUl plus d'une fois envoyé au Foula-Toro pour faire émigrer des<br />

fidèles. Dès son arrivée à Djegunko, de retour du Fouta-Toro, Cheikh Omar chargea Alpha<br />

Oumar d'une mission:<br />

1 Gadell (IL), op Cil., p. 97, vv. 576-579.<br />

2 Dignitaire de l'ordre mystique Tidjilne.<br />

:J Voir Dieng (S.)," Alpha Ournar Thierno Bayla, général de l'armée ct érudit<br />

du jihâd omaricn". communicalion à la Semaine CullUrcllc sur la vie l:l<br />

l'œuvre d'Alpha Oumar Thiemo Bayla Wane : Dakar, MBoumba, Kanel, du 03<br />

au 07 Déc.,1988.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 165<br />

jusqu'à ce jour à un hôte nommé 'Tidjâni" d'être reçu dans certains villages maciniens. La<br />

Irac1ition orJle est fOffilelle :<br />

"Tidjâni rassembla immédiatemenl son armée et <strong>par</strong>tit pour Déguembéré. Il y<br />

arriva comme Sidia faisait la prière du soir, l'allaqua aussitôt et le ballit. Tout<br />

à la dispute du malin, Balobbo n'intervient pas. Tidjâui poursuivil Sidia, le<br />

défit de nouveau le lendemain à Goundaka et dîna de son chameau, dit la<br />

légende. Sidia s'enfuit à pied. Tidjâni revilH à Déguembéré ; Balobbo s'y<br />

lfouvait, la montagne brûlait encore. Il ballit Balobbo et le chassa jusqu'au<br />

fleuve. Balobbo s'enfuit en pirogue. Tidjâni s'installa à Fatoma et y fit un<br />

grand tas


CHAP[TRE [- EXALTATION D'UN HEROS 167<br />

Un autre disciple de Cheikh Omar a des égards: " Le nommé Abdoullahi<br />

Haoussa que la religion a empêché de rester dans son pays natal, à cause du <strong>par</strong>adis"l Cet<br />

homme originaire de Sokoto se nommait Abdoullahi Seïdou Fodiya Dem, de [a même<br />

famille qu'Ousmane Fodiya Dem, bien que ne descendant pas du même "Fodiya", titre<br />

décerné à un érudit en haoussa, équivalant à Thierno en poular. Sa présence dans le jihâd<br />

internationalise le mouvement ommien, et donne au récit du poète épique plus de couleur<br />

locale.<br />

Ces compagnons, auxquels s'ajoutent des centaines d'autres, forment une<br />

sorte de sentinelle qui veilla sur le jihâd dans les domaines intellectuel et spirituel. Le jihâd<br />

cite Thierno Seydou, maître d'école des enfants de Cheikh Omar, mais surtout Ahmadou<br />

Almamy Alassane, émissaire du Cheikh à Hamdallahi dont le savoir et l'éloquence<br />

fascinèrent les érudits maciniens :<br />

"Ceux -là s'en retournèrent, il (le Cheikh) mit avec eux ces envoyés<br />

qui ont la baraka, Khalidou, un homme de bien, intelligent qui ne se trouble<br />

pas, et Mohammadou, fils de Tyêrno Alhassan Baro;<br />

C'est un savant qui comprend, à la langue courageuse qui ne bégaie pas.<br />

Nous allâmes avec eux jusqu'à Hamdou. Lorsqu'on fut arrivé, aussitôt les<br />

pays furent convoqués,se rassemblèrent, la preuve fut alors donnée.<br />

Louange à Mohammadou Alhassan, ton Talibé,[ô Cheikh].<br />

C'en est un à qui on a rendu témoignage au Macina, ceci n'est pas rien.<br />

Des versets Idu Coran] et des traditions furent cités et compris;<br />

Les promesses [ de récompense dans "autre monde] et les menaces Ide<br />

châtiment), les récits historiques, tout cela fut commenté devant lui<br />

(Ahmadou) jusqu'à ce qu'il connût le travail qu'il travaillait jusqu'à ce qu:il<br />

eût versé des larmes abondantes en reconnaissant ce qui ne sera jamais bon<br />

[dans sa conduite["2<br />

Il est intéressant de com<strong>par</strong>er celle relation de la mission du savant mpportée<br />

ici <strong>par</strong> l'épopée savante, ,lvec celle de l'épopée populaire:<br />

1<br />

2<br />

"II dit oui, qui d'autre '1"<br />

Ahmadou Almamy Alassane se leva.<br />

Il se mit à réciter le Coran, celle <strong>par</strong>ole d'Allah.<br />

Gaden (H.), op CiL, v. 428, p. 72.<br />

Id., vv. 1000-1005, pp. 172.173.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

Mody refusèrent d'obéir et restèrent à cheval. Selon Mage "le choc eut lieu, violent, irrésistible.<br />

L'infanterie du Macina fut culbutée, plus de la moitié de la cavalerie prit la fuite" 1. Pour<br />

magnifier la désobéissance des deux valeureux combattants plus attachés à l'héroïsme qu'au<br />

respect des ordres du jihâd, La Qacida en poular, fonne un vers martelé <strong>par</strong> la Diple répétition<br />

de l'indéfini "on", comme pour exclure les preux de l'action peu glorieuse qu'elle narre: "Alors<br />

on descendit de cheval, on se mit à dire le dzikr, on fila"2 On se doute bien que les<br />

"récalcitrants" à cheval n'eurent pas le temps de se livrer au "dzikr"- prière.<br />

169<br />

La version de Sidi Mbôthiel qui tire son originalité de son <strong>par</strong>ti pris<br />

anachronique, fait de Koly Mody un émissaire du Cheikh au Macina pour mieux dramatiser les<br />

vertus guerrières du prince, maître de l'équitation et du fusil:<br />

"Koly Mody Sy se "leva droit.<br />

Il dit: "Apportez-moi mon cheval", le destrier fut apporté et fut attaché très<br />

solidement.<br />

Il dit: "Donnez-moi trois fusils"3.<br />

Le prince du 13oundou, tel un magicien, réussit ainsi à séduire le Macina:<br />

"II plaça l'un des fusils devant Ahmadou Ahmadou,<br />

l'autre, il le plaça au sol, plus loin,<br />

Le dernier, il l'emporta alors qu'il faisait galoper son cheval'04<br />

Alors que ses coups de fusil tonnaient de <strong>par</strong>t et d'autre, en plein galop, "Koly<br />

Mody Sy se leva droit comme une tige de mil"S. Le Macina ne put s'empêchcr d'admirer une<br />

adresse qui confinait à la prestidigitation:<br />

démonstration de tir :<br />

"...Oh! quelle adresse à cheval!<br />

Un homme debout sur un cheval, semblable à une tige de mil récoltée"6<br />

Puis, le prince fit aux lanciers du Macina, peu habitué au fusil, une<br />

1 Mage (E.), op Cil..<br />

2 Gaden (H:{' op Cil., v 1048, p. 181.<br />

3 Mbôthiel (S.), vv. 1169-1171.<br />

4 Id., vv. 1173-1175.<br />

5 Ibid., v. 1180.<br />

6 Ibid., vv. 1181-1182.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

"Ils virent le fusil en train de virevolter.<br />

Koly Mody se pencha vers Je sol, il traîna lajambe gauche à terre.<br />

I! tira la selle, à ce moment le fusil retombait.<br />

I! Je saisit,<br />

Tira un coup en direction du sol,<br />

le coup fil :"garII "<br />

Là encore le Macina ne réussit point à retenir son souffle:<br />

"... Voyez, quel prodige!<br />

Voyez comment le Toucouleur s'amuse sur un cheval"2<br />

170<br />

Koly continua son jeu, el le Macina en fut sérieusement ébranlé. L'effet<br />

psychologique désiré étant atteint, le guerrier dit:<br />

"Oh, en réalité, voilà ce qu'on m'avait chargé de faire"3<br />

C'est pourquoi l'assistance, ne pouvant récuser les commentaires du griot, les<br />

reçut avec réserves, surtout lorsqu'il affimla l'existence de jihâdistes plus valeureux que<br />

Koly Mody Sy<br />

"HoLllme peul rega.rde moi ...<br />

Les spécialistes de l'équitation ne sont pas venus.<br />

Les spécialistes du fusil aussi ne sont pas venus..."4<br />

L'art oratoire du griot complète ici, sur un autre plan, la manoeuvre militaire<br />

du prince peul. Il s'agit de désamorcer la détemlination des lanciers maciniens et d'apeurer<br />

leur roi. Plus épique qu'historique, la version de Sidi Mbôthiel peint Koly Mody sous les<br />

traits d'un prince dévoué à son Cheikh. Cependant, à la veille de son dé<strong>par</strong>t pour<br />

Hamdallahi, il avait dit à son Cheikh:<br />

"Quand tu [Cheikh OmarJ vins au Boundou,<br />

tu trouvas que mon père était roi,<br />

Mbâthiel (S.). vv. 1184-1188.<br />

2 Id.. . v. Il 89.<br />

3 Ibid., v. 1201.<br />

4 Ibid., vv. 1214-1215.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

" Mais Karounka est D'ès têtu."<br />

Sirakhonté lui dit:<br />

174<br />

" Karounka n'est pas têtu, seulement vous n'avez pas encore découvert ses<br />

astuces.<br />

Karounka possède une femme djinn appelée N'FENE Diarra, C'est elle qui a<br />

donné un gris-gris protecteur à Karounka<br />

Elle n'a qu'un sein.<br />

Elle lui a remis sept cure-dents...<br />

On les coupe vers dix-sept heures, ils ont la longueur de sa main, ils doivent<br />

passer la nuit auprès de lui: le matin après le réveil, il doit se curer les dents<br />

jusqu'à ce qu'ils aient la dimension de son auriculaire.<br />

Tout homme qu'il combat, il le vaincra.<br />

Mais s'il n'achève pas Iles sept cure-dents!. toute personne qu'il comballra le<br />

vaincra" 1.<br />

Alors, Ardo confectionna une balle magique et la remit à Lamba Bôkar Thiam<br />

qui, aux termcs de l'opération synchrétiqne, devait être le bourreau et la victime dc<br />

Karounka. L'issue du combat fut fatale aux deux braves:<br />

"Lamba tomba de l'autre côté<br />

Karounka tomba de ce côté-ci"2<br />

Le griot de Karounka, Diâwoy Samfi, se tenant entre les deux cadavres,<br />

entonna un hymne il la gloire de son seigneur:<br />

" On ne peut être plus brave!<br />

Tuer l'homme qui vous a tué, tu es le premier il avoir fait cela.<br />

Diawara ! Même si tu meurs, tu n'apportes plus désormais la home dans l'au­<br />

delil"3<br />

Pour vaincre un tel preux, il fallut découvrir ses astuces puis les déjouer. On<br />

"é manquera pas dé rapprocher le nom de l'épouse surnaturelle de Karounka, NFENE<br />

UlARRA, de celui poné <strong>par</strong> les princes du royaume bambara de Ségou. L'épopée semble<br />

;uggérer, à sa manière, la collusion de fait liant Karounka à Ali Diarra de Ségou. La victoire<br />

2<br />

3<br />

Dieng (S.), Thèsc de IlIème cycle, Dakar, 1984, VV. 1278-1284, p. 253.<br />

Id., vv. 1321-1322, p. 261.<br />

Ibid., vv. 1324-1325, p. 261.


C1IAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

175<br />

du jihfid, résultant du concours de l'ensemble des comballanls de la foi, eSlplus imputable au<br />

groupe qu'à la seule personne d'Ardo Aliou, bien qu'il soit un preux intraitable.<br />

L'héroïsme ignore royalement les clivages ethniques et les stratifications<br />

sociales. Il ne connaît que la valeur. Sous ce rapport, la geste du jihfid réserve une place<br />

spéciale à Kouroubatou ou Batou Dembélé, sofa (esclave) de Cheikh Omar, ancien captif de­<br />

Yamfélé Thiénw, le roi massassi . A Thiâyawal, la lutte entre le FOUla el le Macina fut<br />

précédée du combat symbolique des esclaves d'El Hadj Omar et d'Ahmadou Ahmadou, qui<br />

se solda aussi <strong>par</strong> un match nul plein de signes prémonitoires. Chaque chef ordonna à ses<br />

hommes d'enterrer son esclave. Ce fut le début des hostilités. La Qacida en pOl/far n'a pas<br />

oublié l'un des meilleurs sofas du Cheikh:<br />

"Sofas faites tous vos efforts, vous serez fennes jusqu'à aller ficher en terre<br />

Kouroubatou Dembélé, le brave qui n'a pas peur,<br />

Celui qui dit toujours le dzikr, le véridique dans Isonl amour du Cheikh et qui<br />

ne "uil sera pas hostile,<br />

Celui à qui on a rendu témoignage dans tous les combats, et ceci n'est pas<br />

rien" 1.<br />

terre") <strong>par</strong> ses pairs.<br />

esclaves, Bâtou et Yerngha:<br />

Cette injonction de Cheikh Omar fut exécutée et Batou fut enterré ("fiché en<br />

Sidi Mbôthiel décrit avec beaucoup de pittoresque le combat des deux<br />

"Yerngha se dirigea vers Bâtou, Bâtou se dirigea vers Yerngha.<br />

Le preux et son homologue se virent.<br />

Yerngha se tint sur les étriers, très allentif<br />

Yerngha, l'œil vif, le doigt près de la gâcheue.<br />

Alors Yerngha décrocha sa flèche.<br />

BaloU Dembélé chercha la gâchette, son coup retentit.<br />

La lance de Yerngha arriva el se posa au milieu de la tête de Bûtou.<br />

Le coup de fusil de Bâtou alleignit Yerngha.<br />

Les deux preux tombèrent à la renverse, l'un à la suite de l'autre"2.<br />

Gadcn (H.): op cil.., vv. 1033-lü34, p. 178.<br />

2 Mbôthic! (S.), vv. 1564-1572.


CHAPITRE [- EXALTATION D'UN HEROS 176<br />

Malgré son anachronisme habituel, la narration de Sidi se rapproche ici de la<br />

vérité historique En effet, bien qu'amlé d'une lance, c'est Yerngha qui prend des initiatives,<br />

..'tlscilant ainsi la réaction de BâIOU, nanti de fusil. De même, c'est le Macina, terre<br />

d'excellents lanciers. qui provoquera les jihâdistes, munis de fusils et de "boucs du<br />

gouverneur", c'est-à-dire de canons arrachés à l'armée coloniale au cours d'une<br />

échauffourée. Chaque chef réclama son esclave et ce fut un carnage:<br />

"Le Fouta se leva vivement, le Macina se leva vivemel1t.<br />

Que Dieu nous assiste!" J.<br />

Alors :"Le Fouta et le Macina s'empoignèrent.<br />

La poudre gronda entre eux"2<br />

Le nom dc BâlOu Dembélé et de Yerngha, son vis-à-vis, resteront à jamais<br />

attachés à la batai.lle de Thiâyawal. Ils permettent aussi aux artistes et chroniqueurs du jihâd<br />

omarien, de varier les perspectives à l'aide de personnages situés à tous les niveaux de<br />

l'échelle sociale.<br />

Mais Je jihâd omarien, étant <strong>par</strong> définition un vaste mouvement de lutte, ne<br />

pouvait manquer de sécréter, de l'illlérieur même, ses propres contradictions. C'est ainsi que<br />

la légende rapporte que Mamadou Isma'ila <strong>Samba</strong> Ciré rellseigna les Peuls au prix d'une noix<br />

cl


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

"Djali Mamadou, le païen<br />

Il le sennonna, mais celui-ci refusa, il le tua.<br />

Moriba Saféré, le païen;<br />

Il le semlOnna, celui-ci refusa, il le tua.<br />

Soungourou 13â Badian, le païen;<br />

Ille sermonna, celui-ci refusa, il le tua.<br />

Il prit Diara à Kougnakâri, il y construisit une grande mosquée.<br />

Il tua Gharangué Diara à Yélimané,<br />

Guélâdio Dêssé à Diongoye,<br />

Mâmoudou Dêssé à Kolomina,<br />

Mbandiougou Diara du Guimbanna,<br />

Mânmdy Kandia à Nioro,<br />

Barka à Madina Alahêri" 1<br />

La magie du verbe pousse le griot à varier le ton et le rythme de ses versets. A<br />

un début halelant où le deuxième vers revient maneler la victoire, succède une fin plus<br />

brutale certes, 'mais aussi plus sobre et plus discrète: le verset se réduit alors à une<br />

juxtaposition du souverain à sa localité avec ellipse du verbe principal. De même, pour<br />

chanter le règne d'Ahmadou Ahmadou, jeune prince qui préféra à l'austérité des fondateurs<br />

de la Dina, les délices qu'offre le pouvoir royal, Sidi Mbôthie\ essaie d'imiter la musique des<br />

griots du Macina. Sa réussite est admirable :<br />

"kikka kaa waaja; ka"na waaja,<br />

kikka keke waaja, keke neeri waaja,<br />

kikka keke, kikka kaka,<br />

kikka kaalu. kéké waaja"2<br />

Ces sons, dépourvus de sens précis reproduisent une mélopée au son du<br />

"naaî1ooru", guitare simple dont on joue à l'aide d'un archet, très prisée des Peuls nomades.<br />

l'.n


CHAPITRE [- EXALTATION D'UN HEROS<br />

Ne savez-vous pas que c'est le Cheikh qui a détruit Goufadé.<br />

C'est le Torodo qui a détruit Djanguirdé.<br />

C'est le Che*h qui a détruit Ghégné et l'a communiqué à Ghégnêba.<br />

C'est le Torodo qui a détruit Farabanna.<br />

Le Cheikh a traversé le gué de Diâkalelle.<br />

En réalité méfiez-vous dll Riche, du Savant.<br />

En réalité méfiez-vous de lui" 1.<br />

181<br />

Un homme de la trempe de ce Cheikh, pourvu de science et doublé d'un chef<br />

victorieux, doit inspirer plus que de la méfiance. Le roi du Macina ne s'y est pas trompé.<br />

L'ardeur et le zèle de Farba lui suscitent aussitôt une belle périphrase qui lui vaut<br />

l'appellation" un individu qui <strong>par</strong>le pour se faire payer"2. Ayant apprécié son laient: "que tes<br />

<strong>par</strong>oles sont délicieuses"3, Ahmadou III récompensa ainsi Farba Gouwa:<br />

"Je t'ai donné cel1l vaches avec des boeufs<br />

Oh ! ta <strong>par</strong>ole vaut même plus.<br />

Ta <strong>par</strong>ole vaut même plus! ,,4<br />

Cette récompense réveilla le vieux démon du griot: son ingratitude légendaire.<br />

Alors Farba se retourna COnlre son Cheikh:<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

"Donc malgré l'ampleur de mon exaltmion,<br />

et je n'ai point fini de l'exalter,<br />

Mais il ne m'a donné qU'1II1 petit cheval 1<br />

l'ire encore, le petit cheval est borgne.<br />

Pis encore, il ya écrit son nom.<br />

Même si je le vendais, personne n'oserait l'acheter.<br />

Je ne vois comment rester ailleurs, alors qu'ici on donne au griot cent vaches.<br />

Sachez que sije retourné, je reviendrai ici<br />

C'est là que je vais habiler"5<br />

Mbôlhicl (S.), vv. 1293-1311.<br />

Id.. v. 1317.<br />

Ibid., v. 1315.<br />

Ibid., vv. 1317-1319.<br />

Ibid., vv. 1327-1333.<br />

.'.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 182<br />

Le griot oppose la générosité clu peul il l'avarice du Torodo et, cie façon<br />

générale, l'ant:ienne noblesse du Peul, fondée sur la propriété bovine, il la nouvelle noblesse<br />

lorodo, fondée sur le Livre, donc sur la mendicité, puisque c'est Allah qui pourvoit aux<br />

besoins matériels du lelLré. Mais Farba est de mauvaise foi, puisqu'avant de venir en<br />

ambassade, il avait exigé et obtenu de son Cheikh quelques grammes d'or. Dans tous les<br />

cas, l'Emir du Macina s'empressa d'exploiter la confusion que les vaches offertes au griot<br />

ont suscitée en lui:<br />

"Je le jure <strong>par</strong> la magnificence d'Allah, dit-il à Farba, si tu habites ici ...<br />

A la fin de chaque mois, je t'offrirai cent vaches" 1.<br />

L'épopée.toucouleur semble retléter ici l'épopée du Macina qui réduit le jihâd<br />

omarien à une entreprise d'exploitation polilico-économique. Elle abandonne ainsi sa propre<br />

création pour se couler dans le lit de l'intertexte des épopées peules.<br />

Au lotal, Farba Gouwa, <strong>par</strong> ses multiples réactions el interventions, résume le<br />

personnage du griot traditionnel islamisé. A la rencontre de celle doublé mouvance, il nous<br />

donne le témoignage d'un art il la fois vivant el aecompli. Notre revue des personnages<br />

conjoints au héros de l'épopée du jihâd, loin d'être exhaustive, s'est arrêtée à quelques<br />

figures exemplaires. L'étude systématique de l'ensemble des personnages serait il faire pour<br />

une meilleure connaissauGe historique et épique du jihâd om,trien. Issus de toutes les couches<br />

cie la société, les personnages conjoints Ont une ligne de eonduite commune: ne clevoir sa<br />

bonne renommée qu'à son unique mérite. L'histoire fournit iei prétexte à la légende.<br />

Ainsi, au fort du jihâd, quand Cheikh Omar voulut se renùre au Fouta pour<br />

recruter des solùats, il éprouva ses compagnons en leur confiant la délicate mission de le<br />

remplacer un temps. M,lis qudle fut sa joie ùe eünstater, à son retour, que ses suivants<br />

étaient capablés cie commanùer! Quand Cheikh Omar revint, il ne manqua pas ùe les féliciter<br />

pour avoir convenablement administré leur zone: il s'agit ù'Alpha Oumar à Nioro, et Chef<br />

suprême pendant la ùurée de son absence, Thierno Djiby à Kouniakflri, Djoubaïrou Bonbou<br />

au Diafounou, Thierno Amadou à Kagnaremmé, Modi Mohammaùou Fakhou à Yoguiré,<br />

Souleymane Bâba Râki, à Diâlla, Oumar Lamine à Guénunoukoura, AbdouJaye Haoussa à<br />

lJianguirdé enfin Abcloulaye Ali au Bakhounou. L'exercice du commandement sans bavure<br />

leur valut il chacun 1111 fragment épique.<br />

L'épopée du jihâd présente une humanité vivant un héroïsme bipolaire, dont<br />

les ùeux pôles antagonistes, mais complémentaires, oscillent du paganisme au religieux. La<br />

lutte contre le paganisme dominant la geste, la dichotomie majeure dans la revue des<br />

Voir Baudoin (C.), Le triomphe du héros, Paris, 1952, p. l-ll.et Vries (J.),<br />

fleroic Song and leeroic legend, New-York, 1978, pp. 211-225.<br />

. ,


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 183<br />

pèl"sonnages rcste l'opposition entre les pieux et les timorés. Mais cc qui caractérise<br />

paniculièrement notre épopée demeure le triomphe solaire du divin sur la bassesse de la<br />

matière, "le salut d'un peuple arraché à l'immobilité du marasme, aux étreintes des forces<br />

inconscientes"l. Le héros reprend alors sa place au sein des opinions flotlames des<br />

mythologues qui le situent entre le dieu déchu et l'homme promu.<br />

Ill- IMPLICATION DES PERSONNAGES DANS L'ACTION.<br />

L'inventaire des traits psychologiques des personnages doit être complété <strong>par</strong><br />

leur analyse. Celle-ci peut s'appuyer sur l'élUde du rapport des personnages à l'action et sur<br />

leurs relations réciproques. Une telle approche met aussi en relief les procédés <strong>par</strong> lesquels<br />

les auteurs valorisent les traits du héros principal, ou font valoir les relations qui unissem<br />

entre eux les personnages conjoints. Notre tâche se réduit alors, en gros, à observer les<br />

personnages de l'épopée du jihâd "en situation", étant entendu que seule l'action éclaire leur<br />

caractère. Les Anciens étaient fonnels sur ce plan: dans la Poétique aristotélicieillle, la notion<br />

de personnage est secondaire, elle reste entièrement soumise à la notion d'action. Aristote<br />

estime qu'il peut y avoir des fables sans "caractères" , mais qu'il ne saurait y avoir de<br />

caractères sans fable.<br />

Dans l'épopée du jihâd, les caractères som <strong>par</strong> avance netlemem affitmés, et<br />

l'action les confirme en les éclairant grâce aux mécanisme éprouvés d'une création épique<br />

dynamique. El Hadj Omar demeure le pivot autour duquel se distribuent les autres<br />

personnages de son épopée, quels que soient <strong>par</strong> ailleurs leurs mérites respectifs, ce que<br />

rellète aussi la disproponion qui se note au niveau de l'étude des personnages. L'ensemble,<br />

solidement structuré, se fOffiwlise dans une narration ou des réseaux complexes, mais<br />

:;olidaires, tissent entre eux, au niveau de l'action, des rappons syntagmatiques tels que<br />

J'enchainement chronologique, causal et <strong>par</strong>adigmatique comme la défaite, le défi, la<br />

démesure, les joutes, le succès, la vengeance.<br />

Mais l'action reflète, avant tout, la triple figure que l'épopée du jihâd donne à<br />

son Cheikh: énldit, saint, et jihâdiste :<br />

"L'enfant d'Halwâr, le pèlerin, le marabout conquérant<br />

Celui qui a passé <strong>par</strong> les trois métamorphoses de la vie<br />

Pour enfin devenir Mujâhid, le Conquérant de la foi"2<br />

t Diarassouba (C.), La grande Epopée d'AI Hadj Omar, Bamako, s.d., p. 49.<br />

2 Bâ (K): vv. 177-182.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

Son initiation au Coran dévoile l'érudit hors pair:<br />

"Le père le prit <strong>par</strong> la main,<br />

Il dit: maintenant tu vas commencer à élUdier.<br />

Il l'emmena chez un marabout,<br />

Il 'UTiva et dit: marabout, enseigne à mon fils!<br />

184<br />

. Ce dernier dit: Thierno Seydou, un enfant qui ne sait pas compter, que lui<br />

Oumar dit: marabout, commençons, je vais essayer '"<br />

Quelle fut la surprise du marabout, quand il se vit réduit, avec son école<br />

cOranique, au rang d'élève <strong>par</strong> Omar le disciple surdoué qui, refusant le sens arithmétique<br />

des dix premiers chiffres, se livra il une série d'analyses arithmosophiques. A la fin de sa<br />

démonsrration, le marabout déclara après que son étonnement fut passé:<br />

'''Le marabolllmit sa main sur sa bouche.<br />

Il dit: hé Thierno Seydou ! celui-ci dit: oui!<br />

Il dit: ramène ton fils, il m'a dépassé en savoir! "l,<br />

Il n'y a rien d'étonnant pour l'âme qui volait entre ciel et terre avant de<br />

s'incarner, que de déchiffrer le sens caché des nombres. On sait <strong>par</strong> ailleurs, dans les<br />

",,,litions mystiques, que les nombres régissent le COSlllOS. A <strong>par</strong>tir de là, Omar va cheminer<br />

sur les sentiers de la connaissance, accumulant palmarès et victoires au gré des<br />

circonstances. La relation de son épopée insiste sur ce point <strong>par</strong>ticulièrement :<br />

"Omar l'ail a baltu le long sentier de la connaissance<br />

En jetant le Lrouble dans les puits de science d'Orient<br />

Confondant les théologiens d'Alhazar, de Jérusalem.<br />

Il a percé le secret du très sacré Jawahir-AI-Maâni"2<br />

La progression de la narration s'explique <strong>par</strong> les dons immenses du pèlerin<br />

prestigieux, lesquels lui facilitent l'accès à la connaissance. Dès lors, son triomphe aux<br />

ioutes oratoires du Cain: confirme le reflet de l'érudition et de la sainteté du marabout peul<br />

,'ur t'univers intelleclLlei de l'époque: l'université d'AI-Azhar symbolisant alors le lieu idéal<br />

dt la science. On voit ainsi que l'épisode du Caire, dans les récits de la geste islamisée, loin<br />

1<br />

2<br />

Diarassouba (C.l, vv. 244-246,<br />

Id.. 1'.23.


i<br />

t<br />

CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 185<br />

d'"pp"r"ître COI lime une étapc exotique, trouva sa juslilïcation dans la volonté des griots et<br />

des chroniqueurs de mieux mOlltrer la mise en action des qualités morales et intellectuelles du<br />

héros, déjà annoncécs dans la séquence de son initiation au Coran.<br />

Cependant, malgré la figure allachante de l'émdit, c'est celle du jihâdiste qui<br />

mauifeste le mieux la trilogic formée <strong>par</strong> le savant, le saint et'k Mujâhid, où s'enferme la<br />

psychologie du Cheikh. La conquête du pays bambara, relatée <strong>par</strong> Fanta Damba, interprète<br />

émérite de la chanson traditionnelle malienne, met en gros plan la valeur militaire du<br />

conquérant ainsi que la cohésion de son armée:<br />

"Le Cheikh Omar arrive devant Merkoya<br />

Le Cheikh Omar défait l'année Bamanan<br />

Et le Chef Katilia le cou sé<strong>par</strong>é<br />

Des épaules se rejoignant.<br />

Le Cheikh Om"r dans le Bélédougou<br />

Le Cheikh Omar défaill'année Bamanan .<br />

Et le Chef Karounka a le cou sé<strong>par</strong>é<br />

Des épaules se rejoignant.<br />

Deux lieutenants de Bina Ali tombent<br />

Comme caïlcédra\s dessouchés.<br />

Olli ! Bagui ct Bonoto rendent l'âme<br />

Sous !cs sabots (ks chevaux déchaînés.<br />

L'armée du Cheikh marche SLIr Niamina<br />

Ni"mina tombe daus le flot prosélyte.<br />

C'est alors qLI'à travers le Faladougou<br />

Le Cheikh Omar arrive devant Woïtala,<br />

Où l'allend Tata, fils de Bina Ali" 1.<br />

Dans cette recréation poétique de l'épopée du jihâd se noie la vaillance d'Omar<br />

d la solidarité de son anliée qui permet au jihâd de remporter des victoires fulgurantes.<br />

L'aniste accélèn; ici son récit pour traduire la pesanteur de l'année du jihâd. Pour suggérer la<br />

corrélation cxistaul entre k Cheikh Om'tr et l'année toucouleur "saturée des sennons du Chef<br />

de 1" Diihad"2, Fanta construit des tableaux expressifs, sorte de triptyques ainsi bâtis:<br />

:Hrivée du Cheikh dans IUIC contrée, défaite de J'am\ée locale, décapitation du roi. Cependant<br />

1<br />

2<br />

Diarassouba (C.), op cil., p. 30.<br />

Id., p. 29.


'>l'.<br />

..<br />

.,'<br />

,­<br />

1:<br />

if"<br />

CHApITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

"lI est maître de Dinguiraye, de Nioro, de Koniakary<br />

II est maître du Bambouck, du Bélédougou, du Fouta<br />

Il est maître de Merkoya, de Woïtala, de Sansanding<br />

Il est maître du Kaarta ! Il est maître de Ségou-Sikoro" 1.<br />

187<br />

L'anaphore "Il est maître de", <strong>par</strong> delà l'insistance sémantique, traduit<br />

l'ampleur des conquêtes de l'ardent jihâdiste, bénéficiant du concours de son armée.<br />

Il convient cependant de s'attarder sur le bris des idoles ségoviennes à cause<br />

de son intérêt dramatique. Selon la version de Sidi Mbôthiel, l'amlée du jihâd trouva à Ségou<br />

"des choses extraordinaires" ainsi que des idoles:<br />

"Ils ont trouvé à Ségou une tige de mil bien droite dans un tas d'ordures;<br />

Le tas d'ôtdures brûlait, mais la tige restait toujours fraîche.<br />

La tige portait un épi,<br />

Un épi de millet.<br />

Le feu ne s'éteignait pas,<br />

La tige ne séchait pas,<br />

L'épi ne séchait pas.<br />

Tu sais qu'ils ont trouvé à Ségou une poule couvant ses oeufs,<br />

La poule ne mourait pas,<br />

Les oeufs ne se décomposaielll pas<br />

Tu sais qu'ils ont trouvé à Ségou une calebasse<br />

Contenant du lait<br />

Le lait ne se caillait pas,<br />

Le lait aussi ne se décomposait pas" 2<br />

Une variante de ce récit se trouve dans le récit de Thithié Dramé. A la<br />

différence de la narration de Sidi Mbôthiel qui donne la <strong>par</strong>ole aux jihâdistes pour présenter<br />

ies merveilles de Ségou, la version du Nioro fait circuler la <strong>par</strong>ole entre le n:u-rateur - le griot<br />

Otamé - et les anciens de Ségou:<br />

1<br />

2<br />

. "Il Yavait là du mil qui avait poussé, bien droit.<br />

Pendant cent soixante ans, neuf mois el six jours,<br />

II ne portait pas d'épi, il ne séchait pas,<br />

Diarassouba (C.), op Cil.,<br />

Mbôlhiel (S.), vv. 624-636.


, ii<br />

, '<br />

"<br />

Qli\PITRE 1 - EXAl--l'ATION D'UN HEROS 18 l)<br />

Cette justification mythique de l'ordre ancien est, aux yeux d'Omar, entachée<br />

de superstitions, C'est pourquoi le combattant animé <strong>par</strong> l'orthodoxie islamique du Dieu<br />

unique répond au vieillard:<br />

des coups de sabre:<br />

mystiques:<br />

t<br />

2<br />

3<br />

"Tout ce que lU as avancé là est vrai,<br />

Mais c'est lié aux fétiches!<br />

Or, Oumar n'aime pas les fétiches !" 1.<br />

Dans le récit de Dramé, le pouvoir mystique du Cheikh le dispensa de donner<br />

"Cheikh Omar était à Sansanding, à la tombée de la nuit,<br />

Le Cadet d'Adama Aysé détnlisit tous ces objets magiques"2<br />

Il les détruisit à distance, meùant en action un de ses immenses dOlls<br />

"Quand il les toucha, les idoles sacrées Makongoba<br />

et Nallkoloto crièrent et dirent:<br />

"Le pouvoir peul est venu! le pouvoir peul est venu' le pouvoir pcul est<br />

C'est là que les rraditionalistes loucouleurs disent que:<br />

"Cheikh Omar s'est métamorphosé en lion et a plal)fé ses palles sur la poirrine<br />

de Ali."<br />

Ségou nie ce fait.<br />

Ségou dit que, en pleine nuit, les idoles crièrent en disant<br />

"Le pouvoir peul est venu."<br />

Les anciens de Ségou se précipitèrent vers le bâtiment,<br />

Ils trouvèrent lies idoles] toutes en repos: le lait frais était devenu caillé, le<br />

singe avait cessé de <strong>par</strong>ler, le mil avait un épi, la poule avait des poussins.<br />

Il (Bina Ali) dit: "Votre argument vient d'être ruiné <strong>par</strong> Cheikh Omar, vellez<br />

voir"3.<br />

Mbôlhiel (S.), vv. 733-735.<br />

Drarné (T.), eorpus thèse, p. 291.<br />

Id., p. 293.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'U N HEROS 190<br />

Dans son assurance habituelle, Dramé réfute les versions toucouleurs, qui<br />

représentent le Cheikh Omar sous les traits d'un génie capable de se métamorphoser, minalli<br />

ainsi inconsciemment les fondements théologiques de son jihâd, Le griot de Nioro, pil,'<br />

,<br />

proche du théâtre du jihâd que ses homologues toucouleurs, met plutôt en action le réslOrvoi,<br />

mystique d'Omar, le Khalife Tidjâne.<br />

Le rappel du foud historique de ce fragment pennet cependant de mieux saisir<br />

les mécanismes mis en oeuvre <strong>par</strong> Sidi Mbôthiel et Thithié Dramé, dans l'élaboration du<br />

fragment épique relatif à la conquête de Ségou <strong>par</strong> le jihâd omarien. Le récit de Louis<br />

Tauxier, ancien administrateur des colonies au Soudan français, mérite d'être considéré à ce<br />

sujet. Après la bataille de Thiâyawal, les jihâdistes capturèrent Ali, l'ancien roi de Ségou.<br />

dans la déroute d'Ahmadou Ahmadou. Cheikh Omar convoqua une grande assemblée et fït<br />

venir les idoles de Ségou en présence d'Ali, le roi fuyard:<br />

"Devant l'assemblée réunie, il lui fit donner le nom de chaque mâni l'un après<br />

l'autre, puis, se tournant vers les Foulbés, il leur demanda si les sacrifices<br />

faits à ces idoles constituaient un rite islamique ou un rite fétichiste et si<br />

Ahmadou Ahamadou avait pu réellement donner son protectorat à un Chef<br />

païen de ce genre. Il conclut que le défunt roi du Macina lui avait menti en<br />

disant que le royaume de Ségou était sous son protectorat (ce qui était faux en<br />

effet et ce qu'El Hadj fit démentir <strong>par</strong> Ali. lui-même) et avait mal fait en venant<br />

au secours de ce royaume et en l'attaquant, lui musulman, au moment olr il<br />

était en train de le conquérir. Il avait donc usé lui-même de justes représailles<br />

et du droit de légitime défense en attaquant à son tour Ahmadou et le royaume<br />

du Macina. Telle fut la conclusion de son discours.<br />

El Hadj Omar, conquérant fanatique et puritain, aimait, on le<br />

voit, à mettre le bon droit (ou plutôt l'ap<strong>par</strong>ence du bon droit) de son côté<br />

pour légitimer ses conquêtes. En tout cas cette anecdote historique nous<br />

apprend, entre autres choses, que les rois bambara possédaient jadis des<br />

idoles de bois ou d'argile représentant leurs ancêtres, sans compter les<br />

Makongoba, dont il a été question plus haut, bref des idoles rentrant dans la<br />

grande catégorie des bah familiaux" 1.<br />

Inspirés <strong>par</strong> ce fait, les artisans du verbe tissent des récits colorés dont la<br />

trame met en exergue la puissance occulte de Ségou. Le bris des' idoles et l'anéantissemenl<br />

des mystères de la "chambre d'homme", en même temps qu'ils traduisent la dyn;uuiquc de<br />

Tauxier (L.). La religion bambara, Paris. 1927, pp. 467-4fiR.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 193<br />

Sawa Hâko se présenta :<br />

"Tu es sür et cenain que d'entre les trois cents marabouts qui font la retraite<br />

spirituelle...<br />

n (El Hadj Omar) lui dit: "oui."<br />

\1 lui dit: "...nul ne me surpasse en Coran.<br />

De grâce, écris mon nom. Demain matin, je verrai Ahmadou Ahmadou" \.<br />

A l'appel du Cheikh pour obtenir un spécialiste de hl <strong>par</strong>ade gymnique, Bôtol<br />

"... En réalité, tu veux simplement avoir une confinnation,<br />

Mais si tu as quelqu'un de ma trempe, tu as qui envoyer."<br />

Il dit: "Puisque la nuit que tu passas chez moi au Fouta,<br />

tu m'as trouvé avec quatre épouses peules,<br />

chacune d'entre elles étant plus belle que l'autre<br />

Recevait chaque fois plusieurs écuelles de lait dans sa case.<br />

J'ai répudié toutes ces femmes,<br />

J'ai offen à chacune sa dol.<br />

C'est moi qui t'ai suivi à cause d'Allah.<br />

Allah sait que celui qui a abandonné une telle maison<br />

Est celui qui te suit [<strong>par</strong> Allahl sincèrement, plus loyalement,,2.<br />

Succédant au fortuné Peul Bôtol Sawa Hâko, le prince du Boundou Koly<br />

Mody Sy se désigna pour faire une belle démonstration à cheval, afin que le Macina sache<br />

que les jihâdistes pouvaient aussi bien se battre à pied qu'à cheval:<br />

"Ecris 111011 nom,<br />

Demain, je verrai Ahmadou Ahmadou.<br />

\1 dit: "Quand tu vins au Boundou,<br />

Tu trouvas que mon père était roi.<br />

n attachait, emprisonnait, humiliait.<br />

Tu sais <strong>par</strong> conséquent que celui qui a abandonné ln royauté pour te suivre,<br />

C'est celui qui t'a suivi loyalement <strong>par</strong> Allah,<br />

Puisqu'il n'y a rien de plus délicieux que le pouvoir.<br />

De grflce, écris mon nom.<br />

Mbôthiel (S.), vv. 825-828.<br />

2 ld., VV. 846-855.<br />

i:


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 195<br />

Qu'il suive ces enfants du Fauta, volollraires ;<br />

Demain qu'il les exalte afin que les poils de leur corps se lèvent, même si un<br />

homme doit mourir que ces poils se lèvent.<br />

Je vais lui donner une mesure d'or"I.<br />

L'appât du gain poussa Farba à commcltrc l'errcur d'accepter, puisque c'est<br />

ainsi qu'il interpréta son geste auprès de son fils, après son monologue intéricur:<br />

"Quand la nuit s'épaissit,<br />

Farba Sawa Gouwa dit:<br />

"Tu as commis là une erreur grave,<br />

Car s'inscrire pour unc mesure d'or<br />

Devant être héritée <strong>par</strong> son fils, si l'on meun.<br />

Cela n'aura servi de rien.<br />

Dcmain, jc refuscrai de <strong>par</strong>tir"2<br />

Son fils lui rappela que le refus est impossible au moins pour deux raisons: lc<br />

statut de griot implique une certaine noblesse, ensuite tout ce qu'écrit le Cheikh est<br />

ineffaçable. Pris entre deux feux, Farba accepta de <strong>par</strong>tir au Macina. Lc récit de Sidi<br />

Mbôthie! met alors en actes les déclarations des émissaires, ,lu grand élOnnemcnt des<br />

maeiniens, rendus plus perplexes <strong>par</strong> les exagérations du griot qui, après chaque exploit,<br />

disait au roi :<br />

"Peul regarde-moi <strong>par</strong> ici...<br />

Ceux-ci sont des enfants.<br />

Tu sais que pour une commission, cc sont les enfants qu'on envoie.<br />

On n'envoie pas les grandes personnes"3<br />

Qu'il nous suffise pour lradllire la détem\inalion des émissaires, d'écollter le<br />

griot, en ce soir mémorable où il déclama la devise de son Cheikh au Macina, une devise<br />

effroyable:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

"Torodo, méfiez-vous de lui.<br />

Dcmier né d'Adama Aysé Elimane Ciré <strong>Samba</strong> Demba Ali Moutar.<br />

Mbôthicl (S.), vv. 922-928.<br />

1d., vv. 934-940.<br />

Ibid., vv. 1077-1081.


