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les droits de la défense à l'épreuve des alternatives aux poursuites ...

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LES DROITS DE LA DÉFENSE À L’ÉPREUVE DES ALTERNATIVES<br />

AUX POURSUITES PÉNALES ∗<br />

Manuel TIRARD<br />

Maître <strong>de</strong> conférences <strong>à</strong> l’Université Paris Ouest Nanterre, membre du CRDP<br />

Co-directeur <strong>de</strong> l’Université d’été <strong>de</strong> Minsk<br />

I) Champ d’étu<strong>de</strong> : 2 difficultés / précisions sur <strong>les</strong> termes du sujet<br />

(1) La première concerne <strong>la</strong> notion d’<strong>alternatives</strong> <strong>aux</strong> <strong>poursuites</strong> péna<strong>les</strong> 1<br />

On adoptera une approche <strong>la</strong>rge, i.e. que l’on considèrera <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois :<br />

- d’une part, au sens strict, <strong>les</strong> mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> règlement alternatifs permettant d’éviter <strong>les</strong> <strong>poursuites</strong><br />

péna<strong>les</strong> [i.e. que l’action publique n’est pas (encore) exercée]. Sans exclure <strong>les</strong> autres mo<strong>de</strong>s, on<br />

s’attar<strong>de</strong>ra ici sur <strong>la</strong> composition pénale qui est, <strong>à</strong> côté d’<strong>alternatives</strong> réparatrices comme le<br />

rappel <strong>à</strong> <strong>la</strong> loi ou <strong>la</strong> médiation pénale, une véritable alternative punitive.<br />

- mais également, d’autre part et plus <strong>la</strong>rgement, <strong>les</strong> <strong>alternatives</strong> impliquant un exercice <strong>de</strong>s<br />

<strong>poursuites</strong> péna<strong>les</strong> selon <strong>de</strong>s modalités nouvel<strong>les</strong> (l’action publique est ici mise en œuvre), avec<br />

pour exemple caractéristique <strong>la</strong> comparution sur reconnaissance préa<strong>la</strong>ble <strong>de</strong> culpabilité<br />

(CRPC), sorte <strong>de</strong> « p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r coupable » <strong>à</strong> <strong>la</strong> française 2 .<br />

* La forme orale <strong>de</strong> l’exposé a été en partie conservée. La présentation est <strong>à</strong> jour au 1 er juillet 2011.<br />

1 V. l’article 40-1 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procédure pénale (ci-après CPP) : « Lorsqu’il estime que <strong>les</strong> faits qui ont été portés <strong>à</strong> sa<br />

connaissance en application <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> l’article 40 constituent une infraction commise par une personne dont<br />

l’i<strong>de</strong>ntité et le domicile sont connus et pour <strong>la</strong>quelle aucune disposition légale ne fait obstacle <strong>à</strong> <strong>la</strong> mise en mouvement<br />

<strong>de</strong> l’action publique, le procureur <strong>de</strong> <strong>la</strong> République territorialement compétent déci<strong>de</strong> s’il est opportun :<br />

1° Soit d’engager <strong>de</strong>s <strong>poursuites</strong> ;<br />

2° Soit <strong>de</strong> mettre en œuvre une procédure alternative <strong>aux</strong> <strong>poursuites</strong> en application <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong>s artic<strong>les</strong> 41-1 ou<br />

41-2 ;<br />

3° Soit <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sser sans suite <strong>la</strong> procédure dès lors que <strong>les</strong> circonstances particulières liées <strong>à</strong> <strong>la</strong> commission <strong>de</strong>s faits le<br />

justifient ».<br />

Sur <strong>la</strong> présentation <strong>de</strong> ces différents mo<strong>de</strong>s, v. <strong>les</strong> ouvrages <strong>de</strong> droit pénal général.<br />

2 Il faut noter que le champ d’application <strong>de</strong> ce « p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r coupable » (expression utilisée par commodité) a encore<br />

augmenté avec <strong>la</strong> loi n° 2011-1862 du 13/12/2011 re<strong>la</strong>tive <strong>à</strong> <strong>la</strong> répartition (…), validée par le Conseil constitutionnel<br />

dans sa décision n° 2011-641 DC du 08 déc. 2011, consi. 11 et s.


Ce choix s’explique pour 3 raisons :<br />

- d’abord une raison pratique eu égard au temps imparti qui nécessité <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s choix ;<br />

- ensuite car ces <strong>de</strong>ux <strong>alternatives</strong> (composition pénale et CRPC) sont représentatives <strong>de</strong>s<br />

mutations qui nous intéressent en France, faisant une p<strong>la</strong>ce centrale au consentement <strong>de</strong>s<br />

prévenus (logique <strong>de</strong> contractualisation) et générant <strong>de</strong>s « procédures péna<strong>les</strong> accélérées » 3 ;<br />

- enfin car el<strong>les</strong> ont connu une utilisation grandissante <strong>de</strong>puis leur instauration 4 .<br />

(2) La secon<strong>de</strong> difficulté porte sur l’appréhension <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong><br />

Si l’existence <strong>de</strong> ces <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> est, <strong>à</strong> première vue, admise partout et par tous, ce<br />

vocable n’en reste pas moins souvent difficile <strong>à</strong> définir exactement 5 :<br />

- que ce soit par <strong>la</strong> loi ou par <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce ;<br />

- reste <strong>la</strong> doctrine où <strong>les</strong> définitions varient quelque peu 6 .<br />

Quoi qu’il en soit et partant <strong>de</strong> l<strong>à</strong> :<br />

- dans une première approche stricto sensu, <strong>les</strong> auteurs renvoient le plus souvent lorsqu’ils<br />

abor<strong>de</strong>nt <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> <strong>à</strong> l’énoncé <strong>de</strong> <strong>droits</strong> subjectifs processuels / garanties<br />

procédura<strong>les</strong> dont <strong>les</strong> plus souvent cités sont, parmi d’autres 7 :<br />

. le droit <strong>de</strong> se défendre soi-même ou d’être assisté par un avocat,<br />

3<br />

V. not. C. VIENNOT, La procédure pénale accélérée. Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s transformations du jugement pénal, Thèse Paris 10,<br />

2010.<br />

4<br />

V. <strong>les</strong> statistiques sur le site Internet du Ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Justice.<br />

5<br />

Pour une approche approfondie, v. G. GIUDICELLI-DELAGE in L. CADIET (dir.), Dictionnaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice, PUF, 2004,<br />

pp. 364-368.<br />

6<br />

Le Vocabu<strong>la</strong>ire juridique Capitant <strong>les</strong> définit en matière pénale comme « l’ensemble <strong>de</strong>s prérogatives qui garantissent<br />

