Clandestin-en-Un - Revue Onphi p.69 - 2009 - Xavier Pavie
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Philo-fictions, la revue des non-PhilosoPhies<br />
vivai<strong>en</strong>t comme des individus souverains de leur droit naturel avant<br />
même la « naissance des sociétés ». Mais, « dès qu’un homme et une<br />
femme sauvages ont vécu quelque temps <strong>en</strong>semble, il faut agrandir la<br />
hutte ». Etant donné le péril naturel de la biologie sur la<br />
démographie, le bon sauvage put s’apercevoir juste à temps qu’une<br />
multitude des hommes primitifs comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à peupler la terre<br />
« jusqu’aux dernières bornes des déserts les moins habités », sans<br />
qu’aucun contrat social n’ait pu régler ses affaires. « Pour prév<strong>en</strong>ir<br />
cet inconvéni<strong>en</strong>t monstrueux », les hommes sauvages se sont<br />
repoussés les uns les autres sur toute la planète p<strong>en</strong>dant des<br />
« siècles », et l’on a su sout<strong>en</strong>ir jusqu´à la limite du possible la<br />
légitimité absolue de « l’état de nature». Mais à l’aube d’un jour<br />
imprécis, un homme de la souche révolutionnaire des « novateurs<br />
turbul<strong>en</strong>ts » a décidé, sans motif suffisamm<strong>en</strong>t clair ou distinct et<br />
voulant « changer uniquem<strong>en</strong>t pour changer », de convier tous les<br />
hommes naturels « de l’univers » à la première assemblée<br />
constituante de la société, laquelle était c<strong>en</strong>sée instaurer le premier<br />
« contrat ». Cela a eu lieu, parait-il, sur « un petit îlot marécageux<br />
formé par une rivière qui est dev<strong>en</strong>ue par la suite extrêmem<strong>en</strong>t<br />
célèbre », puisqu’elle s’est révélé être, contre la simple tradition<br />
philosophique des Hellènes, la crèche du « philosophisme » constitutif<br />
et démesuré des sociétés modernes. Lorsque tout était prêt pour<br />
comm<strong>en</strong>cer la première grande discussion qui donnerait naissance à<br />
l’Histoire — suit la narration maistri<strong>en</strong>ne — tous étai<strong>en</strong>t réjouis<br />
d’<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre un si important débat, instaurateur du nouveau<br />
régime civil. Mais, faute de ne pas être suffisamm<strong>en</strong>t prévoyants, ces<br />
hommes primitifs se sont aperçu avec une « confusion horrible » que<br />
l’on n’avait <strong>en</strong>core pas inv<strong>en</strong>té la « parole ». Cette première<br />
constatation est v<strong>en</strong>ue d’une « motion d’ordre » inopinée par un<br />
membre très critique et schématique, récemm<strong>en</strong>t réveillé du sommeil<br />
dogmatique de la vie naturelle : « Messieurs, dit-il, j’ai lieu de<br />
m’étonner que, par une synthèse téméraire et de raisonnem<strong>en</strong>ts a<br />
priori tout à fait intempestifs, vous ayez imaginé d’instaurer la<br />
société avant d’avoir p<strong>en</strong>sé aux moy<strong>en</strong>s de l’utiliser. Je vais soulever<br />
une difficulté qui pourra vous effrayer ; mais le danger est si<br />
conséqu<strong>en</strong>t qu’il m’est impossible de vous ri<strong>en</strong> cacher. Croyez-moi,<br />
Messieurs, il y a de l’av<strong>en</strong>ir dans ce que je vais vous dire. L’état<br />
social, bon sous certains rapports, ne vous dégradera pas moins sous<br />
d’autres, <strong>en</strong> vous mettant dans la nécessité presque habituelle de<br />
p<strong>en</strong>ser. Or la p<strong>en</strong>sée n’est qu’une perpétuelle analyse, et il n’y a<br />
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<strong>Clandestin</strong>ité, une ouverture