-,<br />

ç,<br />

---<br />

CIIAI'ITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS<br />

En réalité, méliez-vous de lui.<br />

Etranger le matin, chef du village à midi, lmâme l'après-midi.<br />

En réalité, méliez-vous de lui.<br />

Le Riche, le Savant, le Bien éduqué, le Pourvu.<br />

Noble fils de nobles, en réalité méfiez-vous de lui.<br />

C'est lui qui a étudié et qu'on a surnommé Alpha Omar.<br />

Il a fait l'exégèse du Coran et on l'a sumommé Alpha Omar.<br />

Il afail les circuits dn pèlerinage et visité le Mausolée.<br />

Ne savez-vous pas que c'est le Cheikh qui a détmil Goufadé ?<br />

C'est le Torodo qui a détruit Ghégné et l'a commnniqué à Ghégnêba.<br />

C'est le Torodo qui a détruit Farabanna.<br />

Le Cheikh a traversé le gué de Diâkalelle.<br />

En réalité, [Héliez-vous du Riche, du Savant.<br />

En réali té méfiez-vous de lui" l<br />

196<br />

Le manèlement du "ndeenee" (méliez-vous) produisill'effet désiré, Ahmadou<br />

Ahmadou exprima l'impression généraJe des <strong>par</strong>oles du griot: "Que tes <strong>par</strong>oles sorit<br />

délicieuses!"2. Enlèndons bien: terribles, puisqu'à leur suite le Macina se concerta l'oui­<br />

adopter une position face à ces jihâdistes qui vivent dans l'intimité de la mort, convaincus<br />

lIu"'il est des morts productives, fécondes, qui couplent l'échec biologique avec une victoire<br />

:'lIf un aUlre regisrre"3.<br />

Mais le Macina a aussi impressionné les émissaires; malgré leur prouesse et<br />

dès leur arrivée, Alpha Oumar le Chef de la délégation en informa Cheikh Omar, qui entra<br />

alors dans une vive colère:<br />

"Ah bon, Alpha OumarThierno Bayla !<br />

C'est lOi qui dis que le Macinien est puissant.<br />

Par Allah, FOUla, je vous ferai savoir qne c'est Allah qui est puissant"4.<br />

D'une manière générale, J'implication dans l'action des personnages de<br />

j'épopée omaricnne met en relief des relations réciproques dont la dramatisation contribue à<br />

['inlérêt du récit. S'inspirant de l'histoire, les griots, et ici Sidi Mbôthiel en <strong>par</strong>ticulier, font<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Mbôthicl (S.), vv. 1293-1311.<br />

Id., v. 1315.<br />

Madclénat (D.), op cir., p. 44.<br />

Mbôthicl (S.), vv. 1372-1374.


CHAPITRE 1- EXALTATION D'UN HEROS 197<br />

y;doir <strong>par</strong> des procédés épiques les traits du héros principal et des personnages conjoints.<br />

. , )<br />

Entre Cheikh Omar el ses preux se dessine alors une relation dialectique pleine de promessc :<br />

"ki s'articulent l'individuel et le collectif, en des relations d'échange: se<br />

soumettant au héros, les hommes multiplient sa puissance et assurent son<br />

renom, bénéfici;lI1t, en retour, d'une protection et d'un entraînement" 1.<br />

Mais ces interactions, bien qu'elles trouvent leur justifica.lion dans le jihâd<br />

d'après la version de Sidi Mbôthiel, n'en tirent pas moins leur essence du souci constant qui<br />

hante l'honune, lié à la tradition, d'accroître le trésor ancestral de renommée. 011 se sOllvient<br />

que seul le désir de gloire empêcha Roland de sonner du cor à Roncevaux, craignant<br />

d'inspirer <strong>par</strong> là une "male chanson". Au Moyen Age comme en Afrique traditionnelle, la<br />

peur de l'infamie se rallilche fortement à l'éthique du lignage. Pour avoir vécu cet idéal, les<br />

preux et leur Cheikh am droit chez les artistes de l'épopée du jihâd, la version de Sidi<br />

Mbôthiel en fait foi, à lin récit et à un cham, en un mot à un long cham:<br />

1<br />

2<br />

"L'épopéc ayam la double nature d'un chant et d'ull récit, il est bien naturcl<br />

quc Ics poèmes épiques oscillcl1l de l'un à l'autre, qu'ils soient, les uns plus<br />

lyriques etlcs autres davantage narratifs." (2)<br />

Madelénat (O.), op cit., p. 44.<br />

Id., p. 56.


CHAPITRE II<br />

TEMPS ET ESPACE DANS L'EPOPEE D'EL HADJ OMAR


CHAPITRE Il - TEMPS ET ESPACE DANS L'EPOPEE<br />

II arrivera il noire race il la tin des temps... " 1.<br />

205<br />

Il s'agil d'une ère nouvelle, celle de l'Islam triomphant, qui met fin il une<br />

époque révolue, celle de l'ardent paganisme. Celle ère nouvelle, pour avoir bouleversé<br />

l'ordre connu, subira, il son tour, la revanche du paganisme sous la forme de calamités qui<br />

vont jalonner sa course. Mais le Cheikh et ses jihâdistes sont prêts il toutes les épreuves sur<br />

la voie du jihâd. La version de Ly déclare il ce propos: "Ils sont prêts au matin de celle<br />

balaille"2 Intégrés au Irajet du héros, Je temps mythique et le temps historique cristallisent<br />

des rêves et des réalités disséminés tout au long du temps narratif. La distribution des<br />

séquences temporelles, toul en manifeslant le talelH des artisans du verbe, donne également<br />

une certaine idée de la dynamique des trois temps hannonieusement insérés dans l'épopée du<br />

jihâd.<br />

n. LE RYTHME TEMPOIŒL DE LA NARRATION<br />

Le tablean récapitulatif que nous donnons en fin de chapitre met en valeur la<br />

diversité des indications temporelles de l'épopée d'Omar. Cependant, malgré la précision de<br />

cel1aines indications, il s'avère difficile de détemliner, avec exactitude, l'âge du Cheikh ou la<br />

dnrée de sa carrière: en croisant continuellement le temps historique, le temps mythique<br />

brouille l'axe chronologique.<br />

Cette organisation du temps, dans l'épopée du jihâd, fait ap<strong>par</strong>aîlre un usage<br />

de 10US les registres temporels. Nos trois auteurs juxtaposent les principaux moments de la<br />

1<br />

journée d'abord, puis construisent, il l'intérieur de ces séquences, d'au Ires variations<br />

temporelles de sorte qn'aucune indicalion ne soil négligée. Le jihâd. vaste entreprise<br />

relii!ieuse, joue aussi de toutes formes que peut revêtir le temps. C'est ainsi que "l'âme qui<br />

,'oltigeait entre ciel el lerre", a inspiré aux artistes de son épopét: un rythmt: temporel très<br />

exprt:ssif. L'étape de Pire reste caractéristiqut: il cet égard:<br />

2<br />

3<br />

"Il (Omar) dit: "Je suis vt:nu chercher le savoir!"<br />

L'atltrt: (le mafilboul) lui dit: "Tu es venu il un grand neuve:<br />

Si c'est une bonilloirt: que tu as apportée, lU peux puiser et la remplir, le<br />

fleuve COlltilllll:ra à couler;<br />

Si c't:st nne gourde que tu as apportét:,<br />

Tu peux puiser el la renlplir, le neuve continuera à couler"3<br />

Mbôthicl (S.), (S.), vv. 722-728.<br />

Ly (lU.), v. 81.<br />

Bâ (K.), vv. 297-300.


CI Ii\PITRE Il - TErvll'S ET ESPACE DANS L'EPOPEE 207<br />

:,."dilionnelles. Le tenlps de la performance réussit cependant à sublimer temps mythique ct<br />

Iljstorique, les insérant de la sorte à la narration héroïque.<br />

C. ESPACE MlèTAPlIYSIQllE ET ESPACE PlIYS'IQUE<br />

L'interl'érence du temps et Je J'espace reste une des constantes de l'épopée<br />

J'El Hadj Omar. Elle suscite un certain dynamisme qui, sur le plan textuel, renforce<br />

J'omnipotence du héros, doté <strong>par</strong> ce phénomène du don d'ubiquité et de la maîtrise du temps.<br />

Cependarll, bien que l'interaction spatio-tcmporelle implique un héroïsme hors du commun,<br />

les élémerlls qui la fondent conlribucnl de façon inégale il la force de l'ensemble. En ce sens,<br />

alors que le temps insiste sur les limites humaines d'Omar en général, l'espace traduit<br />

concrètement sa puissance Cl son génie. Il est possible de soutenir que l'exploitation de<br />

l'espace physique et métaphysique constitue le poilll de dé<strong>par</strong>t du traitement épique, de<br />

certains faits historiques du jihJd omarien.<br />

Notre corpus fait état de vingt-deux stations allant de HalwJr il Kawsara, en<br />

passant <strong>par</strong> la Mecque et Déguembéré. La revue et la description de ces sites du trajet<br />

ol11arien serait très éclairante, mais leur caractérisation, dans le cadre d'une analyse globale<br />

de leur nature et de leur fonction, semble plus pertinente.<br />

Le trajet qui mène Cheikh Omar de I-Ialwâr à Kawsara pennet il celui-ci<br />

d'explorer tous les plans de l'cspace ct met en exergue l'épiphanie ct l'apothéose du héros<br />

toucouleur. La version de IlammJt <strong>Samba</strong> ne s'y trompe pas qui débute <strong>par</strong> Lill hymne au<br />

mdÎlre de l'espace :<br />

"C'est il Halwâr qu'il est né,<br />

Il a grandi, le Torodo a émigré,<br />

Il a traversé dcs mers ct des cours d'cau,<br />

Ceux qu'il avait appelés sont venus" 1.<br />

Après avoir mené une vie spirituelle intense entre ciel et terre, l'âme d'Omar<br />

,k(:l(la


CHAPITRE 11- TEMPS ET ESPACE DANS L'EPOPEE<br />

1<br />

2<br />

La Syrie.<br />

Chef peu 1.<br />

Hadj Omar 'l'ail?<br />

-"Que savez-vous de l'origine de Halwâr, le village natal d'El<br />

- L'origine de Halwâr, d'après ce que nous avons entendu, ce<br />

que nos ancêtres ont diffusé, remonte à Châm 1 Ses habitants sonl donc<br />

venus de Châm, ils ont mis un temps considérable avanl d'arriver. Ils<br />

s'installaient quelque pan, émigraient puis re<strong>par</strong>laient. Ainsi firent-ils jusqu'à<br />

leur arrivée à l'Ouest. lis descendirent <strong>par</strong> le Walo Barack, ils continuèrent<br />

jusqu'à un endroit appelé Halwâr Maayel. Ils y trouvèrent un homme appelé<br />

Diomfo 2 Toro de patronyme Sail. Ce chef avait eu des démêlés à Guédé, à la<br />

suile de quoi il émigra vers cet endroit. A leur arrivée, c'est celui-ci qu'ils<br />

trouvèrent là. Ils lui signifièrent leur volonté de cohabiter avec lui. Il dit à san<br />

jeune captif, ou à son petit serviteur, de leur montrer l'endroit où était ellierrée<br />

sa captive Halwâr Tacko. Le mot Halwiir désigne la captive du Diomfo. Ils<br />

arrivèrelll au lieu indiqué, le trouvèrent à leur convenance, puis y habitèrent.<br />

Mais avant d'y habiter, les 'l'ail s'y étaient installés trois ans<br />

au<strong>par</strong>avant. Quand ils vinrent, puisque des liens multiples existaient entre eux:<br />

matrimoniaux, religieux, sociaux, ils constituèrent un seul village malgré leur<br />

grand nombre, car les T'III avaiem leur village à pan, DjoIn Lobboudou avait<br />

son village à pan, les Thiam avaient leur village à pan el d'aulres encore, leI<br />

Ardo Haga, touS ceux-ci avaient leur vilbge à pan. Tous ces villages furelll<br />

réunis el la famille Thiam fUl désignée Elimane Halwâr, c'esl-à-dire le Chef<br />

du village. Ils lissèrent ellire eux cles lieus cie <strong>par</strong>elllé et vécurent ainsi en<br />

communauté jusqu'au momelll Dl! Thierno Souleymane Bâl décida de faire la<br />

guerre sainle aux Peuls païens ou Denyankoobe. Les habitants de Ha\wâr<br />

répondirent à sou appel, mais un peu tard <strong>par</strong>ce qu'ils arrivèrent quelque<br />

temps après sa mort. C'esl Almamy Abdoul Qâclir Kane qui les reçu!. Les<br />

Halwâriens lui soum;rentle problème cie l'habitaI. Il leur dit de choisir le sile<br />

qui leur convenail. Ils vinrent jusqu'à l'actuel emplaccment de Halwâr qui<br />

s'appelail alors Raw, ils dirent que c'est là qu'ils voulaienl. L'almamy<br />

demanda à qui appanenait ce lieu. Ils répondirent qu'il relevait cie la propriélé<br />

de Ardo Edi et de Djom Gamâclji. C'érait un point cie jonction de deux<br />

propriélés.


CHAPITRE Il - TEMPS ET ESPACE DANS L'EPOPEE 20\)<br />

Abdoul Qâdir délimita une très large superficie dans les deux<br />

propriétés et la leur donna, L'étendue comportait des marigots, des terres<br />

inondées, des terres fertiles. C'est ainsi que sont venus les gens de I-Ialw:il.<br />

" - Et le nom Thiam d'oil vient-il 7"<br />

- Je vons ai dit qu'ils sont venus de Châm. Ils n'avaient pas (ic:<br />

patronyme, mais en cours de route les gens les désignaient sous l'appellatinn<br />

de "chaam naabe" (ceux de Chân,l). Cette désignation subit de profondes<br />

modifications pour devenir Thiam.<br />

qu'ils sont venus de là-bas.<br />

- A leur arrivée quel Brack du Walo trouvèrent-ils sur le lTône '1<br />

- Non, je ne connais pas ce I3rack, tout cc que je sais c'est<br />

- Quand arrivèrent-ils à Halwâr Cl quel itinéraire suivirent-ils 7<br />

- Je ne sais pas,<br />

- Connaissez-vous leurs <strong>par</strong>ents restés en Syrie '?<br />

- Non, je ne sais pas" l<br />

De Halwflr, Omar se dirigea, d'après les récits de notre corpus, vers Pire<br />

. Sagnakhôr, Sokoto, la Mecque, Médine, Jérusalem. Ce tr,yet symbolique, dirigé d'Ouest en<br />

Est, place Omar sur la voie de la double quête du savoir ct de la spiritualité. Le retour le<br />

confirme puisqu'il le fait passer <strong>par</strong> Missira oil il triomphe face aux docteurs de la célèbres<br />

ville. L'espace juxt3pose alors des embûches; neuves, cours d'eall, océans, plaines, monts,<br />

déserts, que le Cheikh franchit toujours allègrement.<br />

Un3utre espace s'ouvre: l'aire dujihfld. De Dinguiraye, plaine défrichée <strong>par</strong><br />

le Cheikh aidé de ses talibés, encerclée entre dcs roches, à la grotte de Déguembéré, en<br />

p3ssant <strong>par</strong> Tamba, Nioro, Karêga, Ségou, Hamdallahi, l'espace reflète toujours le pouvoir<br />

de Cheikh Omar. A la fin de son poème, Hammât <strong>Samba</strong> se permet aussi d'inviter ses<br />

auditcurs, à la suitc des jihâdistes de se retrouver au bord du fleuvc "Kawsara", qui coule au<br />

<strong>par</strong>adis. Mais c'est là un aUlre lieu, un aulTe espace<br />

D. LA DYNAMIQUE SPATIALE.<br />

Loin de figurer eOlllmc un élément clu décor, sorte dc couleur locale, l'espace<br />

de J'épopée d'El Hadj Omar fonctionne comme nne clef de signification. Le passage continu<br />

de l'espace mythique à l'espace physique récupère le temps à des fins épiques. Prenons<br />

l'excmple de l'espace mythiquè de I-Ialwâr d'après le récit cité plus haut. Les Halwâ,'iclIs<br />

Cf J'origine de Halwâr, B.O. 075. 057, Archives culturelles du Sénégal. 14<br />

Novembre, 1975. (Enquête effectuée à Ndioul1l, Dépanelllel\t de Podor).


i,<br />

CHAPITRE III<br />

LE SCHEMA NARRATIF<br />

le''2'±'' 7 fi ler9=%11


CHAPITRE III - LE SCHEMA NARRATrF 21 8<br />

ap<strong>par</strong>aissent aussi comme une double migration: d'abord pour répondre il l'appel d'Allah,<br />

ensuite pour combattre les rois païens qui refusent d'embrasser l'Islam.<br />

Or ce mode de sélection est caractéristique de l'épopée arabe, en <strong>par</strong>ticulier de<br />

celle des Bénî-Rilal l . Composée de trois entités formant la tribu hilalienne, le corpus de cette<br />

geste se structure ainsi:<br />

-"As-Sîra" ou la généalogie de la tribu et sa dis<strong>par</strong>ition dans le temps et dans l'espace.<br />

-"Ar-Rihla" ou la migration des Béni-Rilal dans le Nadj.<br />

-"At-Taghriba" ou le dé<strong>par</strong>t vers le Maghreb. C'est aussi le récit des luttes entre les Rilal et<br />

les royaumes jalonnant leur passage entre Nadj et l'Ifriqiya<br />

Comme pour les phases de l'épopée d'Omar, la trilogie hilalienne ne se<br />

retrouve, en général, que <strong>par</strong>tiellement chez un seul et même auteur:<br />

" Les deux derniers cycles sont les plus connus <strong>par</strong>mi les transmetteurs de<br />

l'épopée hilalienne. Toutefois, le sujet principal, en tout cas celui qui est resté<br />

dans la mémoire populaire collective, maghrébine en <strong>par</strong>ticulier, et arabe en<br />

général, semble être" la migration à laquelle la tribu a été forcée"; forcée <strong>par</strong><br />

un f1éau naturel, la sécheresse, et <strong>par</strong> conséquent la famine, mais aussi le refus<br />

des pouvoirs avoisinants d'accorder aux Hilalle droit de "consommer", eux et<br />

leur bétail, le produit de la terre"2<br />

Dès lors, une question se pose: l'épopée arabe a-t-elle inf1uencé l'épopée<br />

peule islamisée? Il est difficile de décider, malgré la maîtrise de l'arabe de cenains griots et<br />

lettrés omariens.<br />

On peut cependant fonnuler deux hypothèses en guise de réponse.<br />

La com<strong>par</strong>aison des versions épiques arabes faisant de l'épopée hilalienne la<br />

plus ancienne geste arabe, il est permis de penser que le modèle a pu inspirer les lettrés du<br />

jihâd omarien, auteurs de versions. Mais on peut aussi estimer que les jihâdistes, mus <strong>par</strong><br />

une oeuvre hautement religieuse, pouvaient <strong>par</strong>faitement ignorer la littérature arabe profane.<br />

En composant leur récit, il est possible qu'ils aient donné libre cours à leur imagination.<br />

La question mérite surtout qu'on s'y attarde à cause des rappons, présentés<br />

généralement comme conf1ictuels, entre l'épopée et l'Islam dont Etiemble se fait l'écho dans<br />

l'article "épopée" de l'Encyclopœdia Universalis : "L'idéologie religieuse de l'Islam n'a<br />

2<br />

J<br />

"Sirat Béni Hilal", épopée arabe la<br />

date des environs du XIe siècle,<br />

Egypte.<br />

.../<br />

mieux connue et la seule transmise.· Elle<br />

les Béni Hilal étant alors installés en<br />

Ayoub (A), "L'épopée du Maghreb : unité et diversité". in Notre librairie.<br />

nO 83. Avril - Juin, 1986. p.62.


CHAPITRE III - LE SCHEMA NARRATIF 223<br />

combinaisons de mots créés <strong>par</strong> lui-même. Et dc même son public lui-mêmë<br />

s'attcndait à ce qu'il suivît fidèlcmeut le style qui lui est familier" 1.<br />

Cette longue cil


CHAPITRE III - LE SCHEMA NARRATIF 227<br />

Ce n'est pas un hasard si toutes les versions de l'épopée d'El Hadj Omar fOIll<br />

coïncider la naissance de Barou avec le Ramadan. Ce mois béni place sous son autorité, en<br />

Islam, les personnes qui l'observem régulièrement. Il est aussi reçu que pendant celle<br />

période Satan est reclus et que ks portes de l'enfer restent fermées. Le Ramadan acquien dès<br />

lors un relief <strong>par</strong>ticulier puisqu'il singulanse la destinée d'Omar, entouré de bénédictions. Le<br />

moment choisi place la carrière du héros sous le signe de la ferveur religieuse.<br />

Mais si ce temps symbolique engendre une épopée glorieuse, c'est SUrlour à<br />

cause de la "Bataille de 13ongoyc" qui semble l'impliquer.<br />

Dans tous les cas, au signe de la ferveur répond le signe du jihfld et l'épopée,<br />

qui résout [Gus les problèmes, prélère coordonner Ramadan et jihfld, pour mieux éclairer la<br />

double voie qui sollicite Omar. Par un jeu de retlets, la fin de l'épopée d'Omar, selon la<br />

version de Niagâne, montre un jihâdiste en plein Ramadan qui entre dans la grotte de<br />

Déguembéré. L'on ne pcut s'empêcher de relever la similitude des tahleaux inaugural ct finaL<br />

L'histoire s'est-elle répétée ou a-t-on réinterprété la naissance en fonction de la dis<strong>par</strong>ition?<br />

La première hypothèse nous semble plus plausible bien qu'il soit difficile de décider<br />

ohjectivement.<br />

Mais Je temps du pèlerinage aussi a passionné les griots et lettrés de la geste<br />

du jihâd. Alors que le dé<strong>par</strong>t et le retour du Cheikh poselll des problèmes cie dalation précise<br />

aux historiens, les spécialistes de l'épopée s'accordent pour en faire le temps des miracles<br />

<strong>par</strong> excellence. Trois momentS reviennent invariahlemelll au lïl des récits: l'enu'evue avec El<br />

Ghâli, la visite en Syrie et les joutes oratoires du Caire.<br />

Mohammed El Cihâli, Khalife de la Tidjanyya en Orient conféra, au rVlausolée<br />

du Prophète, le titre de Khalife de la Tidjanyya Ù Cheikh Omar sur ordre de At-Tidjflni et du<br />

Prophète. Ce temps el ce lieu suseitelll de longs développemeills d'autalll plus qu'ils<br />

articulent la Tidjanyya (myslicisme) Ù la Charia (théologie, entendue ici au sens<br />

d'orthodoxie) d'une pan, et qu'ils rattachent, d'autre pan, le jihüd omarien au jihâd du<br />

Prophète.<br />

La visite de la Syrie étend le pouvoir du Cheikh dans l'espace el, bien que les<br />

faits soienl réels, leur récupération mythique reSle évidente. En effet, les griots se plaisant à<br />

situer l'origine des Thiüm de Halwür à Châm\, il fut aisé de u'ouver des liens cllIre le voyage<br />

d" Cheikh et le nom de ses <strong>par</strong>ents. Du point de vue de l'esthétiCJue épique, la durée du<br />

,éJnllr d'Omar en Syrie, outre qu'elle traduit la profonde initiation du héros, met en évidence<br />

l'interaction de l'épopée et du mythe.<br />

L'autre visage du temps invarialll des versions de l'épopée du jihfld s'incarne<br />

à lravers les JOUies oratoires du Caire, opposant les "Ulémas" de la célèbre Université Al-<br />

L'euphonic "Thiâm"I"Chârn" milite en Iellr faVCllr<br />

7-:<br />

.-. ,


CHAPITRE ID - LE SCHEMA NARRATIF 237<br />

scribe, sous la fonne de brèves notations marginales ou infrapaginales, après transcription<br />

minutieuse de l'original. Ainsi, assuré d'une large diffusion grâce à la longue chaîne de co­<br />

auteurs acquise au fil des ans, le manuscrit omarien peut alors souvent présenter des couches<br />

différentes résultant de remaniements inévitables:<br />

"Les remaniements conservés se révèlent comme soumis à deux tendances<br />

opposées. La principale, celle de l'amplification inventive, ajoute de<br />

nouveaux épisodes et des incidents qui accroissent l'intérêt du récit. La<br />

secondaire, celle de l'abréviation expositive, condense l'exposition des<br />

thèmes déjà connus.. ." 1.<br />

Le double mouvement s'observe aussi dans les manuscrits et dans les récits<br />

oraux omariens dominés <strong>par</strong> la compilation des premiers auteurs et la collaboration entre<br />

auteurs et compositeurs. Il convient de préciser aussi que le mode de composition et de<br />

diffusion des poèmes et des manuscrits omariens limite leur portée. Cependant, malgré<br />

l'originalité de ses modes d'existence el de sa diffusion, l'épopée d'El Hadj Omar ne fait que<br />

s'inscrire dans une tradition devenue classique. Un éminent spécialiste des chansons de geste<br />

résume excellemment ces questions essentielles:<br />

" Que toute la littérature narrative écrite en vers au XIIème et au Xlllème<br />

siècle ait été composée en vue d'une diffusion orale <strong>par</strong> le chant, <strong>par</strong> la<br />

récitation mimée ou <strong>par</strong> la lecture expressive, c'est chose <strong>par</strong>fois oubliée mais<br />

pourtant bien connue. et il va de soi que cette liuérature doit à son mode de<br />

diffusion certains de ses caractères <strong>par</strong>ticuliers"2<br />

Dans la geste d'Omar aussi, le travail des griots et des lettrés rappelle<br />

curieusement celui des jongleurs et des trouvères, la seule différence étant que l'épopée<br />

islamisée s'est greffée à une tradition orale vivante, alors que dans les chansons de geste<br />

l'antériorité de l'oralité <strong>par</strong> rapport à J'écrit divise encore les spécialistes.<br />

En définitive, en diffusant les versions orales et les manuscrits de la geste<br />

d'Omar à la suite des fonnes de la lillérature pulaar, le long des pistes migratoires et aux<br />

quatre coins de leurs théocraties, les Peuls ouvrent majestueusement leur genre majeur sur<br />

l'extérieur. C'est ce dont prend <strong>par</strong>faitement conscience le lettré toucouleur Thierno<br />

Alhassane Diaw de Wodobéré, plus connu sous le sobriquet de Thiemo Boy:<br />

2<br />

Pidal (R. M.), La chansoll de geste et la tradition épique des Frallcs, 2éme<br />

édit. Paris, 196ü,p. 82.<br />

Delbouille (M.), "Allocution" ill Actes du Colloque de Liège, 1957,p.17.<br />

"o.


cHAP1TRE III - LE SCHEMA NARRAHF<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

1." Haala yoo feew, teeya, laaoa, tan gOOQcPa,<br />

2, WeIa, yurrninoo, sifoo, finndina, jirwa, jiloaani.<br />

3. Sabu So kOQngol welaani, yurrnaani, nannaaki, gooQcPaani,<br />

4. Aybinat biicPo tawa hetlioe paamaani.<br />

5. Kono soko oernde winndii, masii, haggille saatiima,<br />

6. Demngal wiya ko teeyi, nanne la.loi jiloaani"1.<br />

l " La <strong>par</strong>ole doit être belle, pure, limpide, entièrement véridique,<br />

2. Agréable, émouvante, explicite, édifiante, animée, intelligible.<br />

3. Mais une <strong>par</strong>ole désagréable, désobligeante, inaudible 2 , fausse,<br />

4. Discrédite son émeueur alors que les auditeurs n'y comprennent3 rien.<br />

5. Mais si le coeur écrit, vocalise 4 ; et si l'esprit revoie et corrige,<br />

238<br />

6. Alors la langue se délie aisément 5 , puis se fait entendre [un discours]<br />

limpide et logique".<br />

Extrait d'un "beytoi" de Thierno Alhassane Diaw de Wodobéré, plus connu<br />

SOus le sobriquet de "Thiemo Boy".<br />

Cel adjectif revêt ici une dénotation logique.<br />

Mot à mot: qui ne peut être appréhendé <strong>par</strong> l'ouïe.<br />

Mot à mot: alors que les autres n'ont rien compris.<br />

Le poèle décompose ici les phases de l'écriture arabe écriture,<br />

vocalisation, relecture, correction, lecture finale.<br />

Mm à mot: la langue dit ce qui esl pur.


CHAPITRE IV<br />

LA GESTE D'EL HADJ OMAR C()i'l'!iVIE REl'iŒSENTATIOi'i !lI<br />

i'l'ION DE<br />

- -."


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 243<br />

<strong>par</strong>fois de confirmer Homère et ses homérides. L'épopée d'El Hadj Omar, <strong>par</strong> contre,<br />

suscitée <strong>par</strong> le jihâd, fut écrite et composée oralement au moment des événements rapportés,<br />

/ /<br />

c'est-à-dire au moment même des faits. Or, dans cetté société de tradition orale où la graphie<br />

arabe ne fit son irruption qu'avec les jihâdistes, du moins ce fut le cas dans bien des'<br />

contrées, l'épopée tient aussi lieu d'histoire..<br />

Cependant les historiens africanistes préfèrent s'appuyer sur la matérialité des<br />

faits du jihâd, ce qui implique un traitement de la réalité différent de la vision épique. Il se<br />

crée alors des écarts entre la description historique de la situation du Soudan Occidental à<br />

l'époque du jihâd et la représentation du monde qu'en donnent les versions épiques. La<br />

confrontation de ces deux approches d'une même réalité éclaire la représentation du monde<br />

que véhicule la geste peule islamisée.<br />

1 - LE SOUDAN OCCIDENTAL A LA VEILLE DU JIHAD OMARIEN D'APRES LES<br />

HISTORIENS<br />

Le jihâd omarien eut pour cadre d'opération un vaste ensemble allant de la<br />

Haute Sénégambie à la boucle du Niger, et des montagnes du Fouta-Djallon au désert du<br />

Hodh. Gigantesque mouvement, le jihâd imprima une marque singulière pendant près d'un<br />

demi-siècle sur ce monde, qu'il plaça sous la bannière de l'Islam dont il bouleversa les<br />

structures traditionnelles.<br />

JO) SITUATION POLITIQUE, ECONOMIQUE ET SOCIALE<br />

A la veille du jihâd omarien, l'occident soudanais, d'après les spécialistes de<br />

celte période, vivait dans une certaine inertie l, indice d'un déclin, perceptible dans Je<br />

morcellement des états et des royaumes indépendants. L'Islam et le commerce transsaharien,<br />

les deux forces qui animaient le Soudan depuis le XVlème siècle, surtout les empires du Mali<br />

et Songhay, déclinèrent au profit du commerce transatlantique des esclaves qui dura environ<br />

trois siècles.<br />

Sur le plan politique, une insécurité pennanente régnait à la veille du jihâd<br />

omarien. La guerre de razzia suscita une classe dominante qui exploita les couches sociales<br />

les plus faibles, provoquant d'importants mouvements de population.<br />

La situation économique était aussi assez préoccupante, marquée <strong>par</strong> des<br />

invasions de sauterelles, des sécheresses, des famines. Le professeur Cunin2 montre qu'aux<br />

1<br />

2<br />

Robinson (O.), op. cit.<br />

Curtin (D.Ph.), Economie Change in Precolonial Africa<br />

area of the slave (rade, Wisconsin Press, 1975,2 vol.<br />

Senegambia in the


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MOl\'DE 244<br />

XVIIème, XVllIème et XIXème siècles, des cycles de famine de cinq à dix ans s'installèrent<br />

en Sénégambie, el plus généralement dans la zone sahélienne. Le commerce, <strong>par</strong> conrre,<br />

portait généralement sur les captifs, les produits de cueillette (gomme, ivoire, or, sel), les<br />

ressources agricoles. Aussi les échanges passèrent-ils rrès vite aux mains des Dioulas<br />

mandingues ou soninkés. Ceux-ci inrroduisirent les produits manufacturés apportés <strong>par</strong> les<br />

Européens au Soudan, mais leur portée fut cependant assez limitée, et <strong>par</strong> conséquent ils<br />

n'apportèrent aucune innovation, dans le domaine agraire <strong>par</strong> exemple, d'olt une certaine<br />

stagnation de la productivité.<br />

Au Fouta-Toro, dès 1776, la Révolution torodo renversa le régime<br />

"denyanké" des "Satiguis" ou Peuls païens 1 , puis instaura l"'Almamyat" ou théocratie.<br />

Refusant de se placer à la tête de la nouvelle institution résultant du mouvement qu'il avait<br />

dirigé, Thiemo Souleymane Bill cèda ce rôle à un aurre membre du <strong>par</strong>ti maraboutique auteur<br />

de la Révolution: Abdoul Kader Kane. Celui-ci s'établit à Thilogne, dans le Bosséa, et<br />

adminisrra le nouvel état selon la "charia". Une nouvelle aristocratie, les 'Toorodbe" (au<br />

singulier 'Toroodo") : les gens instruits, se substitua alors à l'ancienne aristocratie qui tirait<br />

son pouvoir de l'épée 2 Le pouvoir almamal connut progressivement des crises, découlant<br />

de la nature de ses institutions, qui culminèrent surtout après la dis<strong>par</strong>ition de ses pères<br />

fondateurs et devint" une royauté théocratique, élective et islamique, dans laquelle des<br />

marabouts détenaient l'autorité"3<br />

Le fonctionnement des institutions révéla très tôt leur limite divisé en<br />

provinces qui formaient l'état, le Fouta fut à la merci d'un grand conseil des anciens qui<br />

élisait l'Almamy. A côté du conseil des "jaagorde" (au singulier "jaagorgal" ) ou grands<br />

électeurs, se rrouvait une assemblée populaire fomlée <strong>par</strong> les fidèles, ne bénéficiant que d'un<br />

pouvoir purement consultatif 4 Dans les provinces, l'autorité de l'Almamy devint plus<br />

nominale qu'effective: "... ces fiefs, ces apanages et ces principautés étaient de véritables<br />

souverainetés. Loin de dépendre de l'A Imamy et d'obéir à ses décisions, ils jouaient au<br />

contraire le rôle d'exécutifs locaux de droit, dom les pires agissements laissaient l'Almamy le<br />

plus énergique absolument désarmé"5. Alors, les intrigues s'ajoutant aux ambitions<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Le statut des "Satiguis" divise les auteurs : alors que certains eSliment qu'ils<br />

étaient 'des Peuls païens, d'autres s'en tiennent à les considérer comme des<br />

Peuls pratiquam un Islam tiède.<br />

Voir à ce sujet, pour plus de détails, la Thèse de M. Oumar Kane, Le Fuura­<br />

Tooro des Satigi aux Almaami (1512 -1807), Thèse de Docloral d'Etat,<br />

Université de Dakar',,)-986, 3 vol. /<br />

Froelich (J.c.), Les Musulmans d'Afrique Noire, Paris, 1962.<br />

Voir Wane (B.), "Le Fuuta Tooro de Ceemo Suleymaan Baal à la fin de<br />

L'Almamiyat(l770 - 1880)" ,in Revue Sénégalaise d'Histoire, vol. 2, n 0 1, Janv<br />

- Juin; 1981.<br />

Wane (Y.), Les Toucouleurs du Fauta Toro, Dakar, 1969.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 248<br />

des grands de la cour, <strong>par</strong>fois de riches négociants ou de riches pasteurs. On rencontrait<br />

aussi des lettrés possédant une cenaine richesse issue, soit du commerce familial, soit de<br />

propriétés agricoles cultivées <strong>par</strong> leurs élèvés. D'autres pouvaient avoir d'immenses<br />

troupeaux de bovins, d'ovins, de caprins, ou d'équidés, confiés en général à des éleveurs<br />

professionnels.<br />

D'une manière générale, ces maîtres menaient une existence assez aisée qui<br />

leur pemlettait de se donner entièrement à l'enseignement. Us fornlaient une vraie aristocratie<br />

du savoir. A ce titre, leur rappon avec le pouvoir était complexe: ils pouvaient être<br />

conseillers du roi, maîtres indépendants ou associés au pouvoir. Dans tous les cas, leur<br />

action favorisa la construction d'oeuvres monumentales qui défient èncore le temps.'<br />

On peut dire, en gros, que la culture islamique s'implanta au Soudan<br />

occidental à la veille du jihâd omarien, finit <strong>par</strong> être intériorisée dans bien des contrées et<br />

fonctionna comme une religion ancienne 1. Son succès relégua, dans les théocraties en tout<br />

cas, la religion et la culture autochtones au rang d'un animisme dépassé.<br />

C'est dans un contexte politique, économique et social sérieusement ébranlé<br />

que naquit El Hadj Omar; même si <strong>par</strong> ailleurs le dynamisme intellectuel et religieux,<br />

émanant de foyers localisés, avait favorisé la formation d'une civilisation florissante.<br />

3°) LE JIHAD ÜMARIEN<br />

L'épopée étant lieu dhistoire dans les sociétés de tradition orale, l'approche<br />

du jihâd omarien dégagée dans la première <strong>par</strong>tie, à panir d'une synthèse des sources écrites<br />

et orales 2 , pourrait nOLIs dispenser ici de longs développements. Mais les présupposés des<br />

historiens, spécialistes de la question, commandent de reconsidérer certaines vues. Leur<br />

perspective s'inscrit dans une vision historique globale qui établit une corrélation entre les<br />

faits économiques et l'évolution sociale. L'inflnence marxiste, en général, est évidente.<br />

L'étude du jihâd omarien doit donc privilégier selon eux les faits objectifs: l'évolution<br />

politique, économique et sociale des pays conquis au détrimeni des données légendaires,<br />

épico-mythiques, du fait religieux ou du charisme d'Omar. 11 incombe alors au chercheur de<br />

replacer les conquêtes dans leur proponion matérielle, avant de jeter lin regard critique sur<br />

l'oeuvre du Cheikh.<br />

1<br />

2<br />

Dumont (F), op. cil.<br />

Voir nos sources dans la premlere panie du présent travail, notamment la<br />

panie intitulée : le point de dépan historique.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 250<br />

des chefs comme Koli Mody, héros dont les exploits doivent être chantés <strong>par</strong><br />

nos poètes"1.<br />

Les ralliements se multiplièrent alors: Khasso, Guidimakha. Cependant, un<br />

obstacle de taille se dressa en face du maître du Haut-Fleuve: la présence française. Installés<br />

dans la vallée du fleuve Sénégal depuis la fin du XVIème siècle, les Français décidèrent de<br />

relancer leur commerce dans le Haut-Sénégal avec la construction de comptoîrs fortifiés à<br />

Bakel et Sénoudébou, de points de traite et d'établissements à Bakel et Médine. Cette<br />

politique fut surtout développée <strong>par</strong> Faidherbe qui venait de remplacer Protêt; Tl s'agissait<br />

pour le capitaine lillois d'étendre l'influence française dans le Haut-Fleuve. Les deux<br />

nouveaux maîtres ne tardèrent pas à s'affronter: le refus de vendre au jihâd omarien et la<br />

volonté de maîtriser l'occupation de la Haute-Vallée rendirent le conflit înévitable 2 On pense<br />

que l'objectif du jihâd ne visait pas les Français, mais les infidèles africains: c'est pourquoi,<br />

malgré quelques escarmouches, le jihâd omarien préféra quitter Farabanna en 1854 et alla<br />

s'établir à Bongourou, en aval de Kayes, où les chefs du Khasso firemleur soumission. Le<br />

Cheikh se fixa alors comme objectif la conquête du Kama et pré<strong>par</strong>a sérieusement son plan<br />

d'attaque.<br />

Bénéficiant des conseils avisés des chefs de son armée et des notables<br />

autochtones qui le suivaiem, Cheikh Omar adopta la tactique préconisée <strong>par</strong> Diodio Demba,<br />

un prince Khassonké. Il s'agissait de diviser l'armée dujihâd en deux colonnes: alors que la<br />

première traverserait le fleuve en amont du gué de Soutoukhoulé, près de Kayes, attaquant<br />

les forces Massassis sur la rive droite, la deuxième remonterait la rive gauche jusqu'au gué,<br />

le traverserait et irait attaquer les Massassis sur leurs arrières. Omar appliqua cette tactique de<br />

l'étau au début de Janvier 1855. Les Bambaras Massassis, pris emre deux feux, s'enfuirem<br />

en désordre. La conquête du Kaarta ne faisait cependant que commencer, malgré celle<br />

victoîre. Le Cheikh la pré<strong>par</strong>a diplomatiquement. En mars 1855, à la tête d'une forte armée,<br />

il se dirigèa vers le Kaatta. Il oceupa sans mal Kouniakâry, capitale de la riche province du<br />

Diomboukhou où il bâtit un tata. Remontant vers le Séro, il reçut le raiIiement du roi Diab<br />

Moriba. Le même scénario se produisit au Diafounou avec le chef Bambara Manan Moriba<br />

après de vifs combats à Yélimané et Madina. De nouveaux ralliements ne tardèrent pas à<br />

venir: les Peuls Oulibas et surtout le Fama Mamadi Kandia de Nioro, capitale du Kaarra, où<br />

l'année du jihâd entra, sans coup férir, le 11 Avril 1855. L'armée d'Omar occupa alors<br />

toutes les places fortes à commencer <strong>par</strong> Kolomina.<br />

1<br />

2<br />

Cissoko (S. M.), art. cil., p. 50.<br />

Delafosse (M.), Haut - Sénégal - Niger, Tome 1 et Il, Paris, 1912.


