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antihygiéniques ouanlipédagogiques,M.Elslander<br />
le remarque justement, l'instituteur en souffre<br />
comme l'élève : « l'un et l'autre sont obligés de<br />
se nuire mutuellement. «<br />
La gymnastique n'échappe pas, elle non plus,<br />
à la critique. Outre que les exercices se font<br />
rarement, et que la part d'activité de chaque<br />
élève y est réduite a quelques mouvements,<br />
M. Eslander voit dans les méthodes employées<br />
un exemple frappant du désir d'entraver le développement<br />
personnel des enfants.<br />
... On supprime l'action spontanée, vivante, libre<br />
et efficace, et on tente inutilement de la remplacer<br />
par quelque chose de factice, d'inexistant... Ce<br />
n'est pas tout : ces exercices mêmes ne sont que de<br />
théoriques formules; cette flexion de bras que vous<br />
faites exécuter selon des règles invariables n'est pas<br />
réelle : c'est une flexion d'automate, de machine. Un<br />
bras humain ne peut, ne doit l'exécuter comme vous<br />
le prescrivez. Chacun de nous fléchit le bras d'une<br />
manière différente, selon un rythme particulier,<br />
rythme en harmonie avec celui du corps entier, de la<br />
vie même. Voyez la marche : chaque individu n'a-t-il<br />
pas un pas teÙement particulier, qu'on peut le reconnaître<br />
a son approche?<br />
En imposant donc une manière d'exécuter un mouvement,<br />
on trouble la personnalité de l'individu, et<br />
cela, nous le répétons, pour arriver à une réalisation<br />
inférieure. Si vous entendiëz réellement l'éducation,<br />
vous mettriez le gymnaste dâns l'obligation de faire<br />
cette flexion de bras non par la:contrainte, mais par<br />
le jeu naturel des circonstances et vous le laisseriez<br />
faire. Il s'en tirera mieux que vous ne pourriez le lui<br />
montrer, vous, professeur de gymnastique diplômé.<br />
Nous avons tenu à citer ce passage où apparaissent,<br />
avecune singulière netteté, la conception<br />
et la méthodé de l'auteur.<br />
De tous côtés, l'enfant est comprimé ; alors<br />
même que l'on connaît ses besoins et qu'on<br />
s'applique à les lui montrer, on l'empêche de<br />
les satisfaire spontanément. Il faudrait un changement<br />
complet de l'éducation pour assurer normalement<br />
le développement physique des élèves.<br />
A défaut de l'éducation physique, en partie<br />
sacrifiée au souci de parcourir le cycle entier<br />
des programmes, l'éducation intellectuelle estelle<br />
mieux dirigée et son but mieux atteint ?<br />
Non, répond M. Elslander :<br />
De même quel'éducation physiq^ue refrène l'expansion<br />
naturelle de la vie pour la remplacer par une activité<br />
méthodiquement et mécaniquement provoquée, de<br />
même l'éducation intellectuelle supprime le travail<br />
intellectuel naturel et le remplace par un labeur<br />
ordonné, méthodiquement dirigé.<br />
Les procédés d'enseignement ont pu changer;<br />
mais les programmes restent, et l'instruction est<br />
toujours ce qu'elle était : « Des mots, des mots,<br />
des mots. «<br />
Au lieu d'apprendre la langue écrile et parlée,<br />
l'enfant doit retenir des règles de grammaire et<br />
des définitions ; il n'ouvre la bouche que pour<br />
réciter ; il n'écrit que pour reproduire des phrases<br />
toutes faites, des formules.<br />
Pour la géographie, après avoir tenté de sortir<br />
àe la routine, on y est retombé.<br />
Dans l'enseignement de l'histoire on a diminué<br />
la place de l'iiistoire-batailles ; mais à quoi bon<br />
ce changement? Des enfants comprennent-ils<br />
mieux ce qu'on a mis à la place « la dissertation<br />
sur la vie et les mœurs d'un peuple ? »<br />
Pourquoi donc s'obstiner à enseigner l'histoire à<br />
1 école 1 A moins qu'on attache quelque importance<br />
i ce que les enfants sachent ànonner des phrases<br />
iBoompréhensibles pour eux, nous ne voyons pas<br />
PARTIE GÉNÉRALE 447<br />