<strong>à</strong> <strong>la</strong> personne suspecte (…) <strong>la</strong> possibilité d’assurer effectivement sa <strong>défense</strong> dans le procès pénal », PUF, 9 ème éd. 2011,<br />

p. 307.<br />

7<br />

Pour une illustration synthétique, v. T. GARÉ et C. GINESTET, Les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> en procédure pénale, in R.<br />

CABRILLAC, M-A. FRISON-ROCHE et T. REVET (dir.), Libertés et <strong>droits</strong> fondament<strong>aux</strong>, Dalloz, 15 ème éd. 2009, pp. 523-<br />

543 . V. également, S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Litec, 5 ème éd. 2009, pp. 406-426 ; ou encore B.<br />

BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 22 ème éd. 2010, p. 35.<br />

2


. le droit d’être informé <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature et <strong>de</strong> <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> l’accusation,<br />

. et, plus généralement, le respect du principe du contradictoire, qui consiste « pour <strong>les</strong><br />

parties <strong>à</strong> un procès (…) <strong>à</strong> prendre connaissance <strong>de</strong> toute pièce ou observation présentée au<br />

juge (…) en vue d’influencer sa décision et <strong>de</strong> <strong>la</strong> discuter » 8 ,<br />

. (…)<br />

Ces <strong>droits</strong> sont protégés tant <strong>aux</strong> nive<strong>aux</strong> interne (Constitution) qu’international (mondial et<br />

régional ; avec en particulier <strong>la</strong> CEDH 9 dans ce <strong>de</strong>rnier cadre ; applicable en Allemagne, mais<br />

pas en Biélorussie).<br />

- mais il faut aller plus loin. En effet, dans une secon<strong>de</strong> approche cette fois <strong>la</strong>to sensu, ces <strong>droits</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> « expriment l’essence même du procès » 10 . Ainsi, autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion générique <strong>de</strong><br />

procès équitable et, « dans une conception é<strong>la</strong>rgie, (ils) complètent le droit au juge dans<br />

l’architecture du droit au procès (par définition équitable) » 11 .<br />

Ce<strong>la</strong> démontre que <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> sont proches bien que distincts, en particulier, du<br />

droit d’accès <strong>à</strong> un juge impartial et, encore plus généralement, <strong>de</strong>s autres principes <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

procédure pénale. Ce<strong>la</strong> introduit <strong>à</strong> <strong>la</strong> difficulté <strong>de</strong> définir exactement <strong>les</strong> frontières <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> <strong>défense</strong>, et donc <strong>les</strong> frontières <strong>de</strong> cet article ; ce qui mène, nous allons le voir, <strong>à</strong> articuler le<br />

p<strong>la</strong>n et <strong>la</strong> démonstration sur cet axe.<br />

II) Problématique<br />

Les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> se sont développés au fur et <strong>à</strong> mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratisation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

société et <strong>de</strong> l’affermissement <strong>de</strong> l’État <strong>de</strong> droit, en concernant <strong>de</strong> plus en plus <strong>les</strong> 3 phases <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

procédure pénale :<br />

- avant le jugement,<br />

- pendant le jugement,<br />

- et après le jugement.<br />

8 Par exemple CEDH, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos.<br />

9 Sans oublier <strong>les</strong> sources du droit <strong>de</strong> l’Union européenne, en particulier <strong>la</strong> Charte <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> fondament<strong>aux</strong>.<br />

10 L. CADIET, S. AMRANI-MEKKI et J. NORMAND, Théorie générale du procès, PUF, 2010, p. 627.<br />

11 Id., p. 549.<br />

3


Or, le développement <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s alternatifs <strong>aux</strong> <strong>poursuites</strong> péna<strong>les</strong> modifie cette donne<br />

puisqu’il s’agit <strong>de</strong> faire prévaloir d’autres considérations ; en premier lieu <strong>la</strong> célérité et le<br />

désengorgement <strong>de</strong>s tribun<strong>aux</strong>, ou <strong>à</strong> tout le moins <strong>de</strong> concilier <strong>la</strong> tradition pénale avec ces nouvel<strong>les</strong><br />

considérations.<br />

La problématique qui se pose est donc celle <strong>de</strong> l’adéquation (<strong>de</strong> <strong>la</strong> « conciliabilité ») entre<br />

<strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong>, inscrits dans <strong>la</strong> tradition <strong>de</strong> l’État <strong>de</strong> droit, et <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>alternatives</strong> <strong>aux</strong><br />

<strong>poursuites</strong> péna<strong>les</strong> qui obéissent <strong>à</strong> une autre logique.<br />

III) P<strong>la</strong>n<br />

Voi<strong>la</strong> pourquoi cette étu<strong>de</strong>, même si elle est axée sur le cas français, intéresse tous <strong>les</strong> pays.<br />

À l’étu<strong>de</strong>, il semble que certains <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong>, pris stricto sensu comme <strong>de</strong>s<br />

garanties procédura<strong>les</strong>, soient remis en cause (I).<br />

Mais le danger est plus important lorsqu’il est constaté que cette remise en cause est d’autant<br />

plus dangereuse qu’elle affecte le contexte dans lequel s’insère ces <strong>droits</strong> et dont ils sont<br />

indissociab<strong>les</strong>, <strong>à</strong> savoir globalement <strong>les</strong> principes directeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure pénale (II).<br />

I) UNE CERTAINE REMISE EN CAUSE DES DROITS DE LA DÉFENSE<br />

À première vue, <strong>les</strong> nouve<strong>aux</strong> mo<strong>de</strong>s alternatifs (rappelons qu’il s’agit, dans notre étu<strong>de</strong>, <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> composition pénale et <strong>de</strong> <strong>la</strong> CRPC) sont compatib<strong>les</strong> avec <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> (A), si tant est<br />

que l’on en considère le principe général et non pas toutes <strong>les</strong> modalités pratiques. En effet, en y<br />

regardant <strong>de</strong> plus près, i.e. en adoptant une approche non pas théorique mais concrète et précise, <strong>les</strong><br />

dangers sont réels bien que sous-jacents (B).<br />

A) Une compatibilité théorique apparente<br />

On l’a dit, <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> sont protégées dans <strong>de</strong>s termes proches par le droit<br />

français et européen / international (jurispru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDH particulièrement).<br />

Si l’on tente <strong>de</strong> faire une liste <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> pour essayer <strong>de</strong> voir quel est leur sort<br />

4


dans <strong>les</strong> <strong>alternatives</strong> qui nous intéressent, il apparait que :<br />

- (a) le principe du contradictoire ne trouve pas véritablement <strong>à</strong> jouer en tant que tel car, par<br />

définition, ces procédures reposent sur le consentement du prévenu.<br />

Toutefois, certains <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> liés au principe du contradictoire existent tout en étant<br />

adaptés :<br />

- (b) ainsi en va-il du droit d’être informé <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature et <strong>de</strong> <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> l’accusation portée.<br />

