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écrire ce roman, mais je peux dire de façon candide que quand j’avais une<br />
panne de merveilleux, j’allais sur YouTube pour regarder des clips de Bruce<br />
<strong>Le</strong>e. Il est mon modèle, mon amour de jeunesse, une icône de beauté. »<br />
La romancière a toujours eu un faible pour les films de kung-fu où il est normal<br />
que les gens volent ou avalent un sabre, mais Bruce <strong>Le</strong>e l’a aussi inspirée pour<br />
célébrer l’homme asiatique, trop longtemps méprisé par les Occidentaux :<br />
« Décrire un homme beau a été le plus difficile. J’ai passé des semaines à<br />
réécrire la description de Li. Je voulais rendre hommage à la beauté des<br />
hommes asiatiques, qui ont toujours été les vilains dans notre mythologie. Dans<br />
les films de Hollywood, l’homme asiatique séduisant est toujours méchant,<br />
comme une incarnation du mal, du diable, d’une tentation étrangère à nous. Je<br />
voulais faire avec le personnage de Li un véritable empereur. »<br />
Sylvie, cette Québécois de retour de Chine, entretient aussi un culte pour la<br />
beauté et sa boutique d’antiquités chinoises lui fait faire des découvertes<br />
étonnantes, notamment des écritures chinoises dissimulées derrière le mur de<br />
plâtre du local qu’elle vient d’acheter. Cette trouvaille lance l’héroïne sur la<br />
trace des anciens propriétaires de ce qui s’avère avoir été une blanchisserie<br />
tenue par des Chinois. « Dragonville part d’une anecdote. Au Salon du livre de<br />
Sherbrooke en 2009, j’ai trouvé un petit livre de photos sur l’histoire de Magog<br />
avec un article de journal annonçant la fermeture de la buanderie C. <strong>Le</strong>e<br />
Brothers. J’en ai parlé à plusieurs aînés, mais personne n’avait souvenir de ces<br />
Chinois de Magog. De là m’est venue l’idée d’imaginer qui pouvait être <strong>Le</strong>e et<br />
d’installer quelqu’un dans l’ancienne buanderie en 2010. »<br />
Devenir libre<br />
La rencontre entre l’Orient et l’Occident se trouve donc au centre de ce roman<br />
où s’entrechoquent les cultures et les époques, mais où se tisse également un<br />
fil invisible entre les mondes. Porcelaine raconte le retour d’exil de Sylvie, qui<br />
débarque au Québec après avoir distillé sa vie aux bras d’un amant chinois et<br />
perdu sa mère, atteinte d’Alzheimer : « C’est l’histoire d’une réappropriation.<br />
Quand on a été ailleurs longtemps, on revient peut-être mieux placé pour voir<br />
l’horrible ou le merveilleux. Sylvie revient sans attache et découvre un Québec<br />
qui a changé. » Michèle Plomer a elle-même vécu ce retour d’exil, après avoir<br />
séjourné sur cet Empire du Milieu qui la fascine encore : « La Chine est arrivée<br />
dans un moment où j’en avais vraiment besoin. D’où mon intérêt pour ces<br />
témoignages de femmes qui reviennent fortifiées par l’exil et par la liberté<br />
qu’on a quand on est ailleurs. On devient libre. Toutes nos constructions, nos<br />
édifices peuvent tomber. »<br />
Porcelaine parle de déracinement, de retour au pays, mais l’auteure rend également<br />
un vibrant hommage à la culture raffinée de la Chine et à son goût marqué<br />
pour le commerce. <strong>Le</strong> titre fait d’ailleurs référence à cette matière fragile qui<br />
a aussi été au centre d’un commerce mondial. « C’est assez extraordinaire de<br />
penser qu’on a meublé tous les garde-manger de l’Occident avec des assiettes<br />
chinoises de porcelaine à une époque et qu’elles ne se cassaient pas durant le<br />
voyage. Je voulais rendre compte de la gloire marchande de Hong Kong, qui<br />
n’a rien d’ignoble pour les Chinois », explique l’auteure estrienne.<br />
À tous ceux qui mordront à ce joli roman d’aventures plein de délicatesse et<br />
de sensualité orientale, il faudra soutenir l’attente des prochains tomes pour<br />
connaître le dénouement des multiples mystères sur lesquels Porcelaine se<br />
