Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

câlines… » Soudain, il le vit trébucher sur un buisson,
toussant, suffoquant, éructant…
— N’approche pas ; je n’ai plus l’habitude… La garce
d’indigène m’a foutu du poison… Il faut toujours se méfier
des bandes à Sun-Ya-Tsen.
Fouquet s’appliquait à soutenir cette tête hérissée de
poils gris dont le calibre impressionnant ajoutait à son
désarroi. L’incident lui rendait un peu de jugement et il
pensait qu’au même instant, il aurait pu arriver à Paris
avec son enfant, la conscience à peu près nette, au lieu de
prodiguer des encouragements dans le vent d’automne à
un vieux défroqué qui ne supportait plus la débauche et
dont l’autorité de surface les lâchait en rase campagne.
Quentin ne fut pas sans deviner cette évolution et se hâta
d’affirmer qu’il se sentait plus d’attaque que jamais, mais
il était furieux contre lui-même et, en arrivant aux
premières maisons du bourg, il piqua droit chez Esnault :
— C’est bien joli de se bagarrer avec les voitures, mais
moi je n’ai pas eu mon compte, figure-toi.
L’heure du dîner était passée et quelques
consommateurs revenaient pour la belote du samedi ou
attendaient leurs femmes parties au cinéma. La grosse
Simone les aperçut la première : le vieux avec son veston
maculé, le mufle en avant, les jambes arquées, et le jeune
qui s’avançait dans son ombre avec un sourire aux lèvres.
Sans s’attacher à la surprise des comparses, Quentin, plus
massif qu’une armoire, traversa le café d’une démarche
mécanique et dit :
— Calvados.