Même particulières (el<strong>les</strong> constituent <strong>de</strong>s propositions et non <strong>de</strong>s « accusations » au sens<br />

c<strong>la</strong>ssique du terme), <strong>les</strong> procédures <strong>alternatives</strong> <strong>la</strong>issent une p<strong>la</strong>ce <strong>à</strong> l’information <strong>de</strong>s prévenus.<br />

En effet, tant dans <strong>la</strong> composition pénale que dans <strong>la</strong> CRPC, <strong>la</strong> proposition est formulée par écrit<br />

par le Parquet et détaillée dans un procès verbal (PV). La notification <strong>de</strong>s charges est donc<br />

essentielle, ainsi que l’accès au dossier <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure … ce qui serait sans effet si le prévenu<br />

ne disposait pas <strong>de</strong> temps pour organiser sa <strong>défense</strong>.<br />

- (c) dans le cadre c<strong>la</strong>ssique, le droit d’avoir du temps pour préparer sa <strong>défense</strong> est un <strong>de</strong>s <strong>droits</strong><br />

qui nous intéresse.<br />

En matière <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s alternatifs le prévenu peut disposer d’un certain temps. Ce n’est pas<br />

tellement un temps pour préparer sa « <strong>défense</strong> » (car on est dans un cadre consensuel), mais<br />

c’est un temps <strong>de</strong> réflexion (composition : pas <strong>de</strong> dé<strong>la</strong>i obligatoire minimum a priori ; 10 jours<br />

<strong>de</strong> réflexion peuvent être <strong>de</strong>mandés dans <strong>la</strong> CRPC).<br />

- (d) concernant encore le droit d’être entendu : c’est facultatif pour <strong>la</strong> composition, mais le juge<br />

du siège qui va homologuer <strong>la</strong> CRPC a l’obligation d’entendre le prévenu avec son avocat ;<br />

- (e) justement, le droit <strong>de</strong> se défendre soi-même ou d’être assisté par un avocat est respecté.<br />

L’avocat est en principe présent dans <strong>la</strong> composition pénale, sauf renonciation ; et obligatoire<br />

dans <strong>la</strong> CRPC, et ce tout au long <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure (on ne peut y renoncer, art. 495-8, al. 4 CPP).<br />

Ce<strong>la</strong> est conçu comme une expression centrale du respect <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong>. C’est ainsi<br />

qu’un auteur a pu écrire que « cette procédure (le p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r coupable) respecte pleinement <strong>les</strong><br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> puisque <strong>la</strong> prévenu ne peut pas renoncer <strong>à</strong> l’assistance d’un avocat » 12 .<br />

12 F. MOLINS, Le Procureur, nouveau pivot <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice pénale ?, in Le nouveau procès pénal après <strong>la</strong> loi Perben II,<br />

Dalloz, 2004, p. 381.<br />

5


- (f) <strong>de</strong> même, le droit <strong>de</strong> se taire & <strong>de</strong> ne pas s’auto-incriminer est protégé 13 : pour respecter ce<br />

droit il semble que le recours au juge soit primordial, et ce dans <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux procédures (<strong>les</strong> textes<br />

parlent <strong>de</strong> « validation » pour <strong>la</strong> composition, art. 41-2 CPP ; et « d’homologation » pour <strong>la</strong><br />

CRPC, art. 495-9 CPP).<br />

Ainsi, dans sa décision <strong>de</strong> 2004 concernant <strong>la</strong> CRCP, le Conseil constitutionnel a déc<strong>la</strong>ré que<br />

l’intervention du juge du siège n’était pas liée par <strong>la</strong> proposition faite par le Procureur, qu’il<br />

gardait tout son libre arbitre d’homologuer ou non (en présence <strong>de</strong> l’avocat du prévenu) et,<br />

enfin, que le fait que, même en cas d’échec, le PV ne pourrait servir dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

procédure « normale » (art. 495-14 CPP), garantissait au prévenu le respect du droit <strong>de</strong> ne pas<br />

s’auto-incriminer inhérent <strong>à</strong> <strong>la</strong> présomption d’innocence. 14<br />

- (g) enfin, même s’ils ne sont pas tout le temps cités par <strong>la</strong> doctrine comme <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong><br />

stricto sensu :<br />

. droit <strong>de</strong> faire appel pour le prévenu : il existe pour <strong>la</strong> CRPC (pas pour <strong>la</strong> composition<br />

pénale … mais ce peut-être considéré comme « moins grave » car <strong>la</strong> sanction est peu<br />

élevée).<br />

. en ce qui concerne ensuite <strong>la</strong> motivation <strong>de</strong>s décisions, le juge du siège qui intervient dans<br />

<strong>la</strong> CRPC a cette obligation dans son ordonnance d’homologation (495-11 CPP).<br />

Ce n’est pas explicite dans <strong>les</strong> textes pour <strong>la</strong> composition, mais on peut penser que le juge,<br />

dans le cadre <strong>de</strong> sa validation <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure, agit <strong>de</strong> manière proche.<br />

. en ce qui concerne enfin <strong>la</strong> publicité <strong>de</strong>s décisions, il faut surtout remarquer que <strong>la</strong> censure<br />

du Conseil en 2004 a porté sur ce point : <strong>les</strong> audiences d’homologation <strong>de</strong> CRCP n’étaient<br />

initialement pas publiques ; ce que le Conseil a censuré 15 .<br />

En définitive, 2 constants paraissent pouvoir être effectués <strong>à</strong> ce sta<strong>de</strong> : d’abord et d’une<br />

manière générale, malgré <strong>de</strong>s adaptations réel<strong>les</strong> inhérentes <strong>à</strong> <strong>la</strong> rationalité consensuelle <strong>de</strong> ces<br />

procédures <strong>alternatives</strong>, le principe <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> reste tout <strong>de</strong> même présent ; ensuite et<br />

<strong>de</strong> façon spécifique, ces <strong>droits</strong> paraissent plus présents dans <strong>la</strong> CRPC que dans <strong>la</strong> composition<br />

pénale, ce qui n’est pas illogique car <strong>la</strong> première peut déboucher sur <strong>de</strong>s sanctions plus lour<strong>de</strong>s que<br />

13<br />

Mais faut-il c<strong>la</strong>sser ce droit comme un droit <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> ? Il n’est pas explicitement prévu dans l’art. 6 §3 <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

CEDH. Pour une réponse positive, v. J-P. COSTA, Les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> selon <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDH, Gaz. Pal.,<br />

5 oct. 2002, p. 4.<br />

14<br />

Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, consi. 109 <strong>à</strong> 111.<br />

15<br />

Ibid., consi. 118 (pas a priori pour composition pénale, surtout que le prévenu n’est pas forcément entendu par le<br />

juge ; art. 41-2 CPP « peut procé<strong>de</strong>r <strong>à</strong> l’audition <strong>de</strong> l’auteur <strong>de</strong>s faits … »).<br />