referme. De quoi rêver et partir en voyage sur le dos d’un dragon...<br />
PORCELAINE.<br />
DRAGONVILLE (T. 1)<br />
Michèle Plomer<br />
Marchand de feuilles<br />
320 p. | 24,95$<br />
En librairie le 18 février 2011<br />
LES CHOIX DE LA RÉDACTION<br />
littérature québécoise<br />
Puisqu’on vous présente dans le présent numéro un dossier spécial sur la littérature<br />
en région, on ne pouvait passer à côté de la fameuse collection « Contes,<br />
légendes et récits du Québec » publiée aux éditions Trois-Pistoles. <strong>Le</strong>s deux plus<br />
récents tomes présentent ainsi des récits de Lanaudière et des Îles-de-la-<br />
Madeleine, accompagnés d’images d’archives, en couleurs, illustrant l’histoire de<br />
ces coins de pays. Dans Contes, légendes et récits de Lanaudière,<br />
Réjean Olivier a rassemblé des textes mettant en scène des<br />
réfugiés acadiens et des seigneurs<br />
CONTES, LÉGENDES ET<br />
RÉCITS DE LANAUDIÈRE<br />
Réjean Olivier<br />
Trois-Pistoles<br />
664 p. | 74,95$<br />
anglais dans ce lieu privilégié du<br />
patrimoine québécois. Une antho -<br />
logie exhaustive qui fait de cet<br />
ouvrage un objet de collection.<br />
« Où trouver le bonheur alors que sa vie n’est pas menacée? » Dans <strong>Le</strong>s enfants moroses,<br />
Aude, Christophe, Camille, Sarah et d’autres, pris au piège de la monotonie assommante<br />
du quotidien, s’abandonnent à leur ennui. <strong>Le</strong>s personnages qui peuplent ce recueil<br />
d’instantanés semblent avoir perdu le goût de s’ébattre. Ils constatent ni plus ni moins,<br />
au fil des histoires, la constance de leurs vies marquées ça et là de brèves manifestations<br />
de lucidité. Si les titres des nouvelles rappellent parfois les fables<br />
pour enfants (« La poupée de Sarah »,<br />
« Audrey apprend à recycler », « Conte de<br />
LES ENFANTS<br />
MOROSES<br />
Fannie Loiselle<br />
Marchand de feuilles<br />
156 p. | 19,95$<br />
Noël »), ici, pas de bons sentiments ni<br />
d’heureux dénouements. On a plutôt affaire<br />
à un premier livre à la mélancolie finement<br />
et froidement narrée.<br />
Dans L’Été 80 (Éditions de Minuit), Marguerite Duras relatait, en parallèle de ses<br />
articles publiés dans le journal Libération, sa rencontre avec Yann Andréa, un jeune<br />
étudiant qui deviendra après des années de correspondance son amant jusqu’à sa<br />
mort. Serge Fisette reprend l’anecdote dans Un été par la suite en entreprenant un<br />
échange épistolaire fictif avec ce même Yann Andréa afin de poursuivre l’aventure<br />
littéraire. Même si la longue missive que signe Fisette ne<br />
parviendra jamais au dernier compagnon de Duras, le geste<br />
poétique captive. Il ne s’agit au fond<br />
que d’un prétexte pour parler de<br />
UN ÉTÉ PAR LA SUITE<br />
Serge Fisette<br />
<strong>Le</strong>s heures bleues<br />
98 p. | 19,95$<br />
création littéraire et avant tout d’elle,<br />
la grande dame de lettres qui a dit un<br />
jour : « Écrire, c’est aussi ne pas parler.<br />
C’est se taire, c’est hurler sans bruit. »<br />
Nombreux sont les auteurs qui ont tenté, au cours de leur carrière, d’emprunter la voix<br />
d’un narrateur enfant ou adolescent, et ce, avec plus ou moins de succès. Ce n’est pas<br />
le cas de Marie Clark, qui maîtrise au contraire fort bien le langage un peu mâché de<br />
son Benjamin, un jeune garçon passionné de jeux vidéo qui découvre un jour le cadavre<br />
de sa meilleure amie. Dès lors, Benjamin réalisera que la mort n’est pas comme dans<br />
ces jeux qu’il aime tant. La frontière entre la réalité et la vie virtuelle se fait mince, alors<br />
que l’adolescent cherche à comprendre ce qui<br />
a bien pu arriver à sa camarade. Voilà un court<br />
MÉMOIRES<br />
D’OUTRE-WEB<br />
Marie Clark<br />
Hurtubise<br />
140 p. | 19,95$<br />
roman bien de son temps qui nous ramène<br />
sur terre!<br />
LE LIBRAIRE • FÉVRIER - MARS 2011 • 17