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Le kyste osseux solitaire (KOS)<br />

A. <strong>Kaelin</strong> a , M. Dutoit b , G. Jundt c , K. Siebenrock d , A. von Hochstetter e , F. Hefti f<br />

CABINET Forum Med Suisse 2007;7:<strong>345</strong>–<strong>350</strong> <strong>345</strong><br />

a Prof. Dr, Médecin-chef, Service d’orthopédie pédiatrique, Hôpital des enfants, Genève, b Prof. Dr, Médecin-chef, Hôpital<br />

orthopédique de la Suisse romande, Lausanne, c Prof. Dr, Leitender Arzt, Institut für Pathologie der Universität, Basel,<br />

d Prof. Dr, Chefarzt, Klinik und Poliklinik für orthopädische Chirurgie, Inselspital, Bern, e Prof. Dr Pathologie Institut Enge, Zürich,<br />

f Prof. Dr, Chefarzt, Kinderorthopädische Universitätsklinik, Universitätskinderspital beider Basel, Basel<br />

Quintessence<br />

Le kyste osseux solitaire (KOS) est une lésion osseuse bénigne à contenu<br />

liquidien. Il s’agit de la troisième affection tumorale osseuse par la fréquence<br />

chez l’enfant, après l’ostéofibrome non ossifiant et les ostéochondromes.<br />

L’étiologie du kyste osseux solitaire est inconnue.<br />

L’évolution est progressive en particulier entre l’âge de 5 ans et de 15 ans<br />

et la cavité solitaire est centrale et évolue de manière centrifuge dans les métaphyses<br />

proximales de l’humérus ou du fémur.<br />

Le principal risque est celui de la fracture sur traumatisme inadéquat ou de<br />

douleurs à la charge dans la région de l’articulation coxo-fémorale. Le processus<br />

de guérison après la fracture suit un cours normal.<br />

Le risque de fractures récurrentes existe surtout pendant les années où le<br />

kyste est très volumineux.<br />

Le traitement par curetage à ciel ouvert et par greffe spongieuse a été abandonné,<br />

mais les résultats rapportés avec les formes de traitements par voie percutanée<br />

sont difficiles à reproduire.<br />

Le recours aux clous centromédullaires élastiques stables («clous de Prévot»)<br />

représente le traitement de choix pour le fémur proximal, ainsi que dans les<br />

fractures récidivantes de l’humérus proximal.<br />

Summary<br />

Solitary bone cyst (SBC)<br />

Solitary bone cyst (SBC) is a benign osteolytic lesion with fluid content. Its<br />

frequency makes it the third most common tumorous bone lesion in children<br />

after non-ossifying fibroma and osteochondroma.<br />

The aetiology of SBC is unknown.<br />

Its evolution is particularly progressive between the ages of 5 and 15 years,<br />

the solitary cavity growing centrally and centrifugally in the proximal metaphysis<br />

of the humerus or femur.<br />

The biggest risk is fracture resulting from an insignificant trauma or loadrelated<br />

pain in the hip region. Healing of such fractures is normal.<br />

The risk of fracture is greatest in the years during which the cyst is very<br />

large.<br />

Treatment by curettage and bone graft has been abandoned, but the results<br />

of percutaneous therapeutic methods are only poorly reproducible.<br />

The use of flexible stabilising intramedullary nails (“Prévot nails”) represents<br />

the treatment of choice for fractures of the proximal femur and recurrent<br />

fractures of the proximal humerus.<br />

Introduction<br />

Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 337 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.<br />

