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Le harcèlement moral au travail: analyse sociologique

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tel-00343544, version 1 - 1 Dec 2008<br />

LE RÈGNE DES GUERRIERS<br />

En temps de guerre, on veut des guerriers, des vainqueurs, quels que soient les<br />

dommages collatér<strong>au</strong>x c<strong>au</strong>sés par l’usage de la violence. Ce ne sont pas la gentillesse, la<br />

politesse ou le respect de l’<strong>au</strong>tre qui sont valorisés, mais la capacité à faire du chiffre et à<br />

conquérir les marchés. Une littérature managériale consistante importée des Etats-Unis met en<br />

avant la nécessité d’un « leader », d’un meneur d’hommes « charismatique » pour séduire et<br />

embrigader les foules. Certes reconnu pour être un caractériel, il est protégé par son génie<br />

supposé, et ses incartades sont vite pardonnées.<br />

E. Enriquez met en rapport cinq structures de fonctionnement de l’organisation<br />

(charismatique, bure<strong>au</strong>cratique, coopérative, technocratique et stratégique) avec des structures<br />

de personnalité, en partant du constat suivant : les entreprises « ont tendance à engager des<br />

personnes ayant des comportements adéquats <strong>au</strong> style de l’entreprise, ou quand elles ne<br />

peuvent les trouver, à tenter de les transformer (par le <strong>travail</strong>, par la pression du groupe, par<br />

l’idéologie dominante dans l’entreprise, par des stages de formation) en individus qui, <strong>au</strong><br />

moins extérieurement, peuvent faire preuve des qualités qui favorisent la croissance de<br />

l’entreprise » (Enriquez, 1989, p. 151). Selon une logique de réciprocité des influences et de<br />

récursivité, l’individu contribue à produire de l’organisation qui transforme les individus qui<br />

la produisent, et ainsi de suite (Aubert, de G<strong>au</strong>lejac, 1991, p. 334).<br />

L’entrepreneur charismatique (de type Carlos Ghosn, président de l’alliance Ren<strong>au</strong>lt-<br />

Nissan et surnommé le « Cost-killer ») a une personnalité très forte et une <strong>au</strong>ra exceptionnelle<br />

qui mobilise les salariés <strong>au</strong>tour de son projet. La structure bure<strong>au</strong>cratique a pour socle des<br />

règles impersonnelles de fonctionnement et une parcellisation des tâches. Elle recrute des<br />

schizophrènes à tous les nive<strong>au</strong>x. La structure coopérative, de par les valeurs démocratiques<br />

qu’elle met <strong>au</strong> cœur de son fonctionnement, comporte une part d’utopie et d’impossibilité. <strong>Le</strong><br />

« manipulateur à tendance perverse » se sent à l’aise dans les structures technocratiques<br />

dominées par le calcul, la rentabilité et l’économisme. Quant <strong>au</strong>x structures stratégiques, elle<br />

exigent des « stratèges », des « guerriers », des « gagneurs », bref, des « tueurs cools »<br />

(Enriquez, 1989, p. 151). Ces personnalités managériales, qui sont sûres d’elles et ont un ego<br />

surdimensionné sont viriles, théâtrales, hystériques (de type B. Tapie, S. Berlusconi). Etre<br />

constamment dans la gagne et l’urgence leur permet de ne plus penser à leur finitude.<br />

Il semble, selon E. Enriquez, que l’on ait changé de modèle depuis 1995. <strong>Le</strong> profil<br />

psychologique qui émerge est celui de l’apathique, qui ne veut pas être troublé dans ses<br />

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