électrisa ses talibés qui s'élancèrent contre les Bambaras, les refoulèrent<br />

jusqu'au tata après avoir récupéré les canons aux affûts rompus" 1.<br />

Ré<strong>par</strong>és <strong>par</strong> <strong>Samba</strong> Ndiaye, les canons permirent, le 9 Septembre J860, de<br />

donner le dernier assaut à la puissance de Ségou. Victorieux, le jihâd dominait alors la vallée<br />

du Niger. Cheikh Omar préféra cependant s'installer à Sansanding, grande métropole en aval<br />

de Ségou. Ce fait posa de sérieux problèmes à l'Empire peul du Macina: le conflit ne tarda<br />

pas à se révéler, opposant des Peuls islamisés entre eux pour des motifs essentiellement<br />

politiques.<br />

L'installation du jihâd omarien à Sansanding, dans la vallée du Niger, à la<br />

limite du Macina, poussa Ahmadou ru et Sidi Ahmed El Bekkaï Kounta de Tombouctou à se<br />

coaliser contre Cheikh Omar. Le conflit se transforma assez vite en guerre politique, ravivée<br />

<strong>par</strong> des rivalités ethniques et confrériques. Ainsi, alors qu'El Hadj Omar se présentait en<br />

champion d'un jihâd orthodoxe, le Macina considérait la conquête des pays bambaras <strong>par</strong> les<br />

Toucouleurs comme une ingérence dans sa sphère d'influence, menaçant à la longue son<br />

intégrité territoriale et l'expansion de sa confrérie, la Qadiriyya. Sur un autre plan, l'intensité<br />

de la foi islamique des jihâdistes inquiétait le jeune roi dont le libertinage suscitait l'hostilité<br />

ouverte des Ulémas, compagnons des fondateurs de la Dina ou empire théocratique. Sidi<br />

Ahmed El Bekkaï, qui rêvait de jouer un rôle politique dans la région, ne se fit pas prier pour<br />

entrer dans une lutte qui menaçait la Qadiriyya, dont il était l'un des maîtres 2<br />

< 2<br />

Prenant l'initiative des hostilités, Ahmadou III envoya une importante .mnée,<br />

sous la conduite de son oncle Bâ-Lobbo, en direction de Ségou pour secourir Bina Ali. Les<br />

arnlées peules et bambaras se coalisèrent et campèrent à Thio pour barrer la route de Ségou à<br />

l'armée omarienne. Mais le 2 mars 1861, elles furent taillées en pièces <strong>par</strong> les jihâdistes, qui<br />

entrèrent sans coup férir à Ségou où ils s'em<strong>par</strong>èrent des idoles royales. Le Cheikh consacra<br />

le reste de l'année à fortifier la nouvelle capitale islamique du Soudan nigérien. En 1862,<br />

après maintes missions de bons offices restées vaines, El Hadj Omar décida alors d'engager<br />

l'ultime campagne contre le Macina, et confia au<strong>par</strong>avant Je commandement de Ségou à son<br />

fils aîné, Ahmadou. Il défit l'armée du Macina à Koghou, puis traversa le Bani après la<br />

victoire de Promani et rentra au Macina. Se sentant sérieusement menacé, Ahmadou ru réunit<br />

toures ses forces et engagea un grand combat dans la plaine de ThiâyawaL La tradition orale<br />

fait ici état d'un combat mystique qui précéda le combat des armes et qui tourna à l'avantage<br />

Cissikho (S. M.), art.. cit. p. 60.<br />

Ould Ely (S. A.), "Ahmed Al -Bakkaye, une grande figure de l'histoire de la<br />

région de Tombouctou à l'orée de la conquête coloniale" . in SAN K 0 RE,<br />

Revue semestrielle bilingue Français - Arabe, Centre de Documentation et<br />

de Recherches "Ahmed Baba" (CEDRAB), Tombouctou, n O l, 1985, pp. 24-38.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESEl'rrATION DU Î\'IONDE<br />

253<br />

d'Omar. Quoi qu'il en soit, l'année toucouleur attaqua les lanciers macimens qUl la<br />

repoussèrent. Manquant alors de munitions, les jihâdiste firent le siège des Peuls, espérant<br />

ainsi les extenniner. Les Toucouleurs en profitèrent pour reprendre force: les forgerons<br />

coulèrent des balles et ré<strong>par</strong>èrent les fusils. A ln reprise des hostilités, l'année du jihâd tailla<br />

de nouveau en pièces l'année peule. Blessé, Ahmadou Ahmadou fut emporté <strong>par</strong> les siens.<br />

Ils furent rejoints <strong>par</strong> Alpha Oumar qui décapita le troisième roi du Macina. Ali aussi fut<br />

capturé sur la route de Hamdallahi, puis, publiquement confondu comme idolârre, il fut à son<br />

tour décapité.<br />

Cheikh Omar s'installa à Hamdallahi, au palais royal où tout le m'onde<br />

macinien, à la suite des princes Bâ-Lobbo el Abdou Salam, vint se soumetrre. Il devenait<br />

ainsi le maÎrre de l'Occident soudanais et vivait l'apogée du mouvement déclenché en 1852,<br />

sur les conrreforts du Fouta-Djallon. Mais cette situation ne dura qu'un an. Les Peuls, déçus<br />

après l'inrronisation en 1863 d'Ahmadou comme titulaire du commandement du Macina, se<br />

révoltèrent et s'allièrent à Bekkaï. Les coalisés défrrent à Mani-Mani la principale colonne de<br />

l'année omarienne tuant son chef Alpha Oumar Thierno 'Bayla. La même année 1863, à<br />

quelques jours d'intervalle, Alpha Ousmane, un aurre général, périt à Ségué à la tête d'une<br />

aurre colonne: A <strong>par</strong>tir du mois de Juin, Cheikh Omar fut assiégé à Hamdallahi 1. A Ségou<br />

aussi, une révolte éclata à la faveur du siège de Hamdallahi. Les relations étant coupées enrre<br />

les deux années, Ahmadou ne put voler au secours de son père.<br />

Néanmoins El Hadj Omar réussit à faire sortir Tidjâni, en vue de chercher une<br />

année pour délivrer la ville. Mais avant son retour, le Cheikh sortit de Hamdallahi, suivi des<br />

jihâdistes pour se diriger vers les falaises de Bandiagara. Poursuivis <strong>par</strong> les assaillants, les<br />

Toucouleurs essuyèrent un échec cuisant. Cheikh Omar dis<strong>par</strong>ut alOI:s dans la grotte de<br />

Déguembéré, sans qu'on le revît jamais 2 Cette fin suscita de nombreuses hypothèses, des<br />

plus prosaïques aux plus mystiques. Fin énigmatique, à la démesure du personnage.<br />

b) L'oeuvre<br />

L'ampleur du jihâd omarien, la complexité de la figure de Cheikh Omar<br />

enrraînent des appréciations diverses de son oeuvre, souvent conrradictoires, en fonction des<br />

intérêts du moment ou du statut de celui qui émet le jugement. De façon générale, les<br />

historiens retiennent deux figures d'El Hadj Omar : le religieux et le politique.<br />

Les historiens africains considèrent Cheikh Omar comme le prototype du<br />

nationaliste inrransigeant : "Al Hadj Omar-;"letrré, auteur d'une oeuvre imposante (dont le ./<br />

1<br />

2<br />

Mage (E.), op. cit.<br />

Wane (Y.), "De Halwar à Degembéré ou ,'itinéraire islamique de Shaykh<br />

Umar TaU", in Bulletin de l'IFAN, série H, T. XXXI, n02, 1969, pp.445-451.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 258<br />

" Le jour où le Fouta eut appris le retour de notre Cheikh, les électeurs du<br />

souverain et le souverain furent troublés, tout à fait troublés.<br />

Ils traversèrent le fleuve et l'on se rendit à Dyoké pour y être enfermés au pied<br />

des rochers jusqu'au jour où, le Cheikh ayant passé, ils reviendraient" 1.<br />

A ce titre, il réussit à enrôler certains grands du Fouta dans l'armée du jihâd,<br />

mais d'autres re.fusèren t de quitter la terre de leurs aïeux :<br />

"Le Cheikh mit les maltres du Fouta en tête de l'émigration.<br />

Ils se soumirent, empaquetèrent, chargèrent [leurs affaires], l'Est fut [leur<br />

point de direction.]<br />

Eliman, celui de Rindyao ; Mohammadou, celui d'Odédyi, le fils<br />

de Mahmoudou Ali, ce qu'ils ont dit, le Fouta, certes, ne l'enfreint pas.<br />

Et Tyêmo Salihou, fils de Siré Harouna.<br />

Ce sont des gens qui se sont fait remarquer au sud du fleuve, des noms qui ne<br />

sont pas sans réputation.<br />

Et Tyêmo Boubakar Mollé, le Cheikh, notre saint.<br />

Eux tous, quand ils sont réunis, Je respect grandit au point de n'être pas petit.<br />

Depuis le Fouta jusqu'à Nyoro, <strong>par</strong>tout où ils s'arrêtèrent, ce furent des gens<br />

honorés, ce ne [ut qu'une fête jusqu'à ce qu'on fût arrivé.<br />

Ceux qui étaient restés, restèrent tâtonnant à la recherche de commandements.<br />

Nomme Tyêmo Fondou à un commandement qui n'achèvera [rienl" 2.<br />

Opposition significative, qui fut historiquement attestée, entre ['aristocratie<br />

pro-amarienne et l'autre, farouchement hostile à toute idée d'immigration, cependant assez<br />

minoritaire et obligée de se cacher ou d'opérer en cachette. A ce sujet, commenrant ces vers<br />

dans une note détaillée, Gaden écrit:<br />

1<br />

2<br />

"Ceci est une allusion aux difficultés que le Cheikh rencontra au Fauta<br />

Central. La population ne désirait pas quitter son pays. L'approche du Cheikh<br />

avait suffi à faire déposer l'Almamy Mohamadou Birân, Chef des<br />

"Wanwanbe" du Lao, en qui on craignait de ne pas trouver un protecteur car il<br />

venait, sur la demande du Cheikh, de faire construire le barrage de Garli.<br />

Mais la crainte du Cheikh était telle qu'aucunmÛldidat ne s'était présenté. Tant<br />

Gaden (H), op. cie., vv. 701-702, p. 119.<br />

Id., vv. 671-676. pp. 114-115.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMJ\;1E REPRESENTAT10N DU MONDE 259<br />

qu'il fut à Horé-Fondé, il n'y eut pas d'Almami. Chez les "Kanhanbe",<br />

depuis le dé<strong>par</strong>t de Bôkar Ali Doundou, qui avait rejoint le Cheikh à<br />

Farabanna en novembre 1854, le Chef était Mohammadou Mahmadou Ali<br />

Doundou. Après lùi venaient Tyêrno Seïdou Mahmoudou Doundou et Abdoul<br />

Bôkar Ali, ce dernier plus connu de nous sous le nom d'Abdoul Boubakar.<br />

Tous deux avaient promis à leur aîné de tenir les engagements qu'il pourrait<br />

prendre. Quand il eut pris, comme on vient de le voir, celui d'émigrer, ils ne<br />

tinrent pas leur promesse et décidèrent de rester. Tyêrno Seïdou, homme<br />

d'étude, se tint tranquille; Abdoul Boubakar, homme d'action, prit la tête de<br />

l'opposition, se pré<strong>par</strong>ant ainsi au rôle qu'il joua plus tard contre nous. Tant<br />

que le Cheikh fut à Horé-Fondé, Abdoul Boubakar ne put réussir à trouver lin<br />

Almami. Une fois le Cheikh <strong>par</strong>ti pour le Toro, un candidat osa se présenter et<br />

fut nommé. C'était Tyêmo Fondou qui fut l'Almamy Moustafa Abdoullahi. li<br />

ne fut pas le protecteur qu'on espérait... " 1.<br />

Véritable maître du FOUla à la veille de son annexion à la colonie du Sénégal,<br />

Cheikh Omar en détenait le pouvoir politique, malgré l'hostilité de certaIns membres de<br />

l'aristocratie toucouleur représentés ici <strong>par</strong> Abdoul Bôkar 2 , désigné dans les archives sous le<br />

nom de Abdoul Boubakar. Ce "jaagorgal", ou grand électeur du Fouta, dont le père et la<br />

mère avaient suivi Cheikh Omar à Nioro, poussa la hargne jusqu'à razzier le troupeau de<br />

vaches de celui-ci.<br />

n ressort, de ce qui précède, une représentation sobre des convulsions<br />

politiques qui déchiraient le Fouta peu d'années avant et pendant le jihâd omarien. L'épopée<br />

met Cheikh Omar en gros plan et soumet tout à son autorité, laquelle renvoie à l'image d'un<br />

pouvoir pacifique:<br />

"Le Cheikh fut maître depuis Tombouctou jusqu'à notre Fouta. Même une<br />

femme mettait son pagne et <strong>par</strong>tait, pas un ne lui faisait du tort" 3.<br />

Au Boundou, malgré la lutte opposant Boulebané et Khoussan, le pouvoir<br />

politique n'a droit, dans l'épopée du jihâd, qu'à une allusion malgré tout expressive,<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Gaden (H.), op. cit., note. 676, p. 115.<br />

Id., v.J085, p. 188. -/<br />

Dioum (O.), La pénétration coloniale française dans le Fuula Tooro : la<br />

résistance d'Abdul Bookar Kan 1862-1891, Mémoire de Fin d'Etudes, série<br />

Histoire et Géographie, ENS, Nouakchott, 1982-83.<br />

Robinson (D.), Chiefs and clerics - The history of Abdul Bokar Kan and Futa<br />

Toro, 1853-1891, Oxford, 1975.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 260<br />

exprimée <strong>par</strong> Koly Mody Sy, répondant à Cheikh Omar qui cherchait un preux p(')ur la<br />

mission de bons offices toucouleur au Macina:<br />

/"<br />

"Quand lU vins au Boundou,<br />

Tu trouvas que mon père était un roi.<br />

n enchaînait, il emprisonnait.<br />

Tu sais, celui qui a abandonné le pouvoir pour te suivre,<br />

C'est celui-là qui te suit <strong>par</strong> Allah.<br />

En fait, il n'y a rien de plus délicieux que le pouvoir" 1.<br />

n est permis de penser qu'en plus du motif rèligieux invoqué ici, d'aurres<br />

facteurs détemùnèrent le prince Boundounké à quitter la théocratie de ses ancêrres.<br />

Le Fouta-Djallon, pays d'accueil du Cheikh et berceau du jihâd, n'ap<strong>par</strong>aît<br />

qu'à rravers les divers incidents qui éclatèrent entre El Hadj Omar et Almamy Oumar 2 De<br />

même, le pouvoir Dyallonké ne trans<strong>par</strong>aît que derrière Yimba Sakho, que Sicli Mbôthiel<br />

confond avec Tamba Boukary, plus puissant et premier hôte de Cheikh Omar. Soucieuse de<br />

valoriser la puissance, l'épopée n'hésite pas à abriter sous le même toit des personnes<br />

d'époque différente. Ainsi procède la version de Sidi Mbôthiel. Sans doute aussi la<br />

substitution du pouvoir fort de Tamba au pouvoir chancelant de Yimba obéit-elle à une<br />

volonté de magnifier la victoire des jihâdistes, d'autant plus qu'il s'agissait de la première<br />

bataille. Le royaume de Bandiougou, le Ménien, traversé <strong>par</strong> Je jihâd comme un éclair, n'a<br />

droit qu'à la mention de la tête de son roi coupée.<br />

Au Kama aussi, l'épopée omarienne ne se livre pas, à proprement <strong>par</strong>ler, à<br />

une peinture politique, tout au plus suggère-t-elle la colère des frères du souverain Mâmady<br />

Kanclia, les sarcasmes des femmes griotes, les récriminations de Karounka Diawara, tous lui<br />

reprochant d'avoir livré son pays au jihâd sans coup férir. Cet épisode, attesté <strong>par</strong> la version<br />

de Nioro, ap<strong>par</strong>aît dans la relation de tous les griots: Sidi Mbôthiel, Thithié Dramé, Demba<br />

Hamme, enrre autres.<br />

Le Kingui, <strong>par</strong> contre, pays de Karounka Diawara, spécialiste de la guérilla et<br />

de la conrre-guérilla, suscite de longs développements3:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

"Alors les méchants furent dispersés, le Cheikh mil pied à terre, la nuit vint.<br />

Mbôthiel (S.), vv. 874-879.<br />

Voir la première <strong>par</strong>tie du présent travail : le point dc dé<strong>par</strong>t historique.<br />

Voir la version de Thithié Dramé dans notre thèsc dc Doctorat de IIIème<br />

cycle.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENT!\TIaN DU t\'10NDE 261<br />

Karounka fut terrorisé et <strong>par</strong>tit la nuit, ce qui ne [le] sauvera pas. Allah nous<br />

fit hériter de Bassaga <strong>par</strong> sa propre volonté"l.<br />

Karounka s'enfuit malgré tout:<br />

"Karounka s'enfuit [avec les siens], d'une fuite qui ne sauve pas"2.<br />

Alors le Cheikh lui lança l'hameçon:<br />

"Le Cheikh compta une colonne le mardi, illa remit à un Talibé, Ardo Aliou,<br />

qui se dirigea vers celui qui ne se convertira pas.<br />

Ils se hâtèrent dans leur marche, le mercredi, jusqu'au jeudi; Karounka<br />

fllt attein t,<br />

Alors sa .tête fut tranchée d'un seul coup ,,3<br />

Dans la version de Dramé, Ardo Aliou doit, sur l'autorisation de son Cheikh,<br />

user de syncrétisme, afin de pennettre à Lamba Bôkar Thiam de venir à bout de Karounka,<br />

au prix de sa vie. La longue lu rte qui a opposé Karounka au Cheikh et la collaboration des<br />

jihâdistes pour l'éliminer justifient la version plus épique de Drarné.<br />

Ségou n'existe, de son côté, que <strong>par</strong> sa puissance militaire: les pré<strong>par</strong>atifs el<br />

la bataille de Woïtêla pem1eltent aux griots de l'évoquer. Le prêche de Cheikh Omar est<br />

formel:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

"Hé 1 Soyez solides, soyez fem1es, ceignez vos reins, mettez vos poings sur<br />

vos hanches.<br />

Il n'y a d'autre route que celle de Woïtala ; cela on ne l'évitera pas.<br />

Sachez que la guerre, que la bataille [sera] très dure à Woïtala ; balle dans la<br />

tête, la bouche, la poitrine, jusqu'à ce qu'on soit à terre"4<br />

Malgré tout, "Woïtala fut renversé"5.<br />


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 263<br />

vous ont précipités dans une nJine mauvaise au point que vous n'en sortirez<br />

pas.<br />

Vous vous êtes dépouillés de votre commandement, que vous ne reprendIez<br />

pas,<br />

<strong>par</strong> vos mauvaises actions contre celui qui ne conunet pas d'injustice."<br />

Les démêlés du jihâd omarien avec la colonisation française ap<strong>par</strong>aissent aussi<br />

au fil de la narration épique. Au Boundou, Cheikh Omar avenit la population des<br />

conséquences de l'occupation coloniale 1.<br />

"Hé, Boundou ! Levez votre pays<br />

afin qu'il se rassemble, vous tirerez sur Sendébou 2<br />

jusqu'à ce qu'il soit détruit de fond en comble.<br />

Sans cela, émigrez, ce pays a cessé d'être le vôtre;<br />

c'est le pays de l'Européen, l'existcnce avec lui ne sera pas bonne"3<br />

La tradition orale concorde avec les écrits du Cheikh sur la position<br />

intransigeante de Cheikh Omar <strong>par</strong> rappon à la colonisation. Assuré que la coexistence avec<br />

le colonisateur ne sera pas bonne, le Cheikh somme le peuple de résister ou d'émigrer. Bien<br />

plus, El Hadj Omar, en fin stratège, utilisa plus tard les armes du colonisateur pour son jihâd<br />

contre Ségou:<br />

"Les canons furent tirés, ils furent inquiets alors, au point qu'ils chancelèrent.<br />

Aussitôt s'élancèrent les hommes bien ponants et braves,<br />

Dyabal fut dispersé"4<br />

Commentant ces canons, Gaden écrit: "Ces canons provenant de Ndyoum,<br />

village du Ferlo du Boundou déjà signalé (n. 316 et 652), avaient été remis au Cheikh<br />

pendant son séjour à Boulé-Bané en Mai 1858"5 Le capitaine Cornu, commandant le poste<br />

de Bakel, vole au secours de Boubakar Saada qui assiégeait sans succès Ndioum, en février<br />

1858. Une sonie des défenseurs ayant mis en fuite l'armée de Boubakar, obligea Cornu,<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Gaden (H.), op. Cil., VV. 1141-1142.<br />

tiaste français de moindre importance<br />

piqueur du génie.<br />

Gaden (H.),op. Cil., VV. 646-647.<br />

Id., v. 831.<br />

Ibid., p. 143.<br />

/"<br />

commandé. <strong>par</strong> conséquent, <strong>par</strong> un


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 265<br />

économique et sociale de l'épopée dessinent les contours d'un monde riche et peuplé où<br />

dominent l'agriculture, l'élevage et une abOndante main-d'oeuvre servile l .<br />

D'après les versions du jihâd omarien, le Fouta-Toro reste le pays de<br />

l'agriculture, car ne pas abandonner des terres inondées <strong>par</strong> la crue du fleuve fut le principal<br />

motif invoqué <strong>par</strong> ceux qui refusèrent de suivre Cheikh Omar. Mais le Fouta-Toro est aussi<br />

un pays d'éleveurs et Bôtol Sawa Hâko, le Peul, le rappelle à son Cheikh la veille de<br />

l'ambassade toucouleur au Macina:<br />

"... La nuit que tu passas chez moi au Fouta,<br />

Tu m'as rrouvé avec quarre épouses peules,<br />

Chacune d'enrre elles était plus belle que l'aurre ;<br />

Et recevait chaque fois plusieurs écuelles de lait dans sa case"2<br />

Pays de pâturages, de vaches laitières et de femmes peules allières, le Fouta­<br />

Toro de l'épopée omarienne est l'expression la plus pure de la pulaagu an té-islamique. En<br />

somme, le cadre et les hommes se placent sous l'éthique rraditionnelle. Cependant, malgré<br />

tout, le pays toucouleur demeure moins riche que les pays de l'est. En ce sens, le pays de<br />

Nioro combla les jihâdistes du Cheikh:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

"Alfa Oumar, il l'envoya dans le Sountya : qu'il s'y promène <strong>par</strong>tout pour<br />

prendre les troupeaux et les enfants des Chefs entièrement,<br />

et pour le <strong>par</strong>tage des nombreuses femmes des Chefs qui ne se convertiront<br />

pas"3<br />

Au Kingui aussi la situation est avantageuse:<br />

"Au bout d'un peu de temps, il (le Cheikh) dit que le butin revienne afIn d'être<br />

distribué, pour que chacun ait son droit et soit satisfait.<br />

De nombreux biens furent ramenés, tout fut tenniné, sauf qu'il resta les gens<br />

du Dyawara, [qui] refusèrent, dirent qu'ils ne remeto-aient pas [leur butin]<br />

Là le butin fut distribué. Ceux de faible attachement [au Cheikh] s'en<br />

retournèrent,<br />

Mbôthiel (S.), vv. 848 - 850.<br />

Voir aussi Suret-Canale (1.), Afrique Noire<br />

Civilisation, Histoire", Paris, 1961.<br />

Gaden (H), op. cie., vv 365-366, p. 62.<br />

volume J,_ "Géographie,


, ..'<br />

"<br />

r<br />

Q-Lf>,PITRE IV - LA GESTE COMME REPRES.ENTATlON DU 1\'10NDE 268<br />

Celui qui dit toujours le "dzikr", le véridique dans [son] amour du Cheikh et<br />

qui ne [lui] sera pas hostile,<br />

Celui à qui on a rendu témoignage dans tous les combats, et ceci n'est pas<br />

. ,,1<br />

nen .<br />

A travers la relation du jihâd omarien, se profile un monde bigarré, dominé<br />

<strong>par</strong> une économie de type féodal: les captifs défilent èn même temps que les animaux<br />

domestiques et les produits agricoles. Par contre, la stmcturation sociale, bien que<br />

hiérarchisée, semble privilégier l'éthique et le religieux, d'où la juxtaposition dans un même<br />

chant de Cheikh El Hadj Omar, et Kouroubatou Dembélé, à côté des libertés de Farba<br />

Gouwa, le griot du Cheikh. Les nécessités du jihâd, liées aux mutations sociales de<br />

l'époque, semblent expliquer, dans une large mesure, de telles audaces.<br />

"Dîn et Dawla", religion et état, l'Islam ignore l'opposition entre religion et<br />

politique. La "'Umma" ou communauté islamique se définit comme un tout organisé.<br />

L'épopée du jihâd s'inscrit dans cette perspective et annexe tous les autres phms à la religion.<br />

Quoi de plus légitime, puisque l'action de Cheikh Omar s'exprime dans le cadre du jihâd,<br />

prescription divine, mise en pratique <strong>par</strong> le Prophète de l'Islam Aussi, les versions de<br />

l'épopée d'Omar s'efforcent-elles de faire de leur héros le champion de l'orthodoxie <strong>par</strong><br />

opposition aux tenants de l'animisme, aux mauvais musulmans et aux hypocrites.<br />

D'abord, le Fouta-Toro se singularise à ce propos comme une vieille terre<br />

d'Islam, mais où le relâchement des moeurs affectait dangereusement la pratique religieuse<br />

orthodoxe. A ce propos, la version, de Sidi Mbôthiel 2 cite l'épisode où Elimâne Rindaw<br />

ayant dénoncé les fondements du jihâd omarien à cause du jeune âge d'Omar, et du fait qu'il<br />

était envoûté <strong>par</strong> des djinns - se voit à son tour accusé <strong>par</strong> Omar, ainsi que le Fouta tout<br />

entier, d'être un mauvais musulman. El Hadj, pour démontrer son assertion, se propose de<br />

citer quatorze faits, mais à <strong>par</strong>tir du quatrième, l'assistance le prie, <strong>par</strong> patriotisme, de ne pas<br />

déshonorer son pays natal. Au<strong>par</strong>avant, l'intransigeantjihâdiste avait critiqué les cérémonies<br />

familiales mineuses et illicites, le libertinage des jeunes gens des deux sexes, la crise de<br />

l'autorité <strong>par</strong>entale, la pratique laxiste de la "Zakât" ou dîme.<br />

Du Dyallonkadougou à Ségou domine l'animisme que combat le jihâd. Ainsi,<br />

-./ selon la version de Dinguiraye, le Dyallonka de.vait sa puissance à une force militaire'<br />

1<br />

2<br />

Gaden (H), op. cU., v 1033-1034, p. 178.<br />

Version non transcrite, cf notre bandothèque.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 269<br />

incontestable, appuyée sur une grosse idole en pierre que l'on peut encore voir. La lutte<br />

contre le Dyallonkadougou et le Ménien 1 est ainsi relatée <strong>par</strong> Mohamadou Aliou Tyam :<br />

"Le jour où le Cheikh eut appris que Yimba s'était révolté jusqu'à [passer] au<br />

Ményen, était arrivé chez Bandyougou, qu'il en avait disposé sans tarder,<br />

aussitôt le Cheikh envoya chez Bandyougou : "Rends-moi<br />

ces gens échappés de chez moi, hé ! négateur du Roi qui ne te conveniras<br />

pas."<br />

Bandiougou dit: "Non! Hé toi ,Marabout!<br />

Toi en personne, je cherche à t'avoir. Qu'as-tu à dire 7"<br />

Aussitôt le méchant rassembla ses gens, jusqu'à ce que ce fut épais et dit:<br />

Qu'ils panent, qu'ils aillent tomber sur le groupe du Cheikh qui ne commet<br />

pas d'injusüce"2<br />

Une même fin sanglante réllnit Yimba et Bandyougou. Puis Je jihâd se dirigea<br />

vers le Bambouck, le Khasso et le Kaarta. Dans celle dernière localité, bien que la<br />

conversion de Mamady Kandia, le souverain du pays, s'effectuât sans dommage, l'épopée<br />

du jihâd relève un fond animiste tenace. Le passage du pays des Diawara de Karounka<br />

suscite une hémistiche fomlelle :<br />

"Ce pays de Kingui, qui est d'une race dont le paganisme ne se convertira<br />

pas"3<br />

Ségou demeure le "pays célèbre du paganisme"4, mais aussi un pays n'ès<br />

riche puisque, d'après la version de Thithié Dramé, au cours de sa fuite, Ali "empona avec<br />

lui des cauris, il emporta avec lui beaucoup d'or"S. Ce fait est aussi allesté, <strong>par</strong> la marabout<br />

sénégalais, Cheikh Moussa Kamara 6<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

Plus infamante s'avère l'accusation d'hypocrisie ponée contre le Macina:<br />

"Hé! gens du Macina, vous vous lamentez jusqu'à hurler; malheur à vous 1<br />

Pleurez ces longs pleurs qui n'ont pas de limite.<br />

Voir le récit de Sidi Mbôthiel.<br />

Gaden (H.), op. cil. :)Iv. 230-233. p. 40.<br />

Id., v. 491, p. 83.<br />

Ibid., v. 946. p. 163.<br />

DŒNG (S.), Thèse de Doctorat de Illème cycle, Tome l, p. 293.<br />

Ndiaye (M.), "Histoire de Ségou <strong>par</strong> Cheikh Moussa Karilara",<br />

l'IFAN, Tome XXX, Sér. B,. nO 3, Juillet 1978, pp. 458-488 ..<br />

in Bulletin de


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESE!\'TATION DU MONDE 270<br />

De quel côté vous tournez-vous? Où vous dirigez-vous? Quel est votre<br />

espoir?<br />

Vous vous êtes fait précéder de ces mauvaises actions qui ne deviendront pas<br />

bonnes.<br />

Les bonheurs de l'autre monde vous sont interdits depuis que vous avez<br />

travaillé à des choses illicites contre le grand Pôle qui ne se rapetissera pas" 1.<br />

Par opposition à la pratique islamique laxiste, à l'animisme lOtal et à<br />

l'hypocrisie satisfaite d'elle-même du Fouta-Toro, des pays animistes et du Macina, l'épopée<br />

du jihâd dresse le portrait séduisant du Cheikh Omar, érudit musulman, défenseur<br />

intransigeant de l'Islam orthodoxe 2 Avant lOut, son jihâd se définit comme une imitation,<br />

mieux, un prolongement du jihâd de Mohammed. Ainsi l'émigration de Djegunko vers<br />

Dinguiraye, puis du Fouta-Toro vers l'Est, fut com<strong>par</strong>ée à celle de la Mecque vers Médine 3<br />

De même, le bris des idoles ségoviennes à Hamdallahi s'inscrivit dans la même trajectoire:<br />

"Le Cheikh interrogea Ali:"Qu'est ccci près de nous?"<br />

"Ce sont les idoles", [dit Ali] et il cita leurs noms pour qu'on les connût.<br />

Le Différenciateur leur dit: "Hé 1 l'rappez-Ies, brisez-les afin que vous éleviez<br />

des mosquées dans le Ségou tout entier."<br />

Ali dit: " Mensonge 1 Toi seulles briseras et il en adviendra du bien.<br />

Quiconque les aurait brisées qui ne serait pas lOi ne le raconterait pas."<br />

Là, les mauvais fléchirent la nuque, ils ne redresseraient pas le cou, ils avaient<br />

la tête honteusement baissée à cause de ces mensonges; ils ne <strong>par</strong>laient pas.<br />

Là l'unique se leva, alla les briser de sa 1main] chargée de baraka pour imiter<br />

l'action de l'Elu qui habite à Daibam"4<br />

C'est-à-dire du Prophète Mohammed, Daïbata ou Taïbata désignant aussi<br />

"Mailinatoul Mounawara" ou Médine-la-Lumineuse.<br />

Jihâdiste acharné, Cheikh Omar jouit aussi d'une bonne expérience de la vie,<br />

contrairement à Ahmadou Ahmadou, jeune roi très impérueux. La Qacida relie tout cela à la<br />

bataille de Thiâyawal. Au lieu de donner l'assaut final, l'Emir préfère un siège:<br />

1<br />

./ .<br />

Gaden (H.), op. cit., vv. 1133-1135, p. 199.<br />

./<br />

2 Voir la première<br />

dé<strong>par</strong>t historique<br />

et<br />

et<br />

la<br />

les<br />

deuxième <strong>par</strong>tie<br />

personnages.<br />

du présent travail le point de<br />

3 Voir à ce sujet F- Dumont et El Hadj Mamadou Abdoul Niâgane.<br />

4 Gaden (H.), op. cit., vv. 1065-1069, pp. 184-185.<br />

"kat.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU Mü1'mE 271<br />

" Ahmadou envoya au Macina pour que les haches viennent<br />

afin qu'une haie soit faite autour d'eux, si bien qu'ils ne sonent plus.<br />

Regarde leur sottise, on dirait que c'est à du bétail qu'ils ont affaire.<br />

Ils ne savent pas que le Médiateur qu'Allah a mis comme guide ne faiblira<br />

pas.<br />

C'est un grand Pôle, un saint qui connaît toutes les branches de la science de<br />

la vérité et de la Loi et les comprend,<br />

Qui a traversé des marigots et des étangs, des rivières et des fleuves; qui,<br />

<strong>par</strong>venu à cette "hadra "(auprès de Mohammed el Ghâli), y a bu et a été<br />

désaltéré ;<br />

Qui a hérité d'Ahmadou (le Prophète) sa Sounna au complet,<br />

Qui a suivi le livre et, lorsqu'il l'a consulté, ne s'égare pas" 1.<br />

Fidèle aux constantes qui la définissent, l'épopée joue sur des oppositions<br />

significatives, en évacualll le politique au profit du religieux, pour faire de son héros<br />

l'héritier authentique de la "Sounna" du Prophète de l'Islam. Aussi soumet-elle<br />

l'économique et le social au jihâd qu'elle exalte: Cheikh Omar ne traverse les riches pays très<br />

peuplés que pour répandre l'lslam ou réfonner une religion devenue laxiste. Une telle<br />

optique implique une représentation du théâtre du jihâd omarien plus religieuse que<br />

physique.<br />

Inspirés <strong>par</strong> une telle axiomatique religieuse, griots et clercs omariens, en<br />

opposant l'onhodoxie à la gangue hétércxloxe ou animiste, <strong>par</strong>ent leur représentation du jihâd<br />

omarien d'images reluisantes, convaincus qu'une oeuvre religieuse est avant tout une belle<br />

oeuvre. Ils sculptent alors un univers plus tributaire de la théologie et de la mystique que de<br />

l'histoire, Allah se servant de Cheikh Omar pour sublimer sa propre gloire.<br />

Hl - L'EPOPEE ET L'HISTOIRE<br />

Bien que l'épopée ap<strong>par</strong>aisse comme un lieu d'histoire dans les sociétés de<br />

tradition orale, en général, et dans l'épopée d'El Hadj Omar en paniculier, si l'on com<strong>par</strong>e<br />

les thèses des historiens aux représentations épiques portant sur les mêmes sujets, force est<br />

de reconnaître que nous sommes en présence de deux genres divergents dans leur objet et<br />

dans leur méthcxle: .<br />

Gaden (H.), op. cil. vv. 1036-1040, p. 179.