Le traitement du kyste osseux solitaire (KOS) chez<br />

l’enfant constitue un véritable défi. L’orthopédiste<br />

dispose de plusieurs méthodes diagnostiques et thérapeutiques,<br />

mais il ne peut malgré tout pas donner<br />

au patient un pronostic précis quant au temps de<br />

guérison et à la reprise des activités sportives. Le<br />

médecin ne peut en effet garantir, dans cette lésion<br />

en soi banale et dont le pronostic à long terme est<br />

favorable, qu’il n’y aura pas de récidive, ni de fracture<br />

pathologique. Les efforts récents réalisés dans<br />

ce domaine visent à améliorer l’évaluation de la résistance<br />

aux fractures pathologiques, de l’évolution<br />

de la maladie et de l’efficacité du traitement.<br />

C’est à Jaffé et Lichtenstein que nous devons une<br />

description détaillée, en 1942, du kyste osseux solitaire,<br />

basée sur l’image radiologique, ainsi que<br />

sur le tableau anatomo-pathologique et histologique<br />

de la lésion. Ces chercheurs ont défini des phases<br />

actives et des phases latentes et ont proposé<br />

comme traitement un curetage associé à une greffe<br />

spongieuse. Cette approche est restée le standard<br />

jusqu’en 1974, lorsque Scaglietti a publié sa première<br />

série sur le traitement du kyste osseux solitaire<br />

par l’administration de méthylprednisolone.<br />

On trouve plusieurs articles dans la littérature à<br />

propos de ces traitements et de leurs taux de succès<br />

[1–5]. On ne dispose en revanche que de rares<br />

séries sur l’évolution spontanée et les traitements<br />

fonctionnels [6–8].<br />

Définition<br />

Le KOS est une lésion ostéolytique bénigne à<br />

contenu liquidien. Au début de son évolution, il se<br />

présente sous la forme d’une cavité kystique à<br />

chambre unique. Son origine n’est pas connue et<br />

il n’est associé à aucune maladie particulière. Les<br />

sites de prédilection sont les métaphyses proximales<br />

de l’humérus et du fémur chez l’enfant.<br />

Epidémiologie<br />

Durant la croissance, le KOS constitue la troisième<br />

affection tumorale osseuse par la fréquence après<br />

les fibromes non ossifiant du squelette et les ostéo-


chondromes. Environ 3% des biopsies de tumeurs<br />

osseuses primaires sont effectuées en raison d’une<br />

lésion de ce type.<br />

Le KOS est la lésion ostéolytique la plus fréquente<br />

et la principale cause de fractures pathologiques<br />

des os longs chez l’enfant. Une étude sur la population<br />

genevoise a trouvé une prévalence de<br />

1/10000 enfants par an.<br />

L’affection touche une fille pour 2–3 garçons. Au<br />

moment du diagnostic, l’âge moyen des sujets est<br />

d’environ 10 ans. La courbe de distribution des<br />

âges lors des fractures n’a cependant pas l’allure<br />

d’une courbe de Gauss, car elle comporte deux pics<br />

de fréquence à 5 et à 12 ans. On trouve également<br />

cette forme de distribution pour les fractures non<br />

pathologiques chez l’enfant. 80% des KOS sont<br />

découverts entre les âges de 5 ans et de 15 ans,<br />

10% plus tôt et 7% à l’âge adulte.<br />

95% des lésions sont localisées dans la métaphyse<br />

proximale du fémur et de l’humérus avec une prédominance<br />

de 2/3 pour l’humérus. D’autres localisations<br />

ne s’observent que sporadiquement (zone<br />

proximale et distale du tibia, péroné, avant-bras,<br />

os plats).<br />

Clinique<br />

Dans de rares cas, les KOS sont découverts fortuitement<br />

sur des radiographies de routine, qui sont<br />

par la suite surtout utiles pour le suivi de l’évolution<br />

au cours de la phase cliniquement muette.<br />

Dans 95% des cas, les kystes sont découverts à<br />

l’occasion d’une fracture de l’humérus proximal<br />

(au niveau de la métaphyse ou de la diaphyse<br />

proximale). Ces fractures surviennent typiquement<br />

à la suite de contraintes de force relativement<br />

banales. Elles sont alors en règle générale impactées<br />

et peu douloureuses. Les douleurs et<br />

l’impotence fonctionnelle sont proportionnelles à<br />

l’énergie du choc ayant provoqué le traumatisme.<br />

Ces fractures métaphysaires sont stables et peu<br />

déplacées. On ne palpe pas de voussure, ni de crépitations.<br />

Il se forme par la suite un cal avec œdème<br />

[4, 7]. Les fractures diaphysaires de l’humérus<br />

peuvent s’accompagner d’une lésion du nerf radial<br />

(n. radialis), dont le pronostic est habituellement<br />

bon.<br />

Les fractures récurrentes augmentent le risque<br />

de cal hypertrophique, de raccourcissement secondaire<br />

ou de défaut d’axe du segment touché.<br />

Les troubles fonctionnels sont cependant extrêmement<br />

rares et il ne persiste au pire que des séquelles<br />

esthétiques.<br />

Au niveau du fémur proximal, 50% des KOS sont<br />

diagnostiqués à la suite d’une fracture avec important<br />

retentissement fonctionnel. Les traumatismes<br />

mineurs entraînent une impaction du KOS, sans<br />

défaut de rotation significatif. Un traumatisme sévère<br />

induit par contre une fracture déplacée, caractérisée<br />

cliniquement par un raccourcissement<br />

et une rotation externe. Les conséquences tardives<br />

CABINET Forum Med Suisse 2007;7:<strong>345</strong>–<strong>350</strong> 346<br />

