RETOUR DU FROID : LE BOSPHORE GELÉ Après une certaine ...
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iiiiiuii <strong>LE</strong> 14 AVRIL 1929 ii»ii"iii"inuniuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin luiimiitiiiiii iiiiiu ~ 7 n ■■iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiirk l iiiiiiiiMii»iiHniiiiimiiiiiiniiii!iiii DIMANCHE-ILLUSTRÉ<br />
Enfin, je l'ai trouvée<br />
!<br />
Je l'expose ici, en<br />
détail, vous révélant<br />
mon fameux truc, qui<br />
émerveilla tout lemonde,<br />
bien qu'en réalité<br />
il soit d'<strong>une</strong> simplicité<br />
enfantine. Et,<br />
comme d'autre part,<br />
je n'ai plus l'intention<br />
d^avaler des vipères<br />
vivantes, peu m'importe<br />
si quelqu'un de<br />
vous emploie mon secret<br />
à son profit; je ne<br />
crains plus la concurrence.<br />
Je vous cède<br />
mon « truc » à titre<br />
gratuit, renonçant<br />
même aux droits de<br />
propriété que me confère<br />
la loi.<br />
La nécessité d'avaler<br />
des vipères naissait<br />
du besoin de gagner de<br />
l'argent. Or je devrais<br />
exécuter ce tour devant<br />
un public qui<br />
paierait. Pour que l'opération<br />
soit impressionnante,<br />
ilfallait que<br />
le spectateur vit bien<br />
que le serpent que j'avalais<br />
était vraiment<br />
un serpent vivant, de<br />
plus, qu'il était venimeux,<br />
qu'il pouvait<br />
mordre, et, par conséquent,<br />
provoquer sur<br />
moi, le sujet, <strong>une</strong> grande<br />
souffrance, voire même<br />
la mort. Pour le spectateur,<br />
mon geste devait<br />
être un geste de<br />
témérité, de folie, <strong>une</strong><br />
tentative de suicide.<br />
Seulement ainsi je<br />
pourrais forcer le. succès.<br />
Cependant, après<br />
avoir persuadé le public<br />
de tout ceci, il me<br />
faudrait encore, sans<br />
qu'ons'aperçût dumanège,<br />
mettre' mon reptile<br />
dans l'impossibilité<br />
de mordre. <strong>Après</strong><br />
quoi, j'avalerais la<br />
vipère tout connne j ' avalais<br />
les macaronis.<br />
Pour me préserver<br />
de la morsure fatale,<br />
j'imaginai un fin doigt de caoutchouc, —<br />
découpé dans un gant de chirurgien — dont<br />
je coifferais la tête de la vipère comme d'un<br />
capuchon, de telle sorte que le reptile se trouvant<br />
dans l'impossibilité d'ouvrir la gueule,<br />
il ne pouvait m mordre ni éjecter son venin.<br />
La difficulté, je le répète, était d'appliquer<br />
au serpent cette minuscule muselière sans que<br />
personne s'aperçût de mon manège. C'est ce<br />
que je réussis à obtenir avec <strong>une</strong> très grande<br />
habileté après <strong>une</strong> semaine d'exercices.<br />
Comme vous le voyez, mon idée était d'<strong>une</strong><br />
simplicité remarquable.<br />
J'allai donc trouver Basil Vladimirof, qui<br />
me félicita de ma persévérance et m'avança<br />
l'argent nécessaire a l'achat de quatre vipères<br />
et d'<strong>une</strong> bonne bouteille de fin cognac. Il y<br />
ajouta un tapis qui devait më servir d'arène<br />
et <strong>une</strong> "boîte de métal, avec un fond en forme<br />
de hanap, dans laquelle je jetterais l'obole des<br />
Spectateurs.<br />
Et me voilà avaleur de vipères.<br />
JE ne vous raconterai pas mes débuts ; ce<br />
serait d'<strong>une</strong> coquetterie de bateleur et<br />
non d'un véritable avaleur de vipères.<br />
Surtout que le jour où je donnai ma première<br />
représentation, place de la Bastille, je n'eus<br />
la moindre émotion, ou, pour employer un<br />
terme consacré, le moindre trac. Bien au<br />
contraire, j'avais <strong>une</strong> faim si dévorante que<br />
j'aurais avalé même un boa constrictor.<br />
L'opération s'était déroulée plus facilement<br />
que je ne m'y attendais, et dans la boîte métallique<br />
j'avais ramassé plus de 40 francs, premier<br />
argent que je gagnais à Paris.<br />
Dès lors, j'avalai chaque jour deux vipères,<br />
<strong>une</strong> le matin, l'autre l'après-midi, changeant<br />
toujours de place, pour ne pas banaliser mon<br />
« truc » dans un seul quartier. C'était mon apéritif.<br />
Chaque fois, je gagnais au moins 30 fr. ;<br />
car je n'avalais pas le reptile avant que ma<br />
collecte publique m'ait rapporté cette somme.<br />
Mon histoire étant véridique et exacte dans<br />
ses moindres détails, je me permets de vous<br />
citer quelques chiffres.<br />
Chaque jour ainsi, j'empochais 60 francs,<br />
sur lesquels j'en prélevais 18, à savoir : 6 fr. 30<br />
de cognac et 11 fr. 70 de vipères (couramment<br />
on les vendait 6 francs, mais j'avais un<br />
escompte de 2 fr. 50 %, parce que j'achetais<br />
en gros, c'est-à-dire à la douzaine). Restaient<br />
encore au moins 40 francs, qui suffisaient à<br />
faire vivre, à Paris, un homme de ma trempe.<br />
Je ne compte pas les capuchons de caoutchouc,<br />
— dont je vous ai parlé, — leur prix<br />
ne dépassant même pas deux centimes chaque.<br />
Et les choses allaient de mieux en mieux.<br />
J'avais mis quelque argent de côté et je rêvais<br />
déjà du temps où je vivrais en spéculant sur le<br />
travail d'autrui, grâce au capital que j'aurais<br />
amassé.<br />
Mais la malchance me guettait.<br />