,<br />

.,<br />

L<br />

CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 272<br />

"La conscience de ces écarts interdit de considérer l'épopée comme fidèle à la<br />

lettre ou à l'esprit de l'événement, mais aussi comme pure fiction: elle est fllle<br />

d'une mentalité où l'histoire, enquête précise sur l'enchaînement et la causalité<br />

des faits d'imponancè collective, n'a pas sa place (même si elle existe<br />

marginalement, aux mains de spécialistes comme les prêtres ou les moines).<br />

Les deux sphères mentales n'obéissent pas aux mêmes critères de validité:<br />

dans l'épopée, un principe général de finalité, mouvement fatal ou<br />

providentiel, bouscule la causalité, piétine le tissu rationnel où l'historien tente<br />

d'enserrer le devenir humain" 1.<br />

Pour mieux saisir cette différence, il impone de com<strong>par</strong>er ici les traitements<br />

épique et historique du jihâd omarien.<br />

1°) LE TRAITEMENT EPIQUE DU JIHAD OMARIEN<br />

Mue <strong>par</strong> le souci constant d'exalrer les valeurs du groupe, l'épopée ap<strong>par</strong>aît<br />

avant tout comme une lecture <strong>par</strong>ticulière de l'histoire. Le genre constituant une relecture<br />

libre des faits.<br />

A ce titre "j'histoire fournit au poète épique un cadre narratif malléable,<br />

imponant mOlIlS <strong>par</strong> les informations gu'il compone que <strong>par</strong> l'émotion qu'il va provoquer.<br />

Une même action, d'un poème à l'autre, d'une version à l'autre, peut être rapponée à un<br />

héros différent, ou l'inverse; des personnages d'époques différentes, réunis sous un même<br />

toit"2.<br />

L'épopée d'El Hadj Omar ne déroge pas à cette règle. Aussi entretient-elle<br />

avec la réalité des rappon complexes, allant de la complémentarité à l'opposition. C'est ainsi<br />

qu'elle emprunte à l'histoire des thèmes, des personnages, en un mot une référence crédible,<br />

que l'arr épique, <strong>par</strong> un mécanisme de rétroaction, transfonne en version épique. En ce sens,<br />

l'épopée du jihâd reflète fidèlement les contradictions du vaste mouvement omarien, qu'elle<br />

résout cependant aisément en les transcendant au moyen de la guerre sainte. On y suit, <strong>par</strong><br />

conséquent, les grandes lignes du système politique, économique, social et culturel de l'aire<br />

du jihâd, ce qui renforce, du reste, la fonction historique de l'épopée, généralement admise:<br />

J<br />

2<br />

"Or, la tradition orale est de loin la source historique la plus intime, la plus<br />

succulente, la mieux nourrie de la sève d'authentiéité. "La bouche du vieillard<br />

Madelénat (D.). op. cil., pp 87-88.<br />

Zumlhor (P.), op. CIl., p. 11!.<br />

\


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 273<br />

sent rnauvais, dit un proverbe africain, mais elle profère des choses bonnes et<br />

salutaires"1<br />

Véritable creuset historique, l'épopée omarienne founnille de renseignements<br />

précieux relatifs au jihâd de son héros. Ce caractère en fait une souree irremplaçable pour une<br />

approche conséquente du mouvement omarien. Les historiens coloniaux et contemporains2<br />

surent l'exploiter à bon escient.<br />

Respectant la psychologie' des personnages et la nature des événements, la<br />

geste du jihâd renvoie ses auditeurs ou ses lecteurs à un monde qui fut réellement: El Hadj<br />

Omar, ses jihâdistes, ses victoires, les rois vaincus ressortissent ainsi à la réalité. Cependant,<br />

malgré le souci d'un cenain réalisme qui l'anime, le poète épique ne perd pas de vue qu'il fail<br />

avant tout une oeuvre littéraire. il applique alors sur ce fond crédible !es ressources de SOn<br />

métier. Pour remplir son objectif: exaltation des valeurs du groupe et glorification héroïque,<br />

le poète dramatise 18 réalité au moyen de trois procédés de création profondément épiques: le<br />

grossissement, l'occultation et l'anachronisme.<br />

Visant à doter le groupe de valeurs sûres, le poète cherclle avant tout à<br />

émouvoir son public. Pour y <strong>par</strong>venir, il agit sur sa sensibilité. De ceue volonté <strong>par</strong>ticipent hl<br />

juxtaposition de mythes, de miracles, et l'emploi du double merveilleux: humain et divin<br />

tout au long de l'épopée d'El Hadj Omar. Le mythe de fondation de Halwâr, le discours de<br />

"Pellun waaju"3, les joutes oratoires du Caire, la dis<strong>par</strong>ition mystérieuse du Cheikh illustrent<br />

cette volonté de frapper l'inconscient de l'auditeur ou du lecteur. Quant à la glorification, elle<br />

reprend un procédé éculé du genre consistant à jouer sur des oppositions. Ainsi, les<br />

jihâdistes et leurs descendants entrent dans l'éternité <strong>par</strong> la grande pone alors que les païens<br />

Sont voués à l'éternelle damnation. Un tel <strong>par</strong>ti pris dichotomique }Jousse aussi les<br />

spécialistes de l'épopée du jihâd à faire coïncider le sentiment national avec la conscience<br />

religieuse. C'est sans doute là une autre forme classique employée <strong>par</strong> tous les chefs des<br />

théocraties peules. On comprend alors pourquoi; Farba Gouwa, le griot d'El Hadj, se met à<br />

exalter Ahmadou Ahmadou, prince peul qui combat son Cheikh.<br />

L'anachronisme répond au même projet: il s'agit d'exalter tout le groupe; dès<br />

lors, il y a place pour tous dans l'oeuvré, sauf évidemment pour les êtres sans valeur, qui<br />

cependant permettent de mettre les autres en valeur. Ainsi, alors que ré<strong>par</strong>ée coloniale ne<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Ki-Zerbo (J.), préface à la Tradition orale <strong>par</strong> Diouldé Laya, Cemre de<br />

documentation pout la tradition orale (C.L.T.O.), Niamey, 1972, p. 7.<br />

Nous pensons notamment à : Delafossc, Mage, Laboutet, Soleil let, Gaden e.t à<br />

Suret - Canale, Dumont, Robinson entre autres.<br />

Voir le point de dérart historique.<br />

Voir en annexe la liste des quatre-vingt-dix premiers compagnons d'El<br />

Hadj Omar. .


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 274<br />

repose que sur la Bataille de Médine l, l'épopée du jihâd l'occulte tout bonnement: la<br />

première s'en sert pour ternir l'image de marque du jihâd ; la seconde évite d'en <strong>par</strong>ler, car<br />

on ne donne pas de leçon avec une défaite. De nos jours, les versions épiques les plus<br />

confonnes à la réalité évoquent discrètement "l'affaire de Médine", cependant en prenant soin<br />

de dégager Cheikh Omar de toute responsabilité dans le revers subi <strong>par</strong> les "têtes dures" de<br />

son armée. Mais l'emploi le plus pertinent de l'anachronisme ne se rencontre dans notre<br />

corpus que chez Sidi Mbôthiel. Soucieux de glorifier tous les valeureux jihâdistes et fidèle à<br />

l'éthique peule, notre griot, contrairement à la logique de la guerre sainte 2 , envoie tous les<br />

aristocrates de la lance et de'la vache, en même temps que ceux du Livre, en ambassade au<br />

Macina. Il confond ainsi dans le même éloge Bôtol Sawa Hâko le Peul, Koli Mody Sy le<br />

prince, Ahmadou Almamy Alhassane l'érudit, Alpha Oumar Thiemo Bayla qui allie à la<br />

naissance, l'érudition et la vaillance.<br />

D'autres anachronismes émaillent le récit de Sidi, rraduisant surtout son<br />

ignorance des principes islamiques: <strong>par</strong> exemple quand il affinne que les jihâdistes morts sur<br />

le champ de bataille furent lavés et enterrés. Or ces soldats de l'Islam sont dispensés du bain<br />

mortuaire et enterrés avec leurs habits de combat, qu'Allah changera au <strong>par</strong>ddis en vêtements<br />

inconnus des humains. Nous pensons aussi que l'emploi répété de la synecdoque "ô<br />

Fouta! ", pour "ô enfants du Fouta!" relève du même registre: le griot confond les preux et<br />

leur pays pour ne pas oublier, dans sa gloriole, un seul jihâdiste.<br />

En outre, le traitement épique des faits historiques du jihâd omarien, presque<br />

totalement opposé à celui du Roland, permet malgré tout des com<strong>par</strong>aisons saisissantes:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

"Au printemps de l'année 778, Charlemagne fit une expédition miliraire en<br />

Espagne pour aider un chef militaire, Yaqzan Ibn Al Arabi, gouverneur de<br />

Barcelone, en révolte contre l'émir de Cordoue, Abderrahman. Deux années<br />

passèrent les Pyrénées, l'une il l'est, l'autre à l'ouest, pour se rejoindre à<br />

Saragosse. Charles, qui commandait celle de l'ouest, prit Pampelune, mais ne<br />

put s'em<strong>par</strong>er de Saragosse, tenu <strong>par</strong> AI Husayn. Bientôt, inquiété <strong>par</strong> une<br />

révolte des Saxons, il re<strong>par</strong>tit pour la France en emmenant AI Arabi<br />

prisonnier. Celui-ci fut délivré, grâce à un coup de main, en Navarre. Le '15<br />

Août 778, au passage des Pyrénées, l'arrière-garde de l'armée de<br />

Charlemagne fut extenninée <strong>par</strong> des Basques ou des Gascons"3<br />

Voir le point de dé<strong>par</strong>t historique et Mage, op. cil.<br />

Pour El Hadj Omar, un émissaire doit pouvoir lire le message dont il est<br />

porteur.<br />

Moigne! (G.), La chanson de Roland, Paris, 1970, p. 3.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 275<br />

Périrent alors Hroland, (Roland) "Comte de la Marche de Bretagne", et<br />

plusieurs de ses compagnons, dans ce coup de main hardi qui demeura impuni, d'après La<br />

Vila Karoli d'Eginhard (830), donc bien postérieure à 778. Il semble que la mention de<br />

Roland constitue une addition tardive au texte primitif du chroniqueur. A ce titre, certains<br />

postulent que cette addition résulte d'un emprunt à une légende de Roland, alors solidement<br />

établie.<br />

En effet, aucun fait ne permet de soutenir que la défaite de Roncevaux ait éré<br />

un événement de première importance dans le règne de Charlemagne. A ce propos, halo<br />

Siciliano fait remarquer1 que l'historicité du poème se réduit à quelques noms et au souvenir<br />

d'un désastre. Malgré tout, une obscure b,itaille perdue <strong>par</strong> les troupes de Charlemagne, dans<br />

llne étroite vallée des Pyrénées, inspira à un trouvère un vaste poème qui se répandit dans<br />

toute l'Europe.<br />

Après trois siècles de silence, Roland devient le neveu de Charlemagne et l'un<br />

des douze pairs de France, ses compagnons des barons chrétiens. Parmi eux se détachent<br />

Olivier, l'ami dont la soeur, la belle Aude, est fiancée à Roland, et l'Archevêque Turpin, le<br />

prélat guerrier 2 . Le jeune Charles devient le vieil empereur "à la barbe fleurie", qui a deux<br />

cents ans. L'expédition militaire se transforme en une croisade qui dure depuis sept ans.<br />

L'embuscade des montagnards basques devient l'attaque de quatre cent mille cavaliers<br />

Sarrasins. Les Francs ne sont, en outre, vaincus que <strong>par</strong> la trahison de Ganelon et la<br />

démesure de Roland. Dès lors, la mort du courageux Roland ap<strong>par</strong>aît comme un affront fait à<br />

la France que l'cmpereur s'empresse de laver en châtiant les Sarrasins et en punissant<br />

Ganelon.<br />

D'une manière générale, cOlltrairement à J'épopée du jihâd, le traitement<br />

épique des faits historiques du Roland révèle un profond écart entre le poème et son fond<br />

historique. Madelénat a raison d'affirmer à ce sujet:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

"Quand on envisage sé<strong>par</strong>ément la narrativisation (qui touche les modalités<br />

d'énonciation), et l'émergence de l'action et des thèmes héroïques, on saisit<br />

dans la conjonction de ces deux évolutions la véritable discontinuité sur fond<br />

de très longues continuités"3.<br />

Siciliano (1.), Les onglnes des chansons de geste, Paris, 1951, p. 50.<br />

Faral (E.), "A propos dc la Chanson de Roland. Genèse et signification du<br />

personnage de Turpin", in Actes du colloque de Liège, 1959 p. 272.<br />

Madelénat (D.), op. Cil., p. 112.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 278<br />

contrée à l'autre, un modèle ou un anti-modèle, et sur une même trame peuvent se greffer<br />

tous les intérêts du narrateur.<br />

De plus, l'épopée se définit avant tout comme un art du spectacle; il convient<br />

alors, à chaque performance, de capter l'attention de la réception <strong>par</strong> la multiplication<br />

d'actions héroïques sublimées au contact du mythe, des miracles et du merveilleux. TOUl cela<br />

nuit à l'histoire et l'historien est contraint d'opérer de nombreux et difficiles recoupements,<br />

pour restaurer la clarté et l'objectivité du récit, de façon utile et constructive.<br />

L'autre inconvénient intrinsèque à l'épopée demeure la précarité de la <strong>par</strong>ole.<br />

Confiée à la mémoire, la tradition orale épique dis<strong>par</strong>aît au fil des générations, faute de<br />

transmission ou de conservation appropriée. L'histoire, en revanche, fixe d'un trait de plume<br />

ses données, afin qu'elles transcendent le temps.<br />

Cependant, malgré toutes ces différences assez sérieuses, le caractère<br />

idéologique du discours réconcilie l'épopée et l'histoire. Tout comme le poète épique qui se<br />

veut émetteur et récepteur de son oeuvre, " l'historien est dans l'histoire" selon la belle<br />

fonnule de Michelet. Le monde contemporain ne s'y méprend pas; "Les politiques ne s'y<br />

trompent pas: ils captent à leur profit cene soif inassouvie d'admiration et de valorisation, et<br />

"récupèrent" les prestiges tombés en déshérence; le Duce, le Führer, le Père des peuples, le<br />

Grand Timonier, acclamés <strong>par</strong> des foules géométriques, sanglés dans l'uniforme, incarnent<br />

la nation, l'histoire, le' Bien, et représentent une sinistre mise en scène de l'héroïsme" l.<br />

L'épopée et l'histoire, de <strong>par</strong> la nature des rapports qu'elles entretiennent dans<br />

le jihâd omarien, indépendamment de leur statut paniculier, obligent à conclure de façon<br />

mitigée. Belle et plaisante, l'épopée reste imprécise et périssable..; objective et claire,<br />

l'histoire reste, dans bien des cas, tributaire de l'historien. La fone empreinte idéologique,<br />

dans les deux genres, indique qu'une saine collaboration permet de concilier leurs avantages<br />

respectifs tout en minimisant leurs inconvénients.<br />

Mais ce problème a trouvé une solution heureuse depuis l'aube du jihâd<br />

omarien, quand griotS et clercs décidèrent de jeter un pont entre l'oralité et l'écriture dans<br />

leurs oeuvres.<br />

B) VISION DES VAINQUEURS, VISION DES VAINCUS<br />

Vaste narration exaltant des exploits héroïques, l'épopée joue sur des<br />

oppositions significatives: valorisation des vainqueurs, dévalorisation des vaincus. Etant<br />

donné que l'homme refuse d'échouer, "chaque/peuple travaille à faire son épopée"2 JI en<br />

l<br />

2<br />

Madelénat (D.), op. Cil. , p. 249.<br />

Id., p. 239, La vision d'Hébal, citée <strong>par</strong> Hunt, op. cil.. p 95.


)<br />

CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU !'.'10NDE 279<br />

résulte une double vision d'un même fait. La prise en compte de ces deux points n'a pas, en<br />

général, passionné les critiques, malgré l'existence d'un corpus considérable à ce sujet.<br />

L'étude d'un point de vue a largement prévalu <strong>par</strong> conséquent. L'épopée d'El Hadj Omar<br />

permet, fort heureusement, de jeter les bases de l'étude relative à la vision des vainqueurs et<br />

à la vision des vaincus dans le cadre de la geste peule traditionnelle islamisée. Mais,<br />

au<strong>par</strong>avant, le détour des chansons de geste s'impose.<br />

1- LES CHANSONS DE GESTE: LES CROISADES VUES PAR LES FRANCS ET PAR<br />

LES ARABES<br />

Au lendemain de l'Emigration (Hégire) du Prophète Mohammed de la Mecque<br />

vers Médine, l'Islam entra dans une phase conquérante qui le pona assez vite à son apogée.<br />

A la mort du Prophète, ses généraux (les Khalifes) poursuivirent son action. C'est ainsi<br />

qu'en 809, quand mourut le Khalife Haroun al-Rachîd, la nouvelle religion était très<br />

florissante. L'occupation arabe de Jérusalem révolta la chrétienté, et en 1096, Piene<br />

l'Ennite, à la tête d'une fone armée franque, conduisit la première croisade. Elle fut malgré<br />

tout écrasée <strong>par</strong> Kilij Arslan, Sultan de Nicée.<br />

11 se développa, dès lors, une littérature féconde alimentée <strong>par</strong> les<br />

observations des deux camps: Francs et Arabes, en d'autres termes croisés et musulmans.<br />

Les chansons de geste et les chroniques arabes en témoignent.<br />

1°) LES CROISADES VUES PAR LES FRANCS<br />

Pour nous limiter à notre sujet, nous avons volontairement circonscrit nos<br />

sources aux chansons de geste, et <strong>par</strong>ticulièrement à La Chanson de Roland qui en constitue<br />

un modèle achevé. Inspirées <strong>par</strong> les intérêts de la foi chrétienne, les croisades furent<br />

encouragées <strong>par</strong> l'Eglise qui, en plus des secours ordinaires, assura aux armées la présence .<br />

d'évêques et de prêtres pour prêcher l'abnégation, confesser et absoudre au besoin. Telle<br />

devait être à l'origine la fonction de l'archevêque Turpin 1, le prêtre-guerrier du Roland. A la<br />

vue des hordes païennes, il s'anime et s'exprime 2 sous les accents des sem10ns d'Urbain<br />

rr 3 Puis, équipé comme un chevalier, lance en main, monté sur un destrier, Turpin brandit<br />

Almace, son épée, et fait des Sarrasins un horrible massacre.<br />

2<br />

3<br />

Faral (E.), "A propos de la Chanson de Roland. Genèse el signification du<br />

personnage de Turpin", in ACles du Colloque de Liège... p. 272.<br />

Moignet (G.), op. cit. , P 46 (Laisse LXXXIX, vv Il27 - 1136).<br />

Il prêcha à Clermont la première croisade. Voir aussi Mathieu (XVI, 24-25).


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 28 1<br />

Des écrits de ce témoin privilégié et de ceux de ses pairs se dégage nettement<br />

une image révoltante des croisades et des croisés. Pour les Arabes, les croisés ap<strong>par</strong>aissent<br />

avant tout comme des aventuriers, des mercenaires cruels. Ces barbares se révèlent sunout<br />

<strong>par</strong> une pratique médicale singulièrement atroce. A cela s'ajoute la manie de la grossièreté l . ­<br />

Une telle propension aux vices attire souvent sur eux le courroux du cieL<br />

A la lumière des écrits des historiens et chroniqueurs arabes sus évoqués, les<br />

croisades renvoient à de vastes entreprises d'exploitation coloniale et les croisés à de vils<br />

colonisateurs, sans foi ni loi. Malgré tout, quelques figures sympathiques se dégagent du<br />

tableau noir comme Raymond Ibn Raymond as-Sanjili 2 , descendant de Saint Gilles, et<br />

l'empereur Frédéric. Ainsi, en mettant en contact croisés et musulmans, les croisades<br />

suscitèrent deux épopées contradictoires, chacune se prévalant sur l'autre. L'épopée arabe<br />

semble rraduire la liberté de création des écrivains qui transcende la force militaire.<br />

II - LE JIHAD D'EL HADJ OMAR VU PAR LES OMARIENS ET PAR LES PEUPLES<br />

VAINCUS.<br />

A l'image des croisades, le jihâd omarien suscita une abondante littérature<br />

orale et écrite de laquelle se dégage une vision des vainqueurs et une vision des vaincus. En<br />

effet, alors que les marabouts et les griots omariens sublintent leur Cheikh dans leurs<br />

oeuvres, l'aurre camp, faisant alterner le dénigrement et l'invective, tente de ruiner les<br />

fondements de son jihâd. Ces vues diamétralement opposées délimitent cette étude.<br />

10) LE JIHAD D'EL HADJ OMAR VU PAR LES üMARIENS<br />

Les versions des griots ajoutées aux manuscrits donnent une idée de la<br />

mission spirituelle de Cheikh Omar, que les auteurs ordonnent en une vision interne assez<br />

homogène. C'est ainsi que l'épopée toucouleur commence, avant tout, <strong>par</strong> faire d'Omar le<br />

prototype de l'homme <strong>par</strong>fait, pour en faire <strong>par</strong> la suite un imâme de jihâd. Les récits<br />

s'attardent volontiers sur les dons exceptionnels de l'enfant, issu du reste de <strong>par</strong>ents<br />

iIlusrres. Faisant ensuite appel au cadre théocratique et à l'époque des jihâds qui ont vu naître<br />

Barou, griots et marabouts enfoncent la carrière du Mujâhid dans le destin originel du Fouta-<br />

1<br />

2<br />

Voir Maalouf (A.), Les croisades/vues <strong>par</strong> les Arabes, Paris, 1983, p. 157. .>---<br />

Voir le Chef-d'oeuvre d'Ibn alcAlhir (1160-1233), L'Histoire <strong>par</strong>faite (AI-<br />

K amel fit-Tarikh) qui n'existe en français que dans des traductions<br />

fragmentaires, tel le Recueil des hislOriens des croisades, publié à Paris<br />

entre 1841 et 1906 <strong>par</strong> les soins de l'Académie des Inscriptions et Belles­<br />

Lettres.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTAnON DU MONDE 283<br />

El Hadj Omar inspira alors aux maîtres de la <strong>par</strong>ole et de la plume de belles<br />

oeuvres où il se voyait peint sous les traits d'un excellent imitateur du Prophète:<br />

"Celui qui a été le meilleur


C'<br />

•<br />

CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 285<br />

une lutte sans merci contre les animistes du Dyallonkadougou, les infidèles du Kaana et les<br />

méchants du Khasso. Les Bambaras sont durement traités" païens immondes, au corps<br />

puant qui ne sera jamais propre" 1. Ils sont peu sincères dans leur conversion: le sabre du<br />

jihâd leur tranche la tète. Karounka et les Dlawara subirent, à leur tour, le même sort.<br />

Ségou resta le fief du paganisme, aussi le jihâd s'acharna-t-il contre son roi<br />

Ali et SOn peuple: tous périrent de mort ignominieuse; les hommes furent tués, les femmes et<br />

les enfants réduits en esclaves. Leurs idoles furent brisées <strong>par</strong> imitation du Prophète de<br />

l'Islam, confirmant aussi la haute mission du jihâd omarien : marcher "sur les traces du<br />

grand paganisme qui ne se convertira pas"2 ("faade afar keefeeru manngu, ngu tuubatah").<br />

L'empire peul du Macina, théocratie fondée <strong>par</strong> Sêkou Ahmadou, est accusé<br />

d'hypocrisie, conformément à la lettre et à l'esprit du Coran (Sourate IV, versets 137-138).<br />

Or, une telle accusation s'avère très infamante en Islam. Pire encore, ici l'hypocrisie<br />

s'accompagne de sottise:<br />

"Ahmadou envoya au Macina pour que des haches viennent afin qu'une haie<br />

soit faite autour d'eux, si bien qu'ils ne sortent plus.<br />

Regarde leur sottise, on dirait que c'est à du bétail qu'ils ont affaire"3<br />

Il s'agit de la bataille de Thiâyawal où Ahmadou ru, au lieu de donner l'assaui<br />

final aux jihâdistes assiégés, préféra les réduire <strong>par</strong> la faim. Mettant à profit ce répit, les<br />

soldats d'Omar reprirent le combat, armés de fusils en bon état et de sabres qui permirent une<br />

victoire éclatante au jihâd, interprétée comme le résultat d'une intervention divine directe.<br />

Cependant, alors que les griots et les marabouts élaboraient la vision des<br />

vainqueurs, El Hadj Omar aussi était à pied d'oeuvre. Il rédigea à ce sujet un opuscule 4<br />

considéré comme la justification omarienne de la Bataille contre le Macina. Le Cheikh,<br />

prenant Allah, son Prophète, et Cheikh Ahmed Tidjâne à témoin, citant la correspondance<br />

qu'il eut à échanger avec l'Emir du Macina, accusa l'Empire d'être coupable d'hypoensie.<br />

Invoquant la justice divine, Cheikh Omar supplie Allah afin que le fautif soit vaincu et que le<br />

véridique sorte vainqueur.<br />

Griots et marabouts retinrent cette image de leur héros et la façonnèrent aux<br />

couleurs théologiques et mythiques pour en faire une représentation mentale qu'ils livrèrent à<br />

l'inconscient collectif des peuples vivant sous l'aire de son jihâd. Mais Cette vision des<br />

vainqueurs, qui mobilise aussi l'héroïsme <strong>par</strong>en pour exalter son héros, ouvrait également<br />

2<br />

3<br />

4<br />

/<br />

Gaden (H.), op. cir.<br />

Id.<br />

Ibid., v 1035 1036, p. 179.<br />

Bayan ma waqa 'a (BNP, Cote 5605, ff. 2. 29) op. cie.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 287<br />

La version de Hamdallahi renchérit en clisant qu'El Hadj Omar visita en Orient<br />

les pays turc et kurde afin d'y acquérir des sciences mystique et ésotérique, pour être panout<br />

victorieux, et en <strong>par</strong>ticulier pour dominer le Soudan occidental. La preuve est fournie <strong>par</strong> le<br />

fait qu'en quittant Sokoto pour le Macina, El Hadj Omar, trouvant Guéladio au petlr<br />

Kounâry 1, lui promit de lui restituer son royaume, alors annexé <strong>par</strong> la Dîna du Macina. Par<br />

la suite, quand il conquit Hamdallahi, il envoya immécliatement un émissaire en direction de<br />

Guéladio pour le prier de reprendre le commandement du grand Kounâri.<br />

Un tel homme politique, dévoré d'ambition, envahit plus d'une fois, et sans<br />

raison, des principautés islamisées comme l'Empire peul du Macina. Les traditions<br />

recueillies <strong>par</strong> Boear Cissé constituent, à ce propos, une accusation accablante:<br />

"La légende dit que El Hadj Omar, en construisant le tata qui entoure la<br />

concession de Cheikhou Ahmadou, jeta dans un puits les têtes de Ahmadou<br />

Ahmadou et de Bina Ali, plus sept cents jeunes garçons, nouvellement sevrés,<br />

tous fils de grands marabouts. Il a aussi emmuré vivants six marabouts dont<br />

on m'a donné quatre noms: il s'agit de Abdourahmane Bâ de Sâré Seynou,<br />

de Mâlick Al Hadj de Dâri, de Ahmadou Hamadoun Pérédio de Kounari, et de<br />

Ismaïla Hama Sidiki Barry de Tomoura. Ces marabouts furent emmurés<br />

vivants dans les angles du tata, exactement comme le roi de Ségou emmura<br />

au<strong>par</strong>avant soixante sofas dans les murs de Ségou, ainsi que soixante jeunes<br />

fllles"2<br />

El Hadj Omar est accusé aussi d'avoir, dans la même foulée, réduit la veuve<br />

de Cheikhou Ahmadou, fondateur de la "Dîna" du Macina, en une vulgaire servante. En<br />

effet, après la prise de Hammdallahi, Omar vendit aux enchères la vieille Adja, mais<br />

personne ne voulut l'acheter, alors El Hadj sonit sept cent cauris qu'il distribua aux gens,<br />

prix de la femme noble à l'époque. Un chef aussi cruel ne peut s'appuyer que sur une horde<br />

d'aventuriers indisciplinés, en somme des mercenaires à la solde d'un tyran.<br />

La version du Khasso déclare à ce propos, dans ses diverses relations, que<br />

c'est la conduite inconsidérée d'un talibé mal élevé qui précipita la dissidence de Dioukha<br />

<strong>Samba</strong>lla : alors que le roi du Khasso faisait la sieste dans son appanement privé, un talibé<br />

força la garde et pénétra dans sa chambre. Pour le réveiller, le jihâdiste tira fon son gros<br />

oneil. Dioukha <strong>Samba</strong>lla se réveilla brusquement et cria: "Est-ce un homme ou un cliable ? "<br />

2<br />

Chassé du Kounâry <strong>par</strong> la Dîna, GuelMio fonda un royaume cl lui donna,<br />

<strong>par</strong> nostalgie, le nom de petit Kounâry.<br />

Cissé (B.), informaIions recueillies auprès du marabout de Djengo, Bamako,<br />

le 26 septembre 1985.<br />

/


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 288<br />

A quoi le talibé répondit: "Je suis un homme, je suis envoyé <strong>par</strong> Cheikh Omar, et toi, tu<br />

dors encore à l'heure de la prière? Le marabout te demande de la poudre" 1.<br />

Malgré les conseils de sagesse de Cheikh Omar, le roi du Khasso lui jeta le<br />

chapelet et le bonnet qui les liaient. Cette image des jihâdistes est conservée dans toute l'aire<br />

du jihâd. Ahmadou Hampaté Bâ a, de son côté, noté sept cas de désobéissance2 des soldats<br />

omariens, qui causèrent aussi la perte du mouvement.<br />

Dès la Bataille de Médine (1857), El Hadj Omar cessa de contrôler son année<br />

affamée de butins; elle lui désobéira sept fois:<br />

- Bien que Cheikh Omar tolérât les Blancs, à cause de la supériorité de leur<br />

armement, l'attaque de Médine fut faite contre sa volonté.<br />

Cheikh.<br />

- A Méné-Méné (Nioro), les soldats modifièrent le plan d'attaque de leur<br />

- Cheikh Omar interdit à son arnlée, en route pour Ségou, de débarquer sur la<br />

rive droite. Par contre, à Sansanding, le débarquement eut lieu contrairement au vœu du<br />

marabout.<br />

- Alpha Oumar dit aux soldats qui l'accompagnaient à Mâni-Mâni de passer à<br />

l'aller <strong>par</strong> la zone inondée et au retour <strong>par</strong> la zone exondée. Le détachement fit le contraire,<br />

entraînant la mort du général de l'armée omarienne.<br />

- Au fon du siège de Hamdallahi, les soldats obligèrent El Hadj Omar à sortir<br />

coûte que coûte, alors qu'il avait envoyé Tidjâni et Pâté Poullo 3 chercher une armée de<br />

secours.<br />

- A la sonie de la grotte de Déguembéré, Cheikh Omar fut désobéi; il déclara<br />

alors: "Si vous désobéissez une autre fois, vous détruirez tout, car Dieu a créé en six jours."<br />

- Enfin, El Hadj Omar fut trahi <strong>par</strong> un soldat qui divulga son plan à ses<br />

ennemis maciniens et tombouctiens.<br />

Ces jihâdistes indisciplinés furent aussi au service d'une vaste campagne de<br />

domination politique, et d'exploitation économique, sources de vives tensions sociales. En<br />

fait, pour les peuples vaincus, le jihâd omarien fut surtout inspiré <strong>par</strong> une cause économique.<br />

"El Hadj Omar, en revenant de la Mecque, a traversé le pays de Ségou, a traversé le Macina,<br />

a vu la richesse de ces pays, d'immenses champs bien cultivés, des vaches grasses. Il a vu<br />

que ces pays étaient civilisés, puis s'est dit qu'il fallait les conquérir."<br />

2<br />

3<br />

Recueillie' à Bamako auprès de Garan Kouyaté et Bocar Ci.>sé: à Kayes auprès<br />

de Almamy Diallo et Oury Demba Diallo, enfin à Médine auprès de Abdoul<br />

Wahab Sarr.<br />

Communication <strong>par</strong>ticulière, séance' d'entretien, Dakar, le 31 Août 1981.<br />

Pâte Poullo est 'le grand père maternel de Amadou Hampaté Bâ. C'était le<br />

gardien des vaches d'El Hadj Omar.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 289<br />

A l'inverse, d'après les vaincus, son pays connaissait une rare indigence. En<br />

tout cas, touS les marabouts qui ont écrit sur la situation des pays vaincus, les présentent<br />

comme un véritable ElDorado. L'un d'eux note que:<br />

"Une fois à Sansanding, El Hadj Omar, après s'être reposé, convoque<br />

Boubou Cissé, le chef de la ville, lui demandant d'appeler tous les notables<br />

afin d'apporter de quoi habiller son année. Boubou Cissé lui demanda s'il y<br />

avait une armée autre que celle qui se trouvait dans la ville. El Hadj Omàr<br />

répondit que non. Alors le chef dit: "Ce n'est pas la peine que je convoque<br />

mes notables, si je ne suis pas capable d'habiller ces hommes là moi seul" 1.<br />

Et il habilla sur le champ toute l'armée; chacun eut trois vêtements: un<br />

boubou, une chemise et un pantalon. Rivalisant d'ardeur avec le chef de la ville, l'hôte d'El<br />

Hadj donna aussi à chaque soldat de l'armée, alors estimée à plus de trois cent mille<br />

hommes, une femme accompagnée d'une servante 2,<br />

Mais c'est le Macina qui accuse surtout Omar et ses jihâdisœs d'être mus <strong>par</strong><br />

des considérations économiques. Une fois maître de Hamdallahi, d'après la vision interne de<br />

l'Empire peul, El Hadj Omar fit venir un Peul qui possédait un troupeau si immense qu'il<br />

était incapable de le dénombrer. Le marabout lui demanda <strong>par</strong> trois fois le nombre d'animaux<br />

qui composait son troupeau; le Peul refusa <strong>par</strong> trois fois de répondre. Il finit enfin, devant<br />

l'insistance de l'assistance, <strong>par</strong> dire:<br />

"Aaah ! J'ai compris 1 Bon, dites au marabout que je lui donne sept cents<br />

taureaux pour sa viande, cinq cents vaches laitières allaitant chacune une<br />

génisse pour son lait. Le reste, il n'a pas besoin de savoir"3<br />

Ainsi les vastes champs bien cultivés, les immenses troupeaux de boeufs et de<br />

vaches laitières du Macina, l'or et les captifs de Ségou, les diverses richesses du sol et du<br />

sous-sol de l'aire du jihâd habitée <strong>par</strong> des gens civilisés semblent, d'après les vaincus, avoir,<br />

plus que tout autre motif, inspiré à Omar son jihâd. L'appât du gain fut si manifeste qu'il<br />

continue encore de diviser les princes du Khasso. Khartoum Sarnballa, pour avoir suivi El<br />

t<br />

2<br />

3<br />

Cissé (B.), communication paniculièré, Bamako, le 26 sept. 1985.<br />

Pour une com<strong>par</strong>aison utile, voir notre chapitre sur la situation du Soudan<br />

Occidental à la veille du jihâd omarien.<br />

Cissé (B.), communication paniculière, Bamako, le 26 sept. 1985.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 290<br />

Hadj Omar, se vit sanctionné avec les princes de son armée <strong>par</strong> le grand Conseil l : décision<br />

lourde de conséquences qui leur interdit le commandement du Khasso ainsi que [out mariage<br />

avec les "nationalistes" restés sur place. Cette sanction est toujours en vigueur.<br />

Cependant, les succès d'El Hadj Omar troublent aussi les vaincus au point<br />

d'alimenter une matière où émerge une image fascinante d'El Hadj Omar. TOUl d'abord,<br />

l'érudition du Cheikh retient l'attention des 'Ulemas du Fouta-Toro, du Macina, de<br />

Tombouctou. Le noir qui niompha aux joutes oratoires du Caire a droit <strong>par</strong> conséquent à<br />

quelque respect. Le Macina estime aussi qu'il possédait un livre unique en son 'genre qui lui<br />

permettait d'être <strong>par</strong>tout victorieux. Un érudit macinien réussit cependant il mémoriser le<br />

divin opuscule, puisque le Cheikh l'enseigna avec succès à Hamdallahi.<br />

Les qualités militaires d'Omar aussi suscitent une admiration certaine, <strong>par</strong><br />

exemple le plan qu'il mit en oeuvre lors de la Bataille contre le MaCina. S'étant approvisionné<br />

en poudre, Cheikh Omar organisa un grand festin pour ses soldats, au cours duquel il fit<br />

abattre tous les bovins, ovins et caprins de son 'mnée. A la fin du régal il s'écria:<br />

"Maintenant, c'est fini. Vous avez le choix aujourd'hui entre la victoire et la<br />

·mort. Si les Peuls vous prennent, vous ne pourrez jamais retourner au Fouta.<br />

Alors aujourd'hui, ou vous êtes vainqueurs ou vous êtes vaincus. Sachez<br />

surtout qu'il n'y a plus rien il manger"2<br />

Le faiseur de miracles aussi étonne le Macina, même si celui-ci explique les<br />

prodiges <strong>par</strong> des métamorphoses ou <strong>par</strong> le recours à la magie. En tout cas, l'Empire peul ne<br />

,<br />

sut se remettre de l'effet produit <strong>par</strong> les jihâdistes marchant sur le feu pour sortir du siège de<br />

Hamdallahi. Le secret du pouvoir du Cheikh réside cependant, d'après le Kingui, dans le<br />

sabre magique qu'il arracha de force aux Diawara. Ce sabre passa aux mains d'Ahmadou,<br />

fils aîné du Cheikh, avant d'être confisqué <strong>par</strong> Archinard qui soumit, en peu de temps, un<br />

vaste territoire au nom de la France, et qui lui valut l'appellation de "Père du Soudan".<br />

L'épopée des vaincus use ici d'une explication mythique pour rendre compte des succès<br />

fulgurants remportés <strong>par</strong> le jihâd omarien et <strong>par</strong> la conquête coloniale française. L'ampleur de<br />

la déception des vaincus permet de comprendre un tel exutoire de leur amertume.<br />

En définitive, El Hadj Omar reste pour les vaincus un personnage complexe.<br />

Dès lors, ils en donnent une représentation mêlée. Le témoignage de Bocar Cissé, chercheur<br />

érudit, reste capi ta! :<br />

2<br />

,/<br />

Cissoko (S.M.), "Les princes exclus du pouvoir royal (Munsaya) dans les<br />

royaumes du khasso (XYIIIè-XIXè s.)", in Bulletin de l'IFAN, t.XXXY, sér.B.,no<br />

l, 1973, pp. 46-56<br />

Cissé (B.), communication <strong>par</strong>ticulière, Bamako, le 26 sept. 1985.


CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MONDE 291<br />

"Le personnage d'El Hadj Omar est double: religieux et politique. Sur le plan<br />

religieux, c'est un marabout très savant qui a pour mission de casser les<br />

idoles. Il est absolument intransigeant sur ce point. Il n'y a pas de dialogue<br />

possible, alors qu'il existait une entente tacite entre Cheikhou Ahmadou et les<br />

Bambaras fétichistes. El Hadj Omar, <strong>par</strong> contre, ne plaisante pas en religion,<br />

il ne badine pas. Tout ce qui va à l'encontre de la religion, il l'écrase sans<br />

pitié. Sur le plan politique, il ap<strong>par</strong>aît comme un nationaliste au Sénégal, où il<br />

eut à lutter contre la colonisation; et comme un conquérant au Soudan, où son<br />

jihâd se transforma en entreprise coloniale"1<br />

A cette figure éuigmatique, le Macina oppose celles plus conséquentes de<br />

Sêkou Ahmadou, fondateur de la Dîna, et de son petit·fils Ahmadou Ahmadou. Les griots<br />

maciniens ne composèrent·ils pas un hymne évocateur pour pérenniser la gloire d'Ahmadou<br />

Ahmadou?<br />

"Roi, fils de roi, petit-fils de roi.<br />

Imâme, fils d'lmâme, petit-fils d'Imâme.<br />

Erudit, fils d'érudit, petit-fils d'érudi["2<br />

Par contre, Sêkou Ahmadou laissa au Macina l'image d'un austère<br />

réformateur qui stipula, entre autres lois, celle-ci:<br />

certains constats s'imposent:<br />

"Sira fari hampe! rewoe fati ngime!" 3.<br />

(Le tabac ne le chiquez pas 1 que les femmes ne chantent pas!)<br />

Au terme de notre observatiou du regard croisé appliqué au jihâd omarien,<br />

- L'épopée ap<strong>par</strong>aît comme un genre profondément idéologique, où<br />

cependant une entière liberté revient aux protagonistes, alors que, dans la réalité ou sur les<br />

champs de bataille, la liberté est confisquée <strong>par</strong> un groupe. Cette relativité explique la<br />

réécriture libre de l'histoire qui la caractérise et affecte aussi sa forme.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Cissé (B.), communication paniculière, Bamako, le 26 sept. 1985.<br />

Id.<br />

Version orale du Macina.


-<br />

,<br />

F·<br />

l'<br />

CHAPITRE IV - LA GESTE COMME REPRESENTATION DU MOi'mE 292<br />

- Champ <strong>par</strong>ticulièrement fécond, l'épopée fournit aussi une matière<br />

aux thèses les plus controversées. Dès lors, chaque groupe élabore son système de valeurs<br />

qu'j] soumet à l'empire de l'épos.<br />

- Réceptacle de fomles narratives variées, l'esthétique épique se veut<br />

un cadre original où des talents divers s'investissent, favorisant du mème coup une<br />

confrontation d'idées, facteur de saine émulation. Mais, surtout, la grande originalité de<br />

l'épopée réside dans la confrontation de traditions orales et manuscrites des vainqueurs et des<br />

vaincus. Un traitement <strong>par</strong>ticulièrement intéressant de la matière épique se dégage aussi de<br />

leurs auteurs.<br />

En effet, alors que les marabouts des deux camps s'opposent en tOut, au<br />

niveau des idées et de leur traitement surtout, les griots divergent sur le plan des idées, mais<br />

s'accordent <strong>par</strong> l'art. Par exemple, les marabouts omariens vantent Omar, ses talibés, son<br />

jihâd, mais dénigrent les pays vaincus, en dénonçant le paganisme des uns et l'hypocrisie<br />

des aUlTes. A leur tour, les griots du même camp glorifient leur Cheikh, ses disciples et leur<br />

mouvement, mais n'hésitent point à recourir aux cosmogonies locales pour doter leur Chef<br />

de tous les pouvoirs:<br />

A l'opposé, les marabouts du camp des vaincus, principalement ceux du<br />

Macina et de Tombouctoul, ruinent les fondements du jihâd omarien considérés comme peu<br />

orthodoxes. Les griots du même camp. s'inspirant de la littérature maraboutique, critiquent<br />

les pratiques magiques auxquelles durent se livrer Omar et les siens, sunout <strong>par</strong> le biais du<br />

syncrétisme.<br />

On assiste ici au triomphe de la dichotomie classique au terme de laquelle,<br />

l'écrit s'opposant à l'oralité, la loi divise tandis que la <strong>par</strong>ole unifie. Au total, vainqueurs et<br />

vaincus se réconcilient dans leur volonté commune de jouir d'une belle épopée. D'aut;mt plus<br />

que chaque camp génère une esthétique de la réception où l'horizon d'attente exige d'être<br />

comblé:<br />

1<br />

2<br />

"Même au moment où elle <strong>par</strong>aît, une oeuvre littéraire ne se présente pas<br />

comme une nouveauté absolue surgissant dans un désert d'information: <strong>par</strong><br />

tout un jeu d'annonces, de signaux - manifestes ou latents -, de références<br />

implicites, de caractéristiques déjà familières, son public est prédisposé à un<br />

certain mode de réception ,,2.<br />

Voir Sidi Ahmcd El Bckkaï.<br />

Jauss (H.), Pour une esthétique de la réception, (traduil de l'allemand <strong>par</strong><br />

Claude Maillard) Paris, 1987, p. 50 .