morphologiques et fonctionnelles dépendront du<br />

traitement initial et des éventuelles complications.<br />

Si le KOS n’a pas été diagnostiqué à l’occasion<br />

d’une fracture, ce sont les douleurs et la boîterie<br />

qui attirent l’attention sur la région de la hanche.<br />

On ne décèle souvent pas les microfractures sur les<br />

radiographies standard, mais on observe fréquemment<br />

des septa bien marqués ou des réactions périostées<br />

localisées en signe de fissure ou de microrupture<br />

au niveau de la paroi du kyste.<br />

Au cours de sa phase d’expansion, le KOS est<br />

asymptomatique où qu’il se trouve et les douleurs<br />

ne se manifestent qu’à la suite d’une surcharge<br />

mécanique.<br />

Aspect radiologique<br />

La lésion initiale métaphysaire est une cavité à<br />

chambre unique de forme ovalaire régulière. Sa<br />

croissance est centrifuge et symétrique, souvent en<br />

direction de la diaphyse, sous la forme de coquetier.<br />

La lésion entraîne une lyse de l’os aussi bien<br />

spongieux que cortical. La corticale prend souvent<br />

un aspect irrégulier et lobulaire. Le kyste reste<br />

circonscrit à l’intérieur des limites de l’os, sans<br />

déborder dans les zones sous-périostées, ni épiphysaires.<br />

Dans environ 1% des cas, on observe<br />

bien une extension épiphysaire, mais il est souvent<br />

difficile de dire si l’implication de l’épiphyse est primaire<br />

d’emblée ou secondaire à une fracture ou au<br />

traitement chirurgical. Il n’existe pas de réaction<br />

périostée spontanée.<br />

C’est une fracture qui fait le plus souvent poser le<br />

diagnostic de KOS. Elle peut se produire à la suite<br />

d’un traumatisme inadéquat. Le trait de fracture<br />

est transverse, oblique ou spiralé et peut passer<br />

dans le kyste ou distalement par rapport à ce dernier;<br />

il peut être rectiligne ou légèrement dentelé.<br />

Le kyste est impacté avec un raccourcissement du<br />

segment concerné proportionnel à l’énergie développée<br />

lors du traumatisme. Les défauts d’axe se<br />

voient surtout dans la région du col fémoral et<br />

se caractérisent par une réduction de l’angle entre<br />

le col et la diaphyse. Les microtraumatismes de la<br />

région du fémur peuvent entraîner des fissures<br />

dans la paroi du kyste avec réaction périostée d’accompagnement.<br />

L’un des signes radiologiques cardinaux est la<br />

présence d’un fragment de la paroi dans le fond<br />

du kyste («fragment tombé»). Ce type de fragment,<br />

libéré lors de la fracture, nage à la surface du<br />

contenu liquidien de la cavité. Après un traumatisme,<br />

le processus de réparation du périoste est<br />

rapide et de bonne qualité. Un cal conséquent<br />

stabilise la fracture en périphérie et il se forme à<br />

l’intérieur de la cavité des septa hémorragiques<br />

avec ostéo-néogenèse.<br />