pourquoi on ne réserverait pas cette étude pour une<br />
époque où les cerveaux ont déjà une certaine maturité.<br />
Le temps pourrait être mieux employé, et c'est une<br />
chose à faire sourire que ce mot étalé pompeusement<br />
au programme : Histoire. Malheureusement, il n'est<br />
pas donné à la simple raison, au simple bon sens de<br />
l'en faire disparaître ; il y a des influences sociales<br />
qui agissent ici : ce n'est pas pour le plus grand bien<br />
de l'éducation des enfants qu'on enseigne l'histoire,<br />
c'est pour le maintien des idées sociales qui dominent<br />
encore de nos jours. Qu'importe, alors, qu'ils comprennent<br />
ou non ; l'essentiel, c'est que, plus tard, les<br />
réminiscences des phrases, des exphcations entendues<br />
et répétées leur tiennent heu d'idées.<br />
Ainsi, dans cette instruction qu'on donne à<br />
l'enfant, tout est artificiel, tout est subordonné<br />
à cette préoccupation de l'adapter au milieu<br />
social dans lequel il vivra ; on ne le prépare pas<br />
à la vie, mais à une certaine vie ; on le spécialise<br />
dès son plus jeune âge.<br />
Limitation détestable ; car, s'il est, en éducation,<br />
un principe d'une évidence manifeste, c'est<br />
que « tous les hommes soient mis à même de se<br />
servir de leur cerveau, » c'est-à-dire qu'ils puissent<br />
penser, juger, comprendre par eux-mêmes.<br />
Tout homme qui n'a pas acquis la faculté de réfléchir,<br />
de discuter avec lui-même est une recrue de la<br />
réaction. Et voyez l'entêtement de ces malheureux,<br />
voyez l'immobilité de leur regard où la parole la plus<br />
convaincante, la plus ardente, ne parvient pas à<br />
allumer d'éclair. Un mot brutal exprime l'état de ces<br />
êtres perdus ; ils sont bouchés, dit-on. Oui, irrémédiablement<br />
bouchés sont-ils, ceux qu'une éducation<br />
criminelle a voués à l'immobilisme intellectuel, à la<br />
lourde quiétude de l'ignorance.<br />
Le système d'éducation qui amène de tels<br />
résultats est condamné. Une réforme ne serait<br />
possible que dans une société « harmonique ».<br />
Dans une société arbitraire, il doit y avoir une<br />
éducation arbitraire. Il est impossible que la société<br />
consacre h une œuvre inutile des forces qui lui sont<br />
nécessaires ailleurs. Elle n'a que faire, maintenant,<br />
d'hommes normalement développés; il lui suffit d'en<br />
avoir qui entretiennent le fonctionnement de l'organisme<br />
tel qu'il est constitué. C'est la souffrance qui<br />
crée l'avenir. Lorsque l'humanité pourra sentir assez<br />
fortement le besoin de réagir contre les influences<br />
malfaisantes qui la dominent maintenant, lorsque le<br />
danger aura apparu, lorsque surgira, du vague malaise,<br />
l'efl'ort nouveau, elle saura manifester ses<br />
vouloirs.<br />
Si donc, l'éducation est aujourd'hui défectueuse,<br />
c'est-que, dans les conditions actuelles,<br />
il n'en peut être autrement. Qu'on ne prétende<br />
pas en rendre les maîtres responsables. Sont-ils<br />
les ouvriers conscients d'une œuvre mauvaise ?<br />
Nullement. Il ne leur est pas permis de tenir<br />
compte des dispositions, des préférences, des<br />
aptitudes de chacun de leurs élèves, presque<br />
toujours trop nombreux. Le maître n'est-il pas<br />
asservi autant et plus qu'eux à la tyrannie des<br />
programmes ? Bon gré, mal gré, il doit se plier<br />
aux détails d'une organisation irrationnelle,<br />
construite à l'image et pour les besoins de la<br />
société actuelle.<br />
Cette adaptation apparaît plus nette encore à<br />
M. Elslander, quand il examine l'éducation morale.<br />
Dès son plus jeune âge, l'enfant ne cesse<br />
de subir des contraintes. Sans cesse, sa volonté<br />
se heurle à la fprce, et les deux seules idées<br />
qui se fassent jour dans son esprit, c'est que<br />
a tout est permis, pourvu que le secret soit<br />
gardé » et que « on peut faire ce qu'on veut si<br />
on est assez fort pour réaliser son désir. » Tel