CONCLUSION<br />

294 A<br />

Œuvre carrefour: telle ap<strong>par</strong>aÎ! dans une première approche la geste d'El<br />

Hadj Omill". En elle se rencontrent l'antique culture orale des Peuls el la culture écrite<br />

apponée <strong>par</strong> l'Islam conquérant. A la culture peule, elle doit ses modes mêmes<br />

d'existence el d'élaboration. Elle s'inscrit profondémem dans la trilogie de:s cycles de<br />

l'épopée peule lfadilionnelle : cycle de la lance, où est exalté j'héroisme ethnique;<br />

cycle de la vache ou cham cles razzias; cycle de: la femme qui valorise les caprices de<br />

la bien-aimée. Trilogie de genre: constamment saturée <strong>par</strong> la trilogie aClanlielle<br />

dominallle formée pill" le héros, son destrier e:t son arme. Le tout élanl généré <strong>par</strong> la<br />

trilogie des producteurs du texte épique: le récit de transmission, l'''auteur'' qui<br />

l'aclualise el le public.<br />

Mais la geste d'Omar est également une épopée du jihfld, aspect à peu près<br />

seul retenu <strong>par</strong> la crilique jusqu'alors. Au texte générique précédent, la rradition<br />

culturelJe véhiculée <strong>par</strong> l'Islam ajoute le cycle du Livre qui se formalise autour de trois<br />

thèmes, ceux de la foi, de la voie et de la loi, ct mobilise comme suppon narratif les<br />

trois l'onnes dOll)inantes de la lillérawre arabe classique: la "Sîra", réci! linéaire<br />

biographique, le plus souvent une Vie de Saint; la "qacida" ou poème; le "târikh", la<br />

chronique, l'histoire. Ces trois l'onnes s'associent dans un récit linéaire où le temps de<br />

la narration est celui de la vie d'El Hadj Omar et dont la finalité est de magnifier le<br />

héros de la geste et ses compagnons.


.'<br />

294 B<br />

Ces superpositions, ces associations, ces rencontres de strates narratives,<br />

idéologiques, fOffilelleS et esthétiques venues d'horizon divers font de la geste d'Omar<br />

le champ d'un sourd et vaSte cont1il, décisif pour la cullUre peuk. En ce texte<br />

magnifique, l'épopée peule traditionnelle est soumise à une formidable tentative<br />

d'absorption et de réduction <strong>par</strong> une culture islamique süre de sa vérité. On voit ainsi,<br />

dans celle œuvre, les constituants essentiels du genre et notamment les actants<br />

principaux, les représentations du temps et de l'espace, les schémas narratifs, la vision<br />

du monde être soumis au service d'une islamisation, d'une arabisation de la tradition<br />

épique peule. Lc héros peul sc componc alors en néophyte et revendiquc avec trop de<br />

ferveur sa nouvelle foi. Lè tcmps et l'espace de la geste se dil:ttent aussi vers une<br />

direction uniquc, Médine et la Mecque. Lc trajet narratif de l'antique cycle de la lance<br />

se confond bientôt avec le déroulement de la guerre saillie.<br />

Or, étonnant <strong>par</strong>adoxe, l'une des richesses de cellè œuvre vient<br />

précisément de ce que j'entreprise édlOUC en panie. [lle échoue non <strong>par</strong>ce que la<br />

culture pcuk "poularise" à sul1 tour la culture arabo-islamiquc. Ce type d'explication<br />

uadiol1l.el:e n'est pas pertinent: le combat était trop inégal. C'est au cœur de la culture<br />

pCJle que s'installe la culture ;trabo-islamique ct l'on ne sache pas que la culture peule<br />

ait marqué la culture arabo-islamique ailleurs qu'en pays peul. Non, l'entreprise<br />

échoue <strong>par</strong>ce qu'u,n espace de <strong>par</strong>ole se crée dans la c,Llture pcule, qui v;t devenir le<br />

lieu dc refuge où celte culture peu!e, qui va devenir le lieu de refuge Ol] celte culture<br />

s'est conservée, lieu béni Où nous pouvons lire la douloureuse et vivifiante mémoire<br />

de notre passé. Ce lieu est fOffilé de ce que nous avons appelé "l'épopée inverse",<br />

traces dispersées d'un texte é<strong>par</strong>s où les vaincus disent leur propre épopée.<br />

Le combat épique se trouve alors transféré là où se gagnent toures les<br />

guerres: sur le telTain de la culture. L'épopée inverse est le lieu de conservation de la<br />

pennanence de la culture peu le, de sa vision du monde, des richesses d'un passé qui<br />

est la source même de son identité jusqu'à ce jour.


l' ,'.<br />

J<br />

1<br />

, .<br />

i )<br />

W",Tt Nm<br />

l'resses UTlil'crsifflires


TROISIEME PARTIE<br />

L'EPOPEE D'EL HADJ OMAR<br />

EDITION DE TEXTE (BILINGUE: PULAAR / FRANÇAIS)


.,-:<br />

PRESENTATION<br />

c) La gémination<br />

300<br />

Elle est réalisée pour les consonnes non prénasales <strong>par</strong> le redoublement de la consonne<br />

(eu; debbo, ned'd'o, mbabba) et pour les consonnes prénasales <strong>par</strong> le redoublement de<br />

l'élément nasal (eu; jaQQgude, koaQgol).<br />

C- Les contractions<br />

Quand on <strong>par</strong>le, des contractions peuvent se produire entre des mots qui forment des<br />

unités graphiques distinctes. On ne tient pas compte de ces contractions quand on écrit;<br />

eu ; baali e bey [ballieebei]<br />

ta 0 fayi [toofayi]<br />

D- Les majuscules<br />

vers.<br />

On met une majuscule à l'initiale des noms propres ainsi qu'au début des phrases et des<br />

eu ; Jaa Lii Umar<br />

E- La ponctuation.<br />

!Jgal teddungal ina timmi<br />

Elle est marquée <strong>par</strong> les mêmes signes qu'en français<br />

F- Les articles définis<br />

,. 0, mba, nde, ndu, ndi, agu, age, !Jgo, !Jgol, agal, agel, kal, ka, lei, d'a, d'uro, d'am,<br />

;r_ .<br />

t De, d'i, d'e, kan... sont toujours sé<strong>par</strong>és du nom.<br />

,.<br />

G- Les adjectifs démonstratifs<br />

Formés à <strong>par</strong>tir des articles définis, ils sont sé<strong>par</strong>és du nom. Certains adjectifs peuvent<br />

être précisés <strong>par</strong> des adverbes de lieu avec les suffixes démonstratifs ( d'oo, d'aa, too, gaa).<br />

Ces adverbes sont sé<strong>par</strong>és du démonstratif.


PRESENTATION 303<br />

<strong>par</strong>cours épique. n ne nous reste plusqu'à laisser couler ces "<strong>par</strong>oles données" <strong>par</strong> des<br />

hommes issus de la tradition, où "donner la <strong>par</strong>ole" revêt encore un sens.


EDITION DE TEXTE I31LINGLIE POLILAR / FRANÇAIS


CORPUS


LA DEVISE OU " NODDOL" D'EL HADJ OMAR PAR SIm l."ŒOTHIEL<br />

CORPUS l DE LA NAISSANCE D'OMAR A HALWAR AUX JOUTES<br />

ORATOIRES DU CAIRE<br />

PAR KALIDOU BA<br />

CORPUS II: LE JIHAD: DE DINGUIRAYE À HAMDALLAHI<br />

PAR SIDI MBOTHIEL<br />

CORPUS III LA DERNIERE PHASE DU JIHAD DE HAMDALLAHI A<br />

DEGUEMBERE<br />

307<br />

PAR HAMMAT SAMBA LY, DECLAMEE PAR DEMBA<br />

SARR.


CORPUS 1 329<br />

155. Il dit: non, <strong>par</strong> Dieu. mon Oumar. je ne sais pas!<br />

156. Il dit: ce qui m'a empéché de semer dans ce trou,<br />

157. C'est que. quand il sera ensemencé et que la tige poussera.<br />

158. Les singes vont venir la sucer. elle ne produira rien:<br />

159. Je ne séme pas pour les singes. pére !<br />

160. Ils se penchérent sur un autre trou où il n'y avait pas de graine;<br />

161. Il dit: sais-tu ce qui m'a empêché de semer dans ce trou?<br />

162. Il dit: <strong>par</strong> Dieu, mon Oumar. je ne le sais pas!<br />

163. Il dit: quand ce trou sera ensemencé.<br />

164. La tige poussera. une vache viendra casser la tige. celle-ci ne<br />

produira rien:<br />

165. Je ne sème pas pour les vaches. père!<br />

166. Ils se penchèrent au-dessus d'un autre trou où il n'y avait pas de<br />

graine;<br />

167. . Il dit: sais-tu ce qui m'a empéché de semer dans ce trou?<br />

168. .Il dit: <strong>par</strong> Dieu, mon Oumar. je ne le sais pas!<br />

169. Il dit: quand ce trou sera ensemencé.<br />

170. Du mil poussera. il sera coupé et mélangé avec d'autre mil.<br />

171. Ce mil ne sera pas terminé sans qu'on ait fait un sacrifice pour un<br />

mort l .<br />

172. Il dit: sois brave. mon Oumar, laisse cela!<br />

173. Il dit: Alfa! Celui-ci dit: oui!<br />

174. Il dit: viens, prends soin de Oumar :<br />

175. Ce Oumar que tu vois là est plus fort que moi. il est plus fort que<br />

toi.<br />

176, Alfa dit: quant à moi. je m'interdis de vouloir le frapper.<br />

177. Le Père le prit <strong>par</strong> la main,<br />

178. Il dit: maintenant, tu vas commencer à étudier.<br />

179. Il l'emmena chez un marabout.<br />

180. Il arriva et dit: Marabout. enseigne à mon fils !<br />

181. Ce dernier dit; Thierno Seydou. un enfant qui ne sait pas compter.<br />

que lui enseigner?<br />

j, 182. ;i.Oumar dit : Marabout.,commençons. je vais essayer!<br />

183. Il dit: T-hiemo Oumai',:Sèydou TaU. peux-tu compter?<br />

184. Il dit: yen-suis.capable·!· ...,· , \. "CO'..<br />

Sacrifice pour un mort : dans les jours qui suivent un décès, une famille<br />

aisée tue un taureau ; les plus pauvres se contentent de pré<strong>par</strong>er une<br />

boisson. le njaram. mil pilé auquel sont ajoutés du lait et du sucre.


CORPUS 1 33 1<br />

185.<br />

186.<br />

187.<br />

188.<br />

189.<br />

190.<br />

191.<br />

192.<br />

193.<br />

194.<br />

195.<br />

196.<br />

197.<br />

198.<br />

199.<br />

200.<br />

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221.<br />

Il dit: dis un !<br />

Il dit: un !<br />

II dit: dis deux !<br />

II regarda le marabout. il sourit.<br />

Il dit; avant de me faire dire deux. dis-moi ce que un signifie.<br />

L'autre dit: je ne sais pas ce que un signifie.<br />

Sinon que c'est un chiffre.<br />

Seykou dit: un signifie que Dieu est l'Unique;<br />

Il n'a pas engendré. Il n'a pas été engendré.<br />

Il n'a pas de petit frère. Il n'est pas le petit frère de quelqu'un.<br />

Dieu est le seul Dieu. l'Uniquel .<br />

Le marabout dit: dis deux !<br />

Il dit: deux!<br />

Il dit: dis trois!<br />

Il dit: dis-moi ce que deux signifie.<br />

Il dit: j'ignore ce que deLLx signifie<br />

Sinon que c'est un chiffre.<br />

Il dit: voici ce que deux signifie:<br />

Dieu n'a pas créé les choses une <strong>par</strong> une mais deux <strong>par</strong> de=:<br />

Il a fait la mort et le petit enfant.<br />

Il a fait l'enfant et le vieillard.<br />

Il a fait le <strong>par</strong>adis et l'enfer.<br />

Il a fait le monde ,et l'au-delà,<br />

Il a fait le Blanc et le Noir,<br />

Il a fait le riche et le pauvre<br />

Voilà ce que deux signifie.<br />

Il dit; dis trois! Il dit: trois!<br />

Il lui dit; dis quatre!<br />

Il lui dit: dis-moi d'abord ce que trois signifie!<br />

II dit: sinon que c'est un chiffre. je ne sais pas.<br />

Il dit; quand Dieu a fait le <strong>par</strong>adis et l'enfer, l, :- " ,,', '._<br />

qu'Il a fait le monde(et l'au-delà. ,; :J' C'L)<br />

qu'Il a fait le ciel et la terre<br />

Lui-même. Dieu seul et unique. s'y est ajouté. cela fait trois!<br />

C'est cela que trois signifie.<br />

Il dit; dis quatre! Il dit; quatre!<br />

Il dit; dis cinq<br />

Dieu est l'Unique c'est le principe de la foi musulman:.> l'unicité de Dieu.<br />

(<br />

.,<br />

'.<br />

,<br />

; ,


CORPUS 1 335<br />

250. Les élèves étaient en train de réciter:<br />

251. Un jour. quand ils eurent terminé. Us coururent chez le marabout.<br />

252. Ils dirent: Marabout.<br />

253. Oumar. le ms de ThierrlO Seydou. n'a pas récité ce qu'on lui a écrit.<br />

254. Jusqu'à présent. le voici qui dort ;<br />

255. Il dit: Oumar ! Oumar dit: oui!<br />

256. Il dit: viens. apporte ta planchette. approche-toi!<br />

257. Il apporta sa planchette. U s'approcha du marabout.<br />

258. Il lit tout.<br />

259. Il récita tout.<br />

260. Le marabout dit: <strong>par</strong> Dieu. Tall. ce sont eux qui ne savent pas.<br />

261. C'est toi qui es plus fort qu'eux.<br />

262. Un jour. il les accompagna pour chercher du bois:<br />

263. En arrivant. ils se mirent à ramasser du bois:<br />

264. Quant à lui. il lança son coussinet l sous un arbre et se coucha.<br />

265. Quand ils eurent fini de ramasser tout le bois.<br />

266. Il enroula son coussinet sur sa téte et les suivit.<br />

267. En arrivant. ils jetèrent leurs fagots à terre et coururent chez le<br />

marabout.<br />

268. En disant: Marabout. Oumar le fils de Seydou n'a pas ramassé de<br />

bois aujourd'hui!<br />

269. Le marabout se leva et dit: toi. tu n'as pas ramassé de bOi? disent­<br />

ils !<br />

270. Il dit: Marabout. qu'ils rassemblent leurs fagots. moi j'en ai<br />

ramassé!<br />

271. Il dit: combien étiez-vous à chercher du bois?<br />

272. L'un d'eux dit: nous étions à six ;<br />

273. Avec lui. cela fait sept!<br />

274. Il dit: cela va étre clair tout de suite!<br />

275. Que chacun des six qui avaient des fagots prenne son fagot et se<br />

tienne de côté !<br />

276. Chacun des six prit son fagot et se tint de côté:<br />

277. Alors ils aperçurent un septième fagot posé à terre.<br />

278. Oumar regarda le marabout.<br />

279. Il dit: demande aux élèves qui a ramassé ce fagot-là!<br />

280. Les élèves furent saisis d'étonnement.<br />

Coussinet<br />

charge.<br />

tissu enroulé que l'on met sur sa tête pour suppOrter une


CORPUSl 339<br />

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1<br />

2<br />

3<br />

Celles-ci prirent la fuite et s'en retournèrent.<br />

Le marabout le regarda longuement:<br />

Il dit: hé Oumar. fils de Thierno Seydou TalI. c'est loin!<br />

Lire le Coran à Pényisanyakourou<br />

Et chasser les chèvres à Halwâr.<br />

Tall. c'est bien loin !<br />

Ournar resta là-bas quelques jours;<br />

Il en finit avec le savoir du marabout:<br />

Dieu voulut que tout ce que le marabout savait,<br />

Ille transmît au saint, qui finit ainsi son savoir.<br />

Il le prit <strong>par</strong> la main.<br />

Il le ramena à Halwàr.<br />

Seykou resta là-bas jusqu'à la fin de l'hivernage:<br />

Il fit ses adieux à son père et à sa mère.<br />

Il voulait aller chercher le savoir du côté de l'est.<br />

On entend là-bas des gens qui chantent le Coran.<br />

Depuis le jour où Seykou avait quitté le Fouta.<br />

C'est toujours vers l'est qu'il <strong>par</strong>tait;<br />

Il traversait des fleuves,<br />

Il traversait des rivières ;<br />

Ceux qu'il avait appelés venaient.<br />

Tous les marabouts chez qui Seykou allait.<br />

Voyaient leur savoir tari au bout de quelques joursl .<br />

Seykou continua sa route.<br />

Un jour on le renseigna sur un marabout<br />

Qui se nommait Ousmane Fodé Bello2<br />

Il se mit en rocte. il arriva à la maison du marabout Ousmane.<br />

Ille salua. ce dernier le salua à son tour ;<br />

Il lui dit qu'il était venu chercher le savoir.<br />

L'autre lui dit: bienvenue à toi, homme du Fouta !<br />

Chaque nuit que Dieu faisait.<br />

Ousmane quittait Sokoto et allait prier sur un <strong>par</strong>terre fleuri3 ,<br />

Puis il revenalt passer la nuit à Sokoto.<br />

Seykou dépassait rapidement en savoir ses propres maîtres.<br />

Ousmane Fodé Bello : descendant des Peuls qui avaient émigré de l'Ouest<br />

vers l'Est. Ousmane naquit à Gobir, au. nord du pays haoussa. vers<br />

1755.Vers 1804. il prêcha la guerre sainte.Lettré. il composa des ouvrages<br />

en Arabe.<br />

Sokoto: ville fondée en 1809 <strong>par</strong> Mohamed Bello fils d'Ousmane Dan Fodio.


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1<br />

2<br />

Quand Seykou Oumar avait pris le repas du soir.<br />

Il <strong>par</strong>tait lui aussi prier sur un <strong>par</strong>terre fleuri.<br />

Puis il revenait passer la nuit à Sokoto.<br />

Quand Seykou Oumar avait fini de prier sur le <strong>par</strong>terre fleuri,<br />

Ousmane allait [ au <strong>par</strong>terre fleuri],<br />

Ousmane <strong>par</strong>tait au <strong>par</strong>terre fleuri.<br />

Ils rencontrèrent une àme qui volUgeait entre terre et ciel.<br />

Seykou prit l'âme dans ses mains.<br />

Il di t : où habites-tu?<br />

Elle dit: Seykou. moi je n'habite nulle <strong>par</strong>t encore.<br />

Je suis une àme qui est entre terre et ciel.<br />

Alors Ousmane regarda à terre.<br />

Il dit: que Dieu me donne de mettre au monde cette âme qui va au<br />

<strong>par</strong>terre fleuri avant d'ètre nèe !<br />

Seykou s'assit à terre; il dit : que Dieu me donne de mettre au<br />

monde cette âme qui va au <strong>par</strong>terre fleuri avant d'ètre née!<br />

Ils revinrent et rentrérent en "Kalwa".<br />

Ils invoquèrent Dieu. l'Unique;<br />

Dieu fit descendre un message pour Ousmane:<br />

Il dit: tu as demandé un fils:<br />

Mais Dieu le Tout-Puissant a permis,<br />

Que la prière de cet élève. qui t'est confié, est arrivée la première<br />

chez le Seigneur.<br />

11 lui a donné un fils,<br />

Mais à toi, Ousmane. il a donné la mère de ce fils.<br />

Alors Ousmane prononça le nom de Dieu, le Seigneurl .<br />

Cela alla jusqu'à l'aube.<br />

Il dit: hé. Oumar, fils de Thiemo Seydou ! Celui-ci dit: oui!<br />

Il dit: toi. Oumar. tu n'es pas petit:<br />

Nous avons demandé un fils ;<br />

Le Seigneur Tout-Puissant dit que c'est moi qui possède la mére<br />

De ce fils, mais que c'est toi qui possèdes le fils.<br />

Il dit: Ousmane. c'est beaucoup ce que j'ai obtenu. mais ce que toi<br />

tu as obtenu. ce n'est pas petit.<br />

Il appela "mère" Satoura 2;<br />

Genre d'oraison qui consisle à repeler le nom de Dieu.<br />

Fail hlslorique : Ousmane donna une de ses filles en mariage à Seykou<br />

Oumar.<br />

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2<br />

- Les Blancs méprisent les Noirsl .­<br />

Ils le regardèrent et se mirent à rire<br />

Ils dirent: dans la mosquée qui est construite ici.<br />

Jamais un Noir n'est entré pour prier encore moins pour diriger<br />

notre prière !<br />

Tu n'as pas à prier ici, encore moins à diriger notre prière<br />

Ils chassèrent Seykou Oumar, qui sortit.<br />

Le Torodo supplia Dieu. Dieu l'exauça;<br />

Durant trois jours. le feu ne s'alluma pas à Missira.<br />

Aucun enfant ne téta sa mère,<br />

Aucun chevreau ne téta une chèvre.<br />

Aucun mouton ne téta une brebis;<br />

Alors les gens de Missira eurent très peur;<br />

Ils <strong>par</strong>tirent, ils appelèrent Seykou ;<br />

Ce dernier arriva et dirigea leur prière pendant trois "rakàs"2 :<br />

Sa prière fut exaucée.<br />

Il y avait là-bas un savant<br />

Qui se nommait Hamadou Mousoul Diné.<br />

Ils dirent : Hamadou Mousoul Diné, nous avons ici quelqu'un<br />

d'étonnant!<br />

Un Noir pourrait venir ici, te montrer son savoir<br />

Et tu ne serais pas capable de répondre!<br />

Il est impensable qu'un Blanc vienne ici,<br />

Te montrer son savoir, sans que tu ne saches y répondre, encore<br />

moins un Noir!<br />

Il dit: ce Noir que voici<br />

Est certes très brillant.<br />

Mais aujourd'hui je lui poserai des questions.<br />

Faisons aujourd'hui une réunion;<br />

Il faut que je dise à ce Noir ce qu'il ne pourra pas comprendre;<br />

Comme il connait le poular et le haoussa,<br />

Le zerma et le bambara,<br />

Je lui réciterai un verset<br />

Les Blancs méprisent les Noirs : allusion au racisme entre Arabes et Noirs;<br />

aujourd'hui encore, dans le monde arabe, "l'Islam noir" (sic) est suspecté<br />

de n'être pas très pur.<br />

Rakâ [raka'aL ensemble de gestes et de <strong>par</strong>oles : il constitue le corps de la<br />

prière rituelle.


CORPUS 1 347<br />

435. Qui se trouve dans le livre de "Louga"1<br />

436. Je lui <strong>par</strong>lerai la langue des génies<br />

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2 ;<br />

Quand on <strong>par</strong>le à un Noir la langue des génies, il ne répond pas.<br />

Alors. ils firent la réunion;<br />

Ils appelérent Seykou Oumar ;<br />

Seykou arriva et s'assit.<br />

Hamadou Mousoul Oiné lui dit: Oumar du Fouta ! Celui-ci dit: oui !<br />

Il dit: si quelqu'un rencontre un savant.<br />

Il doit l'interroger.<br />

Seykou Oumar lui dit: c'est bien vrai !<br />

Il lui posa vingt cinq questions;<br />

Seykou donna la réponse ;<br />

Il dit: maintenant, je vais te poser une question:<br />

Ce ne sera pas en poular,<br />

Ce ne sera pas en zerma.<br />

Ce ne sera pas en haoussa.<br />

Ce ne sera pas en bambara;<br />

Si Oumar comprend. il répondra,<br />

S'il ne comprend pas, il se taira.<br />

Il regarda Seykou, Seykou le regarda;<br />

Il dit: "kabourou bogourou kabourouba" !<br />

Seykou lui dit: "sidjilin sadjalin kanyoumka".<br />

Alors ils surent que c'était la langue des génies.<br />

Il avait dit: "qu'est-ce qui est le plus difficile. vivre ou avoir de quoi<br />

vivre 7"<br />

459. Seykou avait répondu : "si quelqu'un est vivant, il aura de quoi<br />

Vivre."<br />

460. C'est ici que cela prend fin.<br />

461. Noble. fils de nobles!<br />

1<br />

2<br />

"Louga": signifie grammaire.<br />

La langue des gemes la connaissance de cette Jangue prouve<br />

l'intelligence pénétrante de Seykou Oumar. elle souligne, <strong>par</strong> delà celle<br />

perspicacité de Seykou. son caractère exceptionnel. L'épopée place son<br />

héros au-dessus des hommes, puisqu'il communique avec les génies.


CORPUS II 351<br />

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2<br />

Ton marabout: s'il t'aime. aime-le.<br />

S'il te hait, aime-le.<br />

C'est le disciple qui cherche la bénédiction du marabout.<br />

Mais le marabout ne cherche pas la bénédiction du disciple.<br />

Le roi du pays: s'il t'aime. aime-le.<br />

S'il te hait, aime-le.<br />

C'est ton bien que tu recherches. un roi est plus fort qu'un pauvre.<br />

De ces trois. s'il y'en a un qui t'aime. aime-le.<br />

S'il te hait, aime-le!<br />

Quelles sont les trois que tu dois haïr même si elles t'aiment,<br />

Que tu dois haïr si elles te haIssent ?<br />

L'hypocrite: s'il t'aime. hais-le.<br />

S'il te hait, hais-le!<br />

Il te brouille avec la famille et va t'aider pour la réconciliation!<br />

Le voleur: s'il t'aime, hais-le.<br />

S'il te hait, hais-le!<br />

Il vole tes biens et t'aide à chercher alors qu'il les dètient.<br />

Le sorcierl s'il t'aime. hais-le.<br />

S'il te hait, hais-le!<br />

Il prend ton enfant et te conduit chez les deViris2 !<br />

Voilà les six personnes qui sont dans le monde.<br />

Que Dieu nous protège du malheur de l'hyprocrite !<br />

Un hypocrite se leva et alla chez Tamba Boukari,<br />

Il lui dit: Tamba !<br />

Tamba lui dit: oui!<br />

Il dit: toi. tu habites ici avec un marabout,<br />

Moi. je ne connais pas le caractère de ce marabout,<br />

II n'a pas le caractère des marabouts.<br />

Tamba lui dit : que fait-il donc?<br />

Il dit: ce marabout. quand il voit un fusil, il l'achète.<br />

Ce marabout, quand il voit de la poudre. il l'achète:<br />

Ce marabout, quand il voit une épée. il l'achète.<br />

Un marabout qui achète des fusils. des épées et des balles.<br />

De la poudre. a d'autres intentions que de s'incliner pour faire la<br />

prière!<br />

Sorcier les sukuii a [suku ii a a 8e. pluriel] sont des hommes qui ont un<br />

pouvoir malfaisant ; ils agissent sunout pendant la nuit ; ils peuvent "boire<br />

le., sang" de leurs victimes.<br />

r(eY1ns' : contre-sorcier qu'on va consulter.<br />

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4<br />

Tamba Boukari appela Kodda Adama Ayse Elimane Ciré <strong>Samba</strong><br />

DembaAll Moutar Seydi Buudu Muusal .<br />

Il lui dit: Marabout!<br />

Seykou dit: oui!<br />

li dit : j'ai appris que tu achètes des fusils, des balles et de la<br />

poudre.<br />

Or si quelqu'un craint Dieu, il n'a peur de personne.<br />

Seykou lui dit: c'est vrai2 !<br />

li dit: que je ne revoie plus cela, que je n'entende plus cela!<br />

Seykou dit: entendu. puisque tu le dis.<br />

Je vais laisser cela car c'est toi le roi!<br />

Seykou revint et cessa d'acheter des fusils et des balles<br />

Jusqu'à ce que Tamba Boukari l'eût oublié.<br />

Seykou reprit les achats.<br />

Un jour. le Torodo compta ses fusils.<br />

Il trouva trois cent trois fusils :<br />

Les disciples ètaient au nombre de trois cent trois.<br />

li se mit à rire et dit: vraiment Dieu est l'Unique.<br />

C'est cela que Dieu a décidé!<br />

Dans peu de temps, la poudre va gronder sans interruption3 .<br />

Un jour. ils avaient fait la prière du soir. puis celle de la nuit;<br />

lis avaient récité la "Salatul fatiha" jusqu'à la fin4 .<br />

lis avaient fait ensuite la prière de la nuit.<br />

Alors Seykou se leva et dit: maintenant. rentrons à la maison!<br />

Les fils des pieuses femmes du Fouta, les disciples. dirent:<br />

Seykou!<br />

Seykou dit: oui!<br />

lis dirent: Marabout, toi tu peux rentrer chez toi<br />

Mais nous avons quelques chose à dire à Alfa Oumar Thiemo Bayla.<br />

Or c'est lui qui était le plus proche de Seykou.<br />

lis appelèrent Alfa et s'éloignèrent avec lui<br />

lis lui dirent: Alfa !<br />

Alfa dit: oui!<br />

lis dirent: quand nous avions quitté le Fouta pour venir ici.<br />

C'est la généalogie abrégée de Cheikh Omar.<br />

C'est vrai : pour approuver quelqu'un, on utilise l'expression arabe<br />

"wallâhi !" [<strong>par</strong> Allah].<br />

Sans' interruption: littéralement sans se taire [deY'Y'aani].<br />

"Salatil fatiya "["Salâtul fâtiha"] : Il s'agit d'une panie du "wird" tidjane.


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CORPUS II 355<br />

92. Vous aviez dit que nous venions pour faire la guerre sainte l ;<br />

93. Or nous sommes installés ici, nous cultivons. nous produisons des<br />

biens.<br />

94. Nous travaillons d'une maniére conforme à la religion.<br />

95. Nous donnons cela à Tamba Boukari, ce païen maudit de Dieu,<br />

96. Qui mange ce qui est interdit <strong>par</strong> la religion 2 ;<br />

97. Cela ne nous fait pas plaisir à nous. <strong>par</strong> Dieu!<br />

98. Alfa Oumar Thiemo Bayla dit; à moi aussi cela déplaït.<br />

99. Ils dirent: alors. maintenant <strong>par</strong>s dire cela au marabout.<br />

100. Cela nous suffit maintenant!<br />

101. Alors Alfa arriva,<br />

102. Il lui dit: Oumar, l'homme du Fouta!<br />

103. Seykou lui dit: oui!<br />

104. Il dit: sache que les enfants des pieuses femmes m'ont envoyé<br />

chez toi.<br />

105. Il dit: qu'y a-t-il ?<br />

106. II dit: les jeunes du Fouta disent: tu nous as fait quitter le Fouta.<br />

107. Tu nous as amenés ici. tu as dit que nous ferions la guerre sainte,<br />

108. Tout mourant entrerait au Paradis,<br />

109. Or, nous sommes intallés ici. nous produisons des biens.<br />

110. Nous travaillons de maniére conforme à la religion.<br />

111. Nous donnons cela à ce païen, fils de païen, qui mange ce qui est<br />

interdit <strong>par</strong> la religion.<br />

112. Les disciples entourérent Seykou<br />

113. Seykou dit: que dites-vous, gens du Fouta ?<br />

114. Ils dirent: nous avons dit ce que Alfa t'a fait savoir.<br />

115. Il dit: savez-vous ce qui arrive quand on refuse de se soumettre à<br />

un roi?<br />

116. Ils dirent: nous sommes courageux !<br />

117. Il dit: tout de suite il y aura beaucoup de veuves!<br />

118. Ils dirent: nous avons de l'audace.<br />

119. Il leur dit: quand on refuse de se soumettre à un roi.<br />

120. Alors les orphelins de père seront dispersés et feront pitié.<br />

121. Leurs pères seront abandonnés. dépouillés.<br />

122. Ils dirent: nous avons de l'audace.<br />

2<br />

C'est uniquement pour la guerre sainte que les hommes du Fouta ont<br />

émigré.<br />

Ce qui est interdit: harmi vient de l'arabe "harâm" [interdit religieux].


CORPUS Il 357<br />

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J<br />

2<br />

Il dit: tout de suite le temps arrivera où nous ne pourrons plus<br />

Prier <strong>par</strong>ce que la poudre grondera sans interruption.<br />

Ils dirent : si ce n'est pas un péché pour nous. nous avons de<br />

l'audace!<br />

Il dit: c'est ainsi que vous dites?<br />

Ils dirent: c'est ainsi que nous disons.<br />

Il dit: bon. alors révoltons-nous!<br />

Le lendemain arriva, ils firent la priére du matin.<br />

Ils récitèrent la "Saalatul fatiha", la prière d'honneur1.<br />

Tamba Boukari envoya des gens :<br />

Quand vous <strong>par</strong>tirez, dites-moi à Al Hadji Oumar<br />

Qu'on rassemble l'impôt de son village tout de suite pour que vous<br />

me l'ameniez.<br />

Alors les courtisans2 rentrèrent dans la maison de Seykou Oumar ;<br />

Ils dirent: Marabout!<br />

Le marabout dit: oui!<br />

Ils dirent; nous sommes des envoyès de Tamba Boukari ;<br />

Tamba Boukari te dit de rassembler aujourd'hui l'impôt de ton<br />

village;<br />

Nous l'emporterons tout de suite avant que la lune ne se lève.<br />

Seykou dit: c'est bien!<br />

Il dit: Alfa!<br />

Alfa dit: oui!<br />

Il dit: appelle-moi les disciples !<br />

On appela les fils des pieuses femmes.<br />

Il dit: regardez. ceux qui sont arrivés ici sont venus pour l'impôt.<br />

Qu'en dites-vous?<br />

Ils dirent: si nous avons aujourd'hui de quoi payer l'impôt à ce<br />

maudit,<br />

Nous en habillerons nos familles. nous les en nourrirons.<br />

Seykou dit: avez-vous entendu?<br />

Les envoyés dirent: nous avons entendu.<br />

Il dit: quand vous <strong>par</strong>tirez, dites à Tamba :<br />

Moi, oumar, si j'ai aujourd'hui de qUOi donner l'impôt,<br />

o Counisans<br />

C'est la prière principale qui compose le "wird" tidjane, voir v 80.<br />

: le batula [watulaaoe. pluriel] Ce son! les hommes qui viven!<br />

dans l'entourage des chefs, dont ils son! les émissaires et les conseillers.


CORPUS il 359<br />

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185.<br />

J'habillerai ma famille et la nourrirai.<br />

Les envoyés rentrèrent sans l'impôt.<br />

Lorsqu'ils arrivèrent. Tamba dit: vous avez apporté l'impôt?<br />

Ils dirent: Tamba. demande-nous comment nous sommes revenus!<br />

Il dit: comment êtes-vous revenus?<br />

Ils dirent: le marabout et ses disciples ont dit :<br />

S'ils ont de quoi donner l'impôt, ils nourriront leurs familles et les<br />

habilleront.<br />

Même le marabout a dit : s'il a de quoi donner l'impôt,<br />

Il nourrira sa famille et l'habillera.<br />

Tamba Boukari se mit à rire en hochant la tête,<br />

Il dit : pitié, le marabout pense qu'il est fort maintenant<br />

Il ne me connaît pas, si je prends une armée dans un de mes<br />

villages.<br />

Cela fera deux fois plus d'hommes que son armée.<br />

Il avait un griot du nom de JeU Moussa1:<br />

Il dit: J eli Moussa J<br />

JeU Moussa dit: oui!<br />

Il dit: viens. accompagne ces envoyés,<br />

Dis au marabout: s'ils veulent habiter près de mon village.<br />

Pour s'incliner. se prosterner et prier,<br />

Pour tailler des bois et les remplir d'écritures noires,<br />

Pour lire en disant que c'est la <strong>par</strong>ole de Dieu,<br />

Qu'ils te donnent l'impôt!<br />

Sinon, j'incendie leur village tout de suite.<br />

Jeli Moussa monta sur son cheval et accompagna les envoyés.<br />

Dieu montra cela à Seykou Oumar à Dinguiraye :<br />

Il dit: hé les gens du Fouta !<br />

Ils dirent: oui!<br />

Il dit: le-jour-où Dieu l'Unique nous donnera de faire la guerre<br />

\.<br />

sainte,<br />

Ce jour-là. Il nous donnera un griot du nom de JeU Moussa;<br />

I.e jour où Jeli Moussa fera <strong>par</strong>tie de notre religion.<br />

Quel que soit celui que nous attaquerons et combattrons, nous<br />

serons les vainqueurs.<br />

J'ai appris que Jeli est très proche du roi:<br />

Voilàque Jeli quitte le village de Tamba Boukari,<br />

leli est le nom malinké du griot, dont l'équivalent poular est gawlo.


\...VI'..r UÙ .1.1<br />

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2<br />

.J 0 1<br />

Il vient chez nous prendre l'impôt.<br />

Que chacun des fils des pieuses femmes rentre dans sa case:<br />

Sa mère s'appelle ainsi;<br />

Son père s'appelle ainsi.<br />

Vous connaissez certains dessins magiques l ;<br />

Inscrivez-y son nom. le nom de sa mère et celui de son père.<br />

Que chacun prie deux "rakâs" et rècite douze fois le chapelet,<br />

Supplions Dieu l'Unique de faire rentrer Jeli Moussa dans notre<br />

armèe.<br />

Alors la guerre sainte sera arrivée.<br />

Les fils des pieuses femmes rentrèrent dans les cases.<br />

Ils approchèrent les planchettes. ouvrirent les livres.<br />

Prirent l'encre. ils écrivirent et inscrivirent les noms.<br />

Seykou se dirigea vers l'est, il pria deux "rakâs".<br />

Il récita douze fois le chapelet;<br />

Il-appela Dieu. Dieu répondit:<br />

Dieu fit descendre lln iTIessager.<br />

Ce messager dit : le Seigneur Tout-Puissant te dit:<br />

Ce que tu as demandé. il te l'accorde.<br />

Il dit: j'ai demandé à Dieu qu'il fasse venir Jeli Moussa dans votre<br />

armèe.<br />

Pour que nous fassions la guerre sainte.<br />

Il dit: le Tout-Puissant l'a décrété pour toi.<br />

Il dit : hé disciples!<br />

Ils lui dirent: Tall !<br />

Il dit: si vous voulez. arrètez là où vous êtes arrivés.<br />

Celui qui ne ment pas2 dit qu'il nous accorde ce que nous avons<br />

demandé.<br />

A ce moment, Jeli rentra dans la maison de Seykou Oumar ;<br />

Ses yeux rencontrèrent les yeux de Seykou.<br />

Son front était plus brillant que tous les fronts qu'il voyait.<br />

II le regarda longuement,<br />

Il dit : Marabout. n'est-ce pas toi qui es le marabout ici ?<br />

Dessins magiques. [carrés cabalistiques] : haatumeere. ce sont les dessins<br />

géométriques où l'on inscrit des versets du Coran. des noms de Dieu ou du<br />

Prophète. On utilise ces dessins pour les gris-gris.<br />

Celui qui ne ment pas : Dieu. en effet ne peut pas mentir.<br />

Il peut s'agir aussi d'un "Rawhane" : esprit faisant office de messager<br />

mystique.


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Seykou dit: c'est ainsi qu'ils m'appellent.<br />

Il dit: <strong>par</strong> Dieu, Marabout, toi et tes disciples vous ètes beaux !<br />

Il dit: Jeli Moussa. la beauté est un chiffon de Dieu 1.<br />

Il lui dit: Marabout!<br />

Seykou Oumar lui dit: oui!<br />

Il dit: est-ce bien si un païen qui ne prie pas aime un musulman?<br />

Il lui dit: JeU Moussa, l'amour est un chiffon de Dieu mais il n'est<br />

pas agréable à poser2 .<br />

Il lui dit: Marabout!<br />

Seykou lui dit: oui!<br />

Il dit: si quelqu'un est ici. qu'il se purifie le visage,<br />

Chaque fois que vous vous purifiez le visage.<br />

S'il s'incline. se prosterne, s'il possède ce que vous possèdez,<br />

S'il égrène le chapelet pour réciter le wird.<br />

Est-ce qu'il sera beau comme vous éte beaux ?<br />

'II dit: <strong>par</strong> Dieu, Jeli, celui qui suit Dieu,<br />

Même s'il n'est pas beau, son front sera brillant.<br />

Il dit: Marabout!<br />

Seykou dit: oui!<br />

Il dit: tu sais ce qui m'a amené?<br />

Il dit: non, Jeli, je ne sais pas, il faut que tu me le dises.<br />

Il dit: c'est Tamba Boukari qui dit que vous me donniez l'impôt,<br />

Mais dites que vous ne le donnez pas:<br />

Que celui qui veut des biens travaille!<br />

Voilà qui est vitc dit, Marabout. .<br />

Seykou dit: d'accord!<br />

J'ai cessé d'être l'ami de Tamba Boukari.<br />

Ce n'est que vous que j'aime,<br />

Je vais donc rester ici.<br />

Il lui dit: hé Jeli !<br />

Jeli dit: oui!<br />

Il lui dit: un chemin est meilleur qu'un autre.<br />

Mais. Jeli Moussa. fais·ton deVOir3 . ;. ,i .. ' ... "i' .', 1..... ,. •••... ï<br />

Pars, fais ton devoir. si Dieu veut que tu reviennes, tu reviendras.<br />

Alors Jeli s'en retourna. il dit: envoyés, venez, rentrons;<br />

La beauté est une valeur passagère et futile : elle est le "chiffon" de Dieu.<br />

Il n'est pas agréable à poser : la fidélité dans l'amitié est une chose difficile.<br />

Fais ton devoir : liuéralement que la route soit terminée.