Lorsqu’un kyste est en phase de croissance, on observe<br />

en quelques mois des signes d’ostéolyse permettant<br />

au kyste de s’étendre dans les nouvelles<br />

limites périostées périkystiques. Ce phénomène


explique pourquoi l’aspect bombé du kyste survient<br />

toujours à la suite de (micro)fractures répétées.<br />

Au cours de la phase de régression ou de guérison<br />

spontanée, le cal tend à combler la cavité du KOS.<br />

La réponse biologique à une fracture dépend donc<br />

du stade auquel se trouve le kyste.<br />

A moyen terme, la guérison part de la corticale, si<br />

bien que la paroi tend à devenir régulière avec<br />

le comblement de la cavité par ostéonéogenèse.<br />

A long terme, il persiste une «cicatrice» osseuse<br />

incluant des formations microkystiques à l’intérieur<br />

d’une zone hyperdense.<br />

Imagerie complémentaire<br />

Les techniques de l’imagerie moderne offrent des<br />

possibilités qui complètent avantageusement la radiologe<br />

conventionnelle. La scintigraphie au technetium<br />

n’est positive que si le kyste a été exposé à<br />

une contrainte mécanique avec réaction périostée.<br />

Cet examen n’est pas spécifique et n’apporte que<br />

très peu d’informations supplémentaires par rapport<br />

à la radiographie standard.<br />

Le CT-scan et l’IRM donnent en revanche bien plus<br />

d’informations intéressantes:<br />

– l’analyse densitométrique permet de voir si<br />

le contenu du kyste est de nature liquide ou<br />

solide,<br />

– l’effet de sédimentation n’est présent que<br />

dans des kystes anévrismaux, pas dans les<br />

KOS,<br />

– l’épaisseur de la paroi du kyste peut être mesurée,<br />

– l’absence de réaction extra-osseuse,<br />

– la présence d’une membrane kystique,<br />

– la mesure précise de l’extension du kyste.<br />

L’IRM ou le CT-scan servent à confirmer le diagnostic<br />

dans les cas où il persiste un doute sur les<br />

clichés de radiographie conventionnelle.<br />

L’examen du contenu du kyste par électrophorèse<br />

de type 2D-Page permet la recherche de microfragments<br />

réagissant spécifiquement à l’alpha-1-antitrypsine.<br />

Ces fragments signalent la présence primaire<br />

(et non réactionnelle) d’une protéase dans<br />

le liquide du kyste. La composition du liquide<br />

contenu dans le KOS est spécifique pour cette lésion.<br />

Il s’agit du résultat d’une activité ostéolytique<br />

locale.<br />

Diagnostic différentiel<br />

Le diagnostic différentiel est celui des lésions ostéolytiques<br />

métaphysaires. La plus grande ressemblance<br />

est celle avec le kyste osseux anévrismal,<br />

souvent excentré, bombé et tendant à envahir les<br />

parties molles avoisinantes, ce qui n’est jamais le<br />

cas spontanément pour le KOS. Ce qui est typique<br />

du liquide contenu dans le kyste osseux anévris-<br />

CABINET Forum Med Suisse 2007;7:<strong>345</strong>–<strong>350</strong> 347<br />

