Du suffrage censitaire au suffrage universel ... - Adecec.net

Néanmoins, durant son apparition (les élections d’avril 1945), le courant d’air a produit des
effets, des objets ayant été déplacés (les familles et les individus), voire s’étant brisés : c’est le
cas du « radicalisme », lequel, à l’image d’une potiche qui se casse, a volé en morceaux ; le
gavinisme, de plus petite dimension, caché par la potiche, a résisté.
Une fois les morceaux recollés - et mal recollés - un autre « radicalisme » est apparu, moins
structuré qu’avant, donc moins apte à diriger les affaires communales (la coalition municipale
d’octobre 1947 à mars 1953 en est l’archétype le plus représentatif). (1)
Mouvement de conjoncture, le « socialo-communisme » est apparu surtout comme une
transition dont le clan s’est servi pour parfaire sa restructuration.
Ne s’insérant pas dans un contexte social aigu, lié à des antagonismes de classe, tels qu’ils se
sont manifestés par exemple dans le Sartenais (la poussée marxiste dans la région de Sartène,
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, repose véritablement sur un contexte de lutte de
classes, avec un prolétariat - paysans et journaliers - qui s’ancre à gauche pour lutter et
chasser les gros propriétaires terriens dont il dépendait avant la guerre) le « socialocommunisme
» était voué à un sort éphémère.
(1) Sur les élections de l 'après- guerre à Calacuccia (1945- 1947- 1953), cf. H. LENZIANI, Conjoncture
politique et contingences locales : le jeu des familles en avril 1945 à Calacuccia.
D’ailleurs, aucune structure véritable, qu’elle soit communiste ou socialiste (une section
communiste existait jusqu’en 1947, sans activité majeure), n’a perduré.
De même, aucun leader politique n’est apparu, et les seuls véritables socialistes niolins
(Luciani Antoine et Luciani Pasquin, de Calacuccia) (1) ont milité hors du canton, à Bastia.
Mouvement spontané, voire opportuniste, issu d’un conflit de génération, le « socialocommunisme
» d’après-guerre peut, d’une certaine manière, se comparer au mouvement
nationaliste actuel.
En effet, l’un et l’autre ont un regard critique et dur sur la structure clanique, qu’ils veulent
détruire.
Néanmoins, ils sont issus de deux périodes historiques différentes :
- la guerre et la Résistance pour les « socialo-communistes » (le terme résistance est à
nuancer : résistance active pour quelques uns - peu nombreux -, résistance passive pour la
plupart) ;
- la prise de conscience estudiantine, liée au problème corse, pour les nationalistes : le
mouvement a une assise intellectuelle à Paris et à Nice.
Chez les nationalistes, à Calacuccia comme dans l’ensemble du Niolu, on peut conjuguer les
effets de deux aspects :
- la jeunesse du mouvement (moyenne d’âge - 20 à 30 ans - moins élevée que chez les
« socialo-communistes ») ;
- une certaine forme de contestation de l’autorité parentale ;
- l’opportunisme de certains, au regard de la conjoncture (point commun avec les « socialocommunistes
») ;
- les relations d’amitié : l’influence d’un individu-leader sur d’autres.
Quoi qu’il en soit, et bien que situés à plus de quarante ans de distance, les deux mouvements
précités témoignent de cet effet miroir entre le local et la société englobante, lequel entraîne
parfois - et souvent pourrai t-on dire - le télescopage des idéologies avec les structures
traditionnelles du microcosme villageois.
(1) Ces Luciani firent partie de la délégation spéciale nommée en juin 1944 à Calacuccia, puis de premier conseil
municipal d'après- guerre dans la même commune- Luciani Pasquin-, et du conseil municipal élu en octobre
1947- Luciani Antoine, 1 er adjoint.