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On ne peut pas habiter avec Tamba Boukari.<br />

Ces derniers sont venus fonder un village.<br />

Ils se fatiguent pour eux-mêmes.<br />

Tout ce qu'ils commencent à gagner, il le leur prend:<br />

Un tel roi n'est pas prêt d'avoir des gens.<br />

Alors les envoyés suivirent Jeli Moussa. Jeli alla au loin.<br />

Ils arrivaient alors en pleine brousse.<br />

Jeli descendit de son cheval,<br />

n prit son épée, il l'accrocha à la selle du cheval,<br />

Il prit son habit. il l'accrocha à la selle du cheval,<br />

Il dit aux envoyés: quand vous <strong>par</strong>tirez, dites à Tamba Boukari :<br />

Il ne m'a pas engendré, il n'est pas mon grand frére,<br />

Je n'étais que son ami, j'habitais dans sa maison.<br />

Qu'il me haIsse, je le hais!<br />

Maintenant. je suis l'ami du marabout,<br />

Je sais que la vérité est du côté du marabout,<br />

Je vais retourner chez le marabout.<br />

JeU Moussa se mit à courir.<br />

Il arriva et se mit à genoux devant Seykouo..mar.<br />

Il dit: oui!<br />

Il dit : hier tu te nommais Jeli Moussa?<br />

Il dit: oui!<br />

Il dit: aujourd'hui tu te nommeras JeU le chanceux:<br />

Comme tu t'es mis à genoux, tu t'es converti.<br />

Celui qui ne ment pas m'a fait savoir tout de suite<br />

Que ta maison a été apprêtée dans le <strong>par</strong>adiS.<br />

Alors ils rasèrent totalement la tête de JeU,<br />

Ils lui donnèrent un habit blanc et une coiffure blanche,<br />

Ils lui remirent un chapelet "tidiane",<br />

Il lui dit: JeU!<br />

JeU dit: oui !<br />

Il lui dit: Jeli, prends la corde de Dieul,<br />

Elle ne se coupera pas entre tes mains.<br />

Alors JeU s'installa.<br />

Les envoyès rentrèrent sans emporter l'impôt. sans emporter Jeli :<br />

Prends la corde de Dieu remets-toi entre les mains de Dieu.


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A peine arrivés. Tamba Boukari leur dit: avez-vous apporté l'impôt?<br />

Ils lui dirent: Tarnba. fais doucement.<br />

Avant de nous demander l'impôt.<br />

Tu ne nous demandes pas comment nous sommes revenus?<br />

Il dit: comment êtes-vous revenus?<br />

Ils dirent: nous n'avons pas eu l'impôt,<br />

Puis Jeli s'est révolté.<br />

Tu as vu le cheval qu'il montait?<br />

Il dit qu'il n'est plus ton ami, il est l'ami du marabout, il est resté<br />

là-bas.<br />

Tamba Boukari rentra dans une trés grande colére.<br />

Il dit: à présent. le marabout m'a atteint. le malheur est à son<br />

comble!<br />

Le marabout dit qu'il ne me donnera pas l'impôt.<br />

Et il prend le griot que je préfére. que je préfère entre tous les<br />

griots.<br />

Il dit que ce dernier restera là-bas.<br />

Celui-là. il ne pourra pas le garder toujours,<br />

Je vais montrer tout de suite à ce marabout ce que je possède.<br />

Alors il envoya quelqu'un.<br />

Il dit: je vais incendier le village du marabout.<br />

Mais je ne veux pas l'incendier alors que Jeli est là-bas.<br />

Si tu entends que l'herbe sèche ne brûle pas)comme l'herbe verte<br />

c'est qu'elles n'ont pas ètè ensemble.<br />

Alors il dit à l'envoyé: quand tu <strong>par</strong>tiras. dis au marabout.<br />

Je lui <strong>par</strong>donne son impôt, mais qu'il me redonne Jeli Moussa.<br />

Amenez-le moi. qu'il sache que Jeli est mon griot préférè.<br />

Il n'en est pas le maître!<br />

S'il veut. qu'il garde l'impôt de son village.<br />

L'envoyé arriva. il était solidement ceint1 ,<br />

En arrivant. il dit: Marabout!<br />

Seykou Oumar lui dit: oui!<br />

Il dit: Tamba Boukari dit qu'il te remet l'impôt de ton village<br />

Mais sache que le griot est son griot:<br />

Il faut lui rendre Jeli Moussa:<br />

Même si tu ne payes pas l'impôt, que Jeli ne reste pas ici<br />

Seykou dit: hé Jeli !<br />

Il était solidement ceint il était pré<strong>par</strong>é. bien muni de gris-gris.


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Je le prends avec ma main droite jusqu'à ce que Tarnba la coupe.<br />

Je le prends avec ma main gauche jusqu'à ce que Tarnba la coupe,<br />

Je prends Jeli avec mon pied gauche jusqu'à ce que Tamba le<br />

coupe.<br />

Je m'étends sur Jeli Moussa jusqu'à ce que Tamba me divise en<br />

deux morceaux.<br />

Alors J eli commencera à étre pris1.<br />

Les envoyés s'en retournèrent.<br />

Alors Seykou Oumar dit: disciples!<br />

Ils lui dirent: oui<br />

Il dit: mettez livres et planchettes les uns sur les autres.<br />

Suspendez-y les encriers. attachez-les solidement.<br />

Enlevez les turbans de vos têtes. attachez-les à votre taille.<br />

Prenez les fusils.<br />

Tout de suite une troupe va nous attaquer pour la guerre sainte.<br />

Les fils des pieuses femmes se ceignirent,<br />

On se ceignit avec les turbans.<br />

On affûta les êpées.<br />

On chargea les fusils.<br />

Seykou se tint debout et fit une longue exhortation.<br />

Seykou s'assit,<br />

Les disciples se levèrent et se mirent à supplier Dieu<br />

o Dieu. que je n'échappe pas aujourd'hui de cette bataille<br />

Pour que demain je voie ma maison dans l'au-delà!<br />

Ils étaient en train de prier ainsi quand les envoyés rentrère,rt<br />

chez eux.<br />

Tarnba Boukari leur dit: comment cela s'est-il passé?<br />

Ils dirent: nous n'avons rien eu. et puis. Tarnba. nous te disons...<br />

Il dit: oui.<br />

Ils dirent: le marabout a déclaré la guerre!<br />

Alors Tarnba Boukari éclata de rire.<br />

Il dit: je vais faire savoir à ce marabout qu'il n'est pas fort.<br />

Aujourd'hui. je vais incendier Dinguiraye. je vais attacher les<br />

disciples.<br />

Jeli et Seykou sont désonnais insé<strong>par</strong>ables. l'un ne pourra pas être pris<br />

sans l'autre. Ils fonnent une sorte de héros épique et son double. La suite<br />

du jihâd pennit à ce((e dualité organique de donner la pleine mesure de ses<br />

capacités : el la langue de Jeli compléta bien les dons mystiques d'Omar.


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Je vais prendre Jeli et le marabout pour les amener ici dans mon<br />

village.<br />

Il dit: savez-vous à combien sont les hommes du marabout?<br />

L'un d'eux dit: moi. je connais les gens de là-bas.<br />

Je connais leur nombre.<br />

I! dit: à combien sont les disciples?<br />

Il dit: les disciples et lui. sans compter Jeli,<br />

Sont au nombre de trois cent trois personnes.<br />

Alors Tamba se mit à rire :<br />

Il dit: ils ne constituent même pas un bataillon!<br />

Ses tambours rêsonnèrent.<br />

Son pays se rassembla.<br />

I! dit aux gens: j'ai besoin <strong>par</strong>mi vous de six mille jeunes gens.<br />

Des jeunes gens dont la barbe n'est pas encore sortie,<br />

Qui n'ont jamais êtè mariés et qui ne pensent pas à leur famille.<br />

Les gaillards harnachérent leurs chevaux et se mirent de côté.<br />

Il dit: quand vous <strong>par</strong>tirez au village du marabout.<br />

Mettez-y le feu. tuez les disciples:<br />

Prenez Jeli et le marabout. amenez-les moi,<br />

Je leur ferai ce que Dieu permettra.<br />

Un nuage de poussiére avala les arbres.<br />

Le bois sec fut cassé, le bois vert fut écrasé.<br />

Le bois long. on y passa dessous, le bois court fut écarté.<br />

Lorsqu'ils arrivérent à Dinguiraye, ils formérent un cercle autour<br />

de la ville:<br />

Un homme à côté d'un homme,<br />

Un fusil à côté d'un fusil,<br />

Une main à côté d'une main.<br />

Ils entourèrent Dinguiraye de six cercles.<br />

Seykou Oumar les regarda. il vit que c'était une foule d'un côtè.<br />

Il regarda de l'autre côté. il vit encore une foule.<br />

Il dit: hé. les hommes du Fouta !<br />

Ils lui dirent: Tall !<br />

I! leur dit : n'ayez pas peur de cette foule !<br />

Sachez que Dieu a gardé une foule plus nombreuse.<br />

Il était avec Basi Dembelé1.<br />

Il était avec Saykolor.<br />

Basi Dembélé : un des fidèles panisans de Seykou [esclave].


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6<br />

375<br />

Il était avec Basibasi.<br />

Chaque lignage du Fauta alla de son côté;<br />

Ils entourèrent la ville d'un cercle.<br />

La poudre gronda sans interruption;<br />

Le dèbut de la soirèe passa, c'ètait bientôt le crépuscule,<br />

Ils abîmèrent complètement la ville l . " •<br />

Ils coupèrent la tête à Fadjimba2 ,<br />

Ils s'em<strong>par</strong>èrent de ses hommes et des hommes de Tamba<br />

Boukari:<br />

A tous on leur mit une corde.<br />

Les têtes enturbannées entourèrent Kodda Adama Ayse3.<br />

C'est alors qu'ils dirent; il a détruit Tamba, il a détruit Fadjimba.<br />

L'armée continua, elle rencontra<br />

Un Peul appelé Fâle! Bolâro.<br />

Où se rencontrèrent les jambes de l'armée4 ?<br />

Elles se rencontrèrent à un endroit nommé Kamakindi,<br />

La poudre gronda sans cesse5 entre eux;<br />

Jusqu'à ce qu'elle fit de nombreux morts et blessés.<br />

Alors, le Cheikh dépècha une armée.<br />

Alpha Oumar repoussa l'armée de Fâlel Bolâro<br />

Jusqu'au lieu nommè Kassakéri Bàkouna6<br />

Au réveil, ils retournèrent à Karêga.<br />

Il écriVit une lettre en direction de Cheikh Oumar.<br />

Sache que toute l'armée que j'avais emmenée à Karêga est défaite.<br />

Il y a un grand nombre de Martyrs, mais Karêga reste inexpugnable.<br />

Et puis, sache Cheikh Oumar<br />

Que si l'armée me trouve à Karêga...<br />

Il dit; quand l'armée te trouva à Karêga<br />

D'où venait-elle?<br />

Il dit: elle provenait de Mene-Mene.<br />

C'est Karounka Diawara qui l'avait envoyée.<br />

Il dit: comment t'es-tu comporté face à l'armée?<br />

Le texte poular est le suivant : "Be mbonni wuro bonan de bonde " (ils ont<br />

détruit la ville d'une destruction destructrice).<br />

Fadjimba : roi Malinké, sanS doute Yimba-Sakho.<br />

Les têtes enturbannées : littéralement les "turbans", synecdoque.<br />

L'armée reproduisait l'anatomie de l'homme : tête, tronc, membres.<br />

Mot à mot : la poudre vociftra.<br />

Kasakéri dans le Bakounou.


CORPUS II 377<br />

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2<br />

3<br />

4<br />

Il dit : nous nous sommes rencontrés à Kamakindi<br />

Il dit : comment t'es-tu comporté contre eux ?<br />

Alpha lui dit: je les ai repoussés jusqu'à Kasakéri Bâkouna<br />

J'en ai tué cent quatre vingt Peuls.<br />

Cheikh leur dit alors:<br />

Ceux-ci sont bienheureux jusque devant Dieu,<br />

C'est pourquoi jusqu'à ce jour, tu vois chez les Wolârbe 1<br />

Un propriétaire de mille vaches qui refuse de manger<br />

Du lait frais, préférant les feuilles de baobabs2 .<br />

Cheikh Oumar envoya à Alpha Oumar Thiemo Bayla une "jambe<br />

d'armée".<br />

Gardant <strong>par</strong> devers lui le reste de son armée.<br />

Au réveil. ils se dirigèrent vers Karêga.<br />

Des empoignades les opposèrent avec les gens de Karêga.<br />

Jusqu'à ce qu'il y eut de nombreux morts et blessés.<br />

AVant midi. Karêga détruisit complètement l'armèe d'Alpha OUillar.<br />

Il y eut de nombreux martyrs. mais Karêga ne fut pas pris.<br />

Alors, Alpha Oumar Thiemo Bayla écrivit une autre lettre.<br />

ilia fit accompagner d'un signe évident.<br />

Il dit au Cheikh Omar: Si tu te rappelles un signe:<br />

Quand tu quittas ton village,<br />

Dieu t'envoya vers moi afin qu'on combatte pour la religion.<br />

Moi aussi Dieu m'envoya à <strong>par</strong>tir de Kanel<br />

Que je me rende auprès de toi.<br />

Tu es autorisé à faire la guerre sainte3<br />

Que l'on mène la guerre sainte.<br />

Nous nous rencontrâmes, nous nous serrâmes la main4.<br />

Tu dis que tout ce que tu possèdais dans cette vie nous ap<strong>par</strong>tenait.<br />

Sache que maintenant Cheikh Oumar,<br />

Wolârbe : sous-groupe Peul.<br />

Ce mythe étiologique traduit le mepns des sédentaires pour le Peul, qui<br />

préfére mourir de faim. plutôt que de vendre DU de tuer la vache, sa fidèle<br />

compagne.<br />

Mot à mot : on t'a donné le coup de fusil de la religion.<br />

Mot à mot : nous nous donnâmes mutuellement la main.


CORPUS il 379<br />

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5<br />

6<br />

7<br />

Je ne veux pas cent personnes.<br />

Je ne veux pas mille,<br />

Mais seulement ton drapeau à Karêga.<br />

Sache que Karêga a refusé [de se rendre].<br />

Or, c'est toi qui avais dit que tu es autorisé [à faire le jihâdJl.<br />

Tu sais, Dernier-né d'Adama Aysé Elimane Ciré<br />

<strong>Samba</strong> Demba Ali Moutar2 ,<br />

Sache qu'un homme de bien ne se fâche pas3 .<br />

C'est ce jour là seulement que le visage du Cheikh s'enflamma<br />

publiquement,<br />

Quand il déchira la lettre,<br />

Et qu'il scruta les écritures d'Alpha Oumar Thierno<br />

Bayla, alors son visage s'enflamma.<br />

Le Dernier-né prit la lettre et l'enfonça dans sa poche.<br />

Farba Sawa Gouwa se baissa jusqu'au sol. puis cria:<br />

Oh le Riche, le Savant, le Bien élevé<br />

Le Patron des riches. oh Dernier-né d'Adama Aysé<br />

Elimane Ciré <strong>Samba</strong> Demba<br />

Ali Moutar Seydi Boubou Ndiagnou4.<br />

Allah seul connaît la teneur de ce message.<br />

Mais ce qui enflamme publiquement ton visage ne doit pas ëtre<br />

ordinaire.<br />

Sache que ton visage s'est enflammé à tel point que le Fouta en est<br />

informé.<br />

Noble fils de Nobles,<br />

Noble fils de Nobles.<br />

Celui qui porte à l'épaule le "Hiz bul bahri"5, qui tient entre ses<br />

mains "Arahmâni"G, qui garde en provision "innà anzal nàhou"7.<br />

Il s'agit ici d'une accusation capitale : si le jihâd d'Omar est légitime, il doit<br />

vaincre Karêga. sinon il s'agit d'une imposture ou d'un leurre.<br />

Le griot. après avoir décliné la généalogie du Cheikh. s'adresse à lui.<br />

Mot à mot : tu sais que quand une personne est bonne, elle ne se fâche pas.<br />

Le griot décline la devise du héros, consitant ici à juxtaposer ses dons et ses<br />

mérites. plus loin il y ajoutera un bref résumé de ses conquêtes.<br />

Titre d'un ouvrage mystique de la confrérie tidjane. La récilation ou le pon<br />

de l'ouvrage constitue une arme redoutable contre les ennemis.<br />

La Miséricorde, mais aussi titre d'une sourate du Coran.<br />

Titre d'une sourate du Coran. : "la nuit du décret divin".


CORPUS II 383<br />

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1<br />

2<br />

3<br />

Tout ce qui est animé<br />

Aujourd'hui ne peut pas me contenir.<br />

Sur ces entrefaites. ils attachèrent le destrter.<br />

Le Torodo entra dans la chambre.<br />

C'est ce jour qu'ils virent pour la première fois.<br />

Le Cheikh allant en guerre. habillé<br />

De sa tenue de Pèlerin.<br />

Alors il mit la "Djellaba" acquise à la Mecque.<br />

Alors il mit le bonnet acquis à la Mecque.<br />

Il s'appuya sur la canne.<br />

La main droite tenant le chapelet.<br />

Il leur dit: alors Fouta où en est-on? Que faire?<br />

Ils dirent: à présent nous avons fini.<br />

Il leur dit : aujourd'hui quel que soit l'enjeu, c'est à Karèga que<br />

nous passerons la journée.<br />

Le Torodo appela Allah.<br />

Les chevaux galopaient de toute leur force.<br />

Ils apercevaient le Cheikh.<br />

Mais les chevaux étaient incapables de le rejoindre.<br />

Les cavaliers qui étaient devant, comme ceux qui étaient derrière,<br />

entendaient tous le bruit produit <strong>par</strong> sa poitrine.<br />

C'est à ce moment que Farba Sawa Gouwa se baissa à terre:<br />

Torodo, ch.ampion de la mosquée et de la grande mosquée1 .<br />

Mais aujourd'hui tu as vu quelque chose d'extraordinaire.<br />

Le Riche, le Savant, le Bien-élevé,<br />

Le Patron des riches, Noble, fils de nobles.<br />

Par Allah. quand tu te fàches, tout le Fouta le ressent2 ,<br />

Par Allah, quand tu te fàches, tous les Bambaras le ressentent.<br />

Allah seul sait ce que tu appelles3,<br />

Mais ce que tu appelles est très puissant.<br />

Vois-tu Dernier-né d'Adama Aysé<br />

Mot à mot : bœuf de la mosquée et de la grande mosquée.<br />

Dans la tradition peule, le bœuf symbolise la force physique. l'image<br />

suggère ici les grandes qualités intellectuelles du Cheikh : la direction du<br />

culte dans les mosquées, et en <strong>par</strong>ticulier celle de la grande prière du<br />

Vendredi demande des qualités, donc le champion en la matière est<br />

extraordinaire.<br />

Le· Fouta : métonymie employé ici pour signifier les gens du Fouta ; il faut<br />

noter qu'à la place de la figure correspondante, attendue au vers suivant,<br />

le poète préfère employer les Bambaras.<br />

Cheikh Omar doit réciter des prières afin d'obtenir un secours mystique.


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6<br />

Alpha Oumar lui dit: Tall.<br />

Si tu vois que je t'ai provoqué publiquement.<br />

C'est pour t'exciter afm de nous délivrer.<br />

Ces jours-ci les Bambaras ont fatigué le Fouta5.<br />

Nombreux sont les martyrs. mais Karêga rêsiste encore.<br />

Tu sais que la conquête de Madina A1ahêri dura un jour6 ;<br />

Pour Diongoye. ce fut un jour;<br />

Pour Kolomina. ce fut un jour;<br />

Guimbanna fut détruit en un jOur;<br />

Pour Nioro, ce fut un jour.<br />

Mais voici que trois jours sont passés et Karêga n'est toujours pas<br />

prise.<br />

C'est pourquoi je t'ai provoqué publiquement. et le Fouta connaît la<br />

paiX à présent.<br />

'C'est à ce moment que Karounka Diawara s'enfuit, en direction de<br />

Ségou.<br />

Il dit: oh, Ali Woytêla.<br />

Ali lui dit: oui.<br />

Il dit: un marabout est entré à Nioro,<br />

Il a dêtruit Nioro.<br />

Tous les souverains de Nioro ont été exécutés,<br />

J'ai fui,<br />

Je suis venu.<br />

Je suis venu me réfugier auprés de toi.<br />

Alors Ali Woytêla lui dit: sois le bienvenu. .1<br />

Il lui dit: mais toi, le marabout en question. est un Peul ou un<br />

Bambara?<br />

Il dit: <strong>par</strong> Allah. celui-ci est un Peul.<br />

II dit: quel prodige!<br />

Un Peul capable de détruire complétement des royautés,<br />

Telle cette destruction dont tu viens de faire cas.<br />

II dit: <strong>par</strong> Allah!<br />

II lui dit: sois le bienvenu.<br />

Métonymie : le Fauta pour les habitants du Fauta.<br />

Le griot juxtapose ici les conquêtes et leur durée.


CORPUS Il 391<br />

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2<br />

3<br />

Mais qui n'étonne pas Allah et son Prophéte.<br />

Venez voir une tige verte bien droite au milieu du feu.<br />

Tout le FautaI se rassembla à cet endroit.<br />

Un habitant du Fauta prenait2 son sabre.<br />

Alors et essayait de l'abattre.<br />

Il j etait son sabre en direction de la tige ;<br />

Celle-ci tombait. puis se relevait et se redressait.<br />

Le phénoméne étonna le Fauta.<br />

Ils 3 dirent: nous devons en informer le Cheikh.<br />

Un certain Bambara était présent. il était vieux. solidement attaché<br />

[<strong>par</strong> les vainqueursl.<br />

Le bonhomme les regardait en riant.<br />

Dés qu'un habitant du Fauta s'em<strong>par</strong>ait d'un sabre,<br />

Il le regardait, puis détournait son regard.<br />

Il disait: tu ne le peux pas.<br />

Je le jure <strong>par</strong>Jl:llah' que tu ne peux pas réaliser ton désir.<br />

Mais celui-ci lançait son sabre,<br />

La tige se jetait à terre,<br />

Puis se relevait et se repostait à sa souche.<br />

Alors la nouvelle arriva à Cheikh Omar le Tidjâne.<br />

Le Riche, l'Erudit. le Bien éduqué.<br />

Alors le Cheikh se leva droit.<br />

S'appuya sur son bâton de pèlerin.<br />

Tenant son chapelet en main.<br />

Le Cheikh dit: qu'avez-vous vu ?<br />

Ils dirent: noLS avons vu une tige, se tenant au milieu du feu;<br />

Le feu brûlait mais la tige ne s'asséchait point.<br />

Si tu l'abats.<br />

Elle tombe. se relève.<br />

Puis se ressoude à sa souche.<br />

Le griot emploie indifféremment le Fouta pour désigner le pays, ses<br />

habitants et ses quelques ressortissants.<br />

On note ici une sorte de rupture due au fait que le griot reprend la<br />

narration, pour indiquer, à la troisième personne du singulier. les<br />

péripéties des Toucouleurs devant la puissance magique de Ségou.<br />

Le griot passe de l'image à l'idée, ou alors du contenant au contenu.


CORPUS 11 393<br />

670. Le Cheikh arriva : quel prodige. mais qui ne l'est point pour Allah!<br />

Allez me le montrer.<br />

671. Le Riche. l'Erudit. le Bien éduqué!<br />

672. 11 trouva alors la tige bien droite.<br />

673. 11 dit: abattez-la que je voie.<br />

674. Alors l'un d'entre eux se leva vivement, lança son sabre sur la tige.<br />

675. La tige se jeta précipitamment à terre, elle se releva et se posta à<br />

sa souche.<br />

676. Le Cheikh dit: avez-vous vu cela?<br />

677. Ils dirent: nous l'avons vu.<br />

678. 11 dit: donnez-moi le sabre.<br />

679. Le Saint Homme saisit le sabre.<br />

680. Il observa minutieusement la tige, la bouche se remuant.<br />

681. Il dit: au nom d'Allah. le Clément. le Miséricordieux.<br />

682. Il lança vivement le sabre vers la tige<br />

683. La tige brula avec son épi.<br />

684. Le Bambara solidement attaché regardait le Cheikh.<br />

685. Il continua et vit le lait.<br />

686. Il donna un coup de sabre sous la calebasse de lait. qui tomba à<br />

terre, le lait se versa.<br />

687. Par la suite. il scruta le sol et vit la poule qui couvait ses oeufs.<br />

688. Il égorgea la poule. il prit les oeufs et les cassa.<br />

689. Puis le Cheikh retourna, le Fouta le suivit.<br />

690. Le Bambara lui dit: Marabout.<br />

691. Il lui répondit: oui.<br />

692. Il luit dit: viens ici.<br />

693. Alors le Cheikh arriva.<br />

694. Il dit: est-ce que tu comprends le Bambara?<br />

695. Il dit: un peu, un peu.<br />

Hdit: Mar-aoout. tu as-teut gâch€.<br />

696. Il lui dit: si tu comprends le Bambara aussi...<br />

697. 11 lui dit: oui.


CORPUS Il<br />

698. Il lui dit: tu sais bien que tu as mal fait en agissant ainsi.<br />

699. Le Cheikh lui dit: pourquoi dis-tu que j'ai mal agi?<br />

700. Il dit: comme je te connais grand Marabout,<br />

701. Il dit: oui<br />

702. Il dit: ce que tu as détruit ainsi.<br />

703. Tu sais bien que cela ne détruit pas la religion.<br />

704. Le Cheikh lui dit: qu'est-ce que j'ai détruit?<br />

705. Il dit : tu sais bien. et tu en es convaincu, cette tige si tu ne l'avais<br />

pas abattue...<br />

706. Il dit: oui<br />

707. Il dit :...tout cultivateur vivrait aisément sans aller demander des<br />

graines à son <strong>par</strong>ent.<br />

708. Quiconque séme son champ. quelle que soit sa petitesse. en<br />

retirerait de quoi vivre,<br />

709. Si tu n'avais pas coupé la tige.<br />

71O.Le Cheikh dit: tu es réellement maudit, mais tu as dit vrai.<br />

711. Il dit: quiconque cultive du mil.<br />

712. y mettra du lait de ses vaches.<br />

713. Et mangera jusqu'à satiété.<br />

714. Le Cheikh lui dit: tu es vraiment maudit, mais tu as raison.<br />

715. Il dit: cette poule. si tu ne l'avais pas tuée,<br />

716. Un fils serait sous l'autorité de ses <strong>par</strong>ents.<br />

717. Une femme serait sous l'autorité de son mari.<br />

718. Mais puisque tu as tout détruit,<br />

719. Donc tout cela est dorénavant gâché.<br />

720. Je sais que demain un de tes compatriotes<br />

721. Cultivera jusqu'à l'article de la mort, sans obtenir de quoi manger.<br />

722. Il arrivera demain aux gens de ta race de cultiver et de récolter<br />

beaucoup de mil.<br />

723. Sans pour autant obtenir du lait pour le verser au couscous.<br />

724. Il lui dit: il arrivera à notre race à la fm des temps...<br />

725. Il lui dit: oui<br />

726. Il lui dit: tu verras un père ou une mère appeler son enfant.<br />

727. Et celui-ci à son arrivée lui dire: je me moque de ce que tu<br />

racontes.


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CORPUS II 401<br />

789. A présent qu'avez-vous décidé?<br />

790. Ils dirent: puisqu'il est entré à Hamdallahi, allons-y.<br />

791. Le souverain de Harndallahi va le convertir. sinon nous allons<br />

l'égorger.<br />

792. Il leur dit: oh. Fouta ?<br />

793. Ils lui répondirent: oui.<br />

794. 11 leur dit: un lmâme n'attaque pas son homologue sans l'avertir.<br />

795. Le soleil se coucha. le cadet d'Adarna Aysé Elimane<br />

796. Ciré <strong>Samba</strong> Demba Ali Moutar organisa une séance de prédication.<br />

797. Tout le Fouta s'y rassembla.<br />

798. 11 dit : oh! Fouta ! Oh fils du Fouta !<br />

799. Je recherche ici un preux hors pair,<br />

800. Pour l'envoyer auprès de Ahmadou Ahmadou,<br />

801. Qu'il <strong>par</strong>te pour mourir. qu'il ne <strong>par</strong>te pas pour vivre.<br />

802. J'ai là une lettre, qu'il la porte pour moi à Ahmadou Ahmadou.<br />

803. Mais si la personne se décide à <strong>par</strong>tir,<br />

804. Qu'elle <strong>par</strong>te pour mourir, qu'elle ne <strong>par</strong>te pas pour vivre.<br />

805. Alpha Oumar Thiemo Baïla de Kanel se leva brusquement.<br />

806. Il lui dit: Homonyme?<br />

807. Cheikh Omar lui dit: oui!<br />

808. Il lui dit: si tu rédiges une lettre pour l'au-delà et que tu me vois,<br />

tu as qui envoyer.<br />

809. Il dit : le jour où je fis mes adieux à Kanel.<br />

810. J'avais cent disciples à former.<br />

811. J'avais cent personnes à nourrir.<br />

812. Il dit: si tu me vois abandonner une telle maison pour te suivre.<br />

c'est que je te suis <strong>par</strong> Allah; si je meurs j'entre au <strong>par</strong>adis.<br />

813. Ecris mon nom. demain matin je verrai Ahmadou Ahmadou.<br />

814. Il écrivit son nom et il s'assit.<br />

815. Il dit: oh Fouta ! Oh enfants du Fouta ?


CORPU:; li 403<br />

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827.<br />

828.<br />

829.<br />

830.<br />

83l.<br />

832.<br />

833.<br />

834.<br />

835.<br />

836.<br />

837.<br />

838.<br />

839.<br />

840.<br />

84l.<br />

842.<br />

Je recherche <strong>par</strong>mi vous un Torodo qui a mémorisé le Coran, pour<br />

l'envoyer auprès d'Ahmadou Ahmadou?<br />

Qu'il lise le Coran en sa présence et qu'il traduise ce qu'il a lu.<br />

Qu'il ne troque pas la religion contre l'idolâtrie, le paganisme.<br />

Mais que le candidat <strong>par</strong>te<br />

En se disant qu'il va mourir,<br />

Qu'il ne <strong>par</strong>te pas pour vivre.<br />

Un Torodo appelè Ahmadou Almamy Alassane se leva droit.<br />

Il lui dit: oh Cheikh Omar ?<br />

Cheikh lui dit: oui.<br />

Il lui dit: tu es sûr et certain que d'entre tes trois cents marabouts<br />

qui font la retraite spirituelle...<br />

Il lui dit: oui.<br />

Il lui dit :... nul ne me surpasse en Coran.<br />

De grâce, écris mon nom. Demain matin, je verrai Ahmadou<br />

Ahmadou.<br />

Parce que je ne t'ai suivi qu'à cause de la guerre sainte, si je meurs,<br />

j'entre au <strong>par</strong>adis.<br />

Celui là aussi, il écrivit son nom.<br />

Il leur dit: oh Fouta ! â fils du Fouta !<br />

Il dit: je cherche quelqu'un qui va pour mourir qui ne va pas pour<br />

vivre;<br />

Capable de faire de la <strong>par</strong>ade gymnique1:<br />

Jeter son fusil en l'air, le reprendre avant qu'il ne tombe à terre.<br />

Pour que je l'envoie auprès d'Ahmadou Ahmadou.<br />

Pour que j'apprenne à Ahmadou Ahmadou que,<br />

Ce n'est pas <strong>par</strong>ce que je n'ai pas de combattants, que je ne lui al<br />

pas livrè bataille.<br />

Qu'il n'échange pas la religion contre l'infidélité.<br />

Bâtol Sawa Hako se leva bien droit.<br />

Son coup de fusil tonna.<br />

Il jeta son fusil en l'air.<br />

Le bonhomme fit une <strong>par</strong>ade, puis se posa à terre.<br />

Fiide coowti signifie littéralement faire une démonstration de souplesse<br />

physique. C'est une activité qui revient aux lutteurs, consistant<br />

généralement à faire des roulades ou à soumettre ses bras et ses jambes à<br />

des exercices pénibles.


CORPUS II 407<br />

875. Tu trouvas que mon pére était roi.<br />

876. Il attachait. emprisonnait. humiliait.<br />

877. Tu sais, <strong>par</strong> conséquent. que celui qui a abandonné la royauté pour<br />

te suivre.<br />

878. C'est celui qui t'a suivi loyalement <strong>par</strong> Allah.<br />

879. Puisqu'il n'y a rien de plus délicieux que le pouvoir.<br />

880. De grâce. écris mon nom.<br />

881. Demain matin, en vérité.<br />

Je verrai Ahmadou Ahmadou.<br />

882. 11 écrivit le nom de celui-là aussi.<br />

883. 11 dit: ô Fouta ! 0 fils du Fouta !<br />

884. Je cherche qui envoyer.<br />

885. Qui va pour mourir.<br />

886. Qui ne va pas pour vivre.<br />

887. Qui ne regardera pas les lances rouges.<br />

888. Qui traverse l'assemblée jusqu'à Ahmadou Ahmadou.<br />

889. Qui saisit le col de son vêtement.<br />

890. Qui le secoue trois fois,<br />

891. Disant: Ahmadou Ahmadou laisse Cheikh Oma::,laisse Cheikh Omar.<br />

892. Si celui qui doit mourir tient celui qui doit vivre,<br />

893. Celui qui doit mourir mourra, celui qui doit vivre vivra.<br />

894. Qui est dêcidê à faire cela?<br />

895. Alpha Oumar se leva. saisit violemment le col du boubou de Cheikh<br />

Omar.<br />

896. Cheikh lui dit: Alpha. il ne s'agit pas de moi.<br />

897. 11 s'agit d'Ahmadou Ahmadou.<br />

898. 11 dit: mon Cheikh. quiconque te traite ainsi.<br />

899. Ne craindra pas d'en user autant avec une autre crêature.<br />

900. Si quelqu'un craint Dieu, il ne saurait craindre la mort.<br />

901. De grâce, êcris mon nom.<br />

902. Il êcrivit le nom de celui-là aussi.<br />

903. 11 leur dit: je cherche quelqu'un qui sait bien <strong>par</strong>ler.<br />

904. Qui sait dire des choses agrêables,


CORPUS II 4 1 1<br />

936. Tu as commis là une erreur grave.<br />

937. Car s'inscrire pour une mesure d'or<br />

938. Devant être hêritêe <strong>par</strong> son fils. si l'on meurt.<br />

939. Cela n'aura servi de rien.<br />

940. Demain. je refuserai de <strong>par</strong>tir.<br />

941. Au rêveil. Farba se dirigea vers le Cheikh dès le petit matin.<br />

942. Il lui dit: ô Cadet d'Adama Aysé Elimane Ciré <strong>Samba</strong> Demba Ali<br />

Moutar.<br />

943. Cheikh lui dit: oui.<br />

944. Il dit: moi. tu avais écrit mon nom hier nuit.<br />

945. Je devais accompagner les volontaires pour l'au-delà.<br />

946. Mais efface [ mon nom], moi j'ai trouvé que je ne me porte pas<br />

bien.<br />

947. Le Cheikh le regarda. rit, puis lui dit:<br />

948. Par Allah. Farba. je le jure <strong>par</strong> la majesté d'Allah.<br />

949. Je n'avais pas commandé ma lance pour un griot.<br />

950. Mais ce que ma plume a écrit, à <strong>par</strong>tir de l'encrier n'est pas à<br />

effacer,<br />

951. Si tu ne vas pas. tu te réveilleras mort.<br />

952. Demain matin, je te couvrirai d'étoffes de terre.<br />

953. Je t'enverrai au village de Pére Azraël 1<br />

954. Farba rentra. Il dit: oh!<br />

955. Ta sainteté ne peut être contenue <strong>par</strong> des hommes, a fortiori <strong>par</strong><br />

des femmes.<br />

956. Mais si tu sais quelque chose réellement,<br />

957. Tu as où le prouver:<br />

958. Ahmadou Ahmadou qui. chaque matin.<br />

959. Est entouré de milliers de fils de Peuls,<br />

960. Constitue un enjeu plus sérieux que Farba.<br />

961. Farba revint et appela son fils.<br />

962. Il dit: moi.je m'étais rendu chez Cheikh.<br />

963. Je lui avais demandé d'effacer mon nom, je ne voulais plus <strong>par</strong>tir.<br />

964. Son fils lui dit: toi aussi papa. tu es certes griot,<br />

965. Mais tu es noble.<br />

966. Toi aussi. comment peut-on écrire ton nom<br />

Azraël l'ange de la mon. Il s'agit d'une périphrase désignant l'au delà.


CORPUS Il 413<br />

967. En présence de tout le Fouta. et que tu dises qu'on l'efface <strong>par</strong> la<br />

suite?<br />

968. Il dit: c'est vrai, tu es de connivence avec lui.<br />

969.<br />

970.<br />

971.<br />

972.<br />

973.<br />

974.<br />

975.<br />

976.<br />

977.<br />

978.<br />

979.<br />

980.<br />

981.<br />

982.<br />

983.<br />

984.<br />

985.<br />

986.<br />

987.<br />

988.<br />

989.<br />

990,<br />

991.<br />

j 992.<br />

993.<br />

994.<br />

995.<br />

996.<br />

1<br />

2<br />

Pour les quelques grammes d'or qu'il m'a donnés.<br />

Pour que si je meurs, tu puisses en hériter et en disposer.<br />

Va. toi aussi tu es un griot.<br />

Il dit: en outre, Cheikh a dit que... si je ne vais pas, il me tue.<br />

Il dit: c'est sûr. qu'il en est ainsi papa.<br />

Tout ce qui fait jurer Cheikh <strong>par</strong> la majesté d'Allah sera exécuté<br />

<strong>par</strong> lui.<br />

Les preux dormirent cette nuit alors que Farba veilla.<br />

Le matin, au réveil. les destriers furent sellés.<br />

Ils se tinrent devant la maison de Cheikh.<br />

Il leur dit: à présent vous êtes venus?<br />

Ils dirent: nous sommes venus.<br />

Il dit: je demande à chacun d'entre vous.<br />

Qu'il ne dépasse pas les termes de son message,<br />

Je ne veux pas qu'on qjoute à ma <strong>par</strong>ole ;<br />

Mais aussi ne retranchez rien :<br />

Je ne veux pas que ma <strong>par</strong>ole soit amputée.<br />

Il se tint debout en face de leurs chevaux.<br />

Il posa son bâton de pèlerin à terre.<br />

Le Saint Homme écrivit jusqu'à la fin.<br />

l! dit: enjambez tous <strong>par</strong> ici<br />

Ils enjambèrent tous <strong>par</strong> l'endroit indiqué, et se tinrent <strong>par</strong> delà<br />

ces écritures.<br />

Il leur dit: Fouta!<br />

Ils lui dirent: Tall!<br />

Il leur dit: soyez raisonnablesl .<br />

A l'exception de vos squetettes2. . ,.' 'f<br />

Rien ne subsistera de vous aujourd'hui à Hamdallahi.<br />

Vous ne reviendrez pas ici pour qu'on se salue.<br />

Alors Farba se baissa jusqu'à terre. puis cria:<br />

Le Riche. l'Erudit<br />

Mot à mot : ramenez vos esprits.<br />

Mot à mot : à l'exception de la demeure de vos corps.