mal, c’est la présence d’un niveau de sédimentation<br />

à l’IRM et au CT-scan.<br />

Les autres lésions lytiques ont un contenu solide<br />

(comme la dysplasie fibreuse, le fibrome osseux<br />

non ossifiant, le défaut cortical bénin ou le fibrome<br />

chondromyxoïde) ou sont de localisation épiphysaire,<br />

voire ont tendance à l’expansion (comme le<br />

chondroblastome ou la tumeur à cellules géantes).<br />

Une localisation intraosseuse asymétrique est<br />

caractéristique du fibrome osseux non ossifiant et<br />

du défaut cortical bénin; on trouve une bordure<br />

scléreuse dans l’abcès de Brodie, dans l’ostéome<br />

ostéoïde et dans l’ostéomyélite chronique.<br />

L’image du KOS est typique et facile à identifier. Les<br />

difficultés surviennent lors d’une découverte fortuite<br />

au stade initial ou devant des kystes multifracturés<br />

avec pseudo-bombements et signes de<br />

dystrophie.<br />

On trouve dans la littérature un seul cas de tumeur<br />

maligne spontanément associée à un KOS. L’extension<br />

épiphysaire spontanée (sans fracture, ni intervention<br />

chirurgicale) est une rareté absolue.<br />

Si les images radiographiques ne sont pas typiques,<br />

on demandera pour commencer un CT-scan<br />

et/ou une IRM. En cas de doute persistant, la biopsie<br />

est indiquée.<br />

Evolution et traitement<br />

Les fractures se produisent lorsque la paroi du<br />

kyste ne présente plus la résistance mécanique nécessaire.<br />

Suivant l’âge du patient et le stade de développement<br />

du KOS, on observe la poursuite de<br />

la fabrication de tissu osseux supplémentaire avec<br />

épaississement de la paroi (soit spontanément, soit<br />

à la suite d’une fracture). A la fin de la croissance,<br />

la plupart des kystes sont ossifiés.<br />

Opération ouverte classique<br />

Jusque vers 1980, le traitement consistait en un<br />

curetage chirurgical avec remplissage par une<br />

greffe spongieuse. Pour la majorité des auteurs<br />

[1, 2, 4], la découverte d’un kyste à la suite d’une<br />

fracture occasionnant des douleurs ou la découverte<br />

fortuite suffisait à poser l’indication à un traitement<br />

opératoire. Morton [8] a cependant proposé<br />

de laisser sa chance à la guérison spontanée<br />

en cas de découverte d’un KOS, surtout après un<br />

traumatisme. Le risque de récidive après ce type<br />

d’intervention chirurgicale est de 30% à 80%.<br />

Traitement des fractures<br />

Dans la région de l’humérus, le traitement d’une<br />

fracture n’est jamais chirurgical d’emblée. Les ostéosynthèses<br />

peuvent être indiquées dans les très<br />

grands kystes, occasionnant déjà une lésion du<br />

nerf radial dès la première fracture. La stabilisa-


tion par clou élastique centromédullaire («clous de<br />

Prévot») est la technique la plus simple pour prévenir<br />

une lésion du nerf en cas de fractures récurrentes.<br />

Dans les fractures de KOS au niveau du fémur<br />

proximal, les mêmes règles sont à observer dans<br />

le traitement que dans les fractures non pathologiques.<br />

Le processus de guérison suit un mode parfaitement<br />

identique. Pour les jeunes patients de<br />

5 à 15 ans le recours aux clous centromédullaires<br />

constitue une technique simple, permettant à la<br />

fois de stabiliser le foyer de fracture, de reprendre<br />

la charge plus tôt et de protéger la zone contre les<br />

nouvelles fractures, même si le kyste ne se comble<br />

pas rapidement (fig. 1 x). Dans les kystes du<br />

fémur proximal dont la taille et l’index laissent augurer<br />

une évolution de longue durée, la mise en<br />

place d’un clou de Prévot est indiquée à titre préventif.<br />

Injections de corticostéroïdes<br />

En 1974, Scaglietti a commencé à traiter les KOS<br />

par des injections d’acétate de méthylprednisolone.<br />

Cet auteur a été frappé par la similitude exis-<br />

Figure 1<br />

Image typique d’un kyste osseux solitaire au niveau<br />

de l’humérus proximal avec fracture et fragment<br />

osseux dans la caverne kystique.<br />

CABINET Forum Med Suisse 2007;7:<strong>345</strong>–<strong>350</strong> 348<br />