6


<strong>la</strong> secon<strong>de</strong>.<br />

Toutefois, il faut dépasser ces constats « théoriques » …<br />

B) Une incompatibilité pratique sous-jacente<br />

Une fois dépassées <strong>les</strong> constatations généra<strong>les</strong> et théoriques, il n’en reste pas moins que <strong>la</strong><br />

remise en cause <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> se matérialise <strong>à</strong> plusieurs points <strong>de</strong> vue. Outre <strong>la</strong> mise entre<br />

parenthèses du principe du contradictoire évoqué précé<strong>de</strong>mment, 2 sujets posent surtout problème :<br />

le droit <strong>à</strong> l’avocat (1), le droit <strong>de</strong> ne pas s’auto-incriminer (2).<br />

(1) concernant le droit <strong>à</strong> l’avocat sa présence est réelle ; mais le problème rési<strong>de</strong> plus dans<br />

son rôle. Ne passe-t-il pas <strong>de</strong> contradicteur <strong>à</strong> « simple » conseiller ?<br />

Ainsi, dans <strong>la</strong> première interprétation donnée par le Ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Justice concernant le rôle<br />

<strong>de</strong> l’avocat dans <strong>la</strong> CRPC, <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire était explicite puisqu’il était indiqué que « <strong>la</strong> loi (…) ne<br />

prévoie pas (en revanche) <strong>de</strong> ‘négociation’ sur <strong>la</strong> peine entre l’avocat et le procureur <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

République, qui est totalement libre <strong>de</strong> choisir <strong>la</strong> ou <strong>les</strong> peines qu’il entend proposer <strong>à</strong> l’auteur <strong>de</strong>s<br />

faits, sans tenir compte <strong>de</strong>s éventuel<strong>les</strong> observations <strong>de</strong> l’avocat » 16 .<br />

Si cette phrase a été retirée par <strong>la</strong> suite, il y a l<strong>à</strong> une idée qui semble malgré tout marquer le rôle <strong>de</strong><br />

l’avocat et qui a été résumée par Jean-Luc WARSMANN, rapporteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi créant <strong>la</strong> CRCP : « le<br />

texte tel qu’il ressort <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Assemblées ne prévoit aucune négociation, il est simplement<br />

question d’une proposition qui est acceptée ou pas » 17 .<br />

S’il ne s’agit pas <strong>de</strong> résumer <strong>la</strong> situation <strong>à</strong> ces interprétations, force est tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong><br />

constater que l’intervention <strong>de</strong> l’avocat est, dans son principe, plus celle d’une ai<strong>de</strong> que d’un<br />

contradicteur. Si <strong>la</strong> proposition/sanction n’est pas, dans son principe, susceptible d’être discutée, le<br />

rôle <strong>de</strong> l’avocat se trouve directement diminué (c’est une ai<strong>de</strong> formelle et non matérielle) 18 .<br />

(2) pour le droit <strong>de</strong> se taire & <strong>de</strong> ne pas s’auto-incriminer : ce<strong>la</strong> semble remis en cause avec<br />

ces procédures négociées, nonobstant le recours au juge du siège qui reste formel ; ainsi, en matière<br />

<strong>de</strong> composition pénale, le rôle du juge est limité (seule « validation ») ; dans <strong>la</strong> CRPC ce<strong>la</strong> semble<br />

16<br />

Circu<strong>la</strong>ire du 2 septembre 2004 cité par B. NIANG, Le ‘p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r coupable’ en France et <strong>aux</strong> États-Unis au regard <strong>de</strong>s<br />

principes directeurs du procès pénal, thèse Paris 1, 2010, p. 414.<br />

17<br />

Id., p. 415.<br />

18<br />

Ce<strong>la</strong> pourrait d’ailleurs être interrogé eu égard <strong>à</strong> <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDH qui pose le principe que « <strong>la</strong><br />

nomination d’un conseil n’assure pas <strong>à</strong> elle seule l’effectivité <strong>de</strong> l’assistance qu’il peut procurer <strong>à</strong> un accusé », et qu’il<br />

appartient <strong>à</strong> l’État « d’adopter <strong>les</strong> mesures positives permettant <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> d’être effective et concrète » (not. CEDH, 9<br />

avr. 1984, Goddi c. Italie, §27).<br />

7


un peu différent car il va plus loin (« homologation »).<br />

Ceci étant, il existe 2 types <strong>de</strong> problèmes liés :<br />

- d’abord, le juge n’a que le pouvoir <strong>de</strong> « vali<strong>de</strong>r » / « homologuer » ou <strong>de</strong> refuser <strong>la</strong> proposition<br />

du Procureur ; autrement dit il ne peut <strong>la</strong> modifier. N’est-ce pas <strong>la</strong> preuve du risque que le juge<br />

<strong>de</strong>vienne une sorte <strong>de</strong> « chambre d’enregistrement » <strong>de</strong>s nouvel<strong>les</strong> procédures, et qu’il n’évalue<br />

pas véritablement <strong>la</strong> sincérité du consentement ? D’ailleurs, selon <strong>les</strong> statistiques 19 , <strong>les</strong> refus<br />

sont très limités.<br />

- ensuite, plus globalement et presque sociologiquement, il faut réfléchir sur le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> pression<br />

qui va être exercé en amont sur le prévenu (et son avocat), nonobstant <strong>la</strong> présence juridique en<br />

aval du juge du siège (ou même <strong>de</strong> l’avocat).<br />

Ce problème, qui existe <strong>de</strong>puis le début, est accentué par <strong>les</strong> évolutions du droit français. Voici<br />

au moins 3 situations qui peuvent interpeler :<br />

. <strong>de</strong>puis une loi <strong>de</strong> 2002, <strong>la</strong> composition pénale (comme <strong>la</strong> CRPC) peut être proposée même<br />

pendant <strong>la</strong> gar<strong>de</strong> <strong>à</strong> vue. N’est-ce pas exercer une certaine pression, même si <strong>la</strong> présence<br />

obligatoire <strong>de</strong> l’avocat en gar<strong>de</strong> <strong>à</strong> vue atténue (<strong>à</strong> terme ?) ce problème 20 ?<br />

. <strong>de</strong> même, <strong>de</strong>puis une loi <strong>de</strong> 2009 21 , le Parquet peut mettre en p<strong>la</strong>ce en même temps une<br />

procédure <strong>de</strong> CRPC et une procédure <strong>de</strong> poursuite c<strong>la</strong>ssique, <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> étant en attente <strong>de</strong><br />

résolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> première. N’est-ce pas l<strong>à</strong> encore une pression supplémentaire qui s’exerce<br />

sur le prévenu même si, théoriquement, <strong>les</strong> procédures sont indépendantes l’une <strong>de</strong> l’autre<br />