CORPUS Il 417<br />

1028. Alors les destriers arrivèrent, les preux freinèrent les chevaux.<br />

1029. Alpha Oumar Thiemo Bayla dit: Ahmadou Ahmadou ?<br />

1030. Il lui répondit: oui.<br />

103l. Il dit: nous sommes tes hôtes.<br />

1032. Nous sommes envoyés <strong>par</strong> El Hadj Omar.<br />

1033. Nous sommes envoyés vers toi:<br />

1034. Il y avait là un griot musicien.<br />

1035. Il dit: recevez les gens du Fouta ;<br />

1036. Cherchez-leur de l'eau pour qu'ils se baignent:<br />

1037. Donnez-leur de la nourriture afm qu'ils mangent;<br />

1038. Achetez-leur de la cola.<br />

1039. Donnez à leurs chevaux de quoi manger,<br />

1040. Soyez les bienvenus, aprés vous ètre reposés,<br />

1041. L'après-midil, venez transmettre vos messages.<br />

1042. Le griot musicien les dirigea chez lui.<br />

1043. Les trous furent creusès2<br />

1044. L'herbe fut coupée3.<br />

1045. Du mil fut pilé.<br />

1046. Des musettes furent attachées aux chevaux,<br />

1047. Des béliers furent égorgès.<br />

1048. Des repas furent cuits.<br />

1049. De la cola fut achetée.<br />

1050. Des calebasses furent approchées.<br />

1051. Les preu.x mangèrent jusqu'à satiété, puis<br />

1052. Croquèrent de la cola.<br />

1053. A l'heure de la troisième prière canonique,<br />

1054. Ils prièrent. et à la fm de la prière<br />

1055. Les sept tams-tams royaux<br />

d'Ahmadou Ahmadou, retentirent.<br />

1056. Immédiatement le bourg se réunit.<br />

1057. Les griots musiciens lui disant:<br />

1058. Appuyé, tordant son cou4,<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Le alansara constitue la troisième prière canonique musulmane et se situe<br />

entre 16h et 17h.<br />

Il s'agit des trous où sont plantés des pieux auxquels sont attachés les<br />

chevaux.<br />

L'herbe servant à nourrir les chevaux.<br />

Signe de fantaisie, de vanité bien placée ici.


CORPUS II 419<br />

1059. L'homme au long cou 1.<br />

1060. "kikka kaa waaja. kaafuna waaja.<br />

kikka keke waaja, keke neeri waaja.<br />

kikka keke. kikka kaka.<br />

kikka kaali. keké waaja"2.<br />

106l. Que la paix soit avec toi, quand mon Peul se fâche,<br />

1062. Le Macina passe la nuit à veiller.<br />

1063. Jusqu'à ce que tous les fils du Fouta se rejoignent.<br />

1064. Il dit: soyez les bienvenus. transmettez vos messages.<br />

1065. Le premier intervenant fut Alpha Oumar Thierno Bayla de Kanel,<br />

1066. Le fils de la vertueuse, le Torodo authentique.<br />

1067. Il plongea la main dans la poche. y retira la lettre du Cheikh.<br />

1068. Il dit: cette lettre provient du Noble. fils du Noble.<br />

1069. Moi, c'est ce que Cheikh Omar m'avait envoyé.<br />

1070. Lui. Ahmadou Ahmadou,<br />

1071. Il·se retourna vers le Macina, et dit: ô Macina.<br />

1072. Ils lui dirent: oui.<br />

1073. Il dit: Dieu a donné à Omar, le Torodo, de bons lecteurs de lettres<br />

rédigées à l'aide de caractéres coraniques3 telles que Allah les a<br />

prescrites.<br />

1074. C'est ainsi qu'Allah avait dit qu'on lise son Livre.<br />

1075. En réalité Allah a donné à Omar le Torodo. un bon lecteur de lettre<br />

rédigée en arabe.<br />

1076. En ce moment Farba Sawa Gouwa se leva.<br />

1077. Farba Sawa Gouwa lui dit : Peul regarde moi <strong>par</strong> ici.<br />

1078. Il le regarda.<br />

1079. Il lui dit: ceux-ci sont des enfants4.<br />

1080. Tu sais que. pour une commission, ce sont les enfants qu'on<br />

envoie.<br />

1081. On n'envoie pas les grandes personnes 5:<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Canon esthétique peu1.<br />

Devise musicale du héros peul. Le griot compose ici un poème<br />

essentiellement fondé sur la rime, la musique et le rythme.<br />

Le griot confond ici le Coran, vulgate musulmane et les caractères arabes.<br />

Cette confusion, est entretenue dans une large couche de la population.<br />

Mot à mot : tu sais que, quand on veut envoyer quelqu'un, c'est aux enfants<br />

qu'on recourt.<br />

Mot à mot : Les grandes personnes ne viennent pas.


CORPUS Il 423<br />

1110.<br />

Ill!.<br />

1ll2.<br />

1113.<br />

1114.<br />

1115.<br />

1116.<br />

1117.<br />

1ll8.<br />

1119.<br />

1120.<br />

112!.<br />

1122.<br />

1123.<br />

1124.<br />

1125.<br />

ll26.<br />

1127.<br />

1128.<br />

1129.<br />

1130.<br />

1131.<br />

1132.<br />

1133.<br />

1134.<br />

1135.<br />

1136.<br />

1137.<br />

1138.<br />

1139.<br />

1<br />

2<br />

C'est vraiment ainsi que Dieu avait ordonné que le Coran soit lu.<br />

Que soit sanctifiée la sanction divine.<br />

En réalité, Dieu a octroyé des dons aux gens du Fauta.<br />

A l'instant Farba se leva.<br />

I! dit : oh, Homme Peul!<br />

I! le regarda.<br />

I! dit : <strong>par</strong> Allah. je t'avais dit que ce sont les enfants qu'on envoie.<br />

les grandes personnes ne sont pas venues.<br />

Les Torodos sont là-bas, fils de femmes vertueuses.<br />

ceux-là. s'ils se décident à lire le Coran1.<br />

Ils jettent le livre là-haut.<br />

Et le livre se met à tomber.<br />

Feuille <strong>par</strong> feuille. feuille <strong>par</strong> feuille.<br />

Avant qu'elle2 ne tombe à terre. ils ont fini de la lire.<br />

Ceux là sont restés auprès du Cadet d'Adama Aysé Elimane Ciré<br />

Sàmba Demba Ali Moutar.<br />

Ils appelèrent Farba et lui dirent:<br />

Farba. le Cheikh avait dit de ne pas exagérer ses propos.<br />

Il dit: il s'agit de vous et non point de moi.<br />

En fait. occupez-vous de vos affaires.<br />

Laissez Farba en paix. il s'occupe de ce qui le regarde.<br />

Il dit: oui. qui d'autre?<br />

Immédiatement. BâtaI Sawa Hâko se leva.<br />

Il leva bien droit son fusil,<br />

Il jeta le fusil.<br />

Le preux fit un coup.<br />

Il se jeta en avant. puis en arrière.<br />

Au même moment. le fusil, qui était toujours en l'air, retomba.<br />

Alors. BâtaI le saisit au vol.<br />

Il plia un genou.<br />

Il planta l'autre au sol,<br />

Il tint le fusil droit au sol,<br />

Puis. appuya sur la gâchette et le coup tonna: "gar" !<br />

MOl à mol :quand ceux-là sont fâchés pour lire le Coran.<br />

Elle désigne ici une feuille.


· CORPUS II 425<br />

1140. Il dit: moi, je suis un peul. je ne <strong>par</strong>le pas beaucoupl<br />

1141. Cheikh Omar te dit qu'il a chassé un païen qui a trouvé refuge<br />

auprès de toi.<br />

1142. Convertis-le ou alors retourne-le lui afin qu'il le convertisse et te le<br />

renvoie.<br />

1143. Sache que ce n'est pas faute de combattants qu'il a refusé de te<br />

combattre.<br />

1144. Il a des combattants à pied. il a des combattants à cheval.<br />

1145. N'échange pas ta foi contre l'infidélité.<br />

1 1146. Voilà ce qu'on m'avait envoyé.. '<br />

1147. Il dit: oh Macina!<br />

1148. Ils lui dirent: oh, Peul!<br />

1149. Il dit: Dieu a donné à Omar le Torodo. des spécialistes du fusil.<br />

1150. Que le Toucouleur maïtrise le fusil !<br />

1151. Er comme il s'est projeté en avant et en arrière.<br />

1152. Le fusil ne tomba pas. lui aussi ne tombant pas.<br />

1153. Il prit le fusil violemment. puis donna un coup à terre.<br />

1154. Le coup <strong>par</strong>tit sans blesser une seule personne.<br />

1155. En vérité. Dieu a donné à Omar le Torodo des spécialistes du fusil.<br />

1156. A l'instant Farba vint.<br />

1157. Farba lui dit: Homme Peul!<br />

1158. Il lui dit: Homme Peul!<br />

1159. Il lui dit: oui.<br />

1160. Il dit: les spécialistes du fusil ne sont pas venus.<br />

1161. Les spécialistes du fusil s'étant mis en colère hier ont jeté leur<br />

fusil.<br />

1162. Et depuis lors. les fusils ne sont pas encore descendus.<br />

1163. Ils sont au sixième ciei2!<br />

1164. Ceux-là ne sont pas encore venus.<br />

1165. Ils attendent le jour du combat3 .<br />

1166. Ils lui dirent: Farba. toi aussi Farba n'exagère pas.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Exaltation de l'idéal peul. pulaagu. fait de discrétion. réserve. action.<br />

Ciel caché <strong>par</strong> celui que l'on voit. le septième ciel.<br />

Le jour attendu.


•<br />

CORPUS II 427<br />

1167. Il dit; occupez-vous de ce qui vous concerne, Farba s'occupe de ses<br />

affaires 1.<br />

1168. Ahmadou Ahmadou dit: qui d'autre?<br />

1169. Koly Mody Sy se leva droit.<br />

1170. Il dit; apportez-moi mon cheval. Le destrier fut apporté, et fut<br />

attaché trés solidement.<br />

1171. Il dit; donnez-moi trois fusils.<br />

1172. On lui donna trois fusils tous chargés de poudre.<br />

1173. Il plaça l'un des fusils devant Ahmadou Ahmadou.<br />

1174. L'autre, il le plaça au sol, plus loin.<br />

1175. Le dernier. il l'emporta avec lui, alors qu'il faisait galoper son<br />

cheval.<br />

1176. Il s'éloigna de la vue de l'assistance.<br />

1177. Alors il fit entendre un coup de fusil. puis recommença.<br />

1178. Un grand coup de fusil éclata.<br />

1179. Tout le Macina2 était debout et regardait.<br />

1180. Koly Mody Sy se leva droit comme une tige de mil.<br />

1181. Le Macina dit: oh! quelle adresse à cheval :<br />

1182. Un· homme debout sur un cheval,' semblable à une tige de mil<br />

... récoltée3 .<br />

1183. Un instant après, il jeta le fusil en l'air.<br />

1184. Ils virent le fusil en train de virevolter.<br />

1185. Koly Mody se pencha vers le sol. il traina la jambe gauche à terre.<br />

1186. Il tira la selle. à ce moment le fusil retombait.<br />

1187. 11 le saisit, tira un coup en direction du sol.<br />

1188. Le coup fit : "gar" !<br />

1189. Le Macina dit: voyez quel prodige! Voyez comment le Toucouleur<br />

s'amuse sur un cheval.<br />

1190. Alors, Koly Mody arriva à proximité du fusil chargè et posé à terre.<br />

1191. Il traîna la jambe droite à terre.<br />

1192. Il déposa le fusil dont il venait de vider la poudre,<br />

1193. Et se releva brusquement avec un autre fusil chargé;<br />

1194. Cependant que le cheval galopait sans arrêt.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Mot à mot : <strong>par</strong>lez votre <strong>par</strong>ole. Farba ne <strong>par</strong>le que sa <strong>par</strong>oi e.<br />

Métonymie : le Macina désigne ici les habitants du Macina présents à la<br />

cour du roi.<br />

Mot· à mol : semblable à une tige de mil dont on a moissonné ('épi.


CORPUS li 431<br />

1225. Il dit: occupez-vous de vos affaires. Moi je dis tout ce que je veux<br />

dire.<br />

1226. 11 leur dit: qui d'autre?<br />

1227. Prestement, Alpha Omar se leva.<br />

1228. Le preux se dirigea vers l'assemblée d'Ahmadou Ahmadou.<br />

1229. Il prit au colles boubous d'Ahmadou Ahmadou,<br />

1230. 11 tira vivement le col de son boubou.<br />

1231. Il dit: Bel Homme laisse [Cheikh Omar].<br />

1232. Il retira [le col] et dit: Bel Homme laisse [Cheikh Omar].<br />

1233. Cheikh Omar te dit de le laisser. [Bel Homme],<br />

1234. Si le mourant attrape le vivant,<br />

1235. Le mourant meurt et le vivant reste.<br />

1236. De gr.âce laisse Cheikh Omar:<br />

1237. Il n'est pas ton égal.<br />

1238. C'est là que le Macina prit peur.<br />

1239. Ahmadou Ahmadou le regarda et dit: oh. Macina.<br />

Allah vous a montré ceci.<br />

1240. Ils dirent: nous l'avons vu.<br />

1241. Il dit: Allah a donné à Omar le Torodo des preux1.<br />

1242. Comment un homme peut-il traverser cette assemblée.<br />

1243. Regardant ces flèches qui m'entourent,<br />

1244. Se décider à m'attraper <strong>par</strong> le col de mon vétement.<br />

1245. A fortiori à le tirer trois fois.<br />

1246. Allah a donné à Omar le Torodo<br />

1247. Des preux spécialistes de la bataille.<br />

1248. A ce moment Farba vint. Farba lui dit: Homme Peul.<br />

1249. Il lui dit: oui.<br />

1250. Il dit: regarde moi.<br />

1251. 11 dit: les preux ne sont pas venus.<br />

1252. Ils attendent le jour du combat suprème.<br />

1253. Certains preux restés là-bas. s'il s'agissait d'eux.<br />

1254. En prenant le col de ton vêtement,<br />

1255. L'ayant violemment secouè. auraient ouvert ton ventre avec un<br />

couteau,<br />

MOI à mot des gens au venlre courageux.


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1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1


CORPUS II 441<br />

1364. A la fin de la troisième prière canonique.<br />

1365. Alpha Oumar remit la lettre à Cheikh Omar.<br />

1366. Il lui dit: Cheikh !<br />

1367. Le Cheikh lui dit: oui !.<br />

1368. Il dit : voiCi la lettre que Ahmadou Ahmadou t'a envoyèe.<br />

1369. Mais ô Cheikh. si tu acceptais. Tall. en quittant le Fauta. sache que<br />

nous n'avions pas en vue un pays.<br />

1370. a Tall. tu as certes des dons,<br />

1371. Mais en vèrité1 sache que le Macina est très puissant.<br />

1372. Il dit: ah bon. Alpha Oumar Thierno Bayla !<br />

1373. C'est toi qui dis que le Macinien est très puissant<br />

1374.<br />

1375.<br />

1376.<br />

1377.<br />

1378.<br />

1379.<br />

1380.<br />

1381.<br />

1382.<br />

1383.<br />

1384.<br />

1385.<br />

1386.<br />

1387.<br />

1388.<br />

1389.<br />

1390.<br />

2 .<br />

Par Allah Fauta, je vous ferai savoir que c'est Allah qui est puissant.<br />

Immédiatement, Cheikh Omar se mit à égrener son chapelet.<br />

La suécession des perles du chapelet faisait: ''Tai! Tai! TaI!"3.<br />

Alpha Oumar s'écria: oh Omar !<br />

Le Cheikh lui dit: oui.<br />

Il dit: arrête ce que tu es en train d'ègrener.<br />

Le Cheikh ralentit son dèbit. puis s'arrèta.<br />

Il lui dit: Omar n'agis pas ainsi.<br />

Tu sais très bien que cette prière que tu as entamée.<br />

Si tu l'achèves, tout ce qui provenait de la boue, redeviendrait boue.<br />

De gràce, cesse cette prière, reprends tes esprits4 Il dit: Alpha Tall, qu'Allah m'excuseS.<br />

Il dit: Alpha Oumar. je vous ferai savoir que c'est Allah qui est<br />

puissant.<br />

Le jour où je verrai Ahmadou Ahmadou. je lui ferai savoir que c'est<br />

Allah qui est puissant.<br />

Il prit la fameuse lettre et la remit à Cheikh Omar, le Cheikh la lut.<br />

Que trouva-t-il dans cette lettre?<br />

Ahmadou Ahmadou dit que le jour de leur rencontre à Hamdallahi,<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Mot à mot : mais c'est la <strong>par</strong>ole d'Allah.<br />

Mot à mot : le Macina a beaucoup de force.<br />

Onomatopée désignant le bruit produit <strong>par</strong> la successIOn de grains d'un<br />

chapelet qu'on égrène rapidement.<br />

Possède ton esprit.<br />

Le griot confond Alpha Oumar Thiemo Bayla Wane, généralissime de<br />

l'année d'Omar. el Alpha Ahmadou Saïdou Tall. père de Tidjani, frère a1né<br />

d'Omar.


CORPUS II 443<br />

139l. Sous chaque arbre situé à Thiâyawal,<br />

1392. Il placera cent jeunes hommes.<br />

1393. A son tour, il rédigea une lettre.<br />

1394. Qu'est-ce qu'il y mit ?<br />

1395. Il écrivit: je te jure <strong>par</strong> la magnificence d'Allah,<br />

que toi Ahmadou Ahmadou.<br />

1396. Sous chaque arbre où tu placeras cent jeunes hommes,<br />

1397. Moi aussi j'y placerai cent anges et djinns.<br />

1398. Il rédigea ainsi sa lettre.<br />

1399. Il dit: oh Fouta !<br />

1400. Ils lui dirent : oui1.<br />

1401. Il dit: qui d'entre vous veut <strong>par</strong>tir pour mourir, qui n'y va pas pour<br />

vivre, .qu'il transmette cette lettre à Ahmadou Ahmadou de ma<br />

<strong>par</strong>t. C'est la derniére que nous échangeons.<br />

1402. Ily avait là un disciple appelé Yéro le Peul, c'est lui qui l'avait<br />

formé depuis le cours d'initiation.<br />

1403. Alors Yéro le Peul se posa devant lui: Tal!!<br />

1404. Si tu as une telle lettre, je suis le messager le plus indiqué2 .<br />

1405. C'est toi qui m'as initié au Coran<br />

1406.<br />

1407.<br />

1408.<br />

1409.<br />

1410.<br />

141l.<br />

1412.<br />

1413.<br />

1414.<br />

3 , " "<br />

C'est toi qui m'as autorisé à faire l'exégése4 ,<br />

Si tu écris une telle lettre, tu dois me la remettre.<br />

Il remit la lettre à Yéro le Peul.<br />

Yéro le Peul se dirigea vers Harndallahi.<br />

A l'approche de Hamdallahi, les griots disaient:<br />

Il a la <strong>par</strong>esse de fuir. il a la <strong>par</strong>esse de se cacher.<br />

"Kikka ka waaja. kaaiiina waaja.<br />

Kikka kakka boga waaja, bogoo neeri waaja .<br />

Kikka keke, kikka kaka.<br />

Kikka kaalu, keke waaja"S.<br />

Jusqu'à ce que Yéro le Peul arrive: [ il salua ]:<br />

La paix soit avec toi Ahmadou Ahmadou.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Chevauchement enlre les aClions.<br />

Il n'y a pas de meilleur messager que le disciple du maître, mais aussi : nul<br />

n'est mieux indiqué qu'un peul pour une mission en direction d'autres<br />

peuls.<br />

Mot à mot : c'est lOi qui m'as appris la première leme du Coran, "le bâ".<br />

C'est toi qui m'as appris l'exégèse, donc l'alpha et l'oméga.<br />

Le griot déclame la devise rythmique d'Ahmadou Ahmadou.


CORPUS II 445<br />

1415. Ahmadou Ahmadou lui dit: que la paix soit avec toi.<br />

1416. Il dit: cette lettre provient d'EI Hadj Omar.<br />

1417. Le dernier né d'Adama Aysé Elimane Ciré <strong>Samba</strong> Deroba Ali Moutar<br />

Seydi Boubou NDiagnou.<br />

1418. Alors Ahmadou Ahmadou déplia la lettre et la lut.<br />

1419. Il y trouva un passage. où Cheikh disait que <strong>par</strong>tout où<br />

1420. Il mettrait cent jeunes robustes. montés à cheval.<br />

1421. Ayant placé une lance en traverse. lui y placerait cent anges et<br />

djinns.<br />

1422. Ce messager d'El Hadj Omar. à l'appel du muezzin pour la prière<br />

de l'aube. ègorge-Ie 1. dit Ahmadou Ahmadou à un de ses esclaves.<br />

1423. Alors Yéro le Peul fut gardé.<br />

1424. Au chant du coq.<br />

1425. Le premier appel à la prière fut lancé.<br />

1426. Yèro le Peul frappa à la porte.<br />

1427. L'esclave lui dit: Quel est ton désir?<br />

1428. Il dit : Que tu me sortes afin que je renouvelle mes ablutions. car la<br />

prière de l'aube s'approche. mais aussi pour que. si je dois mourir.<br />

je meure pur2 .<br />

1429. Alors. celui-ci ouvrit la porte. il sortit.<br />

1430. Il lui donna de l'eau3 .<br />

1431. Il fit complètement ses ablutions.<br />

1432. Il retourna dans la chambre.<br />

1433. Celui-là ouvrit. puis se posta à la porte.<br />

1434. Armé d'un couteau.<br />

1435. Attendant l'appel du muezzin pour l'égorger.<br />

1436. Yéro le Peul se tourna vers l'Est.<br />

1437. Il fit deux "rakâs"4.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Mal à mol : que tu coupes le bois de sa gorge.<br />

Mot à mol que si je dois retourner à mon seigneur. que j'ale des ablutions<br />

intactes.<br />

Mal à mol il approcha de l'eau près de lui.<br />

"Raka'a" : ensemble de génuflexions fonnant une Unité.


CORPUS Il 447<br />

1438. Il appela le Riche. le Savant. le Bien éduqué.<br />

1439. Il appela Allah l'unique.<br />

1440. o victoire, Ô chance,<br />

1441. o grandeur, ô noblesse,<br />

1442. o Cheikh Omar du Fauta [Toroo].<br />

1443. Le Cheikh égrenait son chapelet.<br />

1444. 11 se ressaisit brusquement.<br />

1445. 11 égrena une perle.<br />

1446. Ils lui dirent: qu'est ce qu'il y a, El Hadj Omar ?<br />

1447. Il dit: il y a un musulman en danger. il m'a appelé 1.<br />

1448. Il m'a appelé une seule fois: s'il recommence, il est sauvé.<br />

1449. S'il ne recommence pas, Allah en décidera autrement.<br />

1450. Yéro ie Peul reprit:<br />

1451. o victoire. ô chance,<br />

1452. o grandeur, et noblesse,<br />

1453. o Cheikh Omar du Fauta [Toro].<br />

1454. Le Cheikh dit: oui<br />

1455.<br />

1456.<br />

1457.<br />

1458.<br />

1459.<br />

1460.<br />

1461.<br />

1462.<br />

1463.<br />

2 .<br />

Le Saint égrena sept perles3 .<br />

Après quoi ils virent Yéro le Peul devant le Cheikh.<br />

Le lendemain. au réveil. les chevaux furent sellés.<br />

11s se dirigèrent vers Hamdallahi4 .<br />

L'esclave préposé à la garde de Yéro le Peul,<br />

A l'appel de la prière, ouvrit la porte et trouva la chambre Vide.<br />

Alors. ils se dirigérent vers Hamdallahi.<br />

11s vinrent <strong>par</strong> le nord de HarndaIlahi5 .<br />

11s se dirigèrent vers un marigot situé à l'est de Hamdallahi<br />

appelè ThiâyawaL<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

Mot à mot : un esclave d'Allah.<br />

Miracle qui figure dans la devise d'El Hadj Omar: il répond de loin à tout<br />

appel.<br />

Le chiffre sept est très symbolique, dans la tradition ésotérique<br />

musulmane; il représente la perfection humaine.<br />

L'armée toucouleur. Interférence de deux narrations.<br />

Mot à mot : <strong>par</strong> le noir de Hamdallahi ; ici l'ouest est ainsi désigné <strong>par</strong> le fait<br />

que c'est ainsi qu'il indique le pays des Noirs.


CORPUS II 453<br />

1518. Il dit: tu vas voir bientôt mon action.<br />

1519. Le propriétaire et l'emprunteur ne sont pas identiques1.<br />

1520. Vois: l'emprunteur a totalement dis<strong>par</strong>u2 ;<br />

152l. Etant donné que moi je suis possédé, je n'ai pas où me rendre;<br />

1522. Tout de suite. tu verras mon oeuvre.<br />

1523. Il se dirigea vers les chevaux du Fouta.<br />

1524. Arrivé au milieu de la plaine.<br />

1525. Le preux s'arrêta.<br />

1526. Il dit: que la paix soit avec vous Fouta3.<br />

1527. Ils lui dirent: que la paix soit avec toi.<br />

1528. Il dit: je ne m'adresse pas à la noblesse.<br />

1529. Je ne cherche pas un Peul.<br />

1530.<br />

153l.<br />

Sachez bien Fouta. que je n'appelle point ici un Torodo4 .<br />

Je ne cherche pas un forgeron. je n'appelle pas un Thieddo<br />

1532.<br />

1533.<br />

1534.<br />

1535.<br />

1536.<br />

1537.<br />

1538.<br />

1539.<br />

1540.<br />

154l.<br />

1542.<br />

1543.<br />

1544.<br />

1545.<br />

S .<br />

Je ne cherche qu'un fils d'esclave authentique6 .<br />

Qui obéit aux injonctions de son maitre jusqu'au prix de sa vie.<br />

Tout le Fouta regarda Bâtou Dembélé7 .<br />

Bàtou Dembélé dit: ô Foua. même si vous ne me regardez pas,<br />

Je sais que c'est moi qu'on appelle.<br />

Alors Bâtou Dembélé se dirigea vers la plaine.<br />

Cheikh lui dit: ô Bâtou mien.<br />

Bâtou lui dit: oui.<br />

Il dit: Bâtou. viens <strong>par</strong> ici.<br />

Bâtou vint. Il dit : Bâtou étale tes mains8 .<br />

Bâtou étala ses mains.<br />

Le Riche, le Savant. Il récita et aspergea les mains de Bâtou.<br />

Ses yeux furent inondés de larmes.<br />

Il dit : oh Bâtou Dembélé.<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

8<br />

Allusion à la couardise et à la traitrise de Sélimaka.<br />

Yerngha insinue <strong>par</strong> là, que même l'esclave est régi <strong>par</strong> une éthique.<br />

Mot à mot : voisjl'emprunteur est entré dans la grande brousse d'Allah.<br />

Emploi métonymique de Fauta pour gens du Fauta.<br />

Torodo : aristocrate du savoir.<br />

Thieddo : caste des guerriers.<br />

Esclave aussi bien du côté paternel que maternel<br />

Le griot emploie Dcmbélé ou Dambélé.<br />

Le marabout récite des prières. puis asperge de fins crachats les paumes<br />

ouvertes du fidèle.


1599. Que tous ceux qui meurent du Macina entrent au <strong>par</strong>adis.<br />

1600. Car c'est un païen qui nous a brouillés. mais le Fouta, c'est le Fouta:<br />

le Macina c'est le Macina.<br />

1601. Le Fouta et le Macina s'empoignérent.<br />

1602. La poudre gronda entre eux.<br />

1603. C'est ce jour là seulement que Cheikh Omar Ltira des coups de<br />

fusil 1 . :<br />

1604. Il regardait les Maciniens, puis il fermait [les yeux) et se ceignait.<br />

1605. Il disait: oh! Fouta !<br />

1606. Le Fouta disait: oui.<br />

1607. Quel est ce détachement?<br />

1608. Qui sont ces hommes de teint clair à la belle prestance?<br />

1609. Ils disaient: ce sont ces gens qu'on appelle les Maciniens.<br />

1610. Alors le Saint pointait sa main droite [vers le Macinal.<br />

1611. IL disait : oh Fouta.<br />

1612. Ils disaient: TaU.<br />

1613. Il disait: tirez <strong>par</strong> là.<br />

1614. Chacun de ses cinq doigts était chargé et tirait l'un à la suite de<br />

l'autre.<br />

1615. Le ciel grondait. la terre grondait.<br />

1616. Alors tu voyais un mort gisant. sans savoir s'il s'agissait d'une<br />

femme ou d'un homme.<br />

1617. Tu trouvais un mort étendu, sans la moindre trace d'un coup ou la<br />

moindre blessure d'une lance.<br />

1618. Ce jour-là, le Fouta détruisit complétement le Macina.<br />

1619. Les griots musiciens prirent Ahmadou Ahmadou<br />

1620. Penché au cou étoffé 2 ,<br />

1621. Le Peul au'cou ridé.<br />

1622. Farba suivit leurs traces. Pour vrai, le Fouta détruisit complètement<br />

le Macina.<br />

1623. Les preux avaient un destrier, étaient armés de lances.<br />

1624. Ils disaient: montrez-moi El Hadj Omar ?<br />

,);..., ... . r<br />

Ce fait esl insoli,e. Il n'est pas attesté <strong>par</strong> d'autres versions, qui le nient<br />

presque toutes. Cheikh possédail plutôt une lance qui lui permettait "f'<br />

d'accomplir des miracles, tout comme le bâton de Moïse. L'épopée i'. Lil<br />

toucouleur soutient qu'Omar n'a jamais tué une personne durant tout le<br />

j i h âd.<br />

'/ 2 Mot à mot : au cou semblable à une étoffe.


1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

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1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

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1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1<br />

1


CORPUS Il 463<br />

1653. Cependant le "touy" avait bien atteint le roi:<br />

1654. Ahmadou Ahmadou était gravement blessé.<br />

1655. Il leur dit: Macina.<br />

1656. Ils dirent: oui.<br />

1657. Il leur dit: je suis blessé.<br />

1658. A présent, choisissez quelques chevaux.<br />

1659. Pour m'emmener au bord du fleuve. puis les chevaux<br />

1660. Retourneront à Harndallahi : moi. vous me transportez dans une<br />

pirogue.<br />

1661. Cheikh Omar aussi fut infonné.<br />

1662. Qu'Ahmadou Ahmadou était blessé.<br />

1663. Les chevaux se dirigèrent vers le fleuve [Niger].<br />

1664. Alors le Cheikh Omar fit face au Fouta et dit: Alpha OumarThiemo<br />

Bay1a !<br />

1665.' Alpha lui dit: oui.<br />

1666. Il dit: Ahmadou Ahmadou ne se trouve pas <strong>par</strong>mi les chevaux du<br />

Macina.<br />

1667. Toi aussi prends une colonne".puiS longe la live du fleuve.<br />

166$;: Vous le trouverez là. à bord d'une pirogue.<br />

1669 .. Diiës lui de juger entre nous.:<br />

1670. Son verdict sera le mien1....<br />

1671. Alors ils se dirigèrent vers le rivage:<br />

1672. Jusqu'à ce qu'ils virent Ahmadou Ahmadou.<br />

1673. Ahmadou Ahmadou. ayant aperçu les chevaux du Fouta.<br />

1674. Leur dit: oh Macina! ils lui dirent: oui. Il dit:<br />

1675. Arrètez la pirogue. les chevau.x de Cheikh Omar arrivent. c'est moi<br />

qu'ils poursuivent.<br />

1676. La pirogue fut arrêtèe.<br />

1677. Il lui remet la lettre. que le Cheikh lui a envoyèe.<br />

1678. Il dit: Ir:: Cheikh me demande de juger entre no.Js.<br />

Mol à mol : toul ce qu'il dira vouloir me faire s'il m'avait attrapé. trailez-\e<br />

ainsi.


464<br />

1679.<br />

1680.<br />

1681.<br />

1682.<br />

1683.<br />

1684.<br />

1685.<br />

1686.<br />

1687.<br />

1688.<br />

1689.<br />

1690<br />

1691.<br />

1692.<br />

1693.<br />

1694.<br />

Wollooy so mi heoiino Soyku Umar,<br />

mi worot d'um<br />

So mi woriino mbo,<br />

ml laotat no mba,<br />

Sa ml loatiino mbo,<br />

so mi hosniino mbo,<br />

Mi oso ngasko hoo timmo<br />

so mi osii ngosko hao timmii,<br />

Mi ubba ma,<br />

Mi juula ma njuulu moyyo.<br />

Yalla yo yoofo mi yaofoo mo.<br />

o wii : owwoo, miin ne a WII mi<br />

kano mbii-d'o od'o wad'a ma faw,<br />

yo min mbod'e noon.<br />

'Dum woni De moopti mo Moopti.<br />

De ngarti.<br />

CORPUS II<br />

Soyku wii oe : hol no mbad'-d'an e Aomadu ma Aamadu?<br />

'Be mbii : min mooptii mo<br />

'Doon woni Moopti l , \Vuro Maasino<br />

Kod'oo Kood'nu-mi doaral<br />

Koddo Aadama Ayse<br />

Elimaon Siire Sammbo Demmbc Aoli Muttoar,<br />

"Akaromoyni Ibni Akaromoyni".<br />

Daoral Soyku dey gosotocr,<br />

Kano mi addii hoc d'ao<br />

L'épopée énonce ainsi le mythe de fondation de la ville de MOpli. la<br />

"Venise de l'Afrique". à paI1ir du leu de mots De mooprimo Moopri,que la<br />

lraduclion dissocie. "MOpli" esl bâti sur le radical mooplude (garder) d'où<br />

la récupération épique de la similitude morphologique. Il est souhailable<br />

que des études historiques éclairent celle question.<br />

r


CORPUS Il 465<br />

1679. Par Allah si j'avais pris le Cheikh, je l'aurais tué.<br />

1680. Une fois tué. je l'aurais lavé,<br />

1681. Une fois lavé, je l'aurais vêtu,<br />

1682. Une fois vêtu, j'aurais creusé un trou adéquat,<br />

1683. Une fois le trou convenablement creusé. je l'aurais enterré.<br />

1684. J'aurais fait sur lui des prières spéciales.<br />

1685. Qu'Allah me <strong>par</strong>donne et lui <strong>par</strong>donne aussi.<br />

1686. 11 dit: alors. moi aussi. il m'a dit que tu sois traité tel que tu voulais<br />

agir à son endroit .<br />

1687. C'est ainsi qu'ils l'enterrèrent à Mopti1.<br />

1688. lis revinrent. le Cheikh leur dit : comment avez-vous agi <strong>par</strong><br />

rapport à Ahmadou Ahmadou?<br />

1689. lis dirent: nous l'avons enterré.<br />

1690. Ce lieu s'appelle Mopti. ville éternelle du Macina!<br />

1691. C'est là que j'arrête l'épopée du Cadet d'Adama Aysé Elimane Ciré<br />

<strong>Samba</strong> Demba Ali Moutar.<br />

1692. Noble fils de Nobles.<br />

1693. L'épopée du Cheikh ne s'achève jamais.<br />

1694. Mais je l'ai récitée jusque là.<br />

Mot à mot : ils le gardèrent à Mopti. La traduction dissocie le jeu de mots 6c.<br />

mopIimo, résultant d'une similitude de radical entre le verbe garder<br />

moplUde et la ville de Mopti. Par ailleurs. celle similitude morphologique<br />

est récupérée por l'épopée pour asseoir un mythe de fondation.


466<br />

1. Soyku Umar yoo l<br />

BEYTOL HAMMAAT SAMMBA LIT<br />

BAAR TÜ MAASINA,<br />

DAANDE DEMBA SAAR<br />

ko Fuuto Tooro 0 Ummorii,<br />

2. Fow kodda Aadama Ayse<br />

Tooroooe aan Durii.<br />

3. Ka Halwaar 0 jiDinoo<br />

o.mowni Tooroodo koy fer;i,<br />

4. Toyii maaje lummbii cao/Ii<br />

De a noddunoo ngorii.<br />

S. 0 wii ko Alla wiyi mi<br />

yo en pellu diine Mohammadoo.<br />

6. Molanoooe kaD6ii pucei<br />

eaasaati d'iin ngarii,<br />

7. 'Doon juul 6e nani naotii ma<br />

mbii sayku min ngarii.<br />

8. 0 ummii 0 tiindi Fuuta<br />

Halwaor 0 jip<strong>par</strong>ii,<br />

9 Tawii ndunngu foandiima<br />

Hoorefonde 0 ruumtoyii.<br />

10 0 wii Fuuta fow yoo r,ooto<br />

diine Mohommodoa.<br />

Il. Oawd'o Halwaar so juulnii Makka<br />

ngal teddunngal yanii,<br />

12. Ceilo nele Sayku woynii Fuuto<br />

fud'noonge ton wonii,<br />

13. Aon onndi Misiro e Mokka<br />

toon 6urd'0 00 wonii.<br />

YI "Yaa vocatif arabe. yâ poulari::;t: Ki.<br />

CORPUS III


468 CORPUS III<br />

14. 'Burd'o winndere >-'0010<br />

a wii «0 a wiina moo wonll,<br />

IS. Woliyo06e Alla ordincc<br />

koy ko Aomodoo.<br />

16. Soyku sa jaloomo dowo Holwoor<br />

o iiollo to Mokkotoo,<br />

17. So hiirii 0 hirndo<br />

o wccltoyo Madinotoo,<br />

18. Towo koyd'e, mum muusoani<br />

yohdu 0 tompotoo.<br />

19. Wonoo koyd'am njiirot-mi<br />

00 bajjo Aminotoo,<br />

20 Koy goongo hoggon l njiy-mi<br />

Annobi Aomodoo.<br />

21. Nde rnisironno06e eolinoo Sayka<br />

ordGodejuuln ude,<br />

22 0 hooti 0 noilgii joylii<br />

o hod'i d'um2 ka hu66ude.<br />

23. Njaoct'iimo d'oon toti oold'e<br />

06e ndo


470 CORPUS III<br />

27. Wanaa daale ko ballai mlln<br />

ko Allo rokki mi.<br />

28. Mi wasoraaki d'um ha'l gooto<br />

kola 'limoe ngondu-mi,<br />

29. Miin Sayku wii pellee<br />

ko Aljanna d'aoou mi,<br />

30. Cahodind'o so maayi janngo<br />

ko e dUne Aamadaa.<br />

31. Miin Sayku miin felli<br />

Nooro felli Maasina,<br />

32. Miin felli kulikoro<br />

leydi heeferoe majjinaa.<br />

33. Sa mi wasiima ko wad'ata mi<br />

miin Umar ma fuuta'lel,<br />

34 Mi fellaani laarde jawdi<br />

saka dande heen nalel,<br />

35. Soga am ton mi diwa mi juurao<br />

mi nannda e mar'lamel,<br />

36. 1'0 nder leyd'eel heeferoe<br />

mi fella toon,<br />

37. Caliid'o fow mi hirsa<br />

mi hesd'itina diine Aamadaa.<br />

38 Nde keefeero huli hirseede<br />

dagi diine moolo'lii,<br />

39. 1'0 Aamadu ma Aamadu 00<br />

mo waliyaaoe njokkoyii,<br />

40 0 WII 1'0010 riddi kam<br />

ko Halwaar 0 ummorii,<br />

41. Tawi Alla waahldum 1 kogooto<br />

V41 Terme arabe unique. un.


\' 2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

CORPUS ru 471<br />

27.<br />

28.<br />

29.<br />

30.<br />

31.<br />

32.<br />

33.<br />

34.<br />

35.<br />

36.<br />

37.<br />

38.<br />

39.<br />

40.<br />

41.<br />

6<br />

7<br />

8<br />

Ce n'est pas <strong>par</strong> la force, c'est le secours,<br />

moi, c'est Dieu qui m'a comblé.<br />

Je ne me vante pas pour cela,<br />

<strong>par</strong>mi mes compagnons.<br />

C'est moi Cheikh qui ai dit: tirez,<br />

c'est le <strong>par</strong>adis que je cherche.<br />

Celui qui meurt1 , s'il meurt demain,<br />

c'est dans la religion d'Amadou.<br />

C'est moi Cheikh qui ai tiré des coups de fusil<br />

sur Nioro, tiré sur le Macina2 .<br />

J'ai tiré des coups de fusil sur Koulikoro,<br />

le pays des païens ignorants.<br />

Si je me vante qu'est-ce que cela me fait,<br />

moi, Oumar du Fouta3 .<br />

Je ne fais pas la guerre pour des richesses<br />

ni pour acquérir une génisse4 .<br />

Mon désir unique: m'envoler, puis atterrir<br />

semblable â un pigeonneau.<br />

A l'intérieur des pays des païens,<br />

Je vais y tirer un fusil.<br />

Tout incréduleS, je l'égorge.<br />

je réforme la religion.<br />

Quand l'incrédule refusa d'étre égorgé,<br />

il fuit la religion pour se réfugier,<br />

Auprès d'Amadou Amadou6 ,<br />

descendant de "waliyou".<br />

Il dit: le Tall7 m'a chassé.<br />

c'est de Halwar qu'il vient.<br />

Si Dieu l'unique8 est unique.<br />

Mot arabe : celui qui meurt en guerre. Répétition du mot arabe reprIS en<br />

poular. C'est un procédé fréquent dans ce poème.<br />

Anticipation dans le récit. "·'·c......'., , .. [;/ l' Li'j<br />

Diminutif de FOUla, Fuurayel.<br />

La vache est le bien suprême dans celle société.<br />

Le païen désigne ici Ali Diarra ou Ali Da Monzon, roi de Ségou qui se<br />

réfugia<br />

1861.<br />

auprès du roi du Macina , Ahmadou Ahmadou ou Amadou III en<br />

Amadou ma Amadou<br />

El Hadj Omar Tall.<br />

: Ahmadou flis de Ahmadou.<br />

Omar témoigne de l'omnipotence d'Allah.