tant entre le liquide contenu dans les kystes et celui<br />

des épanchements articulaires associés à certaines<br />

maladies inflammatoires habituellement traitées<br />

par corticostéroïdes. Scaglietti [5] a choisi Depomedrol<br />

® (acétate de méthylprednisolone [AMP]) en<br />

raison de sa composition microcristalline, garante<br />

d’une action pharmacologique locale de longue<br />

durée.<br />

Oppenheim [9] a comparé deux collectifs de patients.<br />

53 sujets ont été traités chirurgicalement et<br />

14 par injections de corticostéroïdes. Chez les<br />

patients opérés, le résultat a été jugé bon dans<br />

54% des cas et 38% ont présenté une récidive. Les<br />

récidives étaient plus fréquentes chez les patients<br />

jeunes porteurs de kystes actifs. Selon les données<br />

de Jaffe et Lichtenstein, le risque de récidive est<br />

de 88% chez les patients de moins de 10 ans. Le<br />

taux de récidives après traitements répétés reste<br />

conservé. Les kystes injectés ont eu une réaction<br />

favorable dès la première injection dans 40% des<br />

cas, sans que l’on ait pu identifier de facteurs pronostiques.<br />

Six patients ont eu besoin d’une seconde<br />

et un patient d’une troisième injection. Cet article<br />

ne fournit aucune indication concernant la survenue<br />

des fractures pathologiques, ni le niveau d’activité<br />

des patients. Oppenheim [9] en a conclu que<br />

même si l’on ne connaît pas le mode d’action de<br />

l’acétate de méhylprednisolone, les résultats faisant<br />

état d’une faible morbidité et d’une diminution<br />

des taux de récidives à des coûts moindres justifient<br />

le recours à cette méthode de traitement.<br />

Plusieurs groupes de Belgique, de France, d’Israël,<br />

de Suisse et des Etats-Unis traitent les KOS par<br />

des injections de moelle osseuse prélevée au<br />

niveau du bassin [10]. Les rapports préliminaires<br />

attribuent à cette technique des taux de succès<br />

comparables à ceux des injections de stéroïdes.<br />

Certains travaux suggèrent que des cellules souches<br />

de la moelle osseuse seraient impliquées dans<br />

le mécanisme d’action.<br />

Index kystique (IK): risque fracturaire<br />

et évolution spontanée<br />

Depuis 1983, nous avons testé plusieurs méthodes<br />

pour évaluer le risque de fracture pathologique et<br />

l’évolution spontanée [6].<br />

L’index kystique (IK) permet cette évaluation. Il ne<br />

dépend pas de la technique radiologique, ni du<br />

facteur de grossissement, et intègre la croissance<br />

osseuse. L’index kystique (IK) est un nombre représentant<br />

le rapport entre la surface projetée et<br />

le carré du diamètre diaphysaire de l’os concerné.<br />

surface projetée<br />

Index kystique (IK) =<br />

(diamètre de la diaphyse) 2<br />

L’index kystique tient compte de l’extension du<br />

kyste par rapport à la taille de l’os où il se situe<br />

(fig. 2 x). L’épaisseur et la résistance de la corticale<br />

sont en relation avec l’extension du KOS et<br />

reflètent donc la résistance mécanique aux trau-


Tableau 1. Notre schéma de traitement actuel<br />

matismes. Le fait que les KOS se situent en position<br />

centrale signifie que les mesures effectuées sur<br />

des clichés en a-p et en profil sont très proches.<br />

L’index le plus faible mesuré lors de fractures pathologiques<br />

était de 3,9 au niveau de l’humérus et<br />

de 3,6 au niveau du fémur. La mesure de l’index<br />

kystique nous permet donc d’apprécier le risque<br />

fracturaire. On peut partir de l’idée qu’un kyste est<br />