(finalement le prévenu sait bien que l’échec <strong>de</strong> <strong>la</strong> CRPC aura pour conséquence son renvoi<br />

<strong>de</strong>vant le tribunal correctionnel ; dès lors est-il nécessaire <strong>de</strong> le lui formaliser directement) 22 .<br />

19<br />

5% <strong>de</strong>s audiences <strong>de</strong> validations / d’homologations aboutissent <strong>à</strong> un refus. V. V. PERROCHEAU, La composition pénale<br />

et <strong>la</strong> CRPC : quel<strong>les</strong> limites <strong>à</strong> l’omnipotence du parquet ?, Droit & Société, n° 74, 2010, pp. 55-71, p. 67. Soit le<br />

Parquet fait très bien son travail, soit le contrôle n’est que formel et explique ces statistiques.<br />

20<br />

De même, dans <strong>la</strong> CRPC, si le prévenu <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> réflexion (comme c’est son droit, nous l’avons vu supra<br />

note 5), il peut dans l’intervalle être p<strong>la</strong>cé en détention <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du Procureur (art. 495-10 CPP). Cette situation est<br />

certes exceptionnelle, mais ne reflète-t-elle pas encore une fois une forme <strong>de</strong> pression sur le prévenu qui le poussera <strong>à</strong><br />

accepter l’alternative proposée ?<br />

21<br />

Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 <strong>de</strong> simplification et <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rification du droit et d’allègement <strong>de</strong>s procédures,<br />

renversant sur ce point <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> cassation (Cass. Crim., 4 oct. 2006). V. F. Defferrard, La<br />

dénaturation du « p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r coupable », Droit pénal, 07/08 2009, pp. 5-7.<br />

22<br />

Il faut remarquer que le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé <strong>à</strong> redire, notant que <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> étaient<br />

respectés. Décision n° 2010-77 QPC du 10 déc. 2010 (notamment eu égard <strong>à</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’avocat et <strong>à</strong> l’article 495-<br />

14 … pourtant théorique : cf. supra p. 7).<br />

8


. enfin, il faut souligner que <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> cassation est étonnante<br />

sur l’interprétation <strong>de</strong> l’art. 495-14 CPP, censée pourtant favoriser <strong>la</strong> non-incrimination. En<br />

effet, ajoutant <strong>à</strong> <strong>la</strong> loi, <strong>la</strong> Cour a pu reconnaitre que l’utilisation du PV d’échec <strong>de</strong> <strong>la</strong> CRPC<br />

n’entrainait pas automatiquement <strong>la</strong> nullité <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> procédure ultérieure 23 . N’est-ce pas l<strong>à</strong><br />

une vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s garanties <strong>de</strong> <strong>la</strong> présomption d’innocence en tant que droit <strong>de</strong> ne pas s’auto-<br />

incriminer ?<br />

Comme le soulignait Mireille DELMAS-MARTY il y a 15 ans déj<strong>à</strong> : « comment ne pas tenir<br />

compte (aussi) du pourcentage <strong>de</strong> pression qu’afin <strong>de</strong> réaliser une économie pour <strong>la</strong> justice on peut<br />

exercer sur l’accusé par le biais <strong>de</strong> ces <strong>alternatives</strong> ? » 24 . En définitive, <strong>les</strong> prévenus auront sûrement<br />

tendance <strong>à</strong> accepter <strong>les</strong> arrangements proposés, peu important finalement <strong>la</strong> vérité …<br />

TRANSITION<br />

Au terme <strong>de</strong> cette partie, <strong>de</strong>ux positions semblent pouvoir être tenues lorsque l’on interroge<br />

<strong>la</strong> compatibilité entre, d’une part, <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> entendus stricto sensu et, d’autre part, <strong>les</strong><br />

<strong>alternatives</strong> <strong>aux</strong> <strong>poursuites</strong> péna<strong>les</strong> <strong>à</strong> partir <strong>de</strong> <strong>la</strong> composition pénale et, surtout, du p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r<br />

coupable :<br />

- soit une attitu<strong>de</strong> plutôt théorique selon <strong>la</strong>quelle, certes, <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> sont aménagés<br />

mais ils restent présents ; et ces aménagements seraient inévitab<strong>les</strong> compte tenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature<br />

consensuelle <strong>de</strong> ces procédures : le « compromis » trouvé sera <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois inévitable et le meilleur.<br />

- l’autre position, qui est pratique, invite <strong>à</strong> plus <strong>de</strong> circonspection puisque certains <strong>de</strong> ces <strong>droits</strong><br />

paraissent c<strong>la</strong>irement remis en cause dans leur effectivité.<br />

- s’il nous semble que l’étu<strong>de</strong> menée jusque l<strong>à</strong> penche plutôt pour <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> branche <strong>de</strong><br />

l’alternative, ce<strong>la</strong> parait d’autant plus vrai lorsqu’est pris en compte le contexte dont <strong>les</strong> <strong>droits</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> sont indissociab<strong>les</strong>, i.e. <strong>les</strong> principes directeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure pénale.<br />

23 Cass. Crim., 26 oct. 2010 et 30 nov. 2010. Il faut, pour entrainer <strong>la</strong> nullité au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> du simple retrait du PV<br />

correspondant, prouver l’existence d’un grief causé <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong>. De plus, si nullité il y a, celle-ci ne concernera pas<br />

l’intégralité <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure.<br />

24 M. DELMAS-MARTY (dir.), Procédure pénale d’Europe, PUF, 1995, pp. 501-502.<br />

9


II) UNE REMISE EN CAUSE CERTAINE DU CONTEXTE INHÉRENT AUX DROITS DE LA DÉFENSE<br />

Les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong>, qui constituent stricto sensu <strong>de</strong>s garanties procédura<strong>les</strong>, sont<br />

indissociab<strong>les</strong> d’autres garanties. En adoptant une telle vision <strong>la</strong>to sensu, on se rend bien compte<br />

que <strong>les</strong> atteintes portés par <strong>les</strong> nouve<strong>aux</strong> mo<strong>de</strong>s alternatifs sont profon<strong>de</strong>s (A), ce qui nécessite<br />

d’interroger ensuite globalement ces évolutions (B).<br />

A) Les mutations <strong>de</strong>s garanties connexes <strong>aux</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong><br />

Sans pouvoir reprendre toutes <strong>les</strong> garanties <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure pénale, il faut souligner que <strong>les</strong><br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> sont incorporés dans un contexte particulier ; autrement dit ils sont<br />

substantiellement liés <strong>à</strong> d’autres principes <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure pénale comme le droit au juge (1) ou<br />

encore <strong>les</strong> garanties re<strong>la</strong>tives <strong>à</strong> <strong>la</strong> preuve pénale (2). Or :<br />