472 i5III<br />

koye makko won do yii,<br />

42. 'Dolam ton mi doga hao mi dad'a<br />

00 Soyku Aomadaa.<br />

43. Aomodu mo Aamadu wii mo<br />

jood'o mi dan ndu maa,<br />

44. 50 Soyku arii d'oo<br />

heoatao ma hirsu maa,<br />

45. Ngel Fuutoyel tooroQkeyel<br />

ton ena riddu maa,<br />

46. A dogii dogdu lella e seeno<br />

ad'a woppa galle maa,<br />

47. Ar jood'o honnde mi danndu maa<br />

e Sayku Aamadaa.<br />

48 Soyku winndi Dalaake<br />

totti ned'd'o 0 tottu maa 1.<br />

49. 0 wii Aamadu mo Aamadu<br />

Soyku Umar nina hinnu maa,<br />

50. 0 riddiino toon keefeero<br />

inan waali galle maa,<br />

51. Yaa tuubnu wollo tottaa mo<br />

o tuubna 0 tottu maa,<br />

52. 50 0 Saliima 0 hirsa<br />

o hesd'itina diine Aamodoo.<br />

53. Aamadu mo Acmodu wii<br />

mi tuubnac a tuubnataa' 2 ,<br />

54. Omo no woali e nder galle am<br />

hannde a yollataa,<br />

55. Ka miin laomd'o Maasina hannde<br />

2<br />

V48 Rupture<br />

normalement :<br />

V52 Tuubnaa<br />

moo a ta'.'] mi semtataa,<br />

de construction: le poète change<br />

IOrri ned'd'o yo corrumo.<br />

,forme contracr6c de luabnalaa,<br />

la<br />

1Qtt--_Il


474<br />

56. Kala mo kaD-mi maa De ndiiw d'um<br />

De ndidda De d'accotoo,<br />

57. Haa De nawta d'um nder Fuuta<br />

tooroori 1 Aamadaa.<br />

58. Sayku wii ma mi yid'aano sa ma ml woel'<br />

sa weetii ma mi felle moo,<br />

59. Hoa 0 ridda ml Fuuta<br />

Tooro mi monta moo,<br />

60. Maa min kawra janngo<br />

mi wod'a paaka 2 mi hirsa moo<br />

61. Aamadu mo Aamadu 00<br />

ko keefeero hoomtinoo,<br />

62. Y'ettuel'o diine wostii keefeeru<br />

cl'um wonaa e laabi Aamadoa.<br />

63. Ndeen Aamadu ma Aamadu<br />

nelanii leyd'eele Maosinoa,<br />

64. Ko nootii ma Ujunere ned'd'o<br />

d'um ina famd'inao 3 ,<br />

65. Silamooji beld'i e PUCCI<br />

caasoati r,gardinaa,<br />

66. 'Be njettii De mbii kaolen<br />

ecf'en pella Sayku nao,<br />

67. So wonaa 0 bonna leyd'eele<br />

Maasina Aamadoa.<br />

68. 'Be kaoldi De kawrii<br />

haa De kooti De njood'oyii,<br />

69. Omo wirda Sayku ina wirdo<br />

2<br />

3<br />

V57 Déformation de Toro. pour la rime.<br />

V60 "Paaka" est un mot wolof signifiant COUleau. en poular c'est la8i.<br />

V64 La structure syntaxique du vers eSI If.nsformée <strong>par</strong> le poète.<br />

Entendons: ujunere necPd'o inajamdlnaaef.:.o nootimo.<br />

CORPUS m


"<br />

CORPUS III 475<br />

56.<br />

57.<br />

,z.<br />

58.<br />

59.<br />

60.<br />

6I.<br />

62.<br />

63.<br />

64.<br />

65.<br />

66.<br />

67.<br />

68.<br />

69.<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

Quiconque je combattrai, ils l le chasseront,<br />

ils le poursuivront sans relâche.<br />

Jusqu'à le ramener à l'intérieur du Fouta Toro2,<br />

ô Amadou. i.,. c·", ,"c.<br />

Cheikh lui3 dit: je ne le voulais pas, mais je le ferai,<br />

demain je l'attaquerai,<br />

Jusqu'à ce qu'il me renvoie au Fouta-Toro,<br />

alors je le louerai,<br />

Ou alors nous nous rencontrerons demain,<br />

je l'égorgerai au couteau.<br />

Amadou Amadou que voilà4 ,<br />

c'est le païen qui l'a séduit.<br />

Prendre la religion, la troquer contre le paganisme,<br />

cela est hors des voies d'Amadou. i", ..<br />

Quand Amadou Amadou<br />

fit appeler les provinces du Macina.<br />

Ceux qui lui répondirent [ furent].<br />

de loin supérieurs à mille personnes5.<br />

Sabres tranchants et chevaux<br />

de course furent mis en avant.<br />

Ils arrivérent et dirent: <strong>par</strong>lons,<br />

nous allons attaquer notre Cheikh6 ,<br />

Sinon il détruira les provinces<br />

du Macina Amadou...<br />

Ils discutèrent et se mirent d'accord,<br />

alors au retour, ils tinrent conseil.<br />

Il7 se mit à égrener son chapelet, Cheikh aussi<br />

Les soldai' de l'armée du Macina qUI, <strong>par</strong> ailleur:. étaient d'excellents<br />

lanciers.<br />

Donc Ahmadou Ahmadou désigne, derrière son hypothèse, El Hadj Omar,<br />

habilant du Fauta-Toro.<br />

Ahmadou Ahmadou.<br />

Le poète donne la <strong>par</strong>ole à Cheikh Omar sans [ran,ilion.<br />

L'inversion rend ce vers quelque peu difficile. Son sens est "le nombre de<br />

personnes qui répondit à l'appel d'Ahmadou Ahmadou est de loin supérieur<br />

à mille personnes ".<br />

Cheikh Omar. Le possessif "noire" s'explique <strong>par</strong> 1" rime en "ni" rendue <strong>par</strong><br />

J'arabe" Saykuni".<br />

Amadou Amadou et Cheikh Omar.


478<br />

50 min kowrii to Maosina<br />

85. Lekki fow mi wadat heen<br />

maloykooji ujunere,<br />

86. Aomodu rro Aamadu oan<br />

heo mao ko majjere<br />

87. Joroo boom ko miin ouri a<br />

ko miin tiimi e deft,<br />

88. Ko edeftere jiirul oyni 1<br />

A 110 yid'i ri Moha mrr<br />

89. Weeti ndeen Be ndowrii woi<br />

d'um ne ina hulôini,<br />

90. Aomodu mo Aomodu odii<br />

noogoode rabbin ii,<br />

91 0 rokkoo tooo yoo naat e<br />

fetelaoji Sayku nii.<br />

92. Konu Sayku tiid'nii<br />

roaki dande ko fiyon;<br />

93. Nde wad'i huunde moayôe e<br />

konu Soyku Aamada,<br />

94. Sayku wii "Billoohi summa<br />

95 Mbele nll mi fello<br />

ml wcondii mi nooml<br />

ko A 110 wiinoo ml ko.<br />

96 0 salliginii 0 hucciti<br />

97 0 hucciti Mokka<br />

fud'naange qiblotoa,<br />

koddo Acdama soo yo<br />

98. Jom "Sayfiiyu" hokkao "nosr<br />

1<br />

2<br />

oon saatu Aomudoo.<br />

V88 Expression arabe el loucouleu'<br />

Expression arabe marquant le pô<br />

fois prononcée. engage son autel!<br />

co<br />

ll(Jt: vue des yeux.<br />

ni. Celte formule. une


CORPUS III 479<br />

85.<br />

86.<br />

87.<br />

88.<br />

89.<br />

90.<br />

91.<br />

92.<br />

93.<br />

' .. 94.<br />

95.<br />

96.<br />

97.<br />

98.<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

si on se rencontre au Macina demain,<br />

Sous chaque arbre.<br />

je placerai mille anges.<br />

Amadou Amadou.<br />

toi. tu n'es qu'un ignorant,<br />

Du reste. mon savoir est plus grand.<br />

car c'est moi qui lis dans le Livre l .<br />

C'est <strong>par</strong> le Livre2 vu <strong>par</strong> l'oeil<br />

que Dieu a élu Mohammed.<br />

Le lendemain lorsqu'ils s'apprêtèrent à se battre,<br />

ce fut effrayant.<br />

Amadou demanda " .<br />

le-·premier. au· Seigneur.<br />

Il obtint que la pluie. mouille<br />

i les fusils de Cheikh.<br />

L'armèe du Cheikh s'y efforça.<br />

mais fut incapable de tirer un seul coup.<br />

Lorsque quelques amis furent tuès,<br />

dans l'armée du Cheikh Amadou.<br />

Cheikh dit: <strong>par</strong> Allah, puis <strong>par</strong> Allah!<br />

je l'ai juré, je-ne recule point3....<br />

Il faut que je combatte<br />

ce que Dieu m'avait dit. rien ne l'infirme.<br />

Il fit les ablutions.<br />

se tourna4 vers l'Est.<br />

Il se tourna vers la Mecque,<br />

le cadet d'Adama n'échoue pas.<br />

Le propriétaire du "Chaifiy"5 eut le Secours6 .<br />

à cette heure 7 Amadou.<br />

"C'est moi qui regarde dans le livre" est une lraduction mot à moL Le sens<br />

du vers est le suivant : El Hadj Omar, plus inslruit, plus expérimenté el plus<br />

âgé qu'Ahmadou Ill, traile la fougue de son rival d'ignorance.<br />

C'est à dire Le Coran.<br />

Mot à mot: j'ai juré je ne le mange plus. Le sens est : j'al juré, c'est soni de<br />

mon ventre, je ne le mange plus.<br />

"Qibla" : mot arabe ; la direction de la kaab" Voir Le Coran, traduction<br />

Blachère. Sourate X, v 87.<br />

"Chaïfiyu" livre de Cheikh Tidjane fondaleur dc le Tidjanya.<br />

Secours : mot arabe "nasr".<br />

Heure: mot arabe : "saâ".


99. 0 wii pellee mi fellii juulDe<br />

woto e mon mo sikkitii,<br />

100. 'Ooon conndi duki dpY'Y'0ani<br />

Maasina luuncitii,<br />

10 1. Ndeen kadda Aadama nanngi<br />

pucci caasacti feccitii,<br />

102. Ndeen diiraali keewi<br />

Aadamo e A/lw luuncitii 1.<br />

103. 'Oimmere ndeen 0 VIii<br />

kolhaldi waonndi wii naamtataa,<br />

104. Kala moald'a kan e maalaad'c<br />

ç1'id'a faw mi d'accataa,<br />

105. Ma mi wara De mi naatnn e Ipydi<br />

faa' bada De njaltataa,.<br />

106. Nde wana luuru Denni Soyku<br />

d'ao rewi Aamadao.<br />

107. Hay haamam naan ka ndokkonoo-mi gosii<br />

hal]kadi mi Dennataa,<br />

108. Mi yii maale majJum e ndiwri<br />

nd iwa tnaon d 1weeyataa,<br />

109. 'Be ngasii leydi De towii toon<br />

ndiin peewnaondi oonotaa,<br />

\10. 'Be pellii De coppi De ngartirii leydi<br />

foa' bada min oennataa,<br />

111. 'Oum faw ka kaod'tuc1i<br />

diine Saykuuji Aamadaa.<br />

V100 Luuncirii : vocabulaire du Macina.<br />

CORPUS III


CORPUS III<br />

99.<br />

100.<br />

;1)01.<br />

102.<br />

103.<br />

'/ 104.<br />

105.<br />

106.<br />

107.<br />

lOS.<br />

109.<br />

110.<br />

Ill.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

8<br />

Il dit: tirez, j'ai tiré musulmans,<br />

que personne de vous n'en doute 1.<br />

Alors la poudre cria sans se taire2 ,<br />

alors le Macina s'éloigna3 .<br />

Alors le Cadet d'Adama prit<br />

des chevaux de course qu'il divisa4.. l. "\'" !'"<br />

Quand le tumulte atteignit son point culminant,<br />

Adama et Aliou s'éloignérent5 .<br />

En second lieu, il dit :<br />

le Bélier a juré, il ne se reniera pas.<br />

Celui qui a donné refuge et celui qui s'est réfugié6 ,<br />

tous les.deux jene les laisserai-'pas.<br />

Je les tuerai, je les enterrerai,<br />

plus jamais ils ne sortiront.<br />

A -la fm du conflit, Cheikh<br />

est passé <strong>par</strong> là Amadou.<br />

Je regrette7 que ma mission soit achevée,<br />

dorénavant je ne continuerai plus.<br />

J'en ai vu les signes <strong>par</strong> l'oiseau<br />

qui volait, qui ne plane plus.<br />

Ils ont creusé la terre, il y ont trouvé<br />

celuiS qui était droit qui ne se tord point.<br />

Ils l'ont tiré, ils l'ont coupé puis recouvert de terre,<br />

à jamais nous ne continuerons plus.<br />

Tout ceci, c'est la limite<br />

de la religion de Cheikh Amadou.<br />

'. C.<br />

481<br />

De l'issue victorieuse de la bataille.<br />

Lo personnification de 1" poudre est ici très évidente.<br />

Le Macina désigne les Maciniens, c'est une métonymie.<br />

Qu'il divisa <strong>par</strong>mi ses guerriers.<br />

Adama est la mère d'El Hadj Omar, Aliou son frère consanguin, mais plus<br />

que frère et ami. Selon le poète, ,ci, ces deux mons continuent<br />

d'accompagner El Hadj.<br />

Traduction mot à mot de : protecteur et protégé, Ali et Amadou Ill.<br />

Le poète donne la <strong>par</strong>ole à Cheikh Omar sans transition.<br />

Ndiin, classificateur qui accompagne ici le mot nboddi serpent, sousentendu.<br />

Selon la tradition orale, El Hadj Omar avait un serpent sous terre<br />

et un oiseau dans l'espace qui le renseignaient. Arrivés au Macina. pays de<br />

mystiques rompus. [cs deux auxiliaires du Cheikh furent repérés et tués<br />

avec l'aide de Bekkaye Kounta.<br />

,'. i . • r. .


482 CORPUS III<br />

112. Keefeero biyeteed'o Aoli<br />

doonde mum mi foppitii 1 ,<br />

113. Aomodu mo Aomadu mi jolnii mo<br />

e laono mi fokkitii,<br />

114. Mi nowii ma haa ta nder maaje<br />

mowd'e mi sakkitii 2 ,<br />

115. So mi soppu maa so mi yool mo<br />

doonde makko mi muccitii 3<br />

116. Mi worii moold'o kam e mooload'o<br />

d'id'o fow Ao modoo.<br />

117 Miin Sayku kam so mi warii keefeer0 4<br />

ton oerndc a m wei i i,<br />

118. Mi wOi'ii laamd'o Maasino<br />

worngo bonngo a mona le!ii,<br />

119. Heddiima d'oon miskinBe 5<br />

mbiyetee ko minsalii.<br />

120. Mi Benni mi naoti e hooyre<br />

wiyetcende sa Isa li i,<br />

121. Ko d'oon wolde ndee hood'i<br />

juulo06e Aomodaa.<br />

122. Defte mbii nde ka salsolii<br />

mbiy-d'en nde Dagamberee.<br />

123. Kodda Aadamo noat, e hooyrc<br />

oeyd i i ko fofte ree,<br />

124. 0 sunii kOQko gaa miskinoc<br />

d'um oeydi mOJjeree.<br />

125. Soo guurd'o mao soo 0 mooyd'o<br />

a nowaraanl tikkeree,<br />

126 Sobu a worii maold'o kan e mooload'o<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

d'id'o fow to Aa modoo.<br />

v 112 Tenne du Macina rendu en poular du Foula-Toro <strong>par</strong> lay'ii (couper).<br />

V 114 Tenne macinien.<br />

V116Id.<br />

V 117 Tenne arabe signifianl "kâfir" ou mécréant.<br />

V119 Tenne arabe signifiant: pauvre.


486 CORPUS !II<br />

oon ko gid'o am habibu am,<br />

142. Sayku Tijjaani seeraan i arde<br />

e banne am,<br />

143. Mohammadu Rasulullaahi<br />

e jiid'e am,<br />

144. Sa e jiide maa sa e koyd'i<br />

a tawii kam e wirdu am,<br />

145. Mi fukkii bakkatuuji<br />

. 1": yJide Annodi Aamodaa.<br />

146. Bamande ma e Halwaar haa abbii e Makko<br />

ka Sayku dad'i alluwal,<br />

147. Sa ma hajja wirto henndu<br />

Dura yaawde hay colel.<br />

148. Rimaahu ka deftere Sayku<br />

ittaaka hay d'oral,<br />

149. Safina ka dertere Sayku<br />

jaaroowo Aamadu jom oural,<br />

150 Wad'i mi yimde Sayku<br />

joard'o Aomadaa.<br />

151. Ko biyeteed'o Hommat Sammba<br />

oon yimi Sayku haa nanaa,<br />

152. Ko d'oo liido yimi d'oo Taalo<br />

wad'i baar ta Maasinaa,<br />

153. Nde almuudo yimi d'oo Ceerno<br />

muud'um to Rabbanaa:<br />

154. Sa won goorj ngoni heen joom am<br />

ycaro Robbanaa.


490<br />

Aljonno Aamodoa,<br />

.'\> 170. 'Do yimre SaykLJ Umar ndee haad'i.<br />

CORPUS III<br />

tout entendement humain; cf. Blachère. Le ("ran. Sourate "L'abondance".<br />

CV. v.3, p. 668.


CORPUS 1lI<br />

au <strong>par</strong>adis Amadou.<br />

170. C'est là que le poème dèdié à Cheikh Omar prend fin.<br />

491


ANNEXES<br />

73. Alpha AlxJoul <strong>Samba</strong> Lêli<br />

74. Alpha Ahmadou Yéro<br />

75. TIriemo Mohamadou Lamine<br />

76. TIriemo Tilléré<br />

77. TIriemo Boubacar Hamzatou<br />

78. Tapsirou Mfunoudou Oumar<br />

79. Mâmoudou Hammât Moukhtâr<br />

80. Abderahmane Bassamôr<br />

81. Alpha Ali, "t! qariyati"l wenndou Nôcli<br />

82. Thiemo AlxJoul Thioukalelle, "fi qariyati" Harnmadi Hounâre,<br />

83. Boubou Mohamadou Boubou, "t! qariyati" Wourossogui<br />

84. Elimane Ahmadou Boubou, "fi qariyati" Donnâye<br />

85. Alpha Kâssoum, "fi qariyati" Sar Lion 2<br />

86. Alpha Oumar, "t! qaryati" Sâré Mânîkka<br />

87. Elimane Hammady Mâloume, "fi qarayati" Déméthe<br />

88. Lamine Tapsirou Ahmadou, "t! qarayati" Haïré Lao<br />

89. Mohamadou Aliou Thiam 3 , "t! qarayati" Haïré Lao<br />

90. Sileymani Elimane Boubacar, "t! qarayati" Dimat4.<br />

494<br />

N.B. Cette liste, manipulée selon les intérêts personnels des griots, subit de profondes<br />

modifications au fil des versions.<br />

Ici elle met en relief Je caractère intellectuel et aristocratique du jihâd omarien qui comprit de<br />

nombreux érudits, ce que traduisent les titres "Alpha", "Tapsirou", "Thiemo", décernés aux<br />

savants musulmans. De même les descendants de J'aristocratie peule des théocraties du SOkOIO,<br />

du Macina et des deux Fouta figurent aussi en bonne place dans cette liste des premiers<br />

compagnons de Cheikh Omar.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

"Fi qariyati" : expression arabe signifiant "ressortissant du village de".<br />

Défonnation de Sierra Leone.<br />

Auteur de La Qacida en pou/ar éditée <strong>par</strong> H. Gaden.<br />

Autre variante de Dimar, village du Fauta Toro (Dé<strong>par</strong>tement de Podor).


GLOSSAIRE


GLOSSAIRE<br />

Almamy<br />

Almamyat<br />

Alpha<br />

Ardo<br />

Awlube<br />

Baraka<br />

Barou<br />

Boundou'nké<br />

Charia<br />

Cheikh<br />

Damel<br />

Diawara<br />

Djallonké<br />

Denianké<br />

Dina<br />

Elfeki<br />

Elimane<br />

Farna<br />

GLOSSAIRE<br />

A<br />

Titre que portaient les chefs du Fouta Djallon et du Fouta Toro au<br />

lendemain des révolutions méocrati- qucs<br />

Régime politique du Fouta sous les A1mamys.<br />

Titre donné à un érudit en Coran.<br />

Titre porté <strong>par</strong> un chef de tribu peule.<br />

499<br />

(sing. gawlo). Griots diseurs du Fouta, spécialisés dans les<br />

généalogies.<br />

B<br />

Tenne d'origine arabe signifiant bénédiction, faveurs divines.<br />

Diminutif de Oumar.<br />

Habitant du Boundou.<br />

C<br />

Mot arabe qui désigne la loi musulmane.<br />

MOI arabe pour dénommer le maître, l'initiateur.<br />

Titre quc portaient les Chefs du Cayor.<br />

D<br />

Nom de famille de l'aristcx.ntie régnante dans le royaume de Diara.<br />

tombé <strong>par</strong> la suite sous la domination des Massassi devenus maîtres<br />

de tou t le Kaana.<br />

Population d'origine mandingue qui habitait le massif montagneux<br />

du Djallonkadougou ; elle figurait <strong>par</strong>mi les premiers habitants du<br />

pays qui s'appela <strong>par</strong> la suite Fouta Djallon.<br />

Nom que portaient les Fulbe de la tribu de Koli Tenguella.<br />

Mot d'origine arabe qui, étymologiquement veut dire religion, passé<br />

dans le pulaar, dans le sens de pratique du culte islamique.<br />

Théocratie.<br />

E<br />

Titre que portait le Chef Peul de la Province du Ngenaar, au Fouta<br />

Toro.<br />

Titre religieux porté <strong>par</strong> certains chefs du Fouta Toro (Chefs de<br />

provinces ou de villages).<br />

Titre porté <strong>par</strong> les chefs Bambara.


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395 - 415.


,-<br />

INDEX


i<br />

;-.<br />

",<br />

.'<br />

INDEX<br />

PRINCIPAUX NOMS<br />

Alxloulaye Ali 45; 165; 182.<br />

Alxloulaye Haoussa 182.<br />

Adama Aysé 39; 108; 120; 140; 178; 179; 180; 195; 200; 319; 379; 383; 388; 399; 401; 411;<br />

421;423;429;433;435;445;450;457;461;465;467,<br />

Aguibou 45; 133; 489.<br />

Ahmadou Ahmadou 10; 47; 58; 128; 129; 130;156; 161; 168; 169; 175; 176; 177; 178; 190;<br />

191; 192; 193; 194; 196;253;262;267;270;273;286;287;291;397; 399;401;403;405;407;<br />

411;415;417;419;421;427;431;433;435;437;441;443;449;451;455;460;457;461;463;<br />

465.<br />

Ahmadou Almamy Alassane 167; 178; 179; 192; 267; 274; 403; 421.<br />

Ahmed El BekkaI 252; 255; 286.<br />

Aliou 481<br />

Almamy Birane 245.<br />

Almamy Mohamadou Birân 258.<br />

Almamy Oumar Ill; 112; 113; 114; 116; 260.<br />

Almamy Saada 245.<br />

A1mamy Youssouph 245.<br />

Alpha Ahmadou 111; 143; 179; 323.<br />

Alpha Marnoudou Kaba 112; 115; 116<br />

AlphaOumarThierno Bayla 33; 34; 36;54; 115; 121; 132; 159; 172; 178; 191; 196;253;274;<br />

353;355;377;379;385;417; 419;439;441;463.<br />

Alpha Oumar Thiemo Mollé 36; 54; 115.<br />

Alpha Ousmane 34; 132; 162; 165; 253.<br />

Amaa Sam Poolel 17.<br />

Archinard (L.) 3; 45; 133; 164; 290.<br />

Ardo Aliou Ndiéréby 33; 34; 36; 58; 173; 175; 228; 261.<br />

Atiq III<br />

Bâ (A.H.) 288.<br />

Bâ (K) 136; 140; 148; 232; 234; 236; 296; 302; 307.<br />

Bâ (O.) 145.<br />

Bâ·Lobbo57; 121; 129; 131; 165; 252; 253.<br />

Bathily (S.N.) 117; 264.<br />

Bâtou (D.) 58; 175; 176; 267; 268; 449; 454; 455.<br />

Boubakar Saada 37; 263.<br />

Blum (Cl.) 133.<br />

Bouchez (Lt) 117.<br />

Bôtol Sawa Hâko 36; 179; 265; 267; 274; 283; 403.<br />

Cheikh Ahmed Tidjâne 34; 51; 97; 110; 152; 231; 285; 485; 487; 489.<br />

Cheikh Omar 10; 33; 34; 35; 36; 37; 38; 40; 41; 44; 45; 46; 47; 48; 49; 51; 52; 59; 63; 98; 106;<br />

108; 109; 110; 111; 114; 115; 116; 117; 118; 119; 120; 121; 125; 126; 128; 129; 130; 131; 132;<br />

133; 138; 139; 140; 141; 142; 143; 144; 145; 146; 148; 150; 152; 153; 154; 155; 156; 157; 159;<br />

160; 161; 162; 163; 164; 165; 166; 167; 168; 170; 173; 175; 177; 178; 179; 182; 185; 186; 188;<br />

189; 190; 191; 192; 194; 196; 197;203;204;206;207;209;210;220;221;225;227;228;229;<br />

230;231;245;249;250;251;252;253;254;257;259;260;261;263;264;265;267;268;270;<br />

271;274;276;281;282;284;285;288;290;309;311;313;377;391;399;401;403;405;407;<br />

409;419;421;425;431;433;439;441;447;449;451;455;456;461;457;459;461;463;467;<br />

473;489;491<br />

Cissé (R) 4; 286; 287; 290.<br />

Cissokho (S.M.) 254.<br />

Curtin (D.Ph.) 243.<br />

Dali1 (A. O.) 79.<br />

De1afosse (M.) 107; 109 ;277.<br />

De1avignette (R.)107.<br />

514


1<br />

.'<br />

INDEX<br />

Demba Sarr 220.<br />

Diop (MA) 41.<br />

Dioukha <strong>Samba</strong>Ila 122; 124; 125; 126; 127; 245; 287.<br />

Djéli Moussa 118; 204.<br />

Dramé (T.) 4; 33; 58; 63; 131;163; 173; 187; 188; 189; 190; 223; 228; 260; 261; 264; 269.<br />

Dumont (F.)107; 108; 109; 129; 149; 255.<br />

Dumézil (G.) 224.<br />

EgguéFari Saabu 17.<br />

Elimane Boubacar 139; 141.<br />

Elimane Rindiaw 115; 258; 268.<br />

Equi1bec 55.<br />

Emy (P.) 90.<br />

Fâdjimba 313; 375.<br />

Faidherbe 60; 122; 124; 127; 250; 251; 254.<br />

FâIel Bo1âro 375.<br />

Fall (M.)109.<br />

Fara1 (E.) 280.<br />

Farba Gouwa 10; 58; 158; 176; 177; 178; 179; 180; 181; 182; 194; 195; 267; 268; 273; 280;<br />

283; 311; 379; 381; 383; 409; 419; 457;461.<br />

Fatime1 Siré Biidaane 16.<br />

Frœlich (J.c.) 254.<br />

Gaden (H.) 2; 8; 35; 85; 109; 149; 258; 263; 266.<br />

Gaye (H.) 245.<br />

GhâIi (M.E1)109; 110; 152; 203; 227; 271; 346<br />

Gouilly (À.) 210.<br />

Grisward (J.H.) 224.<br />

Guelâdio Dêssé 177; 315.<br />

Guerresch (Cl.) 149.<br />

Guélel 17; 34<br />

Guèye (T.Y.) 74; 81.<br />

Ham-Bodêdio 9; 14; 15; 16; 17; 18; 20; 21; 30; 32; 33; 55; 59; 84;<br />

Hama A1aseïni 14; 20.<br />

Holle (P.)124; 127; 251.<br />

Jah (O.) 47; 108.<br />

Kamara (C.M.) 46; 101; 269.<br />

Karounka 33; 57; 58; 63; 128; 173; 174; 185; 228; 260; 261; 266; 317; 375; 387; 389.<br />

Khanoum <strong>Samba</strong>Jla 122; 124; 125; 126; 127; 251; 289.<br />

Koly Mody 34; 36, 168; 169; 170; 171; 179; 193; 245; 250; 260; 267; 274; 283; 405; 427; 429.<br />

Konko Boubou Moussa 12; 18; 23.<br />

Kouyaté (G.) 4.<br />

Labouret (H) 85.<br />

Lestrange (M. de) 16.<br />

Lord (A.) 229; 233.<br />

Ly (H.S.) 3; 45; 98; 136; 149; 205; 220; 221; 230; 231; 232; 236; 296; 307; 487.<br />

Madelénat (D.) 7; 199; 275.<br />

Mage (E.) 38; 107; 169.<br />

Mâmady Kandia 35; 121; 177; 250;.260; 269; 315.<br />

Marnadou Djâli 315.<br />

Mahmoud Kâti 100.<br />

Mari (F.) 138.<br />

Mbôthiel (S.) 3; 10; 33; 38; 136; 148; 161; 169; 170; 171; 175; 177; 187; 188; 190; 191; 195;<br />

196; 197; 220; 223; 228; 229; 232; 234; 235; 236; 260; 264; 268; 274; 283; 296; 302; 307;<br />

309.<br />

Meyer (G.) 16; 24; 87; 88.<br />

Monteil CV.) 109.<br />

Monzon (A.D.) 15; 18; 47; 128; 129; 156.<br />

Monzon (D.)14.<br />

Niâgane (El H.MA) 4; 46; 107; 148; 207; 227; 228; 264.<br />

515


i',<br />

INDEX 519<br />

Niger 14; 33; 55; 102; 116; 131; 163; 164; 210; 243; 249; 251; 252; 267.<br />

Nigéria 102; Ill; 233.<br />

Nioro 4; 33; 63; 121; 125; 131; 133; 164; 177; 182; 187; 190; 204; 206; 209; 211; 226; 250;<br />

251;258; 259;260;262;265;288; 315; 385; 387;471.<br />

Paris 3.<br />

Pellun Waaju 119; 273.<br />

Peul7; 8; 11; 13; 14; 15; 16; 17; 18; 19; 20; 24; 27; 28; 31; 33; 35; 45; 61; 62; 74; 75; 79; 83;<br />

84; 88; 92; 100; 101; 104; 105; 119; 122; 162; 166; 171; 172; 173; 176; 177; 193; 195; 208;<br />

211;228; 234;237;244;250; 252; 253;265; 266;267;274;283;289;290; 375; 377; 387; 397;<br />

411;419;423;425;429;431;437;443;445;447;459.<br />

Pire Sagnakhôr 144; 202; 209; 225; 276.<br />

Podor 33; 46; 71; 107; 115139.<br />

Poular 66; 67; 71; 76; 80; 81; 83; 88; 90; 91; 93; 94; 99; 100; 102; 103; 104; 105; 106; 107;<br />

110; 143; 151; 157; 163; 167; 169; 175; 176; 220.<br />

Sabouciré 122; 127.<br />

Sansanding 37; 63; 128; 129; 187; 189; 226; 228; 246; 252; 288; 289.<br />

Ségou 2; 3; 4; 13; 14; 15; 33; 38; 44; 45; 47; 55; 57; 63; 101; Ill; 128; 129; 131; 132; 133;<br />

156; 162; 163; 164; 174; 186; 187; 188; 189; 190; 209; 220; 221; 223; 226; 246; 251; 252; 253;<br />

261;262; 263; 266;268;269;270; 276;277; 285;287;288;289; 387; 389; 397.<br />

Sénégal (fleuve) 16; 33; 55; 67; 71; 95; 101; 115; 116; 122; 123; 127; 131; 163; 164; 210; 225;<br />

246; 249; 250.<br />

Sénégambie 59; 144; 243; 244; 249.<br />

Sokoto 63; 93; 95; 102; Ill; 118; 145; 162; 167; 203; 209; 225; 226; 233; 247; 287; 294; 339.<br />

SoninJcé55; 101; 121; 122.<br />

Souroukhoullé 3; 250.<br />

Tamba 39; 119; 121; 209; 249; 315; 435; 457.<br />

Thiâyawal58; 59; 130; 156; 168; 175; 176; 186; 190; 226; 252; 267; 270; 285; 439; 443; 447.<br />

Thiès 91; 144.<br />

Timbo86; 108; 109; Ill; 112; 113; 114: 116; 119.<br />

Tombouctou 100; 131; 132; 164; 210; 246; 252; 259; 290; 292.<br />

Tamara 122; 127; 21!.<br />

Toro 115; 119; 160; 173; 225; 259.<br />

Torodo 140; 172; 178; 180; 181; 182; 192; 195; 196; 207; 210; 244; 255; 267; 321; 337; 343;<br />

345; 353; 381; 383;403;415;419;421;423;425;431;435;437;453;461;467.<br />

Toucouleur 71; 83; 87; 88; 90; 97; 101; 115; 126; 127; 132; 140; 153; 159; 165; 168; 170: 172;<br />

179; 180; 182; 185; 188; 189; 190; 191; 237; 249; 251; 252; 253; 255; 259; 260; 262; 265: 266;<br />

267; 281; 283.<br />

Woytê1a 59; 128; 173; 185; 186; 187; 258; 174; 228;251; 261; 397.<br />

Yélimané 177.


INDEX<br />

AUTRES NOMS IMPORTANTS.<br />

520<br />

Al-Azhar 110; 113; 185; 223; 225.<br />

Almamy 57; 82; 99; 107; 108; 111; 112; 113; 114; 116; 141; 168; 208; 210; 244; 245; 256;<br />

257; 259.<br />

Alrruunyat59; 141;244;245;257.<br />

Ansâr 282.<br />

Ardo 14; 17; 24; 34; 165.<br />

Charia 49; 94; 129; 227; 244; 282.<br />

Dame157; 107; 141; 201.<br />

Fama 250.<br />

Fergo 251.<br />

Hadith 40; 153.<br />

Imâme 39; 60; 96; 100; 148; 149; 154; 158; 180; 196; 281; 291; 313; 317; 381; 401; 415; 435;<br />

461.<br />

Jaagorde 244.<br />

Jaagorgai 244; 259.<br />

Jawâhir-AI-Maâni 34; 114; 185.<br />

Jihâd omarien 3; 34; 40; 46; 47; 50; 55; 98; 114; 125; 128; 218; 224; 226; 227; 230; 235; 243:<br />

247;248;249;250;252;253;255;257;259;262;264;265;267;268;271; 276; 278;281;283;<br />

286;288;290; 291;292;296; 302.<br />

Khalwa 206.<br />

Muhâdjirûn 280.<br />

Mujâhid 106; 154; 156; 183; 185; 230; 255; 281.<br />

Mujahidin 249.<br />

Ouléma 150; 168; 225; 227; 252.<br />

Qacida 2; 34; 37; 38; 45; 47; 48; 49; 50; 51; 52; 157; 163; 164; 165; 168; 169; 175; 176; 220;<br />

221;257; 264;266;267;270;282;284;294.<br />

Qadiriyya 131 ;246; 252; 255.<br />

Ramadan 94; 200; 201; 226; 227.<br />

Rimâh 34; 46; 108; 152; 254; 487.<br />

Salaatul Faatiha 203.<br />

Sofa 162; 175; 267; 287.<br />

Sourate 110; 150; 262; 285.<br />

Sultan 145; 279.<br />

Tafsirou 311.<br />

Tidjanyya 34; 46; 52; 98; 108; 110; III; 114; 133; 152; 203; 227; 254; 255; 284.<br />

Tidjâne97; III; 114; 126; 145; 190; 282; 391; 489.<br />

Târikh el-Fettach 100.<br />

Târikh es-Soudan 100.<br />

Wird 97; 111; 114; 126; 343; 363; 485; 487.


TABLE DES MATIERES


TABLE DES MATIERES<br />

c) Le public.<br />

2°) Le modèle peul islamisé.<br />

a) L'artisan du verbe et le maître de la plume.<br />

al) Le griot omarien.<br />

al) Le maître de la plume.de l'épopée du jihâd.<br />

b) Le récit.<br />

b1) Le cycle de la foi.<br />

b2) Le triptyque initiatique.<br />

b3) La devise.<br />

c) Le public.<br />

B - CLASSIFICATION: RECITS DE BASE ET VARlANTES.<br />

1 LE TRONC COMMUN.<br />

1°) Le noyau narratif de base.<br />

2°) Les invariants thématiques.<br />

3°) Les personnages invariants.<br />

4°) Les lieux d'action.<br />

5°) Le temps du récit.<br />

II LES BRANCHES DIVERSES.<br />

10) Les récits secondaires.<br />

2°) Les personnages originaux.<br />

30) Les lieux et les temps.<br />

III V ARIM'TES A L'INTERIEUR DE CHAQUE BRANCHE.<br />

CHAPITRE II : LA FORMATION DE L'EPOPEE D'EL HADJ OMAR.<br />

A - FORMES LITTERAIRES PRE-EXISTANTES.<br />

1 LES GENRES TRADITIONNELS.<br />

1°) Les genres spécifiques.<br />

2°) Les genres communs.<br />

a) La poésie.<br />

b) Les "tinndi" ou "talli" (contes); les "cifli" (devinettes) ;<br />

les "puri" (proverbes).<br />

523<br />

39<br />

40<br />

41<br />

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44<br />

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66<br />

66<br />

67<br />

76<br />

76<br />

86


TABLE DES MATIERES<br />

3°) Vie religieuse.<br />

ID - L'EPOPEE ET L'HISTOIRE.<br />

1°) Le traitement épique du jihâd omanen.<br />

2°) Le traitement historique des versions de l'épopée d'Omar.<br />

3°) Rejet et rejaillissemenL<br />

B - VISION DES VAINQUEURS, VISION DES VAINCUS.<br />

1 - LES CHANSONS DE GESTE: LES CROISADES VUES PAR LES FRANCS<br />

ET PAR LES ARABES.<br />

1°) Les croisades vues <strong>par</strong> les Francs.<br />

2°) Les croisades vues <strong>par</strong> les Arabes.<br />

II - LE JIHAD üMARIEN VU PAR LES üMARIENS ET PAR LES PEUPLES VAlNCUS. 281<br />

1°) Le jihâd d'Ei Hadj Omar vu <strong>par</strong> les Omariens.<br />

2°) Le jihâd d'El Hadj Omar vu <strong>par</strong> les pays conquis.<br />

CONCLUSION GENERALE.<br />

TROrSIEME PARTIE: EDITION DE TEXTE.<br />

PRESENTATION.<br />

1 - LES AUTEURS.<br />

2 - LES TEXTES.<br />

LA DEVISE D'EL HADJ OMAR PAR SIDI MBOTHlEL<br />

CORPUS 1: DE LA NAISSANCE AUX JOUTES ORATOrRES<br />

DU CAIRE PAR KALIDOU BA.<br />

CORPUS n : LE JlliAD : DE DINGUIRAYE A HAMDALLAHl<br />

PAR SIDI MBOTIIIEL.<br />

CORPUS III :LA DERNIERE PHASE DU JIHAD: DE TIllAYAWAL<br />

À DEGUEMBERE, POEME DE HAMMAT SAMBA LY,<br />

DECLAME PAR DEMBA SARR.<br />

526---'<br />

268<br />

271<br />

272<br />

276<br />

277<br />

278<br />

279<br />

279<br />

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281<br />

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296<br />

296<br />

296<br />

308<br />

318<br />

348<br />

466<br />

"


TABLE DES MAnERES 527<br />

Annexe. 492<br />

Glossaire. 498<br />

Bibliographie. 502<br />

Index. 513<br />

Table des matières. 522<br />

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