guéri mécaniquement lorsque son IK est inférieur<br />

à 3 pour une épaisseur de corticale de 2 mm. Dans<br />

ces conditions, nous n’avons pas rencontré la<br />

moindre fracture pathologique.<br />

L’évolution spontanée d’un KOS se présente<br />

comme suit: la période d’expansion dure en<br />

moyenne 42 mois, puis suit un plateau stable d’un<br />

an et enfin une phase de guérison de 8 mois. L’intervalle<br />

de temps durant lequel l’index kystique<br />

est supérieur à 4, donc durant lequel il existe un<br />

risque fracturaire augmenté, est de l’ordre de<br />

26 mois. Comme les fractures constituent les seules<br />

complications du KOS, les traitements ne devraient<br />

être appliqués que durant cette période<br />

à risque. Le calcul de l’index kystique représente<br />

donc une aide fiable pour juger du risque de fractures,<br />

du stade d’évolution et du succès du traitement.<br />

Evaluation et schéma de traitement<br />

actuel du kyste osseux solitaire (KOS)<br />

Le KOS est une lésion bénigne dont le pronostic est<br />

bon, si l’on excepte le risque de fractures spontanées.<br />

La vitesse et la qualité du processus de<br />

guérison de ces fractures sont identiques à celles<br />

des fractures non pathologiques. Le traitement<br />

consiste à la mise au repos du membre touché, de<br />

manière à permettre la consolidation en bonne position<br />

sur le plan axial et en termes de longueur.<br />

Les fractures de l’humérus sont traitées à l’aide<br />

d’un bandage de type Gilchrist. La consolidation<br />

devrait être obtenue en 4 à 6 semaines.<br />

Au niveau du col fémoral, l’ostéosynthèse par clou<br />

centromédullaire («clous de Prévot») est en règle<br />

générale indiquée [7]. Ces implants ont pour but de<br />

stabiliser le KOS en maintenant l’axe anatomique<br />

du col du fémur, afin de permettre la reprise de l’activité<br />

physique aussi rapidement que possible.<br />

Humérus proximal Kyste en progression Kyste en régression<br />

IK >4 Réduction de l’activité Réduction de l’activité<br />

Injection du kyste évt injection du kyste<br />

IK 3,5 Stabilis. par clou de Prévot Réduction de l’activité<br />

Injection du kyste Injection du kyste<br />

IK 4 au niveau de l’humérus et >3,5 au<br />

niveau du fémur. Si l’on dispose d’une évolution<br />

radiologique, on peut déterminer le stade d’évolution.<br />

Si ce n’est pas le cas, il est en général plus<br />

judicieux d’attendre quelque temps pour prendre<br />

la décision.<br />

Le traitement vise deux objectifs:<br />

– prévenir les fractures pathologiques,<br />

– guérir le KOS.<br />

Le schéma de traitement auquel nous nous référons<br />

actuellement est résumé dans le tableau 1 p.<br />

Le terme d’«injection» désigne chez nous l’injection<br />

de moelle osseuse autologue. Nous appliquons<br />

cette technique depuis 5 ans (fig. 3 et 4 x). L’efficacité<br />

de cette méthode est comparable, si ce n’est<br />

supérieure, à l’acétate de méthylprednisolone. Le<br />

traitement chirurgical par curetage et greffe spongieuse<br />

n’a plus sa place dans l’arsenal thérapeutique,<br />

car les résultats de cette technique invasive<br />

manquent par trop de consistance.<br />

Conclusions<br />

Le kyste osseux solitaire (KOS) est une lésion bénigne,<br />

localisée principalement dans les métaphyses<br />

proximales de l’humérus et du fémur. L’évolution


Correspondance:<br />

Prof. Dr André <strong>Kaelin</strong>,<br />

médecin-chef<br />

Service d’orthopédie pédiatrique<br />

Hôpital des enfants<br />