(1) Sur le premier aspect, si <strong>les</strong> <strong>alternatives</strong> ici étudiées ne portant pas atteinte au droit au<br />

juge (car il y a validation / homologation), il en va différemment du droit <strong>à</strong> un bon juge (i.e.<br />

impartial et indépendant). C’est donc par rapport au principe <strong>de</strong> séparation <strong>de</strong>s autorités chargées <strong>de</strong><br />

l’action publique et <strong>de</strong>s autorités <strong>de</strong> jugement qu’un problème se pose.<br />

Conformément <strong>à</strong> sa jurispru<strong>de</strong>nce précé<strong>de</strong>nte 25 , le Conseil constitutionnel a retenu en 2004<br />

que l’homologation du juge du siège pour <strong>la</strong> CRPC entrainait <strong>la</strong> non vio<strong>la</strong>tion dudit principe 26 ,<br />

raisonnement aussi va<strong>la</strong>ble pour <strong>la</strong> composition.<br />

Pour rester sur <strong>la</strong> CRPC, <strong>les</strong> textes prescrivent seulement <strong>aux</strong> juges <strong>de</strong> vérifier « <strong>la</strong> réalité<br />

<strong>de</strong>s faits et leur qualification juridique » (art. 495-9 CPP), et non <strong>la</strong> culpabilité du prévenu qui est<br />

acquise sans débats. Si le juge peut refuser l’homologation sur ces motifs, le Conseil constitutionnel<br />

en 2004 est allé un peu plus loin en considérant que « le prési<strong>de</strong>nt du Tribunal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> instance<br />

pourra également refuser d’homologuer <strong>la</strong> peine proposée si <strong>les</strong> déc<strong>la</strong>rations <strong>de</strong> <strong>la</strong> victime apportent<br />

un éc<strong>la</strong>irage nouveau sur <strong>les</strong> conditions dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> l’infraction a été commise ou sur <strong>la</strong><br />

25<br />

Le recours au juge a été mis en p<strong>la</strong>ce suite <strong>à</strong> l’annu<strong>la</strong>tion en 1995 par le Conseil constitutionnel (Décision n° 95-360<br />

DC du 2 fév. 1995) <strong>de</strong> <strong>la</strong> précé<strong>de</strong>nte procédure qui excluait justement ce<strong>la</strong>, ce qui pouvait entrainer une confusion entre<br />

autorités <strong>de</strong> poursuite et <strong>de</strong> jugement<br />

26<br />

Supra note 14. Puis <strong>la</strong> décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 marque une inflexion, en mentionnant qu’il était<br />

loisible au légis<strong>la</strong>teur <strong>de</strong> confier le pouvoir d’homologation <strong>de</strong> <strong>la</strong> transaction <strong>à</strong> un magistrat du parquet comme <strong>à</strong> un<br />

magistrat du siège, dès lors qu’aucune mesure pouvant faire l’objet <strong>de</strong> <strong>la</strong> transaction n’était <strong>de</strong> nature <strong>à</strong> porter atteinte <strong>à</strong><br />

<strong>la</strong> liberté individuelle au sens <strong>de</strong> l’article 66 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Constitution (consi. 42).<br />

10


personnalité <strong>de</strong> son auteur » 27 .<br />

Néanmoins, il n’en reste pas moins que <strong>la</strong> culpabilité est acquise sans réels débats <strong>de</strong> fond :<br />

le juge ratifie plus qu’il ne juge. Dès lors, <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon que <strong>les</strong> pouvoirs limités du juge du<br />

siège posent problème par rapport au droit <strong>de</strong> ne pas s’auto-incriminer, l’alternative du « tout ou<br />

rien » qui lui est offerte parait ne respecter le principe <strong>de</strong> séparation ici évoqué que <strong>de</strong> manière<br />

formelle 28 .<br />

(2) Par ailleurs, fondée sur <strong>la</strong> présomption d’innocence, <strong>la</strong> charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> preuve incombe par<br />

principe au Ministère public. Le procès pénal vise <strong>à</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce un débat pour évaluer <strong>la</strong><br />

culpabilité, sachant que c’est toujours au parquet d’apporter <strong>les</strong> preuves <strong>de</strong> cette culpabilité. Or <strong>les</strong><br />

nouve<strong>aux</strong> mo<strong>de</strong>s alternatifs dispensent souvent cette recherche au nom d’un aveu consensuel qui est<br />

dangereux faute <strong>de</strong> corroboration : « l’organe <strong>de</strong> poursuite, <strong>à</strong> qui incombe <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong>s preuves,<br />

en est déchargé par l’exercice <strong>de</strong> son pouvoir <strong>de</strong> négociation » 29 ; le juge du siège n’ayant pas <strong>de</strong><br />

prérogatives particulières pour contrôler <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> cet aveu.<br />

(3) Au final, d’autres questions se posent plus généralement par rapport au principe d’égalité<br />

<strong>de</strong>vant <strong>la</strong> loi / <strong>la</strong> justice face <strong>à</strong> ces procédures multip<strong>les</strong> pour <strong>de</strong>s infractions simi<strong>la</strong>ires, voire<br />

i<strong>de</strong>ntiques (peine inférieure ou égale <strong>à</strong> 5 ans). Un même délit peut ainsi donner lieu <strong>à</strong> <strong>de</strong>s réponses<br />

sensiblement différentes (jugement « normal », composition pénale, CRPC) selon le tribunal qui est<br />

concerné : certains auteurs ont d’ailleurs déj<strong>à</strong> démontré que <strong>les</strong> pratiques n’étaient pas <strong>les</strong> mêmes au<br />

sein <strong>de</strong> différentes juridictions françaises 30 .<br />

Il existe certes un principe <strong>de</strong> personnalisation <strong>de</strong>s peines … mais ce principe est ici aussi<br />

traditionnellement entendu comme <strong>de</strong>vant permettre <strong>à</strong> un juge, après examen <strong>de</strong>s faits et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

personnalité du prévenu, <strong>de</strong> faire varier <strong>la</strong> peine. Ici ce résultat est obtenu en amont par <strong>la</strong><br />

négociation ; p<strong>la</strong>çant encore une fois <strong>les</strong> citoyens incriminés dans une position différente par rapport<br />

27<br />

Supra note 14, consi. 107. On rappellera que seulement 5% <strong>de</strong>s audiences <strong>de</strong> validations / d’homologations<br />

aboutissent <strong>à</strong> un refus ; supra note 19.<br />

28<br />

Ne pourrait-on d’ailleurs pas interroger <strong>la</strong> compatibilité <strong>de</strong> cette intervention du juge avec <strong>la</strong> décision du Conseil<br />

constitutionnel <strong>de</strong> 1995 déj<strong>à</strong> citée (supra note 25) ? En effet, dans cette <strong>de</strong>rnière, le Conseil affirmait que le prononcé et<br />

l’exécution <strong>de</strong> mesures négociées, « même avec l’accord <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne susceptible d’être pénalement poursuivie (...)<br />

requièrent <strong>la</strong> décision d’une autorité <strong>de</strong> jugement (nous soulignons) ». Or, peut-on parler <strong>de</strong> « décision », i.e. l’« action<br />

