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3. La cérémonie<br />
Lolya et ses guerriers vivaient au château de Berrion depuis<br />
bientôt une semaine. La délégation des Dogons s’était bien<br />
adaptée aux nouvelles coutumes de ce lointain pays, mais leur<br />
présence alimentait les rumeurs et les ragots dans la ville. Les<br />
habitants, n’ayant jamais rencontré jusque-là d’hommes à la<br />
peau noire, y allaient de calomnies et d’histoires<br />
abracadabrantes à leur sujet. On se méfiait d’eux, et leurs<br />
peintures de guerre faisaient grande impression. Les plus étroits<br />
d’esprit racontaient qu’ils étaient des diables envoyés sur la<br />
Terre pour s’emparer de leur ville. Les feux des enfers les<br />
avaient calcinés en leur laissant la couleur de la suie comme<br />
marque distinctive.<br />
Junos avait pourtant dépêché son crieur public pour avertir<br />
ses sujets de la présence de prestigieux invités. Il avait<br />
également ordonné à sa population, toujours par la voix de cet<br />
émissaire, de traiter dignement ces étranges guerriers. Mais<br />
comme il est encore plus difficile d’ouvrir un esprit obtus qu’une<br />
forteresse lourdement défendue, peu de gens avaient tenu<br />
compte de ce message. Les femmes interdisaient à leurs enfants<br />
de quitter la maison. Les hommes se rencontraient dans les<br />
tavernes afin d’échafauder des plans d’expulsion.<br />
Percevant cette aversion au cours de leurs promenades dans<br />
Berrion, les Dogons décidèrent de rester au château. Cette<br />
décision amplifia les bavardages et, dans toutes les rues, dans<br />
toutes les maisons et sur la place du marché, on disait<br />
maintenant que ces hommes gouvernaient secrètement la ville.<br />
On racontait aussi que le seigneur Junos, envoûté par leur<br />
puissante magie, avait signé un pacte avec les dieux du mal afin<br />
que périssent tous ses sujets. Pour empêcher l’escalade de la<br />
peur collective, Junos devait se promener chaque jour dans la<br />
cité pour rassurer ses citoyens. Chacune de ses paroles d’amitié<br />
avec les Dogons était interprétée à contresens. Le représentant<br />
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