ROMANS - Ecrivain prive / JEAN PAUL GRISO
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En riant, Papy a retiré de la bouche son éternelle pipe, tendant sa grande patte<br />
vers le gamin.<br />
– Salut bonhomme ! Bienvenue au commando.<br />
– Lui, dit le lieutenant, en désignant du doigt le grand brun à la moustache à la gauloise<br />
assis à côté de Papy, c’est Pierrot. Il est né en Algérie, comme toi. A Mostaganem-Mascara,<br />
très exactement. Si tu en doutes, écoute-le parler… Attention, caractère de cochon mais cœur<br />
d’or ! C’est un gros sentimental, tu verras. Il est plus jeune que Papy, mais cela ne se voit<br />
pas.<br />
Malgré la vacherie oratoire, l’agressé ne se manifeste pas, une confiance<br />
intégrale les lie tous les deux. Pierrot s’est mis à genoux devant le gamin, après avoir enlevé<br />
cérémonieusement son chapeau de brousse.<br />
– Je sais bien que j’ai la barbe dure mais, si tu le veux bien, on peut se faire la bise ?<br />
Après tout, on est du même pays nous deux, on est frères ! Hein mon garçon ?<br />
Sans appréhension, le gosse s’approche du baroudeur et lui colle une bise sur<br />
chaque joue. Ravi, mais surtout troublé, il tortille machinalement le bord de son couvre-chef<br />
entre ses doigts tout en marmonnant :<br />
– Ah ! J’ai un nom aussi. Maury, Pierre Maury, adjudant-chef des commandos de<br />
l’air !<br />
– Quand au troisième, il n’est pas d’ici, cela se voit à l’œil nu. Comme tu vois, c’est le<br />
plus costaud, le plus discret aussi, il s’appelle Alain Jean-Charles. Il vient de la Martinique,<br />
de l’autre côté de l’océan. Vise un peu ce bronzage à faire rêver un prix de beauté. Il a à<br />
peine quelques années de plus que moi… heueu ! Au fait, quel âge cela te fait maintenant,<br />
Alain ?<br />
– Quand même, Régis… Trente-cinq, tu le sais bien, non ?<br />
Le Martiniquais s’approche de l’enfant qui, impressionné par sa carrure énorme,<br />
n’ose rien dire ni rien faire lorsqu’il le prend sous les aisselles, le soulevant comme un sac de<br />
plume jusqu'au niveau du face à face.<br />
– Salut Karim ! Comment ça va ?<br />
– Heueu ! Cela irait mieux si j’avais les pieds sur terre. J’ai le vertige, redescendsmoi<br />
!<br />
– Mais avec plaisir, mon petit !<br />
– Karim ! Je m’appelle Karim !<br />
– Alors avec plaisir Monsieur Karim !<br />
Ces présentations perdent bien vite en solennité, trop de choses trottent dans la<br />
tête du gamin.<br />
– Tu portes le béret, comme Régis, pourquoi ?<br />
– Pourquoi ? Heueu !.. C’est lui qui a copié sur moi… répond le grand martiniquais en<br />
souriant.<br />
– Mais ne le dis à personne, il n’y a qu’El-Kseur et ses environs qui sont au courant.<br />
– Pourquoi tu te paies ma tête ? dit le gamin, un peu vexé. Bon, maintenant, il faut que<br />
je rentre chez moi. Alors, tu me redescends ?<br />
– Attends une seconde, dit l’Antillais en le déposant délicatement, on va te donner<br />
quelque chose…<br />
L’adjudant farfouille à l’arrière de la jeep, en sort un sac qu’il tend à l’enfant.<br />
Curieux, celui-ci l’entrouvre et s’exclame :<br />
– Oh ! Tous ces poissons… C’est… C’est pour moi ?<br />
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