ROMANS - Ecrivain prive / JEAN PAUL GRISO
ROMANS - Ecrivain prive / JEAN PAUL GRISO
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surprise éteinte de toutes craintes, il retrouvait sa position de bienveillante léthargie sans<br />
pour cela négliger la surveillance perpétuelle de sons étrangers.<br />
― Assieds-toi, Firmin ! Donne-moi ton pardessus, ici il fait bon, et prends un siège.<br />
Sans se faire prier, l’invité se débarrassa de son chaud habit alors que le maître des<br />
lieux rejoignait le coin cuisine.<br />
― Tu sais Firmin, je suis toujours aussi heureux de te voir ici, dommage que tes<br />
visites se fassent rares…<br />
― La faute à qui, mon ami ? La faute à qui ?<br />
― La faute à pas de chance, à une vie professionnelle trépidante, à une conjonction<br />
d’événements qui gère et génère des obligations dont il est difficile de se défaire. J’assume<br />
ce manque de disponibilité dû à ma vie d’esclave consentant, pas assez fort pour s’extraire<br />
de cette aliénation afin de consacrer du temps à ceux que j’aime…<br />
― Arrête donc ces contritions de curé mon ami, tu n’es pas à confesse ici et dis-toi<br />
bien que c’est sûrement la rareté des rencontres qui en fait leur qualité. Trop de<br />
quotidienneté dans nos relations te deviendrait pénible car, avec l’âge, je radote comme une<br />
bande magnétique qui repasserait en boucle une partie inintéressante de ma vie et…<br />
― T’inquiète donc pas, je le sais depuis longtemps que tu es un vieux sénile. Ha, ha,<br />
haaaa !... C’est ce que l’on appelle un pléonasme. Ha, ha, haaaa !...<br />
― Toi, au moins, tu es sympathique avec les aînés. Ha, ha, haaaa !... Tu as la façon et<br />
le verbe pour expliquer leur défaillance. Veux-tu un coup de main ?<br />
― A condition que tu ne te coupes pas un doigt. Ha, ha, haaaa !... Tiens ! Epluche-moi<br />
cet ail !<br />
Il s’était levé en grimaçant, une lombalgie persistante aimait trop souvent se<br />
rappeler à lui lorsque son corps un peu tassé cherchait la position droite de la fierté. Tout en<br />
travaillant, Florentin regardait venir à lui le vieil homme aux traits tirés dont les rides ne<br />
finissaient pas de façonner l’expression.<br />
― Où étais-tu Florentin quand je suis arrivé ? Ta voiture était là, je t’ai appelé ! Ne me<br />
dis pas qu’avec ce temps tu te promenais ?<br />
― Ah, cher Firmin ! Bien que je sois ta moitié, non pas ton épousé, mais ta moitié en<br />
années, de temps en temps, je m’offre un plaisir solitaire…<br />
― Ciel ! Serais-tu en manque d’affection pour user de la masturbation ? Pourtant, à<br />
ton âge, les belles doivent être encore attirées par tes bras ? Ha, ha, haaaa !<br />
― Espèce de pervers, je parle bien sûr de la masturbation des sens, ce plaisir solitaire<br />
qui imprime l’esprit de moments intenses, que l’on sait passagers et que l’on aime se<br />
rappeler lors de la disparition d’un être cher. Oui Monsieur, en quelques mots, je<br />
t’espionnais derrière la fenêtre de la petite maison où tu as parqué la calèche et ta vieille<br />
jument…<br />
― Tiens tiens, te voilà adepte du voyeurisme ? Tu sais mon garçon, écoute bien les<br />
conseils d’un vieux médecin, tu manifestes un comportement malsain. Regarder son<br />
prochain avec des idées, qu’ici je ne saurais développer pour ne point t’offusquer, c’est une<br />
pathologie de pervers. Ha, ha, haaaa ! Et cela se soigne… Je ne savais pas que je suscitais<br />
autant d’intérêt, serais-tu devenu gérontophile ?<br />
En secouant sa tête, Florentin riait de bon cœur, surpris par la réplique de son ami.<br />
― Arrête de dire des bêtises et écoute au moins ma version. Elle est plus soft que la tienne.<br />
Je reprends au début en espérant que tu auras l’extrême courtoisie de ne point m’interrompre<br />
cette fois-ci. Alors, comme je te le disais, j’étais là à t’épier, à t’espérer depuis ce lieu de<br />
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