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La Cerisaie - Odéon Théâtre de l'Europe

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JOURNAL D’ UNE MISE EN SCÈNE ( SUITE)<br />

Le jardin s’est précisé comme image. Ce jardin qui doit et ne doit pas exister, qui doit se trouver sur l’avant<br />

<strong>de</strong> la scène et qui, en janvier, n’était qu’une sensation, ce jardin est en train <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir quelque<br />

chose. Luciano a proposé une « chose en haut » qui entre dans l’espace <strong>de</strong>s spectateurs, mais « par<br />

en haut ». sur cette idée qui n’est pas encore une image, nous avons travaillé et nous sommes arrivés<br />

à la décision <strong>de</strong> tenter pour le « jardin » une « coupole » légère, en tissu : pas un voile, quelque chose<br />

d’autre, qui peut palpiter, qui est transparent, qui monte au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’orchestre, dans sa lumière, son<br />

mouvement, sa couleur, et qui s’avance sur scène comme un plafond idéal qui prolonge celui, invisible,<br />

d’une maison. L’image n’est pas encore nette, seule l’épreuve pratique pourra nous donner la mesure<br />

<strong>de</strong> son pouvoir évocateur-plastique-poétique.<br />

Je crois que cette apparence non symbolique, puisqu’il s’agit <strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong> réel, cette lumièreatmosphère<br />

qui varie au cours <strong>de</strong> la pièce, ce frémissement d’un ciel théâtral, avec <strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> papier<br />

fin qui bruissent dans un son « transposé » et d’autres effets imprévisibles, peuvent rendre concrètement<br />

cette incroyable cerisaie <strong>de</strong> Tchekhov mieux que ne le ferait toute autre invention théâtrale, ou son<br />

absence, par feint attachement à la « sobriété » ou au « dépouillement ».<br />

Ce n’est pas tout : le décor lui-même est arrivé à définir cet espace blanc imaginé par Tchekhov dans<br />

sa lettre <strong>de</strong> Yalta du 5 octobre. Dans cette lettre, il y a une incroyable concentration du « temps » : il<br />

parle d’un jardin estival blanc, tout blanc, et <strong>de</strong> dames habillées <strong>de</strong> blanc. Un instant après il ajoute : «<br />

Dehors il neige ». Extraordinaire, cette image double d’été et d’hiver construite sur du blanc. Cette éternelle<br />

blancheur du jardin sous les fleurs blanches du printemps et sous la neige <strong>de</strong> l’hiver. J’ai ainsi la<br />

certitu<strong>de</strong> que <strong>La</strong> <strong>Cerisaie</strong> a pris naissance dans l’esprit <strong>de</strong> Tchekhov comme éclair blanc, lancinant, une<br />

blancheur « sans saison ».<br />

Giorgio STREHLER<br />

Notes <strong>de</strong> travail pries en 1974 au cours <strong>de</strong>s répétitions <strong>de</strong> sa secon<strong>de</strong> <strong>Cerisaie</strong>,<br />

in : Un <strong>Théâtre</strong> pour la vie, Paris, Fayard, 1980.<br />

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