Rue Willy Donzé 6<br />

CH-1205 Genève<br />

andre.kaelin@hcuge.ch<br />

Figure 3<br />

Image renforcée obtenue par cystographie avant<br />

l’injection de cellules de moelle osseuse.<br />

spontanée passe par une phase d’expansion et une<br />

phase de régression. Les fractures pathologiques<br />

surviennent surtout quand la corticale est amincie<br />

en raison de la taille du KOS. Le stade de développement<br />

et le risque fracturaire qui l’accompagne<br />

peuvent être évalués à l’aide de l’index kystique [7].<br />

Ni le traitement chirurgical par curetage et greffe<br />

spongieuse, ni l’injection de corticostéroïdes ne garantissent<br />

la guérison des KOS. Le taux de guérison<br />

dépend du stade auquel se trouve le kyste. Un<br />

kyste en phase active a de moins bonnes chances<br />

de guérison qu’un kyste en phase de régression.<br />

La durée des différentes phases est donc un facteur<br />

déterminant dans l’optique des perspectives<br />

de guérison.<br />

Des rapports préliminaires démontrent l’efficacité<br />

de l’injection de moelle osseuse autologue, induisant<br />

une ossification quel que soit le stade de développement<br />

du kyste. L’injection de moelle osseuse<br />

déminéralisée allogène permet d’obtenir des<br />

résultats comparables (Grafton ® ).<br />

Le traitement des KOS consistera en une fixation<br />

interne ou externe des fractures et une injection efficace<br />

dans les kystes exposés à un risque de frac-<br />

Références<br />

1 Baker DM. Benign unilateral bone cyst: a study of fortyfive<br />

cases with long-term follow up. Clin Orthop. 1970;71:<br />

140–51.<br />

2 Campanacci M, Capanna R, Picci P. Unicameral and<br />

aneurysmal bone cysts. Clin Orthop 1986;204:25–36.<br />

3 Garceau GJ, Gregory CF. Solitary unicameral bone cyst. J<br />

Bone Joint Surg. 1954;36–A:267–80.<br />

4 Jaffé HL, Lichtenstein L. Solitary unicameral bone cyst: with<br />

emphasis on the roentgen picture, the pathologic appearance<br />

and the pathogenesis. Arch Surg. 1942;44:1004–25.<br />

5 Scaglietti 0, Marchetti PG., Bartolozzi P. Final results obtained<br />

in the treatment of bone cysts with methylprednisolone acetate<br />

(Depo-Medrol) and a discussion of results achieved in<br />

other bone lesions. Clin Orthop. 1982;165:33–42.<br />

CABINET Forum Med Suisse 2007;7:<strong>345</strong>–<strong>350</strong> <strong>350</strong><br />

Figure 4<br />

Image radiologique d’un kyste guéri après injection<br />

de cellules de moelle osseuse.<br />

ture accru. Il reste à espérer que nous disposerons<br />

à l’avenir d’un pronostic de guérison encore meilleur<br />

et de données plus claires sur la durée pendant<br />

laquelle il convient de limiter les activités physiques.<br />

6 <strong>Kaelin</strong> AJ, MacEwen GD. Unicameral bone cysts: natural<br />

history and the risk of fracture. Int Orthop. (SICOT) 1989;3:<br />

275–82.<br />

7 <strong>Kaelin</strong> A. Kyste essentiel des Os. Cahiers d’Enseignement<br />

de la SOFCOT, Conférences d’enseignement 1995 Paris Expansion<br />

Scientifique, 167–79.<br />

8 Morton KS. Unicameral bone cyst. Canadian J Surg. 1982;<br />

25:330–3.<br />

9 Oppenheim WL, Galleno H. Operative treatment versus<br />

steroid injection in the management of unicameral bone<br />

cysts. J Ped Orthop. 1984;4:1–7.<br />

10 Lokiec F, Ezra E, Khermosh 0, Wientroub S. Simple bone cysts<br />

treated by percutaneous autologous marrow grafting. A preliminary<br />

report. J Bone Joint Surg Br. 1996;78-B:934–7.

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