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DE L'INSTRUCTION - INRP

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qu'au complel^ puisqu'elle comprenait M" de<br />

Montespan et M"® de la Vallière, traînait une<br />

suite de plusieurs milliers de personnes — non<br />

compris l'armée d'escorte, — en dames ou filles<br />

d'honneur, gentilshommes, pages, « domestiques<br />

» de tout ordre et des deux sexes, valetaille<br />

et valets des valets. Le roi emmenait jusqu'à<br />

sa nourrice. La noblesse, d'autre part, était<br />

plus disciplinée qu'au temps de Mazarin et<br />

d'Anne d'Autriche, et nul n'avait osé rester en<br />

arrière. Le départ se fit de Saint-Gertnain le<br />

28 avril.<br />

La quantité des bagages donnait à cette foule<br />

l'aspect d'une tribu nomade en déplacement.<br />

Tous les hauts personnages emportaient des<br />

mobiliers complets. Louis XIV avait dans ce<br />

voyage une « chambre de damas cramoisi »<br />

pour l'usage ordinaire, et une autre « très magnifique<br />

« pour les endroits où l'on avait de la<br />

place. Le lit de cette dernière était de « velours<br />

vert en broderie d'or » et « d'une grandeur immense...<br />

qui passait celle de beaucoup depetites<br />

chambres». Il était accompagné de « toute la<br />

suite d'ameublements qu'il faut, quand le roi<br />

est logé à l'air, et pour la reine de même... « Le<br />

service de la bouche emportait une batterie de<br />

cuisine monstre, et les ustensiles nécessaires<br />

pour servir matin et soir, en vaisselle plate, plusieurs<br />

tables immenses. Quand tout cela était<br />

déballé, Leurs Majestés étaient « comme aux<br />

Tuileries ou à peu près. »<br />

Parmi les çourtisans, plusieurs des principaux,<br />

obligés par leurs charges d'avoir table ouverte,<br />

menaient avec eux un personnel et un matériel<br />

de cabaret ambulant.<br />

On se l'eprésente le train de chariots, fourgons<br />

et chevaux ou mulets de bât qui se déroula sur<br />

la route de Flandre, en 1670 ; la difficulté de<br />

faire arriver le soir à chacun ses bagages, quand<br />

la couchée s'éparpillait sur une ville entière ou<br />

sur un archipel de villages ; les accidents de<br />

toute sorte qui attendaient la caravane, dans<br />

des chemins presque toujours effroyables et au<br />

passage de rivières presque toujours sans ponts,<br />

l'affaissement des uns, l'impatience des autres<br />

et le désordre universel ; enfin,l'épreuve où étaient<br />

mis les caractères et l'espèce de gloire assurée à<br />

qui gardait sa bonne humeur, au cours • de<br />

fatigues souvent excessives et de contretemps<br />

perpétuels.<br />

Louis XIV était bon voyageur, s'arrangeait de<br />

tout et exigeait que l'on en lit autant ; il détestait<br />

les gémissements, les femmes qui ont peur et<br />

celles qui tiennent à coucher dans un lit. La<br />

reine Marie-Thérèse commençait à gémir avant<br />

d'être montée en voiture, et c'était une nouvelle<br />

publique que de l'avoir vue de bonne humeur<br />

pendant un voyage.<br />

Les courtisans étaient résignés à camper à la<br />

grâce de Dieu. On savait qu'il fallait être content,<br />

sous peine de déplaire, et l'on était accoutumé<br />

à être mal ; il en était de même dans tous<br />

les voyages. En 1667, la Cour avait passé une<br />

nuit au château de Mailly, près d'Amiens. L'abbé<br />

de Montigny, aumônier de la reine, écrivait le<br />

lendemain à des amies : « Mailly, mesdames,<br />

est une chahuanterie... Tout le monde y était<br />

tellement entassé que de Montausier coucha<br />

sur un tas de paille, dans un cabinet ; les filles<br />

de la reine dans un grenier sur un tas de blé,<br />

et votre serviteur sur un tas de charbon. « Eu<br />

LECTURES <strong>DE</strong> VACANCES<br />