<strong>de</strong> trancher une question » (Dictionnaire <strong>de</strong> l’Académie française en ligne) lorsque le juge se contente<br />

« d’homologuer » (« Entériner, vali<strong>de</strong>r officiellement un acte pour lui donner force exécutoire », Dictionnaire <strong>de</strong><br />

l’Académie française en ligne) ou <strong>de</strong> « vali<strong>de</strong>r » l’accord sans aller au fond <strong>de</strong>s choses ?<br />

29<br />

B. PEIRERA, Dalloz, 2005, p. 2041.<br />

30<br />

V. l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> L. AUBERT, Systématisme pénal et <strong>alternatives</strong> <strong>aux</strong> <strong>poursuites</strong> en France : une politique pénale en<br />

trompe-l’œil, Droit & Société, n° 74, 2010, pp. 17-33 (comparant <strong>les</strong> pratiques, très différentes, <strong>aux</strong> tribun<strong>aux</strong> <strong>de</strong><br />

Bobigny et <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong><strong>aux</strong>). L’auteur parle en synthèse d’une « ‘auberge espagnole’ », p. 32.<br />

11


<strong>à</strong> <strong>la</strong> loi 31 .<br />

En définitive, <strong>la</strong> phase du procès est l’endroit où <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> <strong>la</strong>to sensu sont<br />

traditionnellement <strong>les</strong> plus prégnants puisque exercés face <strong>à</strong> un juge impartial qui arbitre <strong>de</strong>s débats<br />

orientés en vue <strong>de</strong> démontrer une (éventuelle) culpabilité. Or, par définition, <strong>les</strong> mo<strong>de</strong>s alternatifs<br />

assèchent le conflit en amont du procès. La présence du juge (du siège), formellement acquise et<br />

pensée comme permettant un contrôle, n’est-elle pas alors que (très) théorique ?<br />

Avec l’effacement du rôle c<strong>la</strong>ssique du juge du siège, il apparaît que <strong>les</strong> <strong>droits</strong> fondament<strong>aux</strong><br />

<strong>de</strong>s prévenus risquent « <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer théoriques (…) lorsque <strong>la</strong> stratégie défensive est confrontée <strong>à</strong><br />

<strong>de</strong>s <strong>alternatives</strong> qui entrainent <strong>de</strong> réels avantages au p<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s intérêts <strong>les</strong> plus immédiats <strong>de</strong> l’accusé<br />

: en principe éviter <strong>la</strong> prison » 32 .<br />

Ceci étant, il reste <strong>à</strong> questionner ces mutations profon<strong>de</strong>s.<br />

B) Des mutations <strong>à</strong> interroger<br />

Le développement <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s alternatifs <strong>aux</strong> <strong>poursuites</strong> met en lumière <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s<br />

mutations qui doivent être questionnées <strong>à</strong> un double titre. D’abord, el<strong>les</strong> représentent un paradoxe<br />

pour <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce actuelle <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> fondament<strong>aux</strong> dans <strong>la</strong> procédure pénale (1). Ensuite, el<strong>les</strong> génèrent<br />

certains risques glob<strong>aux</strong> (2).<br />

(1) Paradoxe / contre-courant : l’histoire <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong>, et plus généralement <strong>de</strong>s<br />

garanties <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure pénale, est celle d’un accroissement au fur et <strong>à</strong> mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> progression<br />

<strong>de</strong> l’État <strong>de</strong> droit. Ainsi, si on prend en compte <strong>les</strong> 3 phases dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ces <strong>droits</strong> jouent et si on<br />

reste stricto sensu sur <strong>les</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>défense</strong> :<br />

- ils sont c<strong>la</strong>ssiques dans <strong>la</strong> phase <strong>de</strong> jugement (i.e. le procès).<br />

- mais, en amont et en aval <strong>de</strong> ce jugement, <strong>les</strong> évolutions récentes sont importantes :<br />

. <strong>à</strong> ce <strong>de</strong>rnier titre <strong>les</strong> possibilités <strong>de</strong> faire appel ont augmenté (cf. l’appel en assise <strong>de</strong>puis<br />

2000), tout autant que l’on a assisté <strong>à</strong> une « judiciarisation <strong>de</strong> l’application <strong>de</strong>s peines » 33<br />

sous l’influence européenne.<br />

31<br />

Dans une position formelle, le Conseil constitutionnel a reconnu qu’il n’y avait pas vio<strong>la</strong>tion dudit principe en 2004,<br />

supra note 14, consi. 114.<br />

32<br />

M. DELMAS-MARTY (dir.), supra note 24, p. 501.<br />

33<br />

T. GARÉ et C. GINESTET, supra note 7, p. 540.<br />

12


. en ce qui concerne <strong>la</strong> phase précé<strong>de</strong>nt le jugement, c’est surtout au niveau <strong>de</strong> l’enquête que<br />

ces <strong>droits</strong> étaient le plus limités. Or, sous <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> <strong>la</strong> CEDH, <strong>les</strong> évolutions sont réel<strong>les</strong>,<br />

le meilleur exemple étant, très récemment, <strong>la</strong> réforme dans <strong>la</strong> gar<strong>de</strong> <strong>à</strong> vue en France<br />

obligeant <strong>la</strong> présence et l’intervention substantielle et effective <strong>de</strong> l’avocat dès le début <strong>de</strong><br />

celle-ci 34 .<br />

Dans l’articu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’équilibre entre poursuite et <strong>droits</strong> fondament<strong>aux</strong>, ces <strong>de</strong>rniers sont<br />

prégnants dans un État <strong>de</strong> droit.<br />

A contrario, <strong>les</strong> mo<strong>de</strong>s alternatifs ne représentent-ils pas un mouvement inverse ? La célérité<br />

et le désengorgement <strong>de</strong>s tribun<strong>aux</strong> sont-ils véritablement <strong>de</strong>s objectifs qu’une justice mo<strong>de</strong>rne peut<br />

promouvoir avant <strong>la</strong> <strong>défense</strong> <strong>de</strong> l’État <strong>de</strong> droit ?<br />

(2) Dangers pour <strong>la</strong> procédure pénale et le droit pénal : plus généralement, le<br />

développement <strong>de</strong>s procédures négociées interroge l’évolution du sens du droit pénal :<br />

