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[ BILLET D’HUMEUR ] www.vivelaforme.<strong>com</strong><br />
Par Franck Koutchinsky<br />
Lorsque l’emploi ploie<br />
sous les contraintes et les contradicons<br />
Franck Koutchinsky<br />
Président du groupe Club<br />
Montmartrois, Club M.<br />
Alors que notre pays dépasse les<br />
trois millions de demandeurs<br />
d’emploi (locution pudique pour<br />
ne pas dire chômeur), jamais nos<br />
métiers n’ont proposé autant de possibilités<br />
de travail. Les postes et fonctions peuvent<br />
y être très divers: enseignants ou coachs<br />
bien sûr, mais aussi <strong>com</strong>merciaux,<br />
responsables d’équipe, agents d’entretien<br />
chargés des clubs ou de la maintenance<br />
des équipements, formateurs, directeurs de<br />
centre, sans <strong>com</strong>pter des emplois indirects<br />
chez les sous traitants : <strong>com</strong>ptables,<br />
<strong>com</strong>merciaux en équipements, agents de<br />
maintenance SAV, <strong>com</strong>munication, etc.<br />
Tous ces emplois, nous pouvons en être<br />
fiers, ne peuvent, en aucun cas, être<br />
délocalisés, et chacune de nos actions fait<br />
tourner à plein l’économie française.<br />
Peu de secteurs peuvent en dire autant !<br />
Aussi, est-il légitime de s’interroger sur les<br />
fondamentaux de cette dynamique.<br />
Mais, petite question préalable : <strong>com</strong>ment<br />
nomme-t-on, en anglais, un emploi ? Il<br />
n’existe qu’un seul terme : Job ! Et en<br />
français ? Cherchons ensemble : emploi<br />
bien sûr, mais aussi métier, travail, CDI, CDD,<br />
fonction, profession, charge, place, poste,<br />
attribution, boulot, gagne-pain, activité,<br />
situation, turbin, occupation, rôle, contrat,<br />
cachet… Ah, les belles nuances de la langue<br />
française ! Mais, s’il faut en français plus de<br />
vingt mots pour définir le fait de travailler,<br />
ceci est aussi révélateur de notre lien au<br />
travail dans toutes ses variantes.<br />
Quoi de <strong>com</strong>mun entre une personne<br />
motivée, qui s’engage dans son travail, et<br />
une personne passive à son poste, absente<br />
bien que présente ? Elles ont juste un job,<br />
mais l’une l’exerce très différemment de<br />
l’autre. A l’inverse, le fait de disposer d’une<br />
pléthore de termes ou d’expressions peut<br />
laisser croire que l’on s’autorise à varier son<br />
engagement. Heureusement, nos métiers,<br />
faits d’enthousiasme, de dynamisme et de<br />
motivation nous permettent vite de détecter<br />
les <strong>com</strong>portements non appropriés et de<br />
tenter d’y remédier. Encore faut-il que la<br />
législation fiscale et sociale le permette.<br />
Prenons exemple sur le métier de coach.<br />
Celui-ci a considérablement évolué depuis<br />
dix ans. Naguère cantonné à montrer des<br />
exercices à des débutants et à surveiller les<br />
plateaux au sein de nos clubs, cette fonction<br />
s’est muée en véritable conseiller-santé-<br />
forme. Le statut juridique a suivi la motivation<br />
professionnelle. Si, il y a dix ans, le statut<br />
de salarié y était largement majoritaire,<br />
celui-ci est devenu, aujourd’hui impossible<br />
à réaliser par tous les intervenants de cette<br />
prestation de services : membre, coach et<br />
club.<br />
Prenons l’exemple d’une heure de coaching<br />
à 50u (tarif moyen maxi accepté par les<br />
membres). Si le membre règle directement<br />
cette prestation au club, ce dernier, assujetti<br />
à la TVA à 19,6%, se voit amputé de 8u20 ;<br />
Il reste donc 41u80 pour salarier le coach.<br />
Avec un taux horaire brut à 20u, le coût du<br />
salaire et des charges s’élèvera à plus de<br />
30u et le club gardera moins de 10u pour<br />
assurer ses frais et la gestion du système.<br />
Quant au coach, après déduction de ses<br />
charges salariales il lui restera environ 15u<br />
et quelques centimes. CQFD ou <strong>com</strong>ment, à<br />
partir de 50u payé par un client, le coach n’en<br />
perçoit légalement que 15u ! Quel club peut,<br />
ainsi, espérer motiver ses coachs ? Ou, pour<br />
poser la question autrement : <strong>com</strong>ment, par<br />
la magie de la législation fiscale et sociale,<br />
décourager des personnes de travailler, en<br />
ne leur versant qu’à peine le tiers du fruit de<br />
leur travail?<br />
En écrivant ces lignes une image – certes,<br />
un peu forte – me vient à l’esprit : celle<br />
de la collectivisation des terres pendant la<br />
révolution russe qui entraina la famine de<br />
tout un peuple. Nous n’en sommes pas là,<br />
mais à toute proportion gardée, notons que<br />
la confiscation de plus de 2/3 d’une recette<br />
ne permet à personne d’être motivé et<br />
encouragé.<br />
Notons aussi que les enseignants de<br />
golf ou de tennis, par exemple, dont les<br />
prestations individuelles reviennent au<br />
même taux horaire, optent tous pour un<br />
statut de travailleur indépendant ou d’auto<br />
entrepreneur, en toute conformité avec la<br />
législation, et surtout, avec la nature même<br />
de cette activité. Ce qui convient ici pour<br />
[ 54 ]<br />
d’autres éducateurs sportifs doit aussi<br />
devenir la norme dans nos métiers.<br />
Le débat sur la <strong>com</strong>pétitivité des entreprises<br />
françaises a fait progresser la prise de<br />
conscience du très fort taux de charges<br />
sociales qui pèsent sur les entreprises.<br />
Dans un secteur économique où l’emploi<br />
ne peut, en aucun cas, être délocalisé,<br />
le poids de ces charges devient un frein<br />
à l’embauche. L’exemple des allocations<br />
familiales financées par un prélèvement<br />
sur les seuls salaires depuis l’après guerre<br />
constitue un bel exemple de conservatisme<br />
social qui traverse notre pays. Or, il n’y a<br />
plus, à ce jour, la moindre justification à faire<br />
financer ce système (pourtant nécessaire<br />
à la politique familiale et constitutif d’un<br />
consensus national) par un prélèvement sur<br />
les salaires, <strong>com</strong>me c’était le cas après la<br />
seconde guerre mondiale, lorsqu’il y avait<br />
le plein emploi et un pays à reconstruire !<br />
Ou quand le conservatisme se meut en<br />
archaïsme.<br />
Depuis plusieurs mois, les fermetures<br />
d’usines et de sites industriels se succèdent<br />
à un rythme record et les plans sociaux<br />
anéantissent la vie de dizaine de milliers<br />
de familles. Mais, qu’est-il fait pour les<br />
créateurs d’emploi ? A part le « crédit<br />
impôt recherche » et « banque publique<br />
d’investissement » qui ne nous concernent<br />
pas (mais constituent de beaux exemples<br />
de langue de bois pour Ministres en mal de<br />
réponse !) les mesures restent invisibles.<br />
Alors préparons-nous à voir se développer<br />
davantage des clubs sans personnel :<br />
inscription par internet, ouvertures de portes<br />
automatiques, cours sur grands écrans<br />
vidéo, coaching par borne interactive…<br />
A quoi bon, alors, continuer à financer, sur<br />
fonds publics, des BPJEPS, par exemple,<br />
si les contraintes à l’emploi demeurent si<br />
lourdes ?<br />
Nul ne peut, en ce début d’année, prédire<br />
l’avenir économique, mais un élément<br />
rassemble les économistes de toutes<br />
tendances : le chômage continuera de<br />
croître dans notre pays, ce qui ne sera<br />
pas forcément le cas dans d’autres pays<br />
industrialisés.<br />
Les crises constituent parfois des moments<br />
privilégiés pour changer les habitudes, les<br />
dogmes, et les inepties : CHICHE !<br />
Bonne Année à TOUS.