1670, la nuit du 3 au 4 mai défraya longtemps<br />

les correspondances.<br />

La journée du 3 avait été pénible ; l'immense<br />

convoi était parli de Saint-Quentin pour Landrecies<br />

de très bonne heure, par une pluie<br />

battante qui faisait grossir à vue d'œil les cours<br />

d'eau et les marais. D'heure en heure, on<br />

enfonçait davantage dans les boues, et la route<br />

s'encombrait de chevaux et de mulets morts ou<br />

abattus, de charrettes embourbées et de bagages<br />

déchargés. Les carrosses ne tardèrent pas à se<br />

mettre de la partie. Le maréchal de Bellefonds<br />

abandonna le sien dans une fondrière et fit lereste<br />

de l'étape à pied avec Benserade et deux<br />

autres. M. de Crussol eut de l'eau par-dessus<br />

les portières en traversant la Sambre, et M. d&<br />

Bouligneux, qui le suivait, fut contraint de<br />

dételer au milieu de la rivière et de se sauver<br />

sur l'un des chevaux. Quand ce vint à la reine et<br />

à Mademoiselle, on eut beau les conduire à un<br />

autre gué « fort sûr », leurs cris et leur agitation:<br />

•furent tels, que l'on renonça à les faire passer.<br />

Elles allèrent chercher un abri dans la seule<br />

habitation du rivage. C'était une pauvre maison,<br />

composée de deux pièces se commandant, et<br />

n'ayant que la terre pour plancher; Mademoiselle<br />

y enfonça jusqu'au genou dans un trou<br />

boueux. Landrecies était sur l'autre bord, la<br />

nuit tombait et chacun mourait de faim, car l'on<br />

n'avait presque rien eu à manger depuis Saint-<br />

Quentin. Le roi, très mécontent, déclara que<br />

tout le monde resterait là et que l'on attendrait<br />

le jour dans les carrosses.<br />

Mademoiselle remonta dans le sien, mit son<br />

bonnet de nuit, sa robe de chambre, mais elle<br />

ne put fermer l'œil, « carc'était un bruit effroyable<br />

». Quelqu'un lui dit : « Voilà le roi et la<br />

reine qui vont manger. » Elle se fit porter telle<br />

quelle, à travers les bourbiers, dans la petite<br />

maison et trouva la reine fort maussade. Marie-<br />

Thérèse n'avait pas de lit, et elle se lamentait,,<br />

disant « qu'elle serait malade si elle ne dormait<br />

point », -et demandant où 'était le plaisir de<br />

voyages pareils ? Louis XIV mit le comble à son<br />

chagrin en proposant de coucher toute la famille<br />

royale et quelques familières dans la plus grande<br />

des deux pièces, l'autre devant servir de quartier<br />

général à Lauzun. La reine se récria à l'idéie de<br />

coucher tous ensemble, puis céda.<br />

Cependant, la ville de Landrecies avait envoyé<br />

à ses souverains un « bouillon fort maigre »<br />

dont la mauvaise mine consterna Marie-Thérèse.<br />

Elle le refusa avec dépit. Quand il fut bien<br />

entendu qu'elle n'en voulait point, le roi et<br />

Mademoiselle, aidés de Monsieur et de Madame,<br />

l'expédièrent en un instant, et, dès qu'i! n'y eut<br />

plus rien, la reine dit : « J'en voulais et l'on a<br />

tout mangé ! rr On allait rire au mépris de l'étiquette,<br />

sans un grand plat venu aussi de Landrecies<br />

et sur lequel on se jeta. « Il y avait<br />

dedans, raconte Mademoiselle, des viandes si<br />

dures, que l'on prenait un poulet à deux par<br />

chaque cuisse et on avait peine, en le tirant de<br />

toute sa force, d'en venir à bout. » Puis l'on se<br />

coucha. Ceux qui n'avaient pas encore leur bonnet<br />

de nuit et leur robe de chambre les mirent,<br />

et c'est dans l'appareil d'Argan qu'il faut se<br />

représenter la royauté française pendant cette<br />

nuit mémorable.<br />

Auprès de la reine, à qui l'on avait réservé le<br />

lit, étaient, sur un matelas, M"= de Béthune, sa<br />

dame d'atour, et M® de Thianges, sœur de

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