- d’abord avec l’évolution dans ces procédures du rôle du Ministère public. En effet, le juge du<br />

siège ne déci<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> culpabilité, ni ne prononce <strong>de</strong> peine au sens c<strong>la</strong>ssique du terme. On<br />

arrive <strong>à</strong> une situation dans <strong>la</strong>quelle le rôle du Parquet <strong>de</strong>vient prépondérant 35 . Comme le<br />

synthétise Bertrand DE LAMY, « avec <strong>la</strong> composition pénale et le p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r coupable, <strong>les</strong> délits<br />

punis d’un maximum <strong>de</strong> cinq ans d’emprisonnement - ce qui est loin d’être négligeable -<br />

passent petit <strong>à</strong> petit d’un traitement juridictionnel <strong>à</strong> un traitement simplement judiciaire faisant<br />

<strong>la</strong> part belle au parquet. La marginalisation ici possible <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure publique, orale et<br />

contradictoire marque un tournant important <strong>de</strong> <strong>la</strong> procédure pénale (…) » 36 .<br />

On est donc en face <strong>à</strong> une « autre manière <strong>de</strong> juger » 37 , qui rappelle certains éléments <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

procédure accusatoire : l’idée, pour rétablir l’ordre social, n’est plus d’atteindre <strong>la</strong> justice, mais<br />

<strong>de</strong> régler un différend. On arrive <strong>à</strong> une situation dans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> fonction <strong>de</strong> juger se trouve<br />

partiellement dép<strong>la</strong>cée. Ainsi le rôle accru du Parquet dans <strong>les</strong> procédures <strong>alternatives</strong> p<strong>la</strong>ce ce<br />

<strong>de</strong>rnier dans une situation d’effectuer un « préjugement » 38 , ce qui n’empêche pas un accord<br />

34 Sur <strong>les</strong> condamnations régulières <strong>de</strong> <strong>la</strong> France ayant abouti <strong>à</strong> l’adoption <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 14 avr. 2011, v. not. CEDH, 5 e<br />

Sect., 14 oct. 2010, Brusco c. France.<br />

35<br />

V. le dossier spécial dans Droit & Société, n° 74, 2010.<br />

36<br />

B. DE LAMY, Procédure et procédés (propos critiques …) in S. CHASSAGNARD et D. HIEZ (dir.), Approche critique <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> contractualisation, LGDJ, 2007, pp. 149-165, p. 161.<br />

37<br />

A. VALOTEAU, La jugement sur reconnaissance préa<strong>la</strong>ble <strong>de</strong> culpabilité : une autre procédure <strong>de</strong> jugement ou une<br />

autre manière <strong>de</strong> juger ?, Droit pénal, n° 5, 2006, étu<strong>de</strong> 8.<br />

38<br />

Juger vite, juger mieux ? Les procédures rapi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s affaires péna<strong>les</strong>, état <strong>de</strong>s lieux. Sénat, rapport<br />

d’information n° 17 (2005-2006) <strong>de</strong> M. ZOCCHETTO, p. 50 (citant le Procureur général J-L. NADAL).<br />

13


donné (au moins tacitement) par <strong>les</strong> juges du siège 39 .<br />

- ensuite, dans <strong>la</strong> continuité, le droit pénal défend traditionnellement l’intérêt général / l’ordre<br />

public par <strong>de</strong>s procédures et <strong>de</strong>s garanties adéquates. Ce faisant le droit pénal, droit uni<strong>la</strong>téral, a<br />

une fonction symbolique importante : garantir l’harmonie sociale par le prononcé <strong>de</strong> sanctions<br />

suite <strong>à</strong> une procédure qui aboutit <strong>à</strong> un jugement. Cette fonction est ainsi transcendante <strong>aux</strong><br />

prévenus et plus généralement <strong>aux</strong> citoyens pour défendre l’intérêt général.<br />

Or, avec <strong>les</strong> nouve<strong>aux</strong> procédés ici étudiés, sous-tendus par l’idée <strong>de</strong> contractualisation et <strong>de</strong><br />

privatisation 40 , le droit pénal se transforme. La volonté <strong>de</strong> rechercher l’acceptation <strong>de</strong> l’auteur<br />

<strong>de</strong>s faits répréhensib<strong>les</strong> diminue <strong>la</strong> légitimité <strong>de</strong> <strong>la</strong> peine en introduisant une part d’immanence,<br />

ce qui altère d’autant <strong>la</strong> symbolique sociale du droit pénal.<br />

Ce développement (ou plutôt ce retour historique) <strong>de</strong> <strong>la</strong> contractualisation, présent d’ailleurs<br />

dans <strong>de</strong> nombreux autres domaines du droit 41 , n’est pas anodin, car l’État s’est justement<br />

construit en réaction <strong>aux</strong> logiques contractuel<strong>les</strong>. Nous sommes donc aujourd’hui face <strong>à</strong> un<br />

risque <strong>de</strong> « reféodalisation du lien social » 42 dépassant le seul droit pénal. Or, souvent, <strong>la</strong> liberté<br />

<strong>de</strong> négociation n’est qu’un gage apparent <strong>de</strong> liberté.<br />

Pour conclure, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r avec Mireille DELMAS-MARTY il y a déj<strong>à</strong> plus <strong>de</strong><br />

15 ans si nous ne sommes pas face <strong>à</strong> une situation dans <strong>la</strong>quelle « le risque existe que <strong>les</strong><br />

procédures négociées ne soient guère autre chose, <strong>à</strong> l’ère <strong>de</strong> <strong>la</strong> dérégu<strong>la</strong>tion et du néolibéralisme,<br />

que l’introduction <strong>de</strong> l’économie <strong>de</strong> marché dans l’administration <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice pénale » 43 . Voil<strong>à</strong><br />

pourquoi le développement exponentiel 44 <strong>de</strong> ces procédures <strong>alternatives</strong> accélérées parait <strong>de</strong>voir<br />

être limité et <strong>à</strong> tout le moins mieux encadré.<br />

39<br />

V. V. PERROCHEAU, supra note 19, pp. 69-70. C’est ce qui explique en gran<strong>de</strong> partie pour l’auteur <strong>les</strong> t<strong>aux</strong> très limités<br />

<strong>de</strong> refus <strong>de</strong>s compositions et CRPC.<br />

40<br />

V. Y. BENHAMOU, Vers une inexorable privatisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice ? Contribution <strong>à</strong> une étu<strong>de</strong> critique <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s<br />

missions régaliennes <strong>de</strong> l’État, Dalloz, 2003, p. 2771.<br />

41<br />

Conseil d’État, Rapport public 2008, Le contrat, mo<strong>de</strong> d’action publique et <strong>de</strong> production <strong>de</strong> normes, EDCE, n° 59,<br />

La Doc. fran., 2008.<br />

42<br />

A. SUPIOT, Homo juridicus, Seuil, 2009, p. 166 (en détails pp. 172 – 175).<br />

43<br />

M. DELMAS-MARTY (dir.), supra note 24, p. 581.<br />

44<br />

V. supra note 2 avec l’augmentation très récente du domaine du p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r coupable.<br />

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