Télécharger le catalogue 2013 - 2014 - Grands Espaces

LE CAP HORN
CROISIÈRE
PARADISE
CAP HORN
Là-bas, au Sud de l’Amérique du Sud, au Sud de la Terre de Feu de la Patagonie et du détroit de Magellan,
le Cap Horn sépare l’océan Atlantique du Pacifique, par 55°59 de latitude Sud.
C’est le cap le plus réputé, le plus redouté de tous les marins, qui après l’avoir franchi ont toutes sortes de droits,
comme pisser et cracher contre le vent. Les oiseaux qui s’y plaisent tels les albatros emmènent l’esprit des marins morts
dans les tempêtes, et les grandes vagues annoncent une fin imminente. Ce cap tient une place mythique
dans tous les esprits.
Pourtant ce n’est pas le plus tempétueux, la palme des fréquences de vents de tempêtes revenant au Cap Farewell au Sud
du Groenland, ce n’est pas le plus venté ( l’Antarctique connaît des vents bien plus fort pouvant dépasser 300km/h), ce
n’est pas le plus spectaculaire : le piton de Bonne Espérance en Afrique du Sud ou le rocher du Cap Nord
découvert et nommé en 1553 par Richard Chancellor sont bien plus impressionnants que l’île de Horn,
qui culmine à 252 mètres d’altitude…
Cette avancée de roches et de tourbe connaît 335 jours de vents par an, à 75% d’Ouest, et une température
de -16 à + 27°C., 600 mm de précipitations annuelles ; une minuscule base chilienne hébergeant 2 à 6 hommes y est installée
depuis qu’en 1978 le Pape ait attribué cet archipel au Chili, au détriment de l’Argentine, qui faillit bien déclencher une guerre
pour le Cap Horn, comme elle le fit pour les Malouines qu’elle croit faussement toujours nationales !
Chaque année, des centaines de touristes se vantent d’avoir gravi les marches qui mènent aux mémoriaux et à la sculpture
originale d’un albatros géant de 7 mètres de hauteur installée il y a 20 ans, non loin du phare érigé en 1902.
Mais ce cap était le passage obligé du grand commerce industriel du XIXe siècle entre la puissante Europe de l’Espagne,
de la France, de l’Angleterre(…) et les lointaines colonies d’Amérique, d’Asie, d’Australie. C’était l’autre route des Indes,
c’était la route du Pacifique, avant que Panama ne soit creusé en 1914, et 4000 bateaux y croisaient chaque année.
Le cap fut découvert en 1616. Jakob Lemaire, un marchand réputé d’Amsterdam s’associa à Cornelius Van Schouten , un homme
bien expérimenté dans l’art de la navigation d’alors, et leur compagnie de navigation d’Australie reçut le privilège du négoce en
Amérique du Sud ; ils équipèrent deux navires, l’Eendracht ( Concorde ) et le Hoorn, une pinasse de 89 hommes armée de 23 canons,
nommée en l’honneur de la ville natale de Schouten, dans le Zuidersee. Le Hoorn prit feu le long des côtes de l’Amérique du Sud
et les hommes s’entassèrent alors sur l’Eendracht, pour aller toujours plus au Sud vers des terres vierges, découvrant l’île des Etats,
avant de comprendre par les longues houles du Sud-Ouest qu’ils avaient rejoint le Pacifique. Au retour on les prit pour des fous
puis ont les mit aux fers, Lemaire mourant de chagrin à l’île Maurice, et Schouten à Madagascar.
Par la suite, les bateaux allaient emprunter cette route providentielle de haute mer, loin des anses ventées, des courants de 8 noeuds et des hauts
fonds du détroit de Magellan. Vents et tempêtes allaient alors forger la réputation du Cap. Certains bateaux mettront 94 jours à le franchir, comme
le Suzanna en 1905, 29 jours comme le Bounty en 1787. Mais 800 bateaux vont sombrer en Terre de Feu, dont 74 en passant le Cap :
les 40 èmes rugissants et les 50 èmes hurlants vont engloutir des milliers de vie, forgeant sa réputation au Cap.
Le Cap Horn est de navigation malaisée car il s’enfonce loin dans le détroit de Drake qui sépare l’Amérique du Sud de la Péninsule Antarctique sur plus de 800 kilomètres,
et dans ce resserrement, les vents d’Ouest n’ayant rencontré aucun obstacle sont canalisés et augmentent leur force dans ce goulot qui de plus présente des fonds moins élevés ( plateau
patagonien ), ajoutant ainsi l’effet de fond à l’effet de la houle du grand large, pour donner les vagues parmi les plus impressionnantes et meurtrières du monde : 8, 9, 11 voire 15 mètres
de hauteurs Dès lors, le passage de l’Atlantique au Pacifique n’est plus une question d’exploit, mais de survie ! Nulle part ailleurs au monde que dans cette partie de l’hémisphère Sud,
le vent ne peut exercer sa force sans retenue sur une étendue aussi vaste de mer (fetch) : c’est pourquoi le Cap Horn est craint, et réputé !
Alors, quand par une accalmie on peut s’approcher de l’anse encombrée d’algues laminaires qui permet d’accéder aux escaliers menant au phare, on se sent privilégié, et parfois
on s’en vante !